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08/10/2019

Par quelle fureur enragée, quand on veut être satirique, n’exerce-t-on pas ce talent contre les persécuteurs des gens de bien, contre les ennemis de la raison, contre les fanatiques ?

... Je ne connais pas à ce jour la teneur de tous les articles du Canard de demain, aura-t-il un comportement conforme aux voeux de Voltaire ? et Charlie Hebdo ? A voir .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

9è auguste 1764 1

Mon cher frère, vous fatiguerai-je encore du dépôt de mes lettres, que vous avez la bonté de faire parvenir à leur destination ? En voici une que je vous supplie de faire tenir à M. Blin de Sainmore, à qui vous avez donné un Corneille ; il a fait une petite brochure contre les préjugés de la littérature qui me paraît assez bien, quoiqu’elle ne soit pas assez approfondie. Vous savez qu’il faut encourager tous les ennemis des préjugés. S’il vous restait quelques exemplaires de Corneille, je vous supplierais d’en faire tenir un à M. le marquis Albergati, sénateur de Bologne . Mais comment envoyer à Bologne ? Je crois que tout va par les voitures publiques, et qu’en mettant le paquet à la diligence de Lyon, il arriverait à bon port . Mais je ne veux pas vous causer un tel embarras, et abuser à ce point de votre amitié et de votre activité, deux bonnes qualités que je souhaite à frère Thieriot. Figurez-vous qu'il n'y a pas un seul Corneille chez les Cramer . Il ne m'en reste qu'un seul exemplaire, encore est-il imparfait . Je sens tous les jours la faute que Gabriel a faite en ne rendant pas son édition assez nombreuse .

Il faut que je vous conte que Palissot ne s’éloigne pas de vouloir se raccommoder avec les philosophes. Il m’a écrit plusieurs fois 2. Je lui ai répondu que je ne pouvais lui pardonner d’avoir attaqué des gens de mérite qui, pour la plupart, ayant été persécutés, devraient être sacrés pour lui.

J’en reviens toujours à gémir avec vous de voir les philosophes attaqués après ceux mêmes qui devraient l’être ; par ceux qui pensent comme nous, et qui auraient combattu sous les mêmes étendards, s’ils n’avaient pas été possédés du démon de l’envie et de celui de la satire. Par quelle fureur enragée, quand on veut être satirique, n’exerce-t-on pas ce talent contre les persécuteurs des gens de bien, contre les ennemis de la raison, contre les fanatiques ?

Dites-moi, je vous prie, si frère Platon est lié avec le secrétaire de notre Académie ? Je crois que ce secrétaire ne sera jamais l’ennemi de la philosophie ; mais je ne crois pas qu’il veuille se compromettre pour elle. Nous avons des compagnons, mais nous n’avons point de guerriers.

Vous souvenez-vous du petit ouvrage attribué à Saint-Evremond 3 ? On le réimprime en Hollande, revu et corrigé, avec plusieurs autres pièces dans ce goût. On m’en a promis quelques exemplaires, que je ne manquerai pas de faire passer à mon cher frère.

Bonsoir ; je ferme ma lettre, et je vous jure que ce n’est pas pour être oisif. 

Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl supprime les trois dernières phrases du premier paragraphe, biffées par l'éditeur sur la copie .

2 Il écrit ce même jour à V* .

3 Analyse de la religion chrétienne , attribué à Saint-Evremond ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-%C3%89vremond

Ne me refusez pas, je vous serai très obligé

... Grognent à juste titre les paysans aujourd'hui, eux qui, ne l'oublions pas, nous nourrissent, et qui sont une "espèce menacée" .

https://wikiagri.fr/articles/sauve-ton-paysan-une-mobilisation-en-forme-de-reconquete-de-lopinion/20396

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Un paysan sur terre, et non sous terre, c'est préférable

 

 

 

« A Gabriel Cramer

Eh bien , envoyez-moi, je vous en prie, deux ou trois exemplaires de ce que vous avez 1. On a dépareillé l'exemplaire de Mme Denis, et deux autres qui me restent . On m'en demande, et même avec assez d'indiscrétion . Je ne puis toujours refuser . Ne me refusez pas, je vous serai très obligé .

Bonsoir mon cher voisin.

9è auguste [1764] »

1 Le Corneille commenté .

07/10/2019

pas un seul qui ose imprimer ce qu'il pense . Jugez si dans des matières plus importantes les hommes ne trahissent pas la vérité tous les jours ...inondés de livres en France,je n'en connais pas deux dont les auteurs aient parlé avec une sincérité entière

... Oui, Voltaire, tu dis vrai encore  : 524 romans à la rentrée littéraire de septembre 2019 en France ! auxquels il faut ajouter maintenant les romans/biographies/élucubrations de nos hommes politiques, anciens présidents ou candidats à la présidence, vedettes du show biz, chroniqueurs extrèmistes, ex-ceci ou cela ... ! Mazette ! même Bernard Pivot ne peut ingurgiter cette masse , et encore moins votre serviteur  .

A ceux qui ont vandalisé la librairie où Jean-Marie Le Pen devait signer son dernier livre (Dieu veuille que ce soit bien le dernier ) je dis qu'ils sont encore plus détestables que lui, et plus idiots encore en lui faisant une publicité de martyr . Casser le thermomètre n'a jamais fait baisser la fièvre .

https://francais.rt.com/france/66518-nouvelle-librairie-vandalisee-avant-venue-de-jean-marie-le-pen

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

à Paris

9è auguste 1764 à Ferney

Vous avez montré, monsieur, autant de courage que de raison et de goût 1. Ce qui est assez singulier c'est que de tous les gens de lettres qui m'ont écrit sur l'édition de Corneille, il n'y en a pas un seul qui ne pense comme vous, et pas un seul qui ose imprimer ce qu'il pense . Jugez si dans des matières plus importantes les hommes ne trahissent pas la vérité tous les jours . Nous sommes inondés de livres en France, je n'en connais pas deux dont les auteurs aient parlé avec une sincérité entière . Quand une fois un préjugé est établi, il est respecté en public de ceux qui s'en moquent en secret . J'avoue qu'il n'appartient pas à tout le monde de déchirer le bandeau de l'erreur et de l'ignorance : mais vous avez commencé d’une main si ferme, et d'une manière si raisonnable, que vous êtes digne d'achever seul l'ouvrage .

Je n'ai peut-être pas remarqué le quart des fautes dont les meilleurs pièces de Corneille fourmillent ; le texte aurait disparu sous les remarques . J'ouvre, par exemple , le 3è acte de Cinna :

Vous êtes son rival, oui j'aime sa maîtresse,

Et l'ai caché toujours avec assez d'adresse …

En ces occasions ennuyé de supplice …

Nous disputons en vain, et ce n'est que folie .

Ce n'est pas le moyen de plaire à ses beaux yeux.

Pour moi j'estime peu qu'Auguste me la donne .

Je veux gagner son cœur plutôt que sa personne.

Je ne fais point d’état de sa possession.

J'espère toutefois qu'à force d'y rêver

Tous ces vers sont de la première scène de cet acte ; ils sont tous ou bas ou comiques, ou mal écrits 2. On ferait après mes remarques une moisson beaucoup plus abondante que la mienne ; et si les hommes étaient justes, ils ne m'accuseraient que de trop de retenue .

Vous pourriez très aisément faire un petit volume sur ce canevas . Comptez que la raison triomphe à la fin de toutes les chicanes, quand elle est exposée avec candeur .

J'ai beaucoup d'envie de lire votre héroïde des Calas 3, le sujet est bien intéressant, et je ne doute pas qu'il ne le devienne encore davantage sous votre plume .

Continuez, monsieur, à aimer les lettres et la vérité, ce sont les deux objets les plus dignes d'un être pensant . Comptez, monsieur, sur l’estime bien véritable que j'ai pour vous, j'y ajoute aujourd'hui la reconnaissance ; c'est avec ces sentiments que j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Blin de Sainmore a publié (anonymement) une Lettre sur la nouvelle édition de Corneille par M. de Voltaire, 1764, dont l'original olographe, daté du 1er août 1764, est conservé à la Bibliothèque nationale , et dans laquelle il n'a pas fait plus que Voltaire preuve de compréhension historique à l'égard de l’œuvre dramatique de Corneille . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5530882n

Et : https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/2879b220932eff741dc05174d5803a45.pdf

2 V* juge cette scène , comme le reste de l’œuvre de Corneille, d'après une esthétique à la fois très personnelle et très liée au goût d'une époque qui n'a rien à voir avec celle de Corneille:il suffit à cet égard de comparer le mobilier Louis XIII et le mobilier de la fin du règne de Louis XV . En outre, V* accumule des vers séparés de leur contexte . Enfin , il semble ne pas comprendre que le français a évolué depuis 1639 , et il se moque d’une expression comme ennuyé de supplices, qui , dans le texte a beaucoup de force et n'a rien de bas :

Auguste s'est lassé d'être si rigoureux ;

En ces occasions, ennuyé de supplices,

Ayant puni les chefs, il pardonne aux complices.

3 Le genre des « héroïdes » vient d'être mis en vogue par Daurat qui a fait des Lettres portugaises des héroïdes en vers au goût du jour ( voir : https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1968_num_20_1_896 ) . Blin de Sainmore a composé la sienne : Jean Calas à sa femme et à ses enfants, héroïde, 1763 : http://terment.ru/fr8/?q=Jean+Calas+%C3%A0+sa+femme+et+%C3%A0+ses+enfans%2C+h%C3%A9ro%C3%AFde

et voir : https://www.academia.edu/37962286/Jean_Calas_un_mythe_dans_le_theatre_francais_fin_XVIII

06/10/2019

tous les jeunes conseillers du parlement qui n'ont point eu la petite vérole, seraient beaucoup plus sages de se faire inoculer

... Je dis bien : inoculer .

Et non , bien inoculer .

D'où l'importance de la ponctuation, que ces parlementaires, de tous âges semblent ignorer, tout autant que les accents qu'ils ont accepté de faire passer à la trappe .

Image associée

Pour en revenir à la vaccination, piqure de rappel pour les opposants (dangereux ennemis publics ) qui survivent indemnes grâce à ceux qui se font vacciner .

 

 

« A Antoine-René de Voyer, marquis de Paulmy 1

6 auguste 1764, au château de Ferney

Mon âge et mes infirmités, monsieur, ne me permettent pas de répondre régulièrement aux lettres dont on m’honore . Je savais , il y a longtemps, l'heureux accouchement de Mme de Voyer 2. J'ai été attaché toute ma vie à MM. d'Argenson . M. et Mme de Voyer étaient faits pour braver des préjugés aussi ridicules que funestes ; et tous les jeunes conseillers du parlement qui n'ont point eu la petite vérole, seraient beaucoup plus sages de se faire inoculer, que de rendre des arrêts contre l'inoculation . Si vous voyez M. et Mme de Voyer, je vous prie, monsieur, de leur présenter mes hommages, et d'agréer les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire,

gentilhomme ordinaire du roi . »

2 Une fille née le 14 juillet 1764 ; Mme Du Deffand a annoncé l'approche des « couches de Mme de Voyer » dans sa lettre du 17 juin 1764 .

05/10/2019

moi qui suis très tolérant je trouve très bon que chacun se réjouisse à sa mode

...  Si on me laisse dire merde je laisse dire amen !

https://www.youtube.com/watch?v=gWRzopyZBSA

 

 

« A Jacob Vernes

à Selegny par Copet

6è auguste 1764 à Ferney

Mon cher prêtre de Baal 1, Olympie est tout à fait de votre ressort . Il me semble que l’hiérophante est un fort honnête homme qui pense à peu près comme vous, et qui est fort tolérant . Au reste chacun peut à son gré jeter Olympie dans le feu ou la sauver , et moi qui suis très tolérant je trouve très bon que chacun se réjouisse à sa mode . Au reste ce n'est point dans le temple qu'Olympie se brûle mais dans la place qui est au-devant du temple . La fumée gâterait les belles voûtes du sanctuaire . Il est vrai que cela est assez difficile à exécuter par des décorateurs ordinaires . Je vous prie de vouloir bien assurer de mon estime, de ma reconnaissance et de mes respects les traducteurs .

L'affaire des Calas va bien , et ira très bien . On aura justice entière : mais on ne l'aura pas en un jour . Il est plus aisé de rouer un pauvre homme que de condamner un parlement . Nous avons déjà beaucoup obtenu, et nous gagnerons bien davantage . Adieu, le malade vous embrasse .

V. »

1de Baal est fortement biffé sur le manuscrit ; ces mots sont assez compromettants en effet pour Vernes puisqu'ils s'opposent implicitement à Dieu d'Israël, par allusion au vers célèbre d'Athalie de Racine : « Je ne sers ni Baal, ni le dieu d’Israël. » Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Athalie/modernis%C3%A9e

04/10/2019

il retravaille son ouvrage, il y jette un plus grand intérêt, il ajoute, il retranche, il refait et vous aurez l'ouvrage dès qu'il y aura mis la dernière main

... Travail de ministre ? On peut l'espérer .  Face à chaque gouvernant se dresse un syndicaliste , un gilet jaune , un lobbyiste, un politicien d'opposition ou un vulgum pecus chagrin, d'où l'ampleur de la tâche . Alors verrons-nous de notre vivant l'aboutissement de réformes absolument nécessaires ? ou les aurons-nous le jour où pleuvront  les alouettes rôties et les billets de cent ?

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« A Henri-Louis Lekain

6 auguste 1764

Le petit ex-jésuite, mon cher ami, ne s'est point découragé, il retravaille son ouvrage, il y jette un plus grand intérêt, il ajoute, il retranche, il refait et vous aurez l'ouvrage dès qu'il y aura mis la dernière main . Il m’a chargé de vous prier instamment de remettre le manuscrit à certains adorables anges qui veulent bien avoir la bonté de le renvoyer au pauvre défroqué . Il m'assure par ses lettres qu'il vous est très dévoué, et qu'il n’aspire qu'à vous donner des preuves de son amitié . Ne comptez pas moins sur la mienne, vous savez combien j'aime vos talents et votre personne . »

03/10/2019

ayant renoncé à tout, n'ayant rien à demander, je n'écoute que mon cœur

...Purifie mon cœur | LA SAINTETE FM/TV

 

 

« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg

6è auguste 1764 à Ferney

Vous êtes plus jeune que moi, madame, puisque vous faites des voyages, et moi si j'en faisais ce ne serait que pour venir vous voir . Vous avez de la santé, et vous la méritez par une sobriété constante, et par une vie uniforme . Je ne suis pas si sage que vous, aussi j'en suis bien puni . Je regrette comme vous, Mme de Pompadour, et je suis bien sûr qu’elle ne sera jamais remplacée . Elle aimait à rendre service et était en état d'en rendre ; mais mon intérêt n'entre pour rien dans les regrets que je donne à sa perte ; ayant renoncé à tout, n'ayant rien à demander, je n'écoute que mon cœur, et je pleure votre amie sans aucun retour sur moi-même .

Si vous êtes à Colmar, madame, je vous prie de faire souvenir de moi M. le premier président votre frère . Je serai peut-être obligé, malgré ma mauvaise santé et ma faiblesse , de faire un tour dans votre Alsace pour quelques arrangements que j'ai à prendre avec M. le duc du Virtemberg ; mais alors il ne sera que le prétexte et vous serez la véritable raison de mon voyage . Vous ne sauriez croire quel plaisir j'aurais à m'entretenir avec vous . Nous parlerions du moins du passé pour nous consoler du présent . C'est la ressource des anciens amis . Regardons l'avenir en philosophes, jouissons avec tranquillité du peu de temps qui nous reste . Puissé-je venir philosopher avec tous au Jar, je ne vous y dirais jamais assez combien je vous suis attaché ; je croirais renaître en vous faisant ma cour . Je maudis mille fois l’éloignement des Alpes au Rhin . Adieu, madame, portez-vous bien et conservez-moi des bontés qui font la consolation de ma vie .

V. »