27/01/2013
Poco e bene devrait être la devise des barbouilleurs de papier et des lecteurs ; c'est justement tout le contraire
... Peu et bon ! paroles de gourmet des mots comme des mets .
Hélas, de nos jours, beaucoup et indigeste est plus à la mode ! Vite et mal, ses corollaires .
Passé de glace,
Présent de feu,
Lendemains de cendre .
(Modeste tentative de haïku)
« A Claude-Etienne Darget
Aux Délices 9 de novembre [1757]
Vous aurez votre part mon cher et ancien ami à l’histoire de Russie si ma mauvaise santé me permet d'achever cet ouvrage . Je vous remercie de votre nouveau présent . Ce gros Manstein 1 est, je pense, celui qui a été massacré par des pandours 2. Il est plaisant que lui qui était aussi pandour qu'eux, se soit avisé d'être auteur . Je lui avais conseillé de retrancher au moins le récit de son bel exploit de recors 3 quand il alla saisir le maréchal de Munich et qu'il l'emmena garrotté avec son écharpe . Je me souviens que le maréchal Keith était de mon avis et qu'il trouvait fort mauvais qu'un lieutenant-colonel se vantât de cette action d’huissier à verge . Mais je vois par votre manuscrit qu'il n'a pu résister au plaisir que donne la gloire . Son nouveau maître 4 l'a toujours aimée et ne l'a pas toujours bien connue . Ce Pyrrhus n'a pas toujours écouté ses Cinéas . Je ne suis pas surpris qu'il vous ai rendu votre fils, mais pourquoi n'a-t-il pas permis que tout le bien de cet enfant sortît avec lui ? Apparemment qu'en cas de malheur (ce qui n'arrivera pas à ce que j'espère) ce bien devrait revenir aux parents de sa mère ; mais les parents de sa mère n'étaient pas , ce me semble, ses sujets .
Enfin vous voilà fixé . Votre fils fait votre consolation, vous êtes tranquille et il parait que vous avez borné vos désirs . Car si je ne me trompe, vous étiez à portée de faire une fortune assez considérable dans bien des emplois dont vos anciens amis ont disposé . Je vous prie de ne me pas oublier auprès de M. de Croismare et de vouloir bien recevoir en échange de vos manuscrits ( je vous les renverrai dans quelques semaines) le fatras de mes rêveries imprimées que les Cramer de Genève sont chargés de vous faire remettre. Si on m'avait consulté pour l'impression, il y en aurait quatre fois moins ; mais la manie des gens à bibliothèque est aussi grande que celle des auteurs . Poco e bene devrait être la devise des barbouilleurs de papier et des lecteurs ; c'est justement tout le contraire . Je joins à mes anciennes folies celle de bâtir près de Lausanne et de planter des jardins près de Genève . Chacun a son Sans-Souci ; mais les housards ne viendront pas dans le mien . Je voudrais que vous pussiez voir mes retraites : nous avons tous les jours du monde de Paris et vous êtes l'homme que je désirerais le plus de posséder . Mais il faut y renoncer et me contenter de vous aimer de loin . Adieu, conservez-moi un souvenir qui m'est bien cher . »
1 V* parlait de lui déjà en 1751 à Hénault le 8 décembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/06/o...
Sans doute Christoph Hermann von Manstein dont les Mémoires, écrits en français furent publiés d'abord en anglais par David Hume sous le titre de Memoirs of Russia, historical, political and military, from the year 1727 to 1744 . Voir : http://encyclopedia2.thefreedictionary.com/Christoph+Herm...
et :
et : http://books.google.fr/books?id=1VoPAAAAQAAJ&printsec...
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26/01/2013
mettons-nous à l'eau de rose pour leur plaire
... Mais moi, je suis plutôt du genre à envoyer sur les roses quand je ne suis pas d'humeur à en offrir .
Voir : http://caroleaubert.blogspot.fr/2010/07/texte.html
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Aux Délices 8 novembre [1757]
Cela est d'une belle âme mon cher ange de m'envoyer de quoi vous faire des infidélités . Je veux avoir des procédés aussi nobles que vous . Vous trouverez le premier acte assez changé . C'est toujours beaucoup que je vous donne des vers quand je suis abîmé dans la prose, dans les bâtiments et dans les jardins . J'ai bien moins de temps à moi que je ne croyais, on s'est mis à venir dans mes retraites; il faut recevoir son monde, dîner, se tuer, et, qui pis est, perdre son temps. J'en ai trouvé pourtant pour votre Fanime; mais je vous avertis que je la veux un peu coupable, c'est-à-dire coupable d'aimer comme une folle, sans avoir d'autres motifs de sa fuite que les craintes que l'amour lui a inspirées pour son amant. Je serai d'ailleurs honteux pour le public s'il reçoit cette tragédie amoureuse plus favorablement que Rome sauvée et qu'Oreste ; cela n'est pas juste. Une scène de Cicéron, une scène de César, sont plus difficiles à faire, et ont plus de mérite que tous les emportements d'une femme trompée et délaissée. Le sujet de Fanime est bien trivial, bien usé mais enfin vos premières loges sont composées de personnes qui connaissent mieux l'amour que l'histoire romaine. Elles veulent s'attendrir, elles veulent pleurer, et avec le mot d'amour on a cause gagnée avec elles. Allons donc, mettons-nous à l'eau de rose pour leur plaire.
Oublions mon âge. Je ne devrais ni planter des jardins, ni faire des vers tendres; cependant j'ai ces deux torts, et j'en demande pardon à la raison. Je ne décide pas plus entre Brizard 1 et Blainville 2 qu'entre Genève et Rome 3. Je vous envoie, selon vos ordres, mon compliment à l'un et à l'autre, et vous choisirez.
Vraiment, on 4 m'a demandé déjà la charpente de mon visage pour l'Académie. Il y a un ancien portrait 5 d'après La Tour, chez ma nièce de Fontaine il faut qu'elle fasse une copie de ce hareng sauret; mais elle est actuellement avec son ami 6 et ses dindons dans sa terre, et ne reviendra que cet hiver. Vous aurez alors ma maigre figure. D’Alembert s'était chargé auprès d'elle de cette importante négociation. Je ne suis pas fâché que mon Salomon du Nord ait quelques partisans dans Paris, et qu'on voie que je n'ai pas loué un sot. Je m'intéresse à sa gloire par amour-propre, et je suis bien aise en même temps, par raison et par équité, qu'il soit un peu puni. Je veux voir si l'adversité le ramènera à la philosophie. Je vous jure qu'il y a un mois qu'il n'était guère philosophe; le désespoir l'emportait; ce n'est pas un rôle désagréable pour moi de lui avoir donné dans cette occasion des conseils très-paternels. L'anecdote est curieuse. Sa vie et, révérence parler, la mienne sont de plaisants contrastes; mais enfin il avoue que je suis plus heureux que lui c'est un grand point et une belle leçon. Mille respects à tous les anges. »
1 Jean-Baptiste Britard , acteur qui a débuté en juillet 1757: voir lettre du 12 septembre 1757 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/17/s-il-n-est-pas-ars-il-est-en-lieu-ou-il-doit-se-repentir.html
2 Pierre-Jean Fromentin de Blainville , acteur de la Comédie Française , 142è sociétaire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9taire_de_la_Com%C3%A9die-Fran%C3%A7aise
3Souvenir de la Henriade II, 5 : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-henriade-chant-second---partie-1-73660943.html
4 Voir lettre du 22 août 1757 à Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/11/c-est-peu-de-chose-d-exister-en-peinture.html
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25/01/2013
Les Autrichiens font tout . Les Français semblent se borner aux quartiers d'hiver
... Ah ! si Voltaire avait connu le ski , qu'aurait-il dit ?
Toutes mes excuses aux skieurs français dont malheureusement je ne suis pas les performances, étant régulièrement à l'écoute de RSR 1 (radio suissse romande) qui, d'une manière très chauvine, ne parle que de ce qui lui chatouille le nombril et ignore superbement les exploits des étrangers .
Autre domaine où, comme on dit, je ne touche pas ma bille : l'économie
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
7 novembre 1757
Voici une goute d'eau, monsieur, pour la mer de M. de Montmartel 1. Ces trois mille livres serviront pour les pitons dorés et pour les colifichets de Mme Denis, et pour les forêts que je plante dans vos jardins . Je ne sais d'autres nouvelles sinon que je crois Leipsik secouru après avoir payé . Les Autrichiens y sont venus quelques jours trop tard . On est ivre de joie à Vienne d'avoir été deux jours dans Berlin et d'avoir emporté deux cent mille écus à celui qui prenait tout . Ils ont bien promis d'y revenir . L'impératrice a dit Dawn 2 m'a fait plus de bien, mais Hadisk 3 m'a fait plus de plaisir .La révolution va grand train . Les Autrichiens font tout . Les Français semblent se borner aux quartiers d'hiver . Le temps dévoilera ce mystère . Si vous en savez davantage instruisez votre fermier qui vous aime de tout son cœur .
V.
Votre fermier et votre fermière renouvellent leur humble requête pour certaines larges baguettes dorées 4, ainsi que pour les pitons dorés et pour le prix des tapis d'Aubusson 5, et se recommandent dévotement au portier des Chartreux 6.
Plus voici un petit billet de Cadix que je retrouve . Plus je vous supplie de me mander par l'ordinaire prochain si je vous avais envoyé le mois passé en billets de Turkeim 9708 livres tournois ou 8708 livres tournois . »
1 Jean Pâris de Montmartel, financier : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_P%C3%A2ris_de_Monmartel
2 Le maréchal Dawn , bataille du 17 juin 1757 ; voir page 595 : http://books.google.fr/books?id=6jEaAAAAYAAJ&pg=PA595...
3 Le feld-marchal Andréas Hadik : voir lettre du 5 novembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/23/l...
4 Voir lettre du 27 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/18/q...
5 Voir lettre du 12 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/07/la-casse-absorbe-toutes-mes-idees.html
6 Qui doit fournir des arbres fruitiers ; voir lettre du 6 juillet 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/18/c...
16:51 | Lien permanent | Commentaires (0)
24/01/2013
Quiconque est d'une secte semble afficher l'erreur ....[ce sont ] des aveugles qui marchent sous la bannière d'un borgne
... Ce ne sont pas les "borgnes" qui manquent , erreurs de la nature , maléfiques meneurs d'aveugles dévoués et abusés .
Aux Délices 6 novembre 1757
Depuis le prince de La Mirandole, monsieur, on n'a jamais soutenu de thèses si universelles . Je vous suis aussi obligé de la bonté de m'en faire part, que je suis étonné de votre immense savoir . Vous qui enseignez tout et votre jeune homme qui apprend tout, vous êtes des prodiges 2. De tels progrès sont non seulement le fruit du génie, mais celui des méthodes qui se sont multipliées dans ces derniers temps . Plus il y a de carrières à parcourir et plus on a eu de secours . On n'en avait aucun du temps de Pic de La Mirandole . Aussi ses thèses ne contenaient aucune vérité . L'immensité de son savoir était dans des mots au lieu que le vôtre est dans les choses .
Ce qui me surprend autant que votre entreprise, c'est ce que vous m'apprenez, qu'il y a encore des péripatéticiens et qu'il subsiste des reste de barbarie dans la seconde ville de France 3. Je croyais qu'à peine il restait des cartésiens . Quiconque est d'une secte semble afficher l'erreur . On dit un platonicien, un épicurien, un péripatéticien, un cartésien pour caractériser des aveugles qui marchent sous la bannière d'un borgne . On ne dit point un euclidien, un archimédien parce que la vérité n'est pas une secte . Aussi en Angleterre et parmi les philosophes comme vous on n'appelle point neutonien un homme qui se sert du calcul intégral ou qui répète les expériences sur la lumière .
Ainsi je suis persuadé que quand vous parlez page 11 de l'explication des phénomènes de l'arc-en-ciel, et de l'aimant, vous ne prétendez pas sans doute de mettre de niveau les démonstrations de Neuton sur les réfractions et la réfrangibilité des rayons dans les gouttes d'eau, avec les systèmes hasardés sur l'aimant , et surement, quand vous vous proposez de défendre en détail le traité d'optique de Neuton vous ne vous proposez que d'expliquer les vérités sensibles qu'il a démontrées aux yeux .
Votre dernière question est certainement aussi embarrassante que curieuse . Nous ne pouvons avoir autant de connaissance sur l'acoustique que sur l'optique . Les sons ne donnent pas autant de prise à la géométrie que la lumière . Cependant il me paraît qu'il y a sur la lumière la même difficulté que vous faites sur le son . Comment notre oreille entend-elle à la fois les quatre parties ? Et comment notre œil voit-il à la fois les points dont les rayons se croisent nécessairement avant de frapper la rétine ? Comment les rayons sonores portent-ils en même temps à cent mille hommes la basse et le dessus ? et comment les rayons visuels apportent-ils en même temps à cent mille hommes ce point rouge et ce point bleu qui doivent s'intercepter cent mille fois ?
Dès qu'il s'agit d'expliquer nos sensations les mathématiciens deviennent impuissants ; et c'est là que nous demeurons dans notre première ignorance après avoir mesuré les cieux et découvert la gravitation de tous les globes . Si quelqu'un monsieur, peut servir à nous éclairer dans cette nuit profonde, c'est vous . J'ai l'honneur d'être avec les sentiments que je vous dois
Monsieur
vôtre …
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi . »
1 Jean-Joseph Rossignol , jésuite : http://www.diocesedegap.fr/jean-joseph-rossignol-haut-alpin-et-jesuite/
19:56 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je ne hais pas d'avoir des doubles de tous les livres d'usage
... Et je vous en félicite mon cher Voltaire ! Mais n'ayant pas vos moyens, ni vos logements, un seul exemplaire de chaque livre me suffit amplement, y compris ceux que vous avez écrit .
En revanche, je ne suis pas contre un double whisky sans glace et un chat truqué
J'y crois pas , comme dit St Thomas : http://www.youtube.com/watch?v=v4DTR0I7xhA
« A Gabriel Cramer
Avant d'aller voir des autodafés 2, mon cher éditeur, il faut régler nos comptes . Vous m'avez fourni quelques livres que je vous dois . Je ne hais pas d'avoir des doubles de tous les livres d'usage . J'ai un Shakespeare à Lausanne, un Pope, Warburton, Bolingbroke . Si vous les avez je les prendrai pour mon petit cabinet de livres des Délices . Un nouvel atlas me viendrait encore fort bien . Si vous avez un Lactance 3, un Arnobe 4 et jusqu'à un saint Thomas 5 je m'en accommoderai encore . En un mot je prendrai les livres que vous aurez pour les 291 livres tournois que me doit Mme Dubuisson et pour les 200 livres tournois que me doit M. Jacquier . Cet arrangement peut vous être commode . Je vous embrasse de tout mon cœur .
V. »
1 Sur le manuscrit de cette lettre, Cramer écrit « J'ai envoyé le 7 9bre 1757, 234 livres de France pour solde ayant rabattu ce que devait Mme Denis, en tout 237 livres de France comme il appert an petit brouillard . »
2 Voir note de la lettre du 1er novembre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/20/je-vous-aurai-une-tres-grande-obligation.html
La mention des autodafés semble indiquer que Candide est en gestation .
3 Lactance : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lactance
4 Arnobe : http://fr.wikipedia.org/wiki/Arnobe
5 St Thomas d'Aquin : http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-thomaa.htm
15:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/01/2013
Les héros ressemblent toujours par un coin aux voleurs de nuit , ils vont droit au coffre-fort, après quoi ils étalent de grands sentiments
... Les héros militaires, oui ! les pseudo-héros politiques , oui ! les héros des petits et grands écrans, oui ! les héros du show-biz ( là, je m'enfonce dangereusement dans l'incongruité ), oui ! les zéros du Net, oui ! et j'arrête ici cette liste de "héros" auto-proclamés, sinon je vais m'énerver, et ils n'en valent pas la peine .
« A Jean-Robert Tronchin
Aux Délices 5 novembre [1757]
Mon cher correspondant, me voici revenu à nos Délices . Le diable m'y berce . Je vous y fais un jardin où vous et vos neveux vous vous perdrez . Si vous voulez y manger de bonnes pêches, de bonnes figues, de bons beurrés gris, souvenez-vous du portier des Chartreux . Seriez-vous homme à m'envoyer par la messagerie cinq douzaines de pitons dorés pour accrocher des estampes ?
Je me flatte que vous avez reçu les 25 000 livres tournois de Laleu pour subvenir à ces frais .
N'attendez-vous pas ainsi que moi quelque rognure de nuestra señora del Pilar arrivée de Valparaiso avec dix-huit cent mille piastres ?
Je ne suis que médicrement intéressé dans cette affaire mais elle paraît meilleure pour le genre humain que tout ce qui se passe aujourd'hui sur l'Elbe, sur l'Oder et sur la Sprée.
Les gens dont je vous parlais 1 dans mes dernières lettres me paraissent toujours dans le plus grand désespoir et se vantent de solutions extrêmes, mais pour se consoler vous voyez qu'ils prennent tout l'argent qu'ils peuvent . Les héros ressemblent toujours par un coin aux voleurs de nuit , ils vont droit au coffre-fort, après quoi ils étalent de grands sentiments . Je n'ai pas encore tiré bien au clair l'affaire de Berlin . Je ne sais si le général Hadish 2 aura pris dans cette ville autant d'argent que les Prussiens en ont tiré de Leipsik .
Au reste je n'aurai de nouvelles des principaux personnages que dans un mois . On a été si occupé qu'on a fait un quiproquo en cachetant . On m'a envoyé une lettre pour une autre . Cette méprise pourrait faire croire qu'elle n'a pas l'esprit bien libre .
Interim buvez à ma santé et ne me sachez pas mauvais gré d'avoir enlevé la belle Pictet à Genève .
L'oncle et la nièce vous embrassent de tout leur cœur .
Pardon mais j'ai quelque souvenir que vous m'aviez flatté de deux cafetières du Levant 3, l'une de trois tasses et l'autre de six . Pardon, pardon . »
2 Le feld-maréchal austro-hongrois Andréas Hadik qui fit un raid sur Berlin les 16 et 17 octobre et mit la ville à contribution .Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/1757_Berlin_raid
3 La demande date du 23 juillet 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/25/nous-avons-trouve-qu-ils-n-en-avaient-avale-que-vingt-boutei.html
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22/01/2013
Voilà comme il faut en user avec les souverains, et ne jamais dépendre d'eux
... Car tout compte fait, leur pouvoir est illusoire si le peuple ne les assiste pas .
Vive le roi , qu'il nous fiche la paix et ne nous revienne pas trop cher !
Et encore mieux, qu'il nous rapporte !
Sarko frottant l'émir magique avant de faire ses trois voeux
Remake de Laurel et Hardy
« A M. Sébastien DUPONT,
avocat.
Au Chêne, à Lausanne, 5 novembre [1757].
Croyez-moi, je renonce à toutes les chimères
Qui m'ont pu séduire autrefois;
Les faveurs du public et les faveurs des rois
Aujourd'hui ne me touchent guères.
Le fantôme brillant de l'immortalité
Ne se présente plus à ma vue éblouie.
Je jouis du présent, j'achève en paix ma vie
Dans le sein de la liberté.
Je l'adorai toujours, et lui fus infidèle;
J'ai bien réparé mon erreur;
Je ne connais de vrai bonheur
Que du jour que je vis pour elle.
Mon bonheur serait encore plus grand, mon cher Dupont, si vous pouviez le partager. Libre dans ma retraite auprès de Genève, libre auprès de Lausanne, sans rois, sans intendant, sans jésuites 1; n'ayant d'autres devoirs que mes volontés; ne voyant que des souverains qui vont à pied, et qui viennent dîner chez moi; aussi agréablement logé qu'on puisse l'être; tenant, avec ma nièce, une fort bonne maison, sans aucun embarras, il ne me manque que vous. Nos spectacles de Lausanne ne commenceront qu'en janvier. C'est malheureusement le temps où vous plaidez
Et pro sollicitis non tacitus reis,
Et centum puer artium. 2
C'est grand dommage que vous soyez à Colmar. Une femme, des enfants et des plaideurs, vous arrêtent dans votre haute Alsace. Vous seriez bien content de la vie de Lausanne et des agréments de ma petite terre des Délices; mais votre destinée vous retient où vous êtes.
Quand je vous dis que j'ai renoncé aux rois, cela ne m'empêche pas de recevoir souvent des lettres du roi de Prusse. Je suis occupé depuis trois mois à le consoler c'est une belle et douce vengeance. Il avoue que je suis plus heureux que lui, et cela me suffit. J'ai fait depuis peu, avec l'électeur palatin, une affaire aussi bonne qu'avec le duc de Wurtemberg. Voilà comme il faut en user avec les souverains, et ne jamais dépendre d'eux. J'embrasse Mme Dupont et vos enfants aimables. Vale, vive felix, et me ama.
Mes respects à M. et Mme de Klinglin. »
1 Allusion aux jésuites Kroust, Merat, etc., dont les intriguesavaientempêché Voltaire, en 1754, de s'établir à Horbourg, prés de Colmar. (Clogenson.)
2 Horace., lib. IV, od. I.:Eloquent en faveur d'accusés inquiets, et adolescent aux mille artifices .
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