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28/10/2012

ma principale vue est d'assurer huit mille livres de rente à ma nièce Mme Denis, veuve d'un officier au service de France, ... Je dois songer à elle plus qu'à moi

 ... Egoïste Voltaire ? Seuls ceux qui ne le connaissent pas peuvent médire ainsi . Je ne leur pardonne pas cette affirmation bien digne de journeaux à scandale qui sont la seule chose qu'ils soient capables de  suivre .

 

rente viagère.jpg

 

 

«  A Son Excellence Monsieur le baron Heinrich Anton von BECKERS

ministre d’État

et de conférence

à Manheim

[vers le 4 mai 1757]

Monsieur, je reconnais les bontés généreuses de son Altesse Électorale et la bienveillance de Votre Excellence dans la lettre dont vous m'honorez . J'ai souhaité de pouvoir placer mon bien sous la protection de votre auguste souverain et je n'ai d'autre regret que de n'y avoir pas mis ma personne .

Je vous prie monsieur, de vouloir bien lui présenter mes très humbles remerciements et de recevoir ceux que je vous dois . Vous m'ordonnez de vous parler avec confiance et vous prévenez mon coeur . Je vous avouerai donc monsieur que ma principale vue est d'assurer huit mille livres de rente à ma nièce Mme Denis, veuve d'un officier au service de France, laquelle demeure auprès de moi et qui prend soin de ma vieillesse infirme . Je dois songer à elle plus qu'à moi . Je me flatte que Votre Excellence voudra bien favoriser ces sentiments .

C'est pour elle principalement que je demande la permission de placer un capital . Son Altesse électorale daigne avoir la bonté de faire passer sur ma tête l'intérêt de ce capital à 10% en faveur de mon age qui est de soixante trois ans .

Ma nièce est âgée de quarante cinq ans . Votre Excellence ne trouverait-elle pas qu'un intérêt viager d’environ 6% accordé à ma nièce après ma mort serait proportionnel à son âge ? Le gouvernement de France donne 7% dans sa dernière loterie et rembourse le capital . J'abandonne le capital et je ne demande qu'autour de 6% pour la vie de ma nièce .

Si vous trouvez, monsieur, cette proposition acceptable, voici comme je la remplirais sous le bon plaisir de son Altesse Électorale .

J'aurais l'honneur, monsieur , de faire toucher à vos ordres cent trente mille livres argent de France par M. Tronchin banquier à Lyon , qui les ferait remettre suivant le commandement que je recevrais de vous .

Ces 130 000 livres tournois au denier de 6% ou environ produiraient à ma nièce une rente de 8 000 livres tournois sa vie durant, et puisque Son Altesse électorale veut bien m'accorder 10% pendant ma vie je jouirais jusqu'à ma mort de 13 000 livres tournois par année et ma nièce après moi ne jouirait que de 8 000 livres tournois de rente viagère qui s'éteindrait avec elle . C'est à peu près, monsieur, le traité que je fis avec Mgr le duc de Virtemberg lorsque j'étais à Berlin et que j'étais moins vieux de six ans 1.

J'insiste bien moins sur les proportions des âges que sur la magnanimité de Mgr l’Électeur, sur la grâce qu’il m’accorde, sur vos bontés monsieur, et sur ma reconnaissance . C’est à vous de me prescrire vos ordres .

Quant au payement de la rente je m'en remets aussi , monsieur, à votre volonté . Décidez de la somme et du payement . Il me sera égal de recevoir l'intérêt de mon capital par vos commissionnaires de Paris, de Strasbourg ou de Lyon , et vos arrangements seront ma règle . J'attends vos ordres pour vous faire remettre, monsieur, les 130 000 livres ou à Strasbourg ou à Paris ou à Manheim, si Manheim entre dans la correspondance de M. Tronchin . Vous ferez ensuite expédier le contrat .

Ce sera pour moi un lien de plus avec votre cour mais qui n'ajoutera rien aux sentiments respectueux avec lesquels j'ai l’honneur d'être

Monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire  »

 

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