30/09/2025
On dit qu’elle est emportée comme vous dans la conversation, qu’elle n’a ni finesse ni agrément
... Eh! oui, ce cher Voltaire semble bien connaître Rachida Dati qui risque de jouer les prolongations à la Culture en même temps qu'elle doit répondre devant le tribunal de corruption et trafic d'influence ; décidément les amis de Nicolas Sarkozy sont des champions pour s'en mettre plein les poches illégalement . Il est grand temps de les arrêter .

https://www.ladepeche.fr/article/2013/04/23/1612489-rachi...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
25è avril 1770
Mon cher ange, on m’avait mandé que Lekain était mort ; passe pour moi, qui ai, comme vous savez, soixante-dix-sept ans, et qui n’en peux plus ; mais il faut que Lekain vive, et qu’il fasse vivre mes enfants. Permettez que je vous adresse mes lettres pour lui 1.
Il me semble que les ciseaux de M. l’abbé Terray sont encore plus tranchants que ceux de la Parque. Ce diable d’homme, en deux coups, me dépouille de tout le bien que j’ai en France.
Je ne sais si vous avez vu milord Cramer, ambassadeur de la république de Genève ; et si, en qualité de mon libraire, il a fait, comme on dit 2, une grande impression à Versailles. N’allez-vous pas les mardis dans ce pays-là ?
Je vous demande très instamment une grâce auprès des puissances : c’est de gronder beaucoup Mme la duchesse de Choiseul, et même, s’il le faut, monsieur son mari, et, par-dessus le marché, M. de La Ponce, son secrétaire.
J’ai recueilli chez moi des horlogers français établis ci-devant à Genève . J’ai rendu une cinquantaine de familles à la patrie ; j’ai établi une manufacture de montres ; j’ai prêté de l’argent à tous ces ouvriers pour les aider à travailler ; ils ont, en six semaines de temps, rempli de montres une boîte pour Cadix. J’ai pris la liberté de l’envoyer à M. le duc de Choiseul, comme un essai de ce qu’on pouvait faire dans sa nouvelle colonie. J’ai écrit la lettre la plus pressante 3 à Mme la duchesse de Choiseul, et une autre non moins vive à M. de La Ponce 4. Si on ne me répond point, vous sentez bien qu’on ne survit point à ces outrages-là quand on est attaqué de la poitrine, au milieu des neiges, à la fin d’avril.
Si on ne favorise pas ma manufacture de toutes ses forces, il est certain que je n’ai pas huit jours à vivre. Il n’est pas juste que quand M. l’abbé Terray m’assassine à droite, M. le duc de Choiseul m’égorge à gauche. En vérité, sans saint Billard et saint Grizel, qui font mourir de rire, je crois que je mourrais de douleur.
Mettez-vous donc en fureur contre Mme la duchesse de Choiseul. On dit qu’elle est emportée comme vous dans la conversation, qu’elle n’a ni finesse ni agrément ; c’est précisément ce qu’il vous faut.
Comment se porte Mme d’Argental ? Vous n’avez pas nos neiges, mais vous avez, dit-on, de la pluie et du froid.
Les solitaires de Ferney sont à vous plus que jamais.
Lisez, s’il vous plaît, cette réponse 5 au frère de Fréron ; et, si vous la trouvez bien, ayez la bonté de la faire mettre à la poste. Je crois qu’il faut affranchir pour Londres.
Je vous demande bien pardon de tant de peines ; mais quand il s’agit de Fréron, il n’y a rien qu’on ne fasse.
Point du tout : ce pauvre diable, accusé par son beau-frère Fréron d’avoir cabalé à Rennes, est actuellement en Espagne. Dieu veuille délivrer la France de son cher beau-frère, et qu’il soit assisté en place de Grève par l’abbé Grizel !
V. »
1 Voir lettre du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/09/29/tres-cher-soutien-de-la-tragedie-expirante-6564673.html
2 Voyez lettre du 26 mars 1770 à Mme Du Deffand sur ce jeu de mots : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/09/08/les-pays-etrangers-ou-l-on-ne-rit-pas-tant-qu-en-france-quoi-6561937.html
3 Lettre du 9 avril 1770 à la duchesse de Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/09/17/atticus-corsicus-pollion-a-dit-en-passant-dans-son-cabinet-je-consens-qu-on.html
4 Lettre non connue .
5 Cette lettre à Royou, beau-frère de Fréron, manque.
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très cher soutien de la tragédie expirante
... Nicolas, je te le dis , tu en fais trop, d'ailleurs le rideau est tombé, tu peux arrêter de déclamer . Rentré côté jardin (de l'Elysée ) tu sors côté cour (de justice ), ta pièce fait un bide .
« A Henri-Louis Lekain
25è avril 1770 1
Mon très grand et très cher soutien de la tragédie expirante, on avait dit dans la chambre du roi que vous étiez mort ; on me l’avait mandé, et, au lieu de vous répondre, je vous ai pleuré. Dieu merci, j’apprends que vous êtes en vie. La vérité ne se dit guère dans la chambre du roi.
Vous allez briller à Versailles, et faire voir à madame la dauphine ce que c’est que la tragédie française bien jouée ; elle n’en a sûrement pas l’idée.
Je ne crois pas, ( entre nous ), que les eaux, de quelque nature qu’elles soient, puissent faire du bien ; mais je crois que l’eau pure en fait beaucoup, et le régime encore davantage. Les voyages des eaux ont été inventés par des femmes qui s’ennuyaient chez elles. Conservez votre santé malgré M. l’abbé Terray, et qu’il ne vous ôte pas ce bien inestimable. »
1 Original ; éd. Kehl qui amalgame cette lettre à celle du 20 janvier 1770 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/06/27/m... ; Lekain : incomplète .
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29/09/2025
J’approuve fort le respect avec lequel vous recevez les lettres de cachet ; mais pour la joie, il me paraît qu’elle est de trop. Le respect suffisait
... C'est presque ça M. Sarkozy, continuez à fanfaronner , vous me rappelez tous ces délinquants pris la main dans le sac et qui crient "c'est pas moi, j'ai rien fait ! ". Vous avez eu de regrettables fréquentations qui vous arrangeaient bien quand la tricherie marchait bien, il faut payer maintenant , assez profité d'une notoriété frelatée ; l'Etat continue à vous payer grassement , ne l'oubliez pas, j'espère que l'amende sera à hauteur du délit .
Ce qui m'écoeure déjà, ces sont les médias avides de sensationnel qui seront à votre sortie de prison et vous aurez des ponts d'or pour leur cracher vos souvenirs, et des lecteurs niais pour les acheter et vous plaindre , gogos qu'ils sont .
« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont
Le 25 d’avril [1770] 1
Mon cher ami, les dévots qui cabalaient contre M. de Lupé étaient sans doute les Grizel et les Billard. Votre second mémoire 2 est un des plus forts, des plus éloquents, des plus concluants que vous ayez jamais faits. J’approuve fort le respect avec lequel vous recevez les lettres de cachet ; mais pour la joie, il me paraît qu’elle est de trop. Le respect suffisait. La joie n’est bien placée qu’à l’audience, où l’on fait payer une lettre de cachet vingt mille francs 3.
On pourrait parler dans le Dictionnaire encyclopédique de cette affaire , et vous rendre justice sur tous les points, excepté sur celui de la joie. On pourrait glisser cet article dans celui d’arrêts notables. On n’oublierait pas M. Target 4. Mais il serait bon d’avoir son plaidoyer.
Qu'est-ce que le procès de Castille 5 dont vous parlez ? Qu'est-ce que la demoiselle de G*** ? Il serait bon de savoir tout cela .
Peut-être le beau-frère de Fréron, à qui ce Fréron a servi d’espion, dont il avait été le délateur, et contre lequel il a obtenu une lettre de cachet, vous priera de le prendre sous sa 6 protection. C’est alors que le public vous bénirait, et qu’on vous battrait des mains depuis votre maison jusqu’à la grand-chambre.
Je n’ai pas plus de nouvelles aujourd’hui de l’affaire de Sirven que s’il ne l’eût jamais entreprise. Il se pourrait bien faire qu’il l’eût abandonnée. Je vous ai déjà dit que je soupçonnais fort sa cervelle et celle de toute sa famille d’être mal timbrée.
Ma lettre est courte, mon cher ami ; nous sommes tous malades au château, et moi plus que les autres, parce que je suis le plus vieux. Nous avons au mois d’avril dix pieds de neige d’un côté et trente de l’autre. Ce sont là de terribles lettres de cachet de la cour d’en haut. »
1Copie contemporaine ; éd. Cayrol qui omet le troisième paragraphe, biffé dans le manuscrit .
2 Réponse pour le marquis de Lupé [...] à l'imprimé du comte de la Tour-du-Roch, son beau-père, 1770 : https://books.google.fr/books?id=J6R6RKlBLqgC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
3 Élie de Beaumont avait fait obtenir ce dédommagement à la comtesse de Lancize, mise arbitrairement à la Bastille. Voir : https://francearchives.gouv.fr/facomponent/d28cfe1abde23643f622005201e5671ce796d259
4 Guy-Jean-Baptiste Target : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy-Jean-Baptiste_Target
5 Voir les « Arrêts notables » dans les Questions sur l'Encyclopédie : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Arr%C3%AAts_notables
6 Lire votre pour sa (lapsus).
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28/09/2025
j’étais mort...La prospérité du hameau de Ferney m’a ressuscité...Si vous voulez que je vous dise des nouvelles, je n’en sais point d’autres
... Ou alors ...https://www.franceinfo.fr/
« A Pierre-Michel Hennin
Ce qui fait que je n’ai point répondu à mon très aimable résident, c’est que j’étais mort. Nous avons tous été malades d’un catarrhe qui ne vaut rien du tout pour les gens de soixante-dix-sept ans et demi.
La prospérité du hameau de Ferney m’a ressuscité. J’ai actuellement une quarantaine d’ouvriers employés à enseigner à l’Europe quelle heure il est. Mais je suis bien indigné que M. le duc et Mme la duchesse de Choiseul n’aient point répondu à la lettre la plus importante et la plus ridicule que je pusse jamais leur écrire 1.
M. l’abbé Terray continue à faire des siennes ; il continue à me ruiner, il m’écrase sans en rien savoir. Il faut avouer qu’il me met en grande compagnie. Vous savez le conte de l’homme qui criait au voleur quand il passait ; cela est fort plaisant, mais cela ne rend l’argent à personne.
Si vous voulez que je vous dise des nouvelles, je n’en sais point d’autres, sinon que le roi de Prusse me mande 2 qu’il protège vivement les jésuites auprès du pape, et qu’il compte sur la canonisation de saint Voltaire et de saint Frédéric ; il me place le premier comme le plus ancien, mais non comme le plus digne.
Pendant ce temps-là, Catherine suit toujours sa pointe, comme dit élégamment le Père Daniel ; mais elle n’a point l’ambition de la canonisation, comme le roi de Prusse.
Mme Denis vous fait mille tendres compliments.
24è avril 1770. 3»
1 La lettre du 9 avril 1770 à la duchesse de Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/09/17/atticus-corsicus-pollion-a-dit-en-passant-dans-son-cabinet-je-consens-qu-on.html
2 Par une lettre du 6 avril 1770 ( voir : https://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/13/32/text/ )
qu'on trouvera à propos de la lettre du 27 avril à Frédéric II : https://www.monsieurdevoltaire.com/2015/10/correspondance-avec-le-roi-de-prusse-annee-1770-partie-102.html
3 Voir correspondance avec Hennin : https://archive.org/details/correspondancein00volt/page/n7/mode/2up
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27/09/2025
Nous sommes en tout sens dans le temps de la plus horrible décadence...Les hommes veulent bien se tromper pour quelque temps, cabaler, en imposer
... On en a quelques spécimens de haut degré , du tonneau d'un Natanyahou, Trump, Poutine et quelques chefs d'Etats en guerre civile dont la liste est longue comme un jour sans pain .
« A Jean-François de La Harpe
23è avril 1770 1
Mon cher enfant, calmez votre sang, et rengraissez Mme de La Harpe, mais n’espérez pas rétablir le bon goût. Nous sommes en tout sens dans le temps de la plus horrible décadence. Cependant soyez sûr qu’il viendra un temps où tout ce qui est écrit dans le style du siècle de Louis XIV surnagera, et où tous les autres écrits goths et vandales resteront plongés dans le fleuve de l’oubli. Les hommes veulent bien se tromper pour quelque temps, cabaler, en imposer ; mais ils ne veulent point s’ennuyer.
Il est impossible de lire la plupart des ouvrages qu’on fait aujourd’hui ; mais on lira toujours La Religieuse 2. Pourquoi ? parce qu’elle est écrite dans le style de Jean Racine.
Je crois qu’à présent on ne lit guère dans Paris que les arrêts du Conseil . L’auteur a bien senti qu’il fallait intéresser pour être lu, et parler aux passions des hommes . Je suis même persuadé que les écrits de monsieur le contrôleur général ont touché jusqu’aux larmes quatre ou cinq mille pères et mères de famille. Jamais Mlle Clairon ni Mlle Dumesnil n’en ont tant fait répandre . Mais on ne peut pas dire à l’auteur, avec Horace 3 et Boileau :
Pour m’arracher des pleurs, il faut que vous pleuriez.4
Vraiment oui, je ferai parler à la Duchesne .
Celui qui vous a prié, dans sa lettre anonyme, de ne me point ressembler a bien raison ; ne ressemblez jamais qu’à vous-même.
Nous embrassons de tout notre cœur, Mme Denis et moi, le père et la marraine de Mélanie.
Avez-vous entendu parler de l'aventure de Fréron et de son beau-frère ? Ce beau-frère nommé Royou est avocat au parlement de Rennes 5 . Il prétend que Fréron étant venu à Rennes pendant les troubles en qualité d'espion, l'a déféré au gouvernement . Royou articule expressément que Fréron conduisit les archers chez lui, le fit mettre aux fers et tint lui-même le bout de la chaîne quand il faisait conduire son beau-frère au cachot .»
1Original ; éd. Kehl qui élimine plusieurs passages : voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7861
2 Mélanie ; voir lettre du 26 janvier 1770 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/07/04/l-aventure-de-cette-pauvre-novice-qui-en-se-mettant-une-cord-6553752.html
Sûr de son goût qu'il est dans le Lycée, La Harpe aurait peut-être eu quelque peine à souscrire au jugement de Voltaire . Mais on conçoit que de tels compliments aient pu lui donner une haute opinion de lui-même . Quant à l’affectation de V* de louer La harpe, l'un de ses plus fidèles 'héraults', elle n'avait pas manqué de frapper ses contemporains . On se souvient que V* , qui avait dit le plus grand mal du Gustave Wasa de Piron sans avoir vu ni lu la pièce ( lettre à Thieriot du 24 février 1733 ) avait célébré le médiocre Gustave Wasa de La Harpe, qui échos piteusement en 1766.
3 Horace, Ars poética, vers 102.
4 Boileau, Art poet., ch. III, v. 142.
5V* se garde de faire état de ce que d'Alembert lui a appris de ce Royou par une lettre récente ( 12 avril 1770 : https://www.monsieurdevoltaire.com/2020/06/correspondance... ) ; d'après toutes les informations reçues par Duclos, c'est « un très mauvais sujet » avec lequel on conseille à V* de se conduire « bride en main » ; voir lettre du 18 mars 1770 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/31/m-6560967.html
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26/09/2025
lui permettre de poursuivre l'action judiciaire, en vue d’être dispensé des droits de purgation de contumace
... On croirait bien, à peu de chose près, que le Patriarche s'adresse à Sarkozy !
« A Marie Anne Ramond
[ vers le 20 avril 1770 ] 1
[Lui dit qu'il a envoyé à son père , trente louis , en deux versements, pour lui permettre de poursuivre l'action judiciaire, en vue d’être dispensé des droits de purgation de contumace .]
1 Ce que l'on sait de cette lettre provient de ce que Mme Ramond, fille de Sirven, en apprend à son mari dans une lettre du 27 avril ; voir Camille Rabaud, « Une des dernières victimes de l'intolérance. », Bulletin historique et littéraire : Société de l'histoire du protestantisme français, 15 octobre 1891, 3è série, X, 517. Voir : https://books.google.fr/books?id=SE80AAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=avril%201770&f=false
17:06 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les mots ne sont que des mots. Ce qui est essentiel, c’est que les juges ne fassent pas rouer un innocent, quand les avocats ont démontré son innocence
... Oui M. Sarkozy vous n'êtes pas reconnu innocent, toute votre armada d'avocats n'a pas pu transformer la vérité accablante en innocence mensongère , et c'est bien . Ce que vous qualifiez "d'humiliation pour la France" est ridiculement dramatique, bien digne de vos talents de tricheur, et vos paroles n'effacent pas vos actes délictueux . Il est heureux que l'indignation de Voltaire contre le recrutement des juges par achat de leur charge ait été suivie d'effet à la Révolution , et l'indépendance de la justice que vous niez quand ça vous arrange subsistera bien encore après vos propos de délinquant en col blanc . "La tête haute " en prison, je n'en doute pas, "comédie, comédie, la comédie d'un jour, la comédie toujours !" ( comme chantait Paolo Conte : https://www.youtube.com/watch?v=-EAV4U7y7jA&ab_channe... ).
« A Théodore Sudre, Avocat
au Parlement, etc.
à Toulouse
Par Versoix pays de Gex
pour le château de Ferney 20 avril 1770 1
Monsieur,
Quarante lieues de neige qui m’entourent, soixante-seize ans sur ma tête, ma vue presque entièrement perdue, trois mois de suite dans mon lit, m’ont privé de l’honneur de vous répondre plus tôt.
Il me semble qu’il est fort peu important que messieurs les avocats fassent un corps ou un ordre. Les ducs et pairs, les maréchaux de France, font un corps ; on dit le corps du Parlement, et non pas l’ordre du Parlement. Les mots ne sont que des mots. Ce qui est essentiel, c’est que les juges ne fassent pas rouer un innocent, quand les avocats ont démontré son innocence ; c’est qu’un gradué de village n’ait pas l’insolence de condamner à mort la famille de Sirven, sur les présomptions les plus absurdes ; c’est qu’on respecte plus la vie des citoyens, et que nos barbares usages, qu’on appelle jurisprudence, ne déshonorent pas notre nation. Dieu merci, la française est la seule, dans l’univers entier, chez qui l’on achète le droit de juger les hommes, et chez qui les avocats ne parviennent pas à être juges par leur seul mérite. Nous avons été Gaulois, Ostrogoths, Visigoths, Francs, et nous tenons encore beaucoup de notre ancienne barbarie dans le sein de la politesse. Ce sont là mes griefs ; et je souhaite passionnément que votre corps ou votre ordre puisse les corriger. Si cela était, ma lettre serait à M. le président de Sudre.
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
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