05/02/2018
Pourvu que le retardement de l'opération ne soit pas plus dangereux que l'opération même, je suis très content
...
« A Gabriel Cramer
[vers le 1er mars 1763]
Je renvoie F caro . J'ajoute une correction importante aux notes judaïques .
J'attends F, G et E D de la Tolérance . L'ouvrage sera hardi mais sage .
On me demande une douzaine de pompignades .
La requête des Calas est admise . Je suis bien fâché que la nature n'admette pas celle de la maréchale de Villars 1.
Cabanis 2 admet-il la vôtre ? »
1 La maréchale de Villars mourut le 3 mars 1763 . Il semble bien que V* écrive ici alors que la nouvelle était attendue . Voir lettre du 10 février 1763 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/01/08/absolument-guerie-j-en-suis-au-comble-de-la-joie-6015309.html
2 Cabanis, « le plus habile chirurgien de Genève » pour soigner l'hydrocèle de Gabriel Cramer .
« A Gabriel Cramer
[vers le 1er mars 1763]
Pourvu que le retardement de l'opération ne soit pas plus dangereux que l'opération même, je suis très content ; il est vrai que la maladie de Mme Denis n'est point inquiétante, mais elle est bien cruelle ; il y a un mois entier qu'elle ne dort ou ne mange, et qu'elle souffre .
Monsieur Cramer voudrait-il bien me faire le plaisir de m'envoyer encore une vingtaine de pompignades ? »
« A Gabriel Cramer
[vers le 1er mars 1763]
J'envoie l’Éveillé avec un âne chercher les cinq volumes languedochiens ; ils m'auraient été bien nécessaires pour vérifier bien des superstition toulousaines .
Je prie monsieur Cramer de vouloir bien envoyer la facture, afin que j'aie l'honneur de la lui rembourser .
Voici une lettre pour monsieur son frère . J'attends des feuilles . Comment vont les parties affligées ? »
17:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il est bon de se corriger jusqu'au dernier moment
... Ce dont je ne me priverai pas , autant que possible .
« A Gabriel Cramer
[février -mars 1763]
Je prie instamment monsieur Caro de me faire l'amitié d'imprimer la nouvelle Mariamne à la place de l'ancienne . Il est bon de se corriger jusqu'au dernier moment . Cependant, j'avoue que je trouve toutes les pièces de théâtre mauvaises, si vous en exceptez celles de Racine . Lira qui voudra les feuilles d'Oedipe et de Pertharite, assurément ce ne sera pas moi ; elles m'ennuient trop . Sur ce j'embrasse mon cher Caro . »
« A Gabriel Cramer
[février-mars 1763]
Il ne me faut que la relation et l’hymne dont M. d'Argental demande une douzaine 1. Je prie monsieur Cramer de vouloir bien me les donner pour mercredi avant la poste . »
1 V* a envoyé aux d'Argental un premier exemplaire de l'Hymne le 19 février 1763 : voir lettre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/01/19/on-dit-que-les-aveugles-sont-gais.html
16:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
j'ai un besoin pressant d'en savoir la position et les confins
... Mais de quoi , au fait ?
« A Joseph-Marie Balleidier
[février-mars 1763]
Je vous prie, monsieur, de m'envoyer les papiers concernant le petit pré subhasté par le nommé Touches sur Pasteur de Genève lequel nous avons acheté ; j'ai un besoin pressant d'en savoir la position et les confins . À l'égard de l'affaire de Jolivet contre Bétems, Jolivet fera fort bien de subhaster ce verger mais il ne faut pas se presser . Je vous donnerai une réponse plus précise dans quelque temps .
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
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04/02/2018
C'est surtout dans la conversation qu'on peut faire beaucoup de bien, et je m'en rapporte à vous ; ne manquez pas de convertir toutes les femmes qui vous tomberont sous la main
... Voltaire a fort bien compris le pouvoir de la parole et les immenses capacités de diffusion des idées par les femmes . Féministe sans le savoir, infiniment réaliste assurément .
« [Destinataire inconnu]
[28 février 1763] 1
Je me suis toujours douté,monsieur, que l'expulsion des jésuites ferait le même effet que votre ancienne réforme, on ne secoue une tyrannie que pour être tyran, on se croit obligé d’être austère quand on a combattu une prétendue morale relâchée . Les jésuites étaient bons à quelque chose, parce qu'on pouvait se moquer d'eux impunément . Les pédants qu'on va mettre à leur place, feront une affaire d’État des ridicules qu'on leur donnera , et qu'ils mériteront . Nous avons autant de peine à approcher des Anglais qu'à leur résister . Dieu merci, il nous reste le pape, c'est quelque chose , et [à] la première sottise que fera la cour de Rome, on verra la philosophie d'élever sur ses ruines .
Le malheur jusqu'à présent , de nos philosophes de Paris, est de ne s'y être pas bien pris, et d'avoir paru attaquer la morale plutôt que la superstition . Je voudrais que nous fussions tous comme les rose-croix et quVoltairee nous ne communiquassions 2 qu'aux adeptes . J'ai vu par exemple, des ouvrages édifiants et utiles, comme le Sermon des cinquante, le Testament de Jean Meslier, le drame anglais de Saül et David, circuler entre deux ou trois cents personnes tout au plus, et faire un très bon effet pour la plus grande gloire de Dieu . C'est surtout dans la conversation qu'on peut faire beaucoup de bien, et je m'en rapporte à vous ; ne manquez pas de convertir toutes les femmes qui vous tomberont sous la main .
Je vous remercie tendrement de tout ce que vous avez fait pour notre infortunée Calas, cela est digne de votre âme . Je me flatte qu'elle n'aura été secourue à Paris que par des philosophes ; je ne voudrais pas de l'argent des dévots, je leur dirais que votre aumône périsse avec vous .
Mme Dupuits vous est très obligée de tout ce que vous faites pour augmenter sa dot, heureusement la voilà très bien établie ; et encore mieux traitée par l'amour que par la fortune ; jamais femme n'a été physiquement mieux aimée, son bonheur me réjouit , et me fait rire, il n'en est pas de même de Mme Denis qui est très malade depuis plus d'un mois et qui n'a pu être de la noce . Si je voulais je rirais aussi un peu moins, car je deviens aveugle . Je crois que Pertharite, Agésilas et Suréna, m'ont donné ma fluxion . Savez-vous que l'Académie en corps a signé au contrat de mariage de Mlle Corneille 3? Jamais officier de dragons ne s'est trouvé à pareille fête . Que le contrôleur général donne ce qu'il voudra et comme il voudra, nous attendrons patiemment, nous ne sommes ni pressés, ni pressants . Le roi s'est expliqué, il donnera environ dix mille livres, et la famille Corneille se trouvera très bien de vos soins généreux .
Vous me ferez un plaisir extrême, monsieur, de me mander tout de que vous apprendrez des Calas . J'attends beaucoup de M. de Crosne ; le genre humain est intéressé dans cette affaire ; la plus abominable superstition a fait rouer un père de famille, il est temps d’étouffer ce monstre qui a causé plus de maux que la peste de Marseille .
On dit que les libraires de l'Encyclopédie sont divisés par le principe qui divise tout, par l'intérêt, et que cet intérêt plus funeste qu'Omer de Fleury, arrête absolument l'impression . J'en suis très fâché, cet ouvrage ne devait jamais être imprimé à Paris .
Je vous embrasse de tout mon cœur, et sans cérémonie comme sans date, cela n'est bon à rien . »
1 Date complétée par une main contemporaine sur le manuscrit original . Besterman remarque avec raison que cette lettre ne sonne pas tout à fait juste . On se demande si elle a été réellement dictée par V* . Certes, quelques phrases du quatrième paragraphe nous paraissent de bon aloi, mais le refus de dater est bizarre .
2 La copie porte communiassions, qui n'est satisfaisant ni pour la forme ni pour le sens .
3 Charles Pinot-Duclos a répondu à la demande de V* : « Extrait des registres de l'Académie française ./ Le 19 février 1763 ./ L'Académie a autorisé son secrétaire à signer au contrat de mariage de Mlle Corneille au nom de la compagnie ; bien entendu que si quelque autre académicien signe au contrat,ce sera comme particulier, et non comme membre de l'Académie, tous les académiciens étant compris dans la signature du secrétaire . / Duclos secrétaire ./En conséquence de la délibération ci-dessus j'autorise monsieur de Voltaire à signer à ma place. À Paris le 19 février 1763 ./Duclos secrétaire. [...] »
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03/02/2018
Pour former des enfants, vous commencez par former des hommes
... Et c'est bien le crédo de Mme Souàd Ayada, présidente du conseil Supérieur des Programmes , qui, n'ayant pas consenti à nager dans le "milieu aquatique profond standardisé", ni détruire la langue française par l'écriture inclusive, veut un retour au bon sens , des instituteurs qui soient au sens premier des tuteurs . Elle va avoir à faire avec ces foutus syndicats d'enseignants qui politisent hors de propos les programmes scolaires , et j'espère que son ministre de tutelle la soutiendra ( ce n'est quand même pas trop lui demander ).
https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/010218/souad-aya...
«A Louis-René de Caradeuc de La Chalotais
A Ferney , le 28 février [1763]
J’aimerais beaucoup mieux, monsieur, que vous m’eussiez fait l’honneur de m’envoyer votre ouvrage 1 imprimé plutôt que manuscrit . Le public en jouirait déjà. Je crois très sincèrement que c’est un des meilleurs présents qu’on puisse lui faire.
J’ai été obligé de me faire lire presque tout votre mémoire, parce que je deviens un peu aveugle, à la suite d’une grande fluxion qui m’est tombée sur les yeux.
Je ne puis trop vous remercier, monsieur, de me donner un avant-goût de ce que vous destinez à la France. Pour former des enfants, vous commencez par former des hommes. Vous intitulez l’ouvrage : Essai d’un plan d’études pour les collèges 2 ; et moi je l’intitule : Instruction d’un homme d’État, pour éclairer toutes les conditions. Je trouve toutes vos vues utiles. Que je vous sais bon gré, monsieur, de vouloir que ceux qui instruisent les enfants en aient eux-mêmes ! Ils sentent certainement mieux que les célibataires comment il faut instruire l’enfance et la jeunesse. Je vous remercie de proscrire l’étude chez les laboureurs. Moi, qui cultive la terre, je vous présente requête pour avoir des manœuvres, et non des clercs tonsurés. Envoyez-moi surtout des frères ignorantins pour conduire mes charrues, ou pour les y atteler. Je tâche de réparer sur la fin de ma vie l’inutilité dont j’ai été au monde ; j’expie mes vaines occupations en défrichant des terres qui n’avaient rien porté depuis des siècles. Il y a dans Paris trois ou quatre cents barbouilleurs de papier, aussi inutiles que moi, qui devraient bien faire la même pénitence.
Vous faites bien de l’honneur à Jean-Jacques de réfuter son ridicule paradoxe 3, qu’il faut exclure l’histoire de l’éducation des enfants ; mais vous rendez bien justice à M. Clairault, en recommandant ses Éléments de Géométrie 4, qui sont trop négligés par les maîtres, et qui mèneraient les enfants par la route que la nature a indiquée elle-même. Il n’y aura point de père de famille qui ne regarde votre livre comme le meuble le plus nécessaire de sa maison, et il servira de règle à tous ceux qui se mêleront d’enseigner. Vous vous élevez partout au-dessus de votre matière. Je ne sais pas pourquoi vous mettez le livre de M. Vattel 5 au rang des livres nécessaires. Je n’avais regardé son livre que comme une copie assez médiocre, et vous me le ferez relire.
Je m’en tiens, pour la religion, à ce que vous dites avec l’abbé Gédouin 6, et même à ce que vous ne dites pas. La religion la plus simple et la plus sensiblement fondée sur la loi naturelle est sans doute la meilleure.
Je vous rends compte, monsieur, avec autant de bonne foi que de reconnaissance, de l’impression que votre mémoire m’a faite. A présent que m’ordonnez-vous ? voulez-vous que je vous renvoie le manuscrit ? voulez-vous me permettre qu’on l’imprime dans les pays étrangers ? J’obéirai exactement à vos ordres. Votre confiance m’honore autant qu’elle m’est chère.
Je ne suis point du tout de votre avis sur le style . Je trouve qu’il est ce qu’il doit être, convenable à votre place et à la matière que vous traitez. Malheur à ceux qui cherchent des phrases et de l’esprit, et qui veulent éblouir par des épigrammes quand il faut être solide !
Ne mettez-vous pas en titre les matières que vous avez mises en marge ? Cela délasse les yeux et repose l’esprit.
Je suis bien faible, bien vieux, bien malade ; mais je défie qu’on soit plus sensible à votre mérite que moi ; je ne peux vous exprimer avec combien de respect et d’estime j’ai l’honneur d’être, etc. »
1 Voir lettre du 6 novembre 1762 à La Chalotais (datée du 3 par l'édition de Kehl) : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/05/correspondance-annee-1762-partie-30.html
2 Essai d'éducation nationale, ou Plan d'études pour la jeunesse : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k854049.r=.langFR
3 C'est une thèse de l'Emile, vers le milieu du livre II, quoique le mot d'exclure soit un peu excessif .
5 Emer de Vattel, Le Droit des gens ou Principes de la loi naturelle, 1758, et du même , Questions de droit naturel et observations sur le Traité de droit de la nature de M. le baron de Wolf, 1762 . V* ne possédait pas ces ouvrages mais avait dans sa bibliothèque un exemplaire de la Poliergie de Vattel, 1757, sur lequel il compléta comme suit le nom de l'auteur : « V[atel neuchatelois, conseiller très digne du r[oi] de Pologne ». Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Emer_de_Vattel
et : http://oll.libertyfund.org/titles/vattel-le-droit-des-gens-ou-principes-de-la-loi-naturelle-vol-1
6 Dans l'Essai d'éducation nationale .
15:20 | Lien permanent | Commentaires (0)
02/02/2018
Que de magistrats, que d'hommes en place seraient heureux de penser comme vous ! ou plutôt que la France serait heureuse !
... Aurait pu dire aujourd'hui le président sénégalais Macky Sall à Emmanuel Macron
http://www.lepoint.fr/politique/apres-la-tunisie-macron-a...
« A Etienne-Noël Damilaville
28 février 1763 1
Je reçois un gros paquet de mon cher frère avec sa belle et bonne lettre du 20 février, le tout étant enveloppé dans du papier destiné aux opérations du vingtième .
Je suis toujours émerveillé que mon frère enseveli dans ces occupations désagréables, ait eu du temps de reste pour les belles-lettres et pour la philosophie . Vous étiez fait assurément pour des emplois supérieurs . Que de magistrats, que d'hommes en place seraient heureux de penser comme vous ! ou plutôt que la France serait heureuse !
J'avais depuis longtemps l'énorme compte du procureur général de Provence . J'ai une bibliothèque entière des livres faits depuis trois ans contre les jésuites . Dans quelque temps on ne se souviendra plus de tous ces livres, et on dira seulement, il y eut des jésuites .
Je vais écrire à Cramer de Genève pour avoir mon Histoire du Languedoc 2 dont je vous remercie infiniment . J'espère y trouver de quoi détester le fanatisme .
Je vois par la lettre de mon frère qu'il faudra encore quelques cartons à l’Histoire générale . Rien n'est si difficile à dire aux hommes que la vérité .
On a oublié, ce me semble, dans les petites plaisanteries que mérite Simon Lefranc, la guerre éternelle qu'il a jurée aux incrédules dans le village de Pompignan . Remercions bien Dieu de l'excès de son ridicule ; je vous réponds que si ce petit président des aides de province n’était pas le plus important des hommes, il serait le plus dangereux .
Je suis honteux de demander toujours des livres et de vous fatiguer de mes importunités . Je crois que j'aurai bientôt une bibliothèque aussi nombreuse que celle du marquis de Pompignan 3. Je m’enhardissais un peu dans mes demandes indiscrètes, parce que je croyais que mon frère Thieriot était toujours au fait de la librairie ; qu'il se faisait un plaisir de chercher des livres ; mais puisqu'il abandonne tout et que je retrouve dans monsieur Damilaville un nouveau frère aussi actif qu'indulgent, voici une petite note que je viens de tirer sur le catalogue de Saillant .
J'embrasse tendrement mon frère et mes frères .
Écrasez l'infâme .
Gabriel Cramer de Genève m'apprend dans ce moment qu'il a reçu depuis un mois l'Histoire du Languedoc , sans lettre d'avis, et sans savoir pour qui elle était . Je prie mon frère de vouloir bien donner 4 à M. Blin de Sainmore et d'envoyer le billet à Duchesne . J'abuse terriblement des bontés de mon frère . »
1 L'édition de Kehl fond cette lettre avec deux autres, celle du 2 mars 1763 et celle du 11 mars . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-9.html
et : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-10.html
2 Voir lettre du 10 décembre 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/22/il-n-est-pas-mal-de-couper-une-tete-de-l-hydre-de-la-calomni-5991549.html
3 Le Discours cité dans la lettre du 9 février 1763 à d'Argental indique sur le témoignage d'un « ministre célèbre » que Lefranc de Pompignan possède une bibliothèque savante et nombreuse . Il est clair que V* était en train d'écrire le Lettre de M. de l’Écluse . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/22/il-n-est-pas-mal-de-couper-une-tete-de-l-hydre-de-la-calomni-5991549.html
et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5624263f/f2.image
4 Quelques mots doivent manquer ici ; il s'agit de la lettre du même jour à Blin de Sainmore : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/02/02/cela-est-bien-honnete-et-je-serais-trop-condamnable-si-j-en-6022930.html
15:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
Cela est bien honnête et je serais trop condamnable si j'en souhaitais davantage
... Voici ce que peut dire notre ministre des Finances , suite au projet d'intégrer l'illicite au licite , tout comme il a déjà par le passé trouvé le moyen -comme un mac de bas étage- d'imposer les péripatéticiennes :
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/01/co...
Pour un statisticien, l'argent sale n'a toujours pas d'odeur
« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore
Au château de Ferney par Genève
28 février 1763 1
Je vois bien, monsieur, que les gens de lettres de Paris sont peu au fait des rubriques de la poste . Je reçus avant-hier deux lettres de vous, l'une du 6 décembre et l'autre du 6 février 2 . Je réponds à l'une et à l'autre .
Je vous dirai d'abord que vos vers sont fort jolis et qu'il n'appartient pas à un malade comme moi d'y répondre . Vous me direz que j'ai répondu au prétendu abbé Culture 3: c'est précisément ce qui me glace l'imagination . Rien n'est si triste que de discuter des points d'histoire . Il faut relire cent fatras . Je crois que c'est cette belle occupation qui m'a rendu aveugle . Il a fallu réfuter ce polisson de théologien . Il faut toujours défendre la vérité et ne jamais défendre son goût .
Je ne connais ni l'examen de Crébillon ni la platitude périodique dont vous me parlez . À l'égard des tragédies je suis très fâché d'en avoir fait . Racine devrait décourager tout le monde . Je ne connais que lui de parfait et quand je lis ses pièces, je jette au feu les miennes . L'obligation où je suis de commenter Corneille ne sert qu'à me faire admirer Racine davantage .
Vous m'étonnez beaucoup d'aimer l'article Femme dans l’Encyclopédie 4 ; cet article n'est fait que pour déshonorer un ouvrage sérieux . Il est écrit dans le goût d'un petit-maître de la rue Saint-Honoré . Il est impertinent d'être petit-maître, mais il l'est encore plus de l'être mal à propos .
Vous me dites, monsieur, dans votre lettre du 6 décembre, que le roi m'a donné une pension de 6000 livres . C'est un honneur qu'il ne m'a point fait et que je ne mérite pas . Il m'a conservé ma charge de gentilhomme ordinaire de sa chambre, quoiqu'il m'eût permis de la vendre , et il y a ajouté une pension de deux mille livres . Cela est bien honnête et je serais trop condamnable si j'en souhaitais davantage .
L'état où je suis ne me permet pas de longues lettres ; mais les sentiments que j'ai pour vous n'y perdent rien . J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime que vous méritez, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire . »
1 L'édition Pièces inédites place cette lettre en 1766 ; le destinataire n'a été identifié que par Besterman .
2 Voici quelques extraits de la première de ces lettres, mêlée de prose et de vers : « Je n'ai point lu, monsieur, et je ne lirai point le nouveau livre contre vous où l'on prétend relever vos erreurs ; mais j'en ai beaucoup entendu parler . […] Ce qui me chagrine principalement, c'est d'apprendre que vous vous proposez de lui répondre . /Combattre un sot, c'est l'honorer. /On vantera toujours les sons de votre lyre, / Et dans l'oubli vous le verrez rentrer , / Votre réponse le ferait lire : /Pour écraser un vers audacieux /Jupiter ne doit point s'armer de son tonnerre . / L'aigle qui plane au haut des cieux/Entend il les serpents qui sifflent sur la terre ?/ […] tout Paris vous attribue une brochure qui a pour titre Éloge de Crébillon, et qui n'est qu'une satire sanglante de ses ouvrages . On a eu grand soin d'y faire remarquer ses défauts et l'on ne rends aucune justice à ses beautés qui sont très nombreuses et très marquées . Quant à moi, monsieur, j'ai de la peine à me persuader que cet écrit soit véritablement de vous […] . Si quelqu'un devait faire l'éloge de cet illustre tragique, ce serait vous , monsieur, qui avez couru la même carrière et qui devez en sentir toutes les difficultés . […] L'article Femme pour l'Encyclopédie est écrit en petit-maître, c'est à dire avec impertinence et avec légèreté . On attribue à M. Picardin de Dijon le Sermon du rabbin Akib sur la petite cérémonie très chrétienne et très édifiante qui s'est faite à Lisbonne . Je ne suis pas fâché que quelque forte voix s'élève de temps en temps contre les ennemis de l'humanité . […] On m'assure que cette dame [Mme de Pompadour] vous avait fait augmenter votre pension de 4000 livres . Je vous en fais mon compliment de tout mon cœur . »
3 Blin de Sainmore a noté sur le manuscrit : « A cette lettre était joint un exemplaire des Éclaircissements historiques etc., qui servait de réponse au livre intitulé Les Erreurs de M. de Voltaire. »
4 Cet article est en plusieurs parties, de différents auteurs . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Encyclop%C3%A9die/1re_%C3%A9dition/FEMME
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