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24/02/2020

La rage d’imprimer des livres, et d’imprimer son avis sur les livres, est montée à un tel point, qu’il faudrait une douzaine de bibliothèques du Vatican pour contenir tout ce fatras

... Sans compter tout ce qui circule sur le Net , bien entendu .

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Why not ?

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

J’ai reçu, par la poste, monsieur, l’énorme poignée de verges de l’Aristarque et du Zoïle d’Italie 1; mais, dans l’état où sont mes yeux, il leur est impossible de lire cet ouvrage . Mes fluxions me sauvent de la frusta 2. C’est une chose prodigieuse que le nombre de journaux dont l’Europe est inondée. La rage d’imprimer des livres, et d’imprimer son avis sur les livres, est montée à un tel point, qu’il faudrait une douzaine de bibliothèques du Vatican pour contenir tout ce fatras. Les belles-lettres sont devenues un fléau public. Il n’y a d’autre parti à prendre que d’en user avec les livres comme avec les hommes, de choisir quelques amis dans la foule, de vivre avec eux, et de se soucier très peu du reste.

Mon malheur sera toujours d’avoir vécu loin d’un ami aussi respectable que vous. Ce qui me fait le plus regretter la perte de mes yeux, c’est de ne pouvoir plus lire l’Arioste ; mais je regrette votre société bien davantage. Votre très humble et très obéissant serviteur

V.

21è décembre 1764 .»

2  Frusta = fouet , d'où les "verges" citées . Capacellei a envoyé le 7 décembre 1764 à V* les 22 premiers numéros de La Frusta Letteraria di Aristarco Scannabue, éditée par Giuseppe Baretti , 1763-1765 ; le Catalogue de Ferney mentionne aussi les numéros 23 et 24 qui sans doute furent envoyés par la suite . Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frusta_letteraria_(magazine)

nous ne sommes que des barbouilleurs de papier, très inutiles en ce monde

... Notre presse people correspond parfaitement à ce jugement . Son seul mérite est de donner du travail à certains, et son défaut majeur d'être des pollueurs physiques et moraux . Tout n'est pas rose en notre monde ma pauvre M'ame Michu !

 

 

« A Jacob Vernes

[vers le 20 décembre ? ] 1764 1

[…] Jean-Jacques et moi nous ne sommes que des barbouilleurs de papier, très inutiles en ce monde . Tout notre mérite est d'augmenter le commerce du chiffon . Nos vers, notre prose, nos paradoxes, nos contradictions, nos sottises ne font ni bien ni mal . Le grand point est de manger en paix à l'ombre de son figuier 2, et de se réjouir dans ses œuvres 3. Tout le reste est vanité 4 . Dieu nous tienne ne liesse . 

V.»

1 D'après le manuscrit olographe dont manque la partie supérieure ; l'édition Charles Dardier, Esaïe Gasc, 1876, propose cette date par rapprochement avec la lettre du 21 décembre 1764 à Albergati Capacelli .

2 Michée ( Prophètes mineurs, ou Douze) , IV, 4 : https://fr.wikisource.org/wiki/Bible_Segond_1910/Mich%C3%A9e#Mich%C3%A9e_4

4 Ecclésiaste, I, 14 : https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Ecclesiaste-1-Note-14.htm . On ne peut se montrer plus pénétré du style biblique que V* ne le fait dans ces quelques lignes .

 

23/02/2020

il s'en remet entièrement au zèle et à la prudence des deux frères , et leur présente ses respects

...

 

« A Jacob Tronchin 1

Conseiller d’État

à Genève

Le vieux de la montagne avait eu l'honneur d'écrire ce matin un petit mot à monsieur Tronchin, et avait déjà envoyé sa lettre avant de recevoir celle que monsieur Tronchin veut bien lui écrire .

Les lettres de MM. les ducs de Choiseul et de Praslin étaient déjà parties hier, en conséquence des ordres de monsieur Tronchin . Il avait même donné avis à M. Crommelin de cette démarche .

Quant à la petite affaire sur laquelle monsieur Tronchin dit avoir reçu une lettre ce matin du vieux de la montagne, il s'en remet entièrement au zèle et à la prudence des deux frères 2, et leur présente ses respects .

20è décembre [1764] à midi 3. »

2 Le frère de Jacob est Jean-Robert Tronchin, procureur général . Voir : https://gw.geneanet.org/rossellat?lang=en&p=jean+robert&n=tronchin&oc=4

3 L'édition Droz place cette lettre en 1766 ; elle est ici placée par son rapprochement avec celle du 23 décembre 1764 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1764-partie-41.html

22/02/2020

il n’a rien fait, rien écrit, que muni de la permission expresse de son héros, et de son ordre positif, qu’il garde soigneusement

... Edouard Philippe ? Le saura-t-on un jour ? Qui peut être le "héros" de ce barbu qui rêve d'être le premier dans sa ville  plutôt que second dans l'Etat ?

 

 

« A Louis-François-Armand du Plesssis, duc de Richelieu

19è décembre 1764 à Ferney

Remontre très humblement François de V. l’aveugle à son héros :

1° Que son héros n’a pas autant de mémoire que d’imagination et de grâces ; qu’il daigna mander le 1er de septembre à son vieux courtisan : « Vous êtes et serez toujours le maître des rôles de toutes vos pièces ; c’est un droit qui vous serait moins disputé qu’à personne, et une loi où l’on obéira en vous battant des mains ; je le veux absolument. »

Voilà les propres paroles de monseigneur le maréchal.

2° Que ces propres paroles étaient en réponse d’un placet présenté par l’aveugle, dans lequel ledit aveugle avait supplié son héros de lui permettre de faire une nouvelle distribution de ces rôles .

3° Que ledit suppliant a été, depuis environ quarante ans en çà, berné par son dit héros, lequel lui a donné force ridicules le plus gaiement du monde .

4° Que ledit pauvre diable ne mérite point du tout le ridicule d’être accusé d’avoir entrepris quelque chose de sa tête dans cette importante affaire, et qu’il n’a rien fait, rien écrit, que muni de la permission expresse de son héros, et de son ordre positif, qu’il garde soigneusement .

5° Qu’il écrivit en conséquence au grasseyeur  Grandval, qu’il instruisit ledit grasseyeur de la permission de monseigneur le maréchal, et que, partant, il est clair que le berné n’a manqué à aucun de ses devoirs envers son héros le berneur .

6° Qu’il n’a consulté en aucune manière Parme et Plaisance 1 sur les acteurs et actrices du tripot de Paris ; mais que, sur le rapport de plusieurs farceurs, grands connaisseurs, barbouilleurs de papier, et autres grands personnages, il a distribué ses rôles, selon toute justice, selon le bon plaisir de monseigneur le maréchal et des autres gentilshommes de la chambre ; ce qu’il a expressément recommandé dans toutes ses lettres aux connaisseurs représentant le parterre .

7° Qu’il n’a envoyé au grasseyeur ses dernières dispositions, sous une enveloppe parmesane, que pour éviter les frais de la poste au grasseyeur, et pour faire parvenir la lettre plus sûrement, une première ayant été perdue.

Ces sept raisons péremptoires étant clairement exposées, le suppliant espère en la miséricorde de son héros et en ses plaisanteries.

Il supplie son héros d’examiner la chose un moment de sang-froid, sans humeur et sans bons mots, et de lui rendre justice.

Il y a plus de quinze jours que j’ai écrit pour faire venir quatre exemplaires de ce cher Julien l’apostat 2, pour vous en faire parvenir un par la voie que vous m’avez ordonnée.

Vous croyez bien que j’ai reçu de mon mieux l’ambassadeur de Mme d’Egmont. Je vois que votre voyage dans mon pays des neiges est assez éloigné encore ; mais si jamais madame d’Egmont veut passer le mont Cenis et aller à Naples, je me ferai prêtre pour l’accompagner en qualité de son aumônier Poussatin 3.

Je suis honteux de mourir sans avoir vu le tombeau de Virgile, la ville souterraine, Saint-Pierre de Rome et les facéties papales.

Je me mets aux pieds de mon héros avec une extrême colère, un profond respect, et un attachement sans bornes.

V. »

1 Allusion à d'Argental, représentant de Parme à Paris .

2 La Défense du paganisme, traduit par d’Argens : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61992d.texteImage

On est las de toutes ces disputes

...

 

« A Etienne-Noël Damilaville

19 décembre 1764 1

Gabriel Cramer attend le manuscrit, mon cher frère ; mais moi, je vous prie de m'envoyer des imprimés . On doit avoir actuellement les édits, j'en suis curieux comme d'une pièce nouvelle . Mandez-moi je vous prie si cette pièce réussit ou si elle est sifflée .

L’Arbitrage ne fera pas une grande sensation . On est las de toutes ces disputes ; et quand il s'agit de sottises présentes, on se soucie fort peu de celles qui sont attribuées au cardinal de Richelieu .

Il y a d'autres sottises qui doivent être l'objet éternel de l'attention des frères . Partant, écr l'inf . »

1 Copie par Wagnière qui amalgame ce fragment de lettre à celle du 26 décembre 1764, en dépit d ela contradiction entre les débuts rerspectifs des deux lettres ; le "manuscrit " est en effet l'ouvrage dont il est question dans la première phrase de la lettre du 26 décembre 1764 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1764-partie-41.html

21/02/2020

l'Académie française est très escandalisée

... par le français parlé/ânonné de nos jours, infiniment loin de la langue de Jean Daniel qui vient de mourir : https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2020/02/20/je...

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« A Gabriel Cramer

19 décembre 1764

Monsieur Gabriel saura que l'Académie française est très escandalisée 1 qu'on ne lui ait pas envoyé un Corneille pour sa bibliothèque, comme il l'avait promis solennellement au secrétaire perpétuel . Mon cher Gabriel ne veut pas sans doute me brouiller avec quarante personnes à la fois .

Je le prie de mander sur-le-champ à son correspondant à Paris, de faire relier sur-le-champ un Corneille, et de le porter incontinent à monsieur le secrétaire . Je lui aurai la plus sensible obligation . Je l'embrasse de tout mon cœur . »

1 La forme est employée par plaisanterie, mais elle a été attestée à une époque plus ancienne ; le mot en venu en français par l’intermédiaire de l'espagnol ou du provençal .

20/02/2020

Je vous supplie de me mander en quel état est cette tracasserie théâtrale

... Si jamais vous pouvez m'en faire un résumé plus complet que "fiasco"

http://www.leparisien.fr/politique/retraites-a-l-assemble...

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

19è décembre 1764 1

Vous saurez, mes divins anges, que M. le maréchal de Richelieu m’a écrit une lettre fulminante sur la distribution des bénéfices du tripot. Il m’accuse d’avoir conspiré avec vous contre les quatre premiers gentilshommes de la chambre : je viens de le confondre par des raisons auxquelles on ne peut répondre que par humeur et par autorité. Je lui ai envoyé la copie de sa lettre, par laquelle il m’avait non seulement permis de disposer des dignités comiques, mais dans laquelle même il m’assurait que c’était mon droit, qu’on ne me l’ôterait jamais, et qu’il voulait que j’en usasse.

Je lui ai certifié que vous n’aviez nulle part aux résolutions que j’ai prises en conséquence de ses ordres. Je ne sais ce qui arrivera de cette grande affaire, mais je n’ai pas voulu que vous souffrissiez pour ma cause. Il serait injuste qu’on vous fît une affaire d’État, dans le temps présent, pour les héros du temps passé. Je vous supplie de me mander en quel état est cette tracasserie théâtrale.

Je soupçonne le Portatif d’avoir été noyé dans les flots d’édits portés en parlement ; et quand on voudra le mettre en lumière, après l’aventure des édits, ce ne sera que du réchauffé. On ne saura pas seulement de quoi il est question, et maître Omer en sera pour son réquisitoire.

On dit que quelques philosophes ont ajouté plusieurs chapitres insolents au Portatif 2, qu’on l’a imprimé en Hollande avec ces additions irréligieuses, qu’il s’en est débité quatre mille en huit jours, et que la sacro-sainte baisse à vue d’œil dans toute l’Europe. Dieu bénisse ces bonnes gens ! ils ont rendu un service essentiel à l’esprit humain. On ne peut établir la tolérance et la liberté qu’en rendant la persécution ridicule. Il faut avoir les yeux crevés pour ne pas voir que l’Angleterre n’est heureuse et triomphante que depuis que la philosophie a pris le dessus chez elle . Auparavant elle était aussi sotte et aussi 3 malheureuse que nous.

Il fait un temps assez doux dans notre grand bassin entre les Alpes et le mont Jura . Si cela continue, je pourrai bientôt relire les Roués. Daignez me mander, je vous prie, si l’on a reçu au tripot quelque héros qui ait une voix sonore, la mine fière, la contenance assurée, la poitrine large et remplie de sentiments, avec des yeux pleins  de feu qui sachent parler plus d’un langage.

J’ai lu mes Lettres secrètes. Voilà de plaisants secrets ! Le polisson qui a fait ce recueil n’y fera pas une grande fortune.

Je baise le bout de vos ailes avec une effusion de cœur remplie d’onction et de la plus respectueuse tendresse.

Comme cette lettre allait partir, je reçois celle de mon ange, du 11è décembre. On doit avoir reçu ma réponse au sujet de Luc 4, envoyée sous l’enveloppe de M. le duc de Praslin. J’ai vu depuis un des meurtriers appartenant à Luc ; il confirme sa bonne santé ; mais je crois qu’il ne sait rien ni pour ni contre. J’espère savoir dans peu quelque chose de plus positif.

Je suis très fâché de la mort de madame de La Marche 5, car on dit qu’elle était très aimable.

J’aurai bien de la peine avec les Roués. La scène du 3è acte, étant toutes en mines et en gestes, pourrait devenir comique, si les personnages exprimaient en vers la crainte qu’ils ont d’être reconnus. Je crains l’arlequinade. D’ailleurs je ferai ce que je pourrai, et non pas ce que je voudrai. Tout ce que je puis dire, c’est qui faut des hommes à la Comédie, et que nous en manquons. 

Permettez que je vous adresse ce petit billet pour le grasseyeur Grandval 6.

Je suis pénétré de toutes vos bontés .

N.B. – Voyez comme on se trompe dans ses conjectures ! Vous pensiez que le tyran Richelieu serrait fâché de l'hostie ; je vous assure qu'il ne s'en soucie pas plus que du testament qu'il n'a jamais lu . Vous avez eu seulement la rage inutile de retrancher une anecdote historique très vraie et très importante . Vous pensiez qu'il approuverait les lettres patentes comiques, elles ont excité sa colère . Mais il faut espérer qu'il se rendra à la raison, et qu'il ne plaidera pas contre sa signature .»

1 L'édition de Kehl n'a pas les trois derniers paragraphes, biffés sur la copie Beaumarchais .

2 Sur cette prétendue édition collective, voir lettre du 11 décembre 1764 à Damilaville :  . Ce qui est vrai c'est qu'au moins quatre éditions augmentées, comportant notamment sept articles nouveaux (Catéchisme du jardinier, Enthousiasme, Liberté de penser, Nécessaire, persécution, Philosophie, Sens commun ), sans compter d'autres additions, corrections ou amplifications (notamment celle de l'article Tolérance ), parurent au début de 1765 .

3 Les trois mots qui précèdent ne figurent pas sur la copie Beaumarchais .

4 Voir la lettre du 10 décembre 1764 à d'Argental dont les deux premiers paragraphes, relatifs au roi de Prusse qui consultait Tronchin :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/02/07/votre-sorbonne-est-toujours-la-sorbonne-je-ne-dis-rien-de-votre-parlement-c.html

 ; voir également la lettre du 9 décembre 1764 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/02/07/si-cette-hydre-ne-renaissait-sans-cesse-du-fond-de-superstition-repandue-su.html .

5 Anne de Berbis-Cromey, femme de Jean-Philippe Fyot de La Marche le jeune, est morte le 29 novembre 1764 : https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=catherine&n=de+berbis&oc=1

6 Ce billet n'est pas connu .