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03/02/2013

Je suis tous les jours tenté de m'habiller

... Et , dois-je l'avouer, je cède à la tentation, comme des millions de mes concitoyens . Ma sympathie pour la nudité ne résiste pas à la lâcheté devant les rigueurs hivernales et les foudres de la justice . Mon rêve, comme celui de bien des gens, une île sous les tropiques, sans moustiques (sales bêtes ! suceurs de sang à l'égal des percepteurs ), et liberté , attendra le jackpot du loto .

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« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

[vers le 20 novembre 1757]

Madame, je suis malade et garde-malade . Ces deux belles fonctions n'empêchent pas que je sois rongé de remords de ne vous point faire ma cour . Je suis tous les jours tenté de m'habiller (ce que je n'ai fait qu'une fois pour vous depuis trois mois) et d'entreprendre le voyage de Genève .

Je ferai ce voyage pour vous , madame, dès que ma nièce sera mieux . Je vous demande des nouvelles de votre santé et je vous présente mes profonds respects .

Le Suisse V. »

 

 

 

on ne sait malheureusement ce qu'est devenu le cuisinier de M. de Soubise

... Permettez-moi de verser quelques pleurs !

Soubise lors de la bataille de Rossbach s'y est pris comme un manche (de cuillère à pot ) et fit pleurer la France . Je ne verrai plus cette sauce à l'oignon du même oeil désormais .

 

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« A François Tronchin

[vers le 21 novembre 1757]

La nièce va mieux, elle et l'oncle remercient tendrement monsieur et madame Tronchin . Je ne sais encore que la nouvelle que vous savez 1: un lieutenant général tué, quatre blessés et prisonniers, le duc de Brissac blessé dangereusement, toute l'artillerie perdue, toute l'armée dispersée et poursuivie ; on ne sait malheureusement ce qu'est devenu le cuisinier de M. de Soubise 2. »

1 Défaite française contre les Prussiens à Rossbach le 5 novembre 1757 .Ils étaient dirigés par Charles de Rohan, prince de Soubise .

2 Qui est sans doute l'inventeur de la sauce éponyme : Soubise : Cette fameuse sauce à l’oignon nous vient d’un homme d ‘état gastronome  (ou de son chef cuisinier) qui en fit sa gloire en accompagnant des canetons ; il s’ agi de Charles de Rohan, prince de Soubise, maréchal de France, dit le maréchal de Soubise, né en  1715 et  mort en 1787, homme de guerre et un ministre français du XVIIIe siècle .

 

Il ne fait pas bon à présent pour les Français dans les pays étrangers. On nous rit au nez, comme si nous avions été les aides de camp de M. de Soubise

... Et je crains bien que cette affirmation de 1757 ne soit réactualisée en disant que tout comme au Mali, nous sommes de puissants enfonceurs de portes ouvertes .

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« A M. Nicols-Claude THIERIOT.
Chez Mme la comtesse de Montmorency

rue Vivienne à Paris
Aux Délices, 20 novembre [1757].
Je vois par vos lettres, mon ancien ami, que la rivière d'Ain 1 en a englouti une vers le temps de la mort de Mme de Sandwich 2: car je n'ai jamais reçu celle par laquelle vous me parliez de la mort et du testament de cette philosophe anglaise, de votre pension remise, etc. Je vous répète qu'il se noya dans ce temps-là un courrier, et que jamais on n'a retrouvé sa malle.
Je crois qu'on serait moins affligé à Paris et à Versailles si les courriers qui ont apporté la nouvelle de la dernière bataille s'étaient noyés en chemin. Je n'ai point encore de détails, mais on dit le désastre fort grand, et la terreur plus grande encore. Le roi de Prusse se croyait perdu, anéanti sans ressource, quinze jours auparavant, et le voilà triomphant aujourd'hui , c'est un de ces événements qui doivent confondre toute la politique. La postérité s'étonnera toujours qu'un électeur de Brandebourg, après une grande bataille perdue contre les Autrichiens, après la ruine totale de ses alliés, poursuivi en Prusse par cent mille Russes vainqueurs, resserré par deux armées françaises qui pouvaient tomber sur lui à la fois, ait pu résister à tout, conserver ses conquêtes, et gagner une des plus mémorables batailles qu'on ait données dans ce siècle. Je vous réponds qu'il va substituer les épigrammes aux épîtres chagrines. Il ne fait pas bon à présent pour les Français dans les pays étrangers. On nous rit au nez, comme si nous avions été les aides de camp de M. de Soubise. Que faire? Ce n'est pas ma faute. Je suis un pauvre philosophe qui n'y prends ni n'y mets et cela ne m'empêchera pas de passer mon hiver à Lausanne, dans une maison charmante, où il faudra bien que ceux qui se moquent de nous viennent dîner,
Tros Rutulus ve fuat, nullo discrimine habebo. 3
Ce qui me console, c'est que nous avons pris dans la Méditerranée un vaisseau anglais chargé de tapis de Turquie, et que j'en aurai à fort bon compte. Cela tient les pieds chauds, et il est doux de voir de sa chambre vingt lieues de pays, et de n'avoir pas froid. S'il y a quelque chose de nouveau à Paris, mandez-le-moi, je vous en prie; mais vous n'écrivez que par boutades. Ayez vite la boutade d'écrire à votre ancien ami, qui vous aime. »

 1 Sur le manuscrit V* écrit Dain tout comme dans la lettre du 27 janvier 1757 à Jean-Robert Tronchin .

2  Certaine source la déclare morte le 27 juillet 1757 , y a-t-il erreur ou alors a-ton fait courir prématurément l'annonce de ce décès ? Voir lettre du 23 janvier 1755 à Thieriot , où V* se soucie de la santé de la comtesse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/25/une-sandwich-pour-thiriot-avec-ou-sans-beurre.html

Et voir lettre du 26 octobre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/16/je-n-en-suis-pas-moins-persuade-que-le-commerce-est-l-ame-d.html

3 Virgile, Enéïde, X, 108 : Qu'il soit Troyen ou Rutule, je n'y ferai aucune différence.

 

02/02/2013

vous savez qu'une femme qui souffre sur sa chaise longue, au pied des Alpes, a peu de choses à mander

... Et que c'est à peu près la seule chose qui puisse la faire taire . Hélas !

 

 

 

« A M. Henri LAMBERT d'HERBIGNY, marquis de THIBOUVILLE.

Aux Délices, 20 novembre [1757].

Mme Denis est malade, mon cher ami je lui lis, d'une voix un peu cassée, vos histoires amoureuses d'Égypte et de Syrie 1. Vous faites nos plaisirs dans notre retraite. Mme Denis est, à la vérité, un peu paresseuse mais vous savez qu'une femme qui souffre sur sa chaise longue, au pied des Alpes, a peu de choses à mander, c'est à vous, qui êtes au milieu du fracas de Paris, au centre des nouvelles et des tracasseries, à consoler les malades solitaires par vos lettres. Nous avons renoncé au monde mais nous l'aimerions si vous nous en parliez. Nous pensons qu'un homme qui écrit si bien les aventures syriaques et égyptiennes pourrait nous égayer beaucoup avec les parisiennes mais vous ne nous en dites jamais un mot. Cela refroidit le zèle de Mme Denis; elle dit qu'elle s'intéresse presque autant à ce qui se passe entre Mersbourg 2 et Weissenfeld 3 qu'à ce qui s'est fait à Memphis. Nous sommes consternés de la dernière aventure 4. Ma nièce croyait que cinquante mille Français pourraient la venger des quatre baïonnettes de Francfort . Elle s'est trompée.
Elle vous fait mille tendres compliments et je vous renouvelle, du fond de mon cœur, les sentiments qui m'attachent à vous depuis si longtemps.
Nous avons une comédie nouvelle, que nous jouerons à Lausanne. Y voulez-vous un rôle ? »

1 Le danger des passions ou Anecdotes syriennes et égyptiennes, d'Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville . Voir : http://thesaurus.cerl.org/record/cnp00878828

3 La bataille de Rossbach ne fut pas nommée ainsi tout de suite ; Rossbach est siué à l'est de la rivière Saale entre Merseboug et Weissenfels .

4 La défaite des troupes françaises face aux Prussiens à Rossbach : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Rossbach

 

 

31/01/2013

Pardon d'écrire si peu . Je répare cela en aimant beaucoup .

... En vous aimant beaucoup Mam'zelle Wagnière, je vous l'assure .

 

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« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg

19 novembre [1757] aux Délices

Je n'ai que le temps et à peine la force madame de vous dire en deux mots combien je suis affligé du dernier malheur 1 . On doit le sentir plus vivement à Strasbourg qu'ailleurs . Je ne sais si monsieur votre fils était dans cette armée . En ce cas je tremble pour lui . Si vous avez une relation je vous supplie de vouloir bien me l’envoyer .

Mme Denis est très malade . Je la garde . Pardon d'écrire si peu . Je répare cela en aimant beaucoup .

Vous connaissez mon tendre respect .

V. »

1 Défaite des troupes françaises à Rossbach face aux Prussiens .

 

je vois beaucoup de raisons d'être bien traité, et aucune d'être exilé de ma patrie cela n'est fait que pour des coupables, et je ne le suis en rien

... La peste soit des censeurs !

Fuyons ! mais pas trop loin, dans un pays "propre en ordre" !

 

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« A M. Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 19 novembre 1757
Vous avez un cœur plus tendre que le mien, mon cher ange; vous aimez mieux mes tragédies que moi. Vous voulez qu'on parle d'amour, et je suis honteux de nommer ce beau mot avec ma barbe grise. Toutes mes bouteilles d'eau rose sont à l'autre bout du grand lac, à Lausanne. J'y ai laissé Fanime et la Femme qui a raison, et tout l'attirail de Melpomène et de Thalie; c'est à Lausanne qu'est le théâtre. Nous plantons aux Délices, et actuellement je ne pourrais que traduire les Géorgiques. Cependant je vous envoie à tout hasard le petit billet que vous demandez 1. Je croyais l'avoir mis dans ma dernière lettre; j'ai encore des distractions de poète, quoique je ne le sois plus guère.
Je serais bien fâché, mon divin ange, de donner des spectacles nouveaux à votre bonne ville de Paris, dans un temps où vous ne devez être occupé qu'à réparer vos malheurs et votre humiliation; il faut qu'on ait fait ou d'étranges fautes, ou que les Français soient des lévriers qui se soient battus contre des loups. Luc n'avait pas vingt-cinq mille hommes, encore étaient-ils harassés de marches et de contre-marches. Il se croyait perdu sans ressource, il y a un mois; et si bien, si complétement perdu, qu'il me l'avait écrit; et c'est dans ces circonstances qu'il détruit une armée de cinquante mille hommes. Quelle honte pour notre nation ! elle n'osera plus se montrer dans les pays étrangers. Ce serait là le temps de les quitter, si malheureusement je n'avais fait des établissements fort chers, que je ne peux plus abandonner.
Ces correspondances 2, dont on vous a parlé, mon cher ange, sont précisément ce qui devrait engager à faire ce que vous avez eu la bonté de proposer, et ce que je n'ai pas demandé. Je trouve la raison qu'on vous a donnée aussi étrange que je trouve vos marques d'amitié naturelles dans un cœur comme le vôtre. Si Mme de Pompadour avait encore la lettre que je lui écrivis 3 quand le roi de Prusse m'enquinauda 4 à Berlin, elle y verrait que je lui disais qu'il viendrait un temps où l'on ne serait pas fâché d'avoir des Français dans cette cour. On pourrait encore se souvenir que j'y fus envoyé en 1743, et que je rendis un assez grand service 5; mais M. Amelot, par qui l'affaire avait passé, ayant été renvoyé immédiatement après, je n'eus aucune récompense. Enfin je vois beaucoup de raisons d'être bien traité, et aucune d'être exilé de ma patrie cela n'est fait que pour des coupables, et je ne le suis en rien.
Le roi m'avait conservé une espèce de pension que j'ai depuis quarante ans 6, à titre de dédommagement; ainsi ce n'était pas un bienfait, c'était une dette comme des rentes sur l'Hôtel de Ville. Il y a sept ans que je n'en ai demandé le payement; vous voyez que je n'importune pas la cour. Le portrait que vous daignez demander, mon cher ange, est celui d'un homme qui vous est bien tendrement uni, et qui ne regrette que vous et votre société dans tout Paris. L'Académie aura la copie du portrait peint par La Tour. Il faut que je vous aime autant que je fais pour songer à me faire peindre à présent. Quant au roman que vous m'envoyez 7, il faudrait en aimer l'auteur autant que je vous aime, pour le lire et vous savez que je n'ai pas beaucoup de temps à perdre. Il faut que je démêle dans l'Histoire du monde, depuis Charlemagne jusqu'à nos jours, ce qui est roman et ce qui est vrai. Cette petite occupation ne laisse guère le loisir de lire les Anecdotes syriennes et égyptiennes. Puisque vous avez un avocat nommé Doutremont, je changerai ce nom dans la Femme qui a raison; j'avais un Doutremont 8 dans cette pièce. Je me suis déjà brouillé avec un avocat qui se trouva par hasard nommé Grifon 9 il prétendit que j'avais parlé de lui, je ne sais où.
M. le maréchal de Richelieu me boude et ne m'écrit point. Il trouve mauvais que je n'aie pas fait cent lieues pour l'aller voir. »

 1 Compliment pour deux acteurs ; voir lettre du 8 novembre 1757 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/26/mettons-nous-a-l-eau-de-rose-pour-leur-plaire.html

2 Avec Frédéric que V* engageait au mois d'août précédent, à faire la paix .

3 Lettre non retrouvée .

4 Ce mot est dans Le Florentin de La Fontaine et signifie « rendre quinaud », à savoir « dupe ». Voir : http://www.lettres-persiennes.net/textes-extraits/jean-fontaine/florentin.php

5 V* se rendit en Prusse auprès de Frédéric II afin de connaître ses intentions ; il ne fût pas très efficace dans cette mission « d'espionnage ».

6 La pension était de 2000 livres, et datait de 1719.

8 Le marquis d'Outremont : voir : http://books.google.fr/books?id=dig6AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Le nom de ce personnage apparaitra parmi ceux des signataires du factum de Linguet (avocat) en faveur du chevalier de La Barre .

9 Autre personnage de La femme qui a raison ; Grifon sera changé en Gripon, mais d'Outremont restera inchangé .

 

S'il y a quelque nouvelle du carnage nous ne manquerons pas de vous en informer

 ... Carnage des libertés et de l'égalité que quelques illuminés (ils marchent encore à la bougie !) entendent présenter comme voulu par Dieu de toute éternité .

Amen !

Les catholiques praticants, soit trois pour cent de la population française, ont prié Dieu pour éviter le vote d'une loi qui leur déplait . Oserais-je leur rappeler que Jésus lui-même pria son Père éternel en demandant d'éloigner la coupe du supplice qui l'attendait selon les saintes Ecritures , et il eut, lui le fils bien-aimé, une fin de non recevoir et un billet pour le Golgotha avant de devenir le premier homme à échapper au globe terrestre sans scaphandre ; donc quelques gugusses en mal de publicité à genoux dans la rue avec sono ( Dieu est une vieille personne qui ferait bien d'aller chez Audica, selon Robert Hossein) ne font pas le poids . Bonne chose, ils vont simplement faire plaisir aux blanchissseurs chinois .

 

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 http://www.checkpoint-online.ch/CheckPoint/Forum/Livre-HansonCarnageCulture.html

 

 

« A François Tronchin

[vers le 18 novembre 1757]

Nièce dolente, oncle malingre remercient de tout leur cœur . S'il y a quelque nouvelle du carnage 1 nous ne manquerons pas de vous en informer . Nous vous présentons obéissances très humbles . 

V.»

1 On suppose qu'il s'agit de la bataille de Rossbach perdue par les Français .