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03/11/2012

pour saisir ce projet, il faut des hommes actifs, ingénieux, qui n'aient pas le préjugé grossier et dangereux du train ordinaire

... Actif, ingénieux, sans préjugé grossier :  je le suis  . Aussi vous parlerai-je du bidet ! Tout autant que Voltaire qui en était un partisan , et qui souligne dans sa lettre l'arrivée de son cousin , son petit cousin et leurs deux bidets .

Il est de coutume de dire qu'on ne prête ni sa femme ni son couteau (ni sa voiture ) , et au XVIIIè à chacun son bidet et les fesses seront bien (sauve)gardées .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bidet

http://www.liberation.fr/vous/0101150618-god-save-le-bidet-la-france-le-boude-il-est-du-dernier-cri-outre-manche

 http://clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2517

Bidet_1_pompadour.jpg

 Bidet de la Pompadour avec qui il était à cul et à toi !

Je ne me résigne pas à vous faire écouter "sur mon bidet", mais pourtant je ne vous épargne pas "adada" , Bourvil étant un homme et un artiste que j'aime : http://www.deezer.com/track/8010795

Et une de mes favorites : http://www.deezer.com/track/3132356


PS- Certains esprits chagrins me diront que Voltaire a plutôt pensé à deux haridelles sur lesquelles ont chevauché ses cousins, et non pas qu'ils faisaient suivre dans leurs bagages des meubles de grande nécessité ; eh ! bien qu'ils me le prouvent !

 

 

« A Marie-Elisabeth de DOMPIERRE de FONTAINE. et Philippe-Antoine CLARIS, marquis de FLORIAN

Aux Délices, 31 mai [1757] 1.

Je vous dirai d'abord, ma chère nièce, que vous avez une santé d'athlète, dont je vous fais de très-sincères compliments; et que si jamais votre vieux malingre d'oncle se porte aussi bien que vous, il viendra vous trouver à Hornoy, ensuite vous saurez que Mme Denis était chargée d'envoyer trois cents livres à Daumart 2, dans sa province du Maine, quand il a débarqué chez vous, lui, son fils, et deux bidets. Je vous prie de lui dire que je lui donnerai trois cents livres tous les ans, à commencer à la Saint-Jean prochaine. Je vous enverrai un mandat à cet effet sur M. Delaleu 3, ou vous pourrez avancer cet argent sur les revenus du pupille, et sur la rente qu'il me fait cela est à votre choix, j'ignore ce qui convient au jeune Daumart; je sais seulement que cent écus lui conviendront. Trouvez bon que je m'en tienne à cette disposition, que j'avais déjà faite.
Mme Denis embellit tellement le lac de Genève qu'il reste peu de chose pour les arrière-cousins. Quant à ma bâtarde de Fanime, son protecteur, M. d'ArgentaI, vous dira que je ne prétends pas que cette amoureuse créature se produise sitôt dans le monde. Mlle de Ponthieu 4 y fait un si grand rôle, et ses compagnes se présentent avec tant d'empressement, qu'il faut ne se pas prodiguer. Quand même la pièce vaudrait quelque chose, ce ne serait pas assez de donner du bon, il faut le donner dans le bon temps.
A vous maintenant, monsieur le capitaine des chariots de guerre de Cyrus 5. Vous pouvez être sûr que je n'ai jamais écrit de ma vie à M. le maréchal d'Estrées, et que, s'il a été instruit de notre invention guerrière, ce ne peut être que par le ministère. J'aurais souhaité, pour vous et pour la France, que mon petit char eût été employé, cela ne coûte presque point de frais; il faut peu d'hommes, peu de chevaux, le mauvais succès ne peut mettre le désordre dans une ligne; quand le canon ennemi fracasserait tous vos chariots, ce qui est bien difficile, qu'arriverait- il ? ils vous serviraient de rempart, ils embarrasseraient la marche de l'ennemi qui viendrait à vous. En un mot, cette machine peut faire beaucoup de bien, et ne peut faire aucun mal : je la regarde, après l'invention de la poudre, comme l'instrument le plus sûr de la victoire 6.
Mais, pour saisir ce projet, il faut des hommes actifs, ingénieux, qui n'aient pas le préjugé grossier et dangereux du train ordinaire. C'est en s'éloignant de la route commune, c'est en faisant porter le dîner et le souper de la cavalerie sur des chariots, avant qu'il y eût de l'herbe sur la terre, que le roi de Prusse a pénétré en Bohême par quatre endroits, et qu'il inspire la terreur. Soyez sûr que le maréchal de Saxe se serait servi de nos chars de guerre. Mais c'est trop parler d'engins destructeurs, pour un pédant tel que j'ai l'honneur de l'être.
On a imprimé dans Paris une thèse de médecine 7 où l'on traite notre Esculape-Tronchin de charlatan et de coupeur de bourse. Il y a répondu par une lettre au doyen de la faculté 8, digne d'un grand homme comme lui. Il y répond encore mieux par les cures surprenantes qu'il fait tous les jours.
Une jeune fille fort riche a été inoculée ici par des ignorants, et est morte. Le lendemain vingt femmes se sont fait inoculer sous la direction de Tronchin, et se portent bien.
Je vous embrasse tous du meilleur de mon cœur. »


1 En fait V* ne rentra aux Délices que le 3 juin ; a-t-il antidaté sa lettre pour que sa nièce lui réponde à cette adresse  ? .

2 Arrière-cousin maternel de Voltaire.

3 Notaire de V* à Paris .

4 Adèle, comtesse de Ponthieu, pièce de Pierre-Antoine de La Place, jouée le 28 avril 1757 ; voir lettre du 18 mai à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/30/titre-de-la-note.html

5 Le marquis de Florian .

6 On verra l'importance des chars (blindés) dans les guerres du XXè siècle .

7 Maximilien-Joseph Leys , de Saint-Omer, rue Poupée, au coin de la rue Hautefeuille : Utrum ab hygieine sola repetenda sit morborum prophylaxis ? Paris 14 avril 1757 .Voir, auf Deutsch, : http://digisrv-1.biblio.etc.tu-bs.de:8080/docportal/servlets/MCRFileNodeServlet/DocPortal_derivate_00007592/ediss.pdf;jsessionid=1E36842D37003C46301B4C28DA48EB49

8 Jacques-Bénigne Winslow était doyen d'âge en 1757 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-B%C3%A9nigne_Winslow

 

02/11/2012

je ne serai point surpris s'il arrive malheur à notre brillante armée, qui manque de pain

... Et bien qu'on lui donne de la brioche ! à cette grande muette, qui cependant, et je l'ai appris il y a peu, est en droit de voter après que les femmes ont eu ce même droit (n'y voyez aucun lien de cause à effet ) .

 T'as vu sa tronche ?

Demande une tranche pour voir  !

 t'en veux une tranche  t'as vu ma tronche0382.jpg

 

« A M. [Jean]-Robert TRONCHIN, banquier à Lyon

Monrion, 29 mai [1757]

Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit mon cher correspondant . Je vois que je ne serai instruit du sort de mon petit traité 1 avec l'Altesse électorale palatine qu'à la fin de juin cela sera plus commode pour les comptes. J'ai reçu aujourd'hui une lettre fort agréable de l'électeur, mais qui me renvoie pour les calculs à son Moras 2, et son Moras n'a point encore fini. Le roi de Prusse va un peu plus vite en besogne; on prétend qu'il administrera bientôt les finances de Vienne, comme celles de Saxe. J'augure assez mal de tout ceci, et je ne serai point surpris s'il arrive malheur à notre brillante armée, qui manque de pain.

Ma nièce et moi nous vous remercions et nous vous lutinons sans cesse . Faudra-t-il encore qu'après tous les envois dont vous avez eu la bonté de vous charger et surcharger on vous demande vos bons offices pour quatre feux de cheminée avec les petits agréments dorés et les pelles et les pincettes et les tenailles et les soufflets ? Belle commission !

Plus deux réchauds à brique, pour réchauffer nos ragoûts dans l'occasion .

Plus six livres de belle cire d'Espagne pour cacheter les petits billets qu'on vous écrira de Monrion et des Délices .

Vous avez sans doute eu la bonté de rembourser M. de La Tourette 3. Si vous avez quelque chose de nouveau sur mer ou sur terre ayez la charité d'en gratifier deux Suisses qui vous aiment de tout leur cœur .

V. »

 

01/11/2012

bientôt on verra les Prussiens se mesurer contre les Français.

... Angela, force de la nature, mâtinée tank, contre François aminci mais volontaire ! Quel match !

Je fais des voeux pour qu'une prompte réconciliation arrive . Comme dit Volti "S'il y a une bataille, il est à croire qu'elle sera bien meurtrière ", économiquement parlant , évidemment .

Retransmission -quasi en direct- du match !

je te tiens tu me tiens.jpgJe te tiens tu me tiens !

détourner l attention del adversaire.jpgÔ tu as vu l'oiseau !

 

tentative d étranglement.jpgTentative d'étranglement

 

j en ai jusque là.jpgJ'en ai jusque là !

 

on se calme.jpgOn se calme

 

faisons la paix.jpgFaisons la paix !

Happy end !


 

 

 

« A M. Louis-François-Armand du PLESSIS, maréchal duc de RICHELIEU.

A Monrion, 26 mai [1757].

Feu l'amiral Byng vous assure de ses respects, de sa reconnaissance, et de sa parfaite estime, il est très-sensible à votre procédé, et meurt consolé par la justice que lui rend un si généreux soldat, so generous a soldier 1; ce sont les propres mots dont il a chargé son exécuteur testamentaire; je les reçois dans le moment, en arrivant à Monrion, avec les pièces inutilement justificatives de cet infortuné.
C'est là, mon héros, tout ce que je puis vous dire de l'Angleterre, où les amis et les ennemis de l'amiral Byng rendent justice à votre mérite.
Je crois qu'on ne se doutait pas, en France, de la campagne à la Turenne que fait le roi de Prusse. Faire accroire aux Autrichiens qu'il demande des palissades, sous peine de l'honneur et de la vie, pour mettre Dresde hors d'insulte, entrer en Bohême par quatre côtés, à la même heure; disperser les troupes ennemies, s'emparer de leurs magasins; gagner une victoire signalée 2, sans laisser aux Autrichiens le temps de respirer ! vous avouerez, monseigneur, vous qui êtes du métier, que la belle campagne du maréchal de Turenne ne fut pas si belle. Je ne sais jusqu'à quel point de si rapides progrès pourront être poussés; mais on prétend qu'il envoie vingt mille hommes au duc de Cumberland, et que bientôt on verra les Prussiens se mesurer contre les Français. Tout ce que je sais, c'est qu'il en a toujours eu la plus forte envie. S'il y a une bataille, il est à croire qu'elle sera bien meurtrière.
Parmi tant de fracas, conservez votre bonne santé et votre humeur. Daignez, monseigneur, ne pas oublier les paisibles Suisses, et recevez avec votre bonté ordinaire les assurances de mon tendre et profond respect.

 

V. »

 

1 V* utilisera cet événement de l'exécution de Bing dans Candide chap. XXIII : http://www.personal.kent.edu/~rberrong/fr33337/candide23.htm

 

2 Celle du 6 mai ; le roi de Prusse gagne, en Bohème, a Ziscaberg, près de Prague, une bataille sur les Autrichiens, commandés par le maréchal comte de Brown , sous les ordres du prince Chartes de Lorraine .

 

 

 

 

La ville de Genève, qui n'a guère d'autre emploi que de gagner de l'argent et de faire des nouvelles

... Au point que je parierais volontiers qu'en jouant à colin-maillard en cette cosmopolite (et policée) ville   à la recherche non pas d'une partenaire en chair et en os, mais d'un partenaire qui banque, ou au pis d'une boutique de luxe, vous aurez peu de risque de vous tromper en toquant sur une vitrine au hasard . L'argent n'y a pas d'odeur , le blanchissage/blanchiment y est redoutablement efficace . Longue tradition genevoise en particulier et suisse en général .

Le seul vrai changement depuis le XVIIIè siècle est le jet d'eau de la rade .

jetd eau genève9078.JPG

 

« A madame Louise Dorothée von MEININGEN, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, 24 mai [1757].

Madame, je suis presque aussi malade qu'une armée autrichienne. Quand je surprends un petit moment de répit pour écrire à Votre Altesse sérénissime, je laisse la lettre sur ma table pour recevoir les ordonnances du docteur Tronchin, et puis je date tout de travers. Il n'en est pas ainsi de Mme la duchesse de Gotha. Les lettres dont elle m'honore arrivent avec exactitude, du jour de leur date. Elle est régulière dans les petites choses comme dans les grandes; je la remercie des relations dont elle a daigné me faire part.
La ville de Genève, qui n'a guère d'autre emploi que de gagner de l'argent et de faire des nouvelles, disait déjà que Prague était prise, et que les Prussiens allaient à Vienne. Peut- être tout cela est-il devenu vrai au moment que j'ai l'honneur d'écrire à Votre Altesse sérénissime peut-être aussi la perte des Autrichiens n'est pas aussi grande que le prétendent les vainqueurs ils disent que le prince Charles est dans Prague avec des forces suffisantes, et que le maréchal de Brawn 1, blessé légèrement, a rassemblé le reste de l'armée. Ce seront les suites de la victoire qui la rendront plus ou moins complète. J'imagine qu'un gourmand qui voudrait faire bonne chère ne devrait pas aller
dîner à présent à l'armée autrichienne.
Nous avons ici un Russe qui jure par saint Nicolas que ses compatriotes arrivent pour être de la partie; il y a des gens qui jurent par Frédéric qu'ils seront battus. Mais voilà bien du monde à battre et à force de tuer et d'être tué, il ne restera bientôt plus personne. J'ai bien peur encore que pour éclaircir le genre humain, le duc de Cumberland, renforcé de quelques Prussiens, n'aille faire, la baïonnette au bout du fusil, des propositions à l'armée française, qui s'avance pour le bien de la paix.
Je crois, madame, Dieu me pardonne, qu'il y a des troupes de Votre Altesse sérénissime dans l'armée hanovrienne en ce cas, madame, voilà mon cœur partagé entre ma fringante patrie et la Thuringe. Je n'ai qu'à souhaiter que tout le monde retourne chez soi honnêtement. Je plains seulement ce gros fiscal de l'Empire, qui a perdu à tout cela son papier et son encre. Plût à Dieu qu'il n'y eût que de l'encre de perdu 2! La race humaine est bien méchante et bien malheureuse; mais il faut l'aimer en faveur de Votre Altesse sérénissime, de votre auguste famille et de la reine des cœurs. Daignez, madame, accepter mon profond respect. 

V.»

2 On a aussi employé le masculin pour ce mot ; voir Histoire de la langue française de A. François .

 

31/10/2012

On gâte ses yeux, mon cher et ancien ami, en lisant, en buvant, et en faisant mieux

... En "faisant mieux", dites-vous mon cher Volti !

Je crains, ou plutôt non, je me réjouis que vous pensiez comme moi à ces ébats amoureux qui sont le miel de la vie et effectivement troublent la vue de la réalité, en l'embellissant heureusement .

Pour l'heure, je lis , je bois, et ...  je porte des lunettes .

Flou flou

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« A M. Claude-Etienne DARGET. 1

Aux Délices, 20 mai 1757.

On gâte ses yeux, mon cher et ancien ami, en lisant, en buvant, et en faisant mieux : voyez si vous n'êtes pas coupable de quelque excès dans ces trois belles opérations. Se frotter les yeux d'eau tiède en hiver, et d'eau fraîche en été est tout ce qu'il y a de mieux, frotter n'est pas le mot, c'est bassiner que je voulais dire, les remèdes les plus simples sont les meilleurs en tout genre.
Je vous assure que je suis bien fâché que ce ne soit pas vous qui achetiez la terre de M. de Boisy 2. Elle n'est qu'à une lieue de chez moi. Le château n'est pas si agréable que ma maison, il s'en faut beaucoup mais c'est une terre très-vivante, et mon petit domaine est très-ruinant; j'ai préféré dulce utili 3.
Eh bien, voilà donc comme on traite ce cher frère, à qui on dit des choses si tendres dans l'épître dédicatoire. Je ne sais plus où j'en suis sur tout cela. Il peut encore arriver malheur on peut avancer trop loin; des Cyrus peuvent trouver des Tomiris il ne faut qu'un coupe-gorge pour ruiner un grand joueur. J'enfile des proverbes comme Sancho Pança, mais c'est que je suis accoutumé aux Don Quichottes, voyez comme a fini Charles XII . Bienheureux qui vit fort loin de tous ces illustres et dangereux mortels . Figurez-vous que Patkul 4 a demeuré deux ans à quatre pas de chez moi donc il ne faut pas en sortir. Ce monde est un grand naufrage; sauve qui peut, c'est ce que je dis souvent.
Faites souvenir de moi Mme Dupin 5. Adieu, mon cher et ancien ami. 
Le Suisse VOLTAIRE. »

1  Ancien lecteur et secrétaire de Frédéric II de 1749 à 1756 ; voir : http://ub-dok.uni-trier.de/argens/pic/pers/Darget.php

2  La famille Budé possédait plusieurs propriétés près de Genève, dont Boisy et Fernex . C'est seulement la seconde qui n'est qu'à « une lieue » des Délices . Boisy est à Lausanne (Isaac de Budé est seigneur de Boisy, Fernex et Balayson ) .

3 Allusion à l'utile dulci d'Horace, Art poétique , vers 343 : http://tempsreel.nouvelobs.com/abc-lettres/proverbe-latin/omne-tulit-punctum-qui-miscuit-utile-dulci.html : la perfection c'est de réunir l'utile et l'agréable .

4  Johann Reinhold Patkul, en s'enfuyant de Suède s'était d'abord rendu en Suisse . Puis vers 1707, il fut roué par ordre de Charles XII pour haute trahison . Voir page 217 et suiv. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113321/f220.image

Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/Johann_Patkul ou : http://en.wikipedia.org/wiki/Johann_Patkul

 

Que m'importe comment Calvin avait l'âme ? La mienne est tranquille

... Et son avenir n'aura pas plus d'importance qu'un reflet sur une touche de mon clavier ou mon écran . 

 

reflet de l ame0592.png

 

 

« A monsieur le ministre Jacob VERNES

chez monsieur son père

à Genève

[vers le 15 mai 1757]

Je reçois mon cher ministre, une relation de la victoire du roi de Prusse 1. Elle vient par Shafouze, n'est point signée, et je ne sais à qui attribuer cette galanterie . Il n'est point encore question dans cette relation de l'entrée du roi de Prusse dans Prague .

Il faut être bien désœuvré pour faire attention à des mercures . J'ai lu cette lettre . Elle est toute défigurée et toute tronquée . C'est ainsi qu'on en use d'ordinaire avec mes pauvres ouvrages . Comment aurais-je pu écrire que j'ai fait imprimer ici dans mon Histoire que Calvin avait une âme atroce puisque cela ne se trouve point dans mon Histoire ?2 Que m'importe comment Calvin avait l'âme ? La mienne est tranquille, méprise ces sottises et je vous aime . Je vous prie de détromper vos amis . »

1 Le 6 mai 1757, le roi de Prusse gagne, en Bohème, à Ziscaberg, près de Prague, une bataille sur les Autrichiens, commandés par le maréchal comte de Brown , sous les ordres du prince Charles de Lorraine. Voir aussi : http://www.1789-1815.com/1757.htm

 

30/10/2012

il vaut bien autant planter des arbres que faire des vers. Je n'adresse point d'Épitre à mon jardinier

... Qui au reste n'en a pas besoin ; elle resterait comme toute feuille d'hiver, morte .

Bâtir passe encor, mais planter à cet âge ...

... Enfants, vous vous agacerez les dents sur ses fruits

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« A M. de CIDEVILLE.

Aux Délices, 18 mai [1757].

J'ai admiré, mon cher et ancien ami, la bonté de votre âme, dans le compte que vous avez daigné me rendre des aventures de Adèle de Ponthieu1 mais je n'ai pas été moins surpris de la netteté de votre exposé dans un sujet si embrouillé. On ne peut mieux rapporter un mauvais procès, vous auriez été un excellent avocat général. J'ai tardé trop longtemps à vous remercier.
Je n'ai nulle envie de me mettre actuellement dans la foule de ceux qui donnent des pièces au public il est inutile d'envoyer son plat à ceux qu'on crève de bonne chère. Je ne veux présenter mes oiseaux du lac Léman que dans des temps de jeûne. Vous savez d'ailleurs qu'on n'est pas oisif pour être un campagnard, il vaut bien autant planter des arbres que faire des vers. Je n'adresse point d'Épitre à mon jardinier Antoine 2; mais j'ai assurément une plus jolie campagne que Boileau, et ce n'est point la fermière qui ordonne 3 nos soupers.
J'ai eu la curiosité autrefois de voir cette maison de Boileau cela avait l'air d'un fort vilain petit cabaret borgne aussi Despréaux s'en défit-il, et je me flatte que je garderai toujours mes Délices. J'en suis plus amoureux, plus la raison m'éclaire .4

Je n'ai guère vu ni un plus beau plain-pied ni des jardins plus agréables, et je ne crois pas que la vue du Bosphore soit si variée. J'aime à vous parler campagne, car, ou vous êtes actuellement à la vôtre 5, ou vous y allez. On dit que vous en avez fait un très-joli séjour; c'est dommage qu'il soit si éloigné de mon lac. Je me flatte que la santé de M. l'abbé du Resnel est raffermie, et que la vôtre n'a pas besoin de l'être. C'est là le point important, c'est le fondement de tout, et l'empire de la terre ne vaut pas un bon estomac. Je souffre ici bien moins qu'ailleurs, mais je digère presque aussi mal que si j'étais dans une cour ,sans cela, je serais trop heureux mais Mme Denis digère, et cela suffit, vous m'avouerez qu'elle en est bien digne, après avoir quitté Paris pour moi.
Bonsoir, mon cher et ancien ami. J'ai toujours oublié de vous demander si les trois académies, dont Fontenelle était le doyen, ont assisté à son convoi. Si elles n'ont pas fait cet honneur aux lettres et à elles-mêmes, je les déclare barbares. »

3 Voir l'Épître VI (de Boileau) à M. de Lamoignon, v. 37 : http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89pitre_VI_%28Boileau%29

et : http://www.cosmovisions.com/Lamoignon.htm

5 Launay, près de Rouen .