12/10/2025
Je ne peux pas vous dire ce que c’est que cette nouvelle faveur, car, s’il faut se livrer à la reconnaissance, il ne faut pas se livrer à la vanité
... Il semblerait bien que M. Lecornu, premier ministre soit animé de ces bons sentiments , ce qui n'est pas le cas de ceux/celles qu'il doit choisir pour gouverner .
La mauvaise foi et les coups bas sont toujours d'actualité chez les opposants systématiques qui veulent être les chefs sur leurs tas de fumier , et c'est à qui aura le plus gros . Tous ces aigrefins s'imaginent puissants et majoritaires, et sont assez niais pour ne s'allier avec personne . On n'est pas sorti du foutoir !
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
5è mai 1770 à Ferney 1
Je suis un ingrat, madame, indigne de vous et de votre grand-maman. Je ne mérite pas de voir le jour, aussi je ne le vois guère, car il tombe encore de la neige chez moi au cinq de mai 2.
Figurez-vous, madame, que lorsque j’appelais votre grand’maman inconstante, volage, cruelle 3, elle me comblait tout doucement de bontés ; elle les a poussées non-seulement jusqu’à protéger mes horlogers, mais jusqu’à protéger aussi mon sculpteur 4. Je ne peux pas vous dire ce que c’est que cette nouvelle faveur, car, s’il faut se livrer à la reconnaissance, il ne faut pas se livrer à la vanité. Je ne sais si elle a dans le moment présent beaucoup de temps à elle ; mais en avez-vous, madame, vous qui, malgré votre état de recueillement, passez votre vie à courir ?
Je vous envoie l’article « Âme »5, que vous pourrez jeter dans le feu s’il ne vous plaît pas. Votre grand-maman vous dira, si elle le veut, ce que c’est que sa jolie âme . Pour moi, je n’ai jamais su comment cet être-là était fait, et vous verrez que je le sais moins que jamais.
Si vous voulez apprendre à ignorer, je suis votre homme. Je n’écris qu’à vous, et point à votre grand-maman, car je suis honteux devant elle.
J’aurai pourtant, je crois, dans quelques jours, une grâce à lui demander ; mais il me sera impossible d’avoir cette hardiesse après mes injustices. Voici le fait .
Avant que les jésuites fussent devenus gens du monde, ils avaient un établissement à ma porte pour convertir les huguenots. Ils venaient d’arrondir leur domaine en achetant à vil prix le bien de neuf gentilshommes 6, sept frères et deux sœurs ; sept étaient mineurs, et tous étaient ruinés. Tous les frères étaient au service du roi. Le plus jeune avait treize ans, et le plus vieux en avait vingt-cinq. Le procureur des jésuites, le plus grand fripon que j’aie jamais connu, obtint une pancarte du conseil pour s’emparer à jamais du bien de ces pauvres enfants. Ils vinrent me trouver je me fis leur don Quichotte . Ils rentrèrent dans leur bien, et j’eus le plaisir d’attraper les jésuites avant qu’ils fussent chassés. Je n’ai jamais eu en ma vie tant de satisfaction. L’aîné des sept frères a une grâce à demander, et il va même à Versailles dans le temps des fêtes.
Ce n’est point à M. l’abbé Terray qu’il demandera cette grâce, car il ne s’agit point d’argent, et monsieur l’abbé le jette par les fenêtres . En un mot, je ne sais ce que c’est que cette grâce, et je ne prendrai certainement pas la liberté de la demander à votre grand’maman. Vous lui en parlerez si vous voulez, madame ; mais, pour moi, Dieu m’en garde ! j’ai trop abusé de ses extrêmes bontés. Elle a encore en dernier lieu honoré de nouvelles faveurs mon gendre Dupuits. Il faut que je m’aille cacher, quand je pense à tout cela.
C’est à vous, madame, que je dois tous ces agréments qui se répandent sur les derniers jours de ma vie . C’est vous qui m’avez présenté à votre grand’maman, que je n’ai jamais eu le bonheur de contempler . C’est à vous que je dois son soulier et ses lettres : elle m’a fait capucin . Je luis dois tout. Puissiez-vous jouir longtemps des charmes de son amitié et de sa conversation !
Quand il y aura quelques articles de belles-lettres moins ennuyeux que ceux de métaphysique, j’aurai l’honneur de vous les envoyer. Il ne s’agit, dans ce monde, que d’attraper la fin de la journée sans douleur et sans ennui, et encore la chose est-elle difficile. Je suis à vous, madame, jusqu’à mon dernier souffle, avec le plus tendre respect et la plus inutile envie de vous faire encore ma cour.
Frère François. »
1 Original ; minute partiellement autographe ; éd. Kehl . Dans la marge de la troisième page de la minute, V* a écrit : « L'Escaut nord, la Seine nord-est, le Rhin du midi droit au nord de Bâle en Hollande, la Meuse au nord depuis sa source jusqu'aux terres inondées, la Garonne au nord de saint-Macaire à son embouchure, le Rhône droit du nord au midi, l'Elbe de Dessau à Magdebourg va droit au nord, puis au nord-ouest, la rivière [l'Oder] qui passe à Stetin droit au nord,Colberg idem, Moselle toujours au nord, le Lizonzo et toutes les R. golfe Adriatique de nord au midi, excepté le Pô, toutes celles qui se, jettent dans le Danube du midi au nord ou contre, l'Oder au nord-est, le Dnieper du nord au midi,le Vistule droit au nord depuis Thorn, le Guadalquivir droit au nord depuis Contellana, la Guadiana du nord au midi ». Il s'agit certainement de notes pour l'article « Fleuves » des Questions sur l'Encyclopédie .
2 On sait que l'édition de Kehl insère ici les vers de la lettre du 30 avril 1770 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/10/04/une-adorable-indifferente-faisant-du-bien-pour-son-plaisir-6565257.html
3 Voir lettre du 25 avril 1770 à Mme Du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/10/01/savez-vous-bien-qu-il-y-a-un-proverbe-qui-dit-que-les-taupes-6564847.html
4 C'est-à-dire en souscrivant pour la statue de Pigalle .
5 Dans les Questions sur l'Encyclopédie .
6 Deprez de Crassy : l’affaire remonte à 1754 ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome27.djvu/415 ; et http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome1.djvu/176
; mais, le plus souvent, Voltaire ne parle que de six frères, qui n'étaient que cinq .
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