01/09/2025
J'espère qu'il y aura quelques articles plus amusants pour votre imbécillité. Vous êtes imbécile, à ce que je vois, comme Archimède et Tacite, quand ils étaient las de travailler
... Voir les débats télévisés politiques actuels et à venir suites aux déclarations ministérielles, comme ceci : https://www.tf1info.fr/politique/direct-crise-politique-vote-de-confiance-budget-2026-francois-bayrou-interview-refuse-de-faire-ses-adieux-et-creuse-son-sillon-sur-la-dette-les-dernieres-informations-lundi-1er-septembre-2025-2391916.html
« A Jean Le Rond d'Alembert
19 de mars 1770
Mon cher philosophe, mon cher ami, vous êtes assurément fort modeste, car vous traitez bien mal vos panégyristes, qui n'ont entrepris cet ouvrage que pour vous rendre hommage 1.
Si l'imprimeur a mis 3 pour 7, cela se corrigera aisément.
Vous avez toujours sur le bout du nez un certain homme 2. Le contrôleur-général vient de me prendre deux cent mille francs 3, seul bien libre que j'avais, et dont je pusse disposer; de sorte que, s'il ne me les rend point, je n'ai pas de quoi récompenser mes domestiques après ma mort 4. L'autre, au contraire, m'a accordé sur-le-champ toutes les grâces que je lui ai demandées, places, argent, honneurs, et je ne lui ai jamais rien demandé pour moi. Vous devriez me mépriser si je ne l'aimais pas.
Il me paraît que français doit avoir la préférence sur francès : 1° parce que dans plusieurs livres nouveaux on emploie français et non pas francès ; 2° parce qu'on doit écrire : je fais, tu fais, il fait, et non pas je fès, tu fès, il fêt ; 3° parce que la diphtongue ai indique bien plus sûrement la prononciation qu'un accent qu'on peut mettre de travers, qu'on peut oublier, et que les provinciaux prononcent toujours mal ;
4° Parce que la diphtongue ai a bien plus d'analogie avec tous les mots où elle est employée ; 5° Parce qu'elle montre mieux l'étymologie. Je fais, facio ; je plais, placeo ; je tais, taceo. Vous voyez qu'il y a toujours un a dans le latin.
Je fais une grande différence entre les bâillements des voyelles au milieu des mots, et les bâillements entre les mots, parce que les syllabes d'un mot se prononcent tout de suite, et qu'on doit très souvent, dans le discours soutenu, séparer un peu les mots les uns des autres.
Je fais encore une grande différence entre le concours des voyelles et le heurtement des voyelles. Il y a longtemps que je vous aime : cet il y a est fort doux ; il alla à Arles est un heurtement affreux.
Nous avons voyelle qui entre, et voyelle qui n'entre point. Je dirais hardiment dans une comédie de bas comique : il y a plus d'un mois que je ne vous ai vu.
Je n'aime point un verbe en monosyllabes. Nos barbares de Welches ont fait il a d'habet.
L'abbé Audra a à Toulouse un, etc.
J'avoue qu'il y a un peu d'arbitraire dans mon euphonie ; chacun a l'oreille faite comme il peut.
Un e ne me paraît point choquer un e, comme a choque un a.Immolée à mon père n'écorche point mon gosier, parce que les deux e font une syllabe longue. Immolé à mon père m'écorche, parce qu'é est bref. Je peux avoir tort en voyelles et en consonnes ; mais je crois que si les vers des Quatre saisons et de La Religieuse flattent mon oreille, et si tant d'autres vers la déchirent, c'est que MM. de Saint-Lambert et de La Harpe ont senti comme je sens.
Je vous demande très humblement pardon de toutes ces pauvretés ; elles sont au-dessous de vous, je le sais bien ; il ne faut pas parler d' a b c à Newton. J'espère qu'il y aura quelques articles plus amusants pour votre imbécillité. Vous êtes imbécile, à ce que je vois, comme Archimède et Tacite, quand ils étaient las de travailler.
Ne m'oubliez pas auprès de M. de Saint-Lambert. Madame Denis et moi nous vous embrassons de tout notre cœur.
V.
Voici une affaire qui n'est pas de grammaire : je vous prie instamment d'en conférer avec M. Duclos.
Vous me demandez ce que je pense de la Religieuse, des Géorgiques et de l'Exportation des blés.
Je dis anathème à quiconque ne pleurera pas en lisant la Religieuse ;
A quiconque ne rira pas des facéties de Galiani, lequel pourrait bien avoir raison sous le masque ;
et à quiconque ne sera pas charmé de voir Virgile traduit mot à mot avec élégance.
Puisque je suis en train d'excommunier, et que c'est mon droit, en qualité de capucin, j'excommunie aussi les gens sans goût et sans connaissance de la campagne, qui n'aiment pas les Quatre saisons de M. de Saint-Lambert.
Bonsoir, mon cher philosophe ; je suis bien malade, mais je prends cela de la part d'où ça vient.
Mémoire sur lequel M. Duclos est prié de dire son avis,
et d'agir selon son cœur et sa prudence.
Le sieur Royou 5, avocat au parlement de Rennes, me mande de Londres 6, où il est réfugié, que le nommé Fréron, ayant épousé sa sœur depuis trois ans, a dissipé sa dot en débauche, et fait coucher sa femme sur la paille, qu'il la maltraite indignement, etc. .
Qu'étant venu à Paris pour y mettre ordre, Fréron l'a accusé d'un commerce secret avec M. de La Chalotais, et a obtenu une lettre de cachet contre lui ; que Fréron a conduit lui-même les archers dans son auberge, et lui a fait mettre les fers aux pieds et aux mains. N.B. Fréron tenait le bout de la chaîne ;
Que par un hasard singulier, le sieur Royou s'est échappé de sa prison ; que Fréron a servi, pendant six mois, d'espion à Rennes ; qu'il a depuis été espion de la police, et que c'est la seule chose qui l'a soutenu ;
Qu'on peut s'informer de toutes les particularités de cette affaire au sieur Royou, père du déposant, lequel demeure à Quimper-Corentin ; à M. Dupont, conseiller au parlement de Rennes; à M. Duparc, professeur royal en droit français, à Rennes ; à M. Chapelier 7, doyen des avocats, à Rennes.
La personne à qui le fugitif s'est adressé ne fera rien sans que M. Duclos ait pris des informations, qu'il ait donné son avis, et accordé sa protection au sieur Royou. »
1 V* dans ce paragraphe , comme dans le reste de la lettre, répond de façon précise à la lettre du 10 mars de d'Alembert ; voir : https://www.monsieurdevoltaire.com/2020/06/correspondance-avec-d-alembert-partie-57-5.html
2 Choiseul que d'Alembert n'aimait pas .
3 En suspendant le paiement des rescriptions. Voyez les Stances à Saurin : https://www.monsieurdevoltaire.com/2016/02/stance-a-m-saurin-de-l-academie-francaise.html
(G.Avenel.)
4 Presque toute la fortune de Voltaire était placée en rentes viagères. (G.Avenel.)
5 Né en 1745, mort en 1828. C'est le frère de l'abbé Royou, rédacteur de L'Ami du Roi sous la Révolution. Il collabora aussi à cette feuille royaliste . (G.Avenel.)
6 L'indication « Londres » ne figure pas ailleurs . Quant à la lettre elle-même, elle est donnée à propos de la lettre du 18 mars 1770 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/31/m-6560967.htm
7 Père du député de ce nom à la Constituante . (G.Avenel .)Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Isaac_Le_Chapelier
18:28 | Lien permanent | Commentaires (0)
En vérité je ne sais quel parti prendre. Mon avis est qu’on attende les événements de cette campagne ; est-ce le vôtre ?
... L'orage gronde à l'Elysée ( tempête sous un crâne ) et la foudre va tomber à Matignon . Zone rouge .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
18è mars 1770
Je reçois la lettre du 13 de mars, mon cher ange. Il n’y a point eu de retardement à celle-ci. Il faut que la première, du 27 de février 1, ait traîné dans quelque bureau ; ce qui arrive quelquefois.
Je ne suis pas assurément en état de travailler au Dépositaire pour le moment présent ; mais j’espère que Dieu m’exaucera quand j’aurai fait mes Pâques. Jamais temps ne fut plus favorable pour des restitutions de dépôt. J’espère que la grâce se fera entendre au cœur de M. l’abbé Terray. Voudrait-il m’enlever mon seul bien de patrimoine, que j’avais en dépôt dans la caisse de M. de Laborde, le seul bien qui puisse répondre à mes nièces des clauses de leurs contrats de mariage, le seul avec lequel je puisse récompenser mes domestiques ? Dans quel tribunal une telle action serait-elle admise ? en a-t-on un seul exemple, excepté dans les proscriptions de Sylla et du Triumvirat ? M. l’abbé Terray, qui sort de la grand-chambre, ne devrait-il pas distinguer entre ceux qui achètent du papier sur la place, et ceux qui déposent chez le banquier du roi leur bien paternel ? Je vois bien qu’il faudra que je meure en capucin, tel que j’aurai vécu.
Dès que j’aurai chassé ces tristes idées de ma cervelle encapuchonnée, et que ma chèvre aura mis un peu de douceur dans mon sang, je vous parlerai de Ninon 2; je vous dirai qu’elle ne serait pas Ninon si elle ne formait pas les jeunes gens, et qu’alors il faudrait lui donner tout un autre nom. Le plaisant et l’utile, à mon gré, est qu’une coquette soit cent fois plus vertueuse qu’un marguillier, sans quoi il n’y a plus de pièce.
Je ne connais ni Sylvain 3, ni les Trois Capucins 4. Je suis entièrement de votre avis sur La Religieuse 5. C’est la seule pièce de théâtre qui nous tire de la barbarie welche ; elle est écrite comme il faut écrire.
Je tremble sur la démarche de Mlle Daudet 6. Comment l’envoyer dans un pays si orageux, pendant une guerre ruineuse, et qui peut finir d’une manière terrible, quoiqu’elle ait heureusement commencé ? En vérité je ne sais quel parti prendre. Mon avis est qu’on attende les événements de cette campagne ; est-ce le vôtre ?
On dit qu’on ne pendra ni Billard 7 le dévot, ni Grizel 8 l’apôtre ; c’est bien dommage que ce confesseur ne soit pas martyr. J’ai quelque envie de donner à M. Garant 9 le nom de Grizant au moins.
Mais si vous avez quelqu’un à pendre, je vous donne Fréron. Lisez, je vous prie, le mémoire ci-joint que m’a envoyé son beau-frère 10 11. Tâchez d’approfondir cette affaire, quand ce ne serait que pour vous amuser. On m’assure que Fréron est espion de la police, et que c’est ce qui le soutient dans le beau monde. Je me flatte que vous distribuerez des copies du petit mémoire du beau-frère. Il faut rendre justice aux gens de bien.
Nous faisons mille vœux ici pour la santé de Mme d’Argental ; vous savez si nos cœurs sont aux deux anges.
V.»
1 Lettre Besterman D 16185.
2 Dans la comédie du Dépositaire .
3 Voir lettre du 3 mars 1770 à la marquise de Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/08/allons-courage-mettez-la-philosophie-l-humanite-a-la-mode.html
4 Les Trois Capucins n'ont pu être identifiés malgré la référence qu'on y trouve dans une lettre de d'Argental du 26 mars 1770 : « Vous ne voulez pas convenir des Trois Capucins. Je ne vous en parlerai plus . »
5 Mélanie, de Marmontel ; voir la lettre du 26 janvier 1770 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/07/04/l-aventure-de-cette-pauvre-novice-qui-en-se-mettant-une-cord-6553752.html
6 Fille de Mlle Lecouvreur ; voir note 5 de la lettre du 16 août 1753 à d'Argental : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome38.djvu/123
7 Voir note 2 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome8.djvu/554
8 Voir ibid.
9 L’un des personnages du Dépositaire ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome6.djvu/406
10 Voici le texte de cet étrange « mémoire » tel qu'il est donné dans Dieu , réponse au Système de la nature, 1770.
« Mardi matin 6 mars 1770.
« Fréron, auteur de l'Année littéraire est mon cousin, et, malheureusement pour ma sœur, pour moi et pour toute la famille, mon beau-frère depuis trois ans .
Mo père subdélégué et sénéchal du Pont-l'Abbé, à trois lieues de Quimper-Corentin en Basse-Bretagne, quoique dans une situation aisée, n’étant pas riche, ne donna à sa fille que vingt mille livres de dot . Trois jours après les noces, M. Fréron jugea à propos d'aller à Brest, où il dissipa cette somme avec des bateleuses .
Il revint chez son beau-père pour donner à ma sœur, sa femme, un tr-s mauvais présent et demander en grâce de quoi se rendre à Paris . Mon père fut assez bon, ou plutôt assez faible pour donner encore mille écus … Il t »tait alors à Lorient et quoiqu'il reçut cette nouvelle somme par lettre de change, il ne put se rendre qu'à Alençon, et fit le reste de la route jusqu'à Paris comme les capucins, et ne donna pour toute voiture à sa femme qu’une place sur un peu de paille de la voiture publique .
Arrivé à Paris, il n'en agit pas mieux avec elle . Ma sœur, après deux ans de patience, se plaignit à mon père, qui m'ordonna de me rendre incessamment à Paris pour m'informer si ma sœur était aussi cruellement traitée qu'elle le lui marquait . Alors Fréron chercha et tenta par tous les moyens de me perdre . Il sut que, pendant les troubles du parlement de Bretagne, où je militais depuis plusieurs années en qualité d'avocat, j'ai montré un zèle vraiment patriotique et toute la fermeté d'un bon citoyen .
Comme il faisait le métier d'espion, il ne négligea rien pour obtenir, par le moyen de …, une lettre de cachet pour me faire enfermer .
Fréron qui voulait être à la fois ma partie, mon témoin et mon bourreau, vint en personne, escorté d'un commissaire et de neuf à dix manants, m'arrêter dans mon appartement à Paris, rue des Noyers . Il me fit traiter de la manière la plus barbare, et conduire au petit Châtelet, où je passai, dans le fond d'un cachot la nuit du dimanche au lundi de la Pentecôte . Le lundi, Fréron se rendit environ les dix heures du matin, avec ses affiliés, au petit Châtelet . Il me fit charger de chaînes et conduire à mes destinations . Il était à côté de moi dans un fiacre, et tenait lui-même les chaînes, etc.,etc. »
Sur le caractère suspect de ce Royou voir la lettre du 23 avril 1770 à La Harpe : « Avez-vous entendu parler de l'aventure de Fréron et de son beau-frère ? Ce beau frère nommé Royou est avocat au parlement de Rennes . Il prétend que Fréron est venu à Rennes pendant les troubles en qualité d'espion, l'a déféré au gouvernement .[...] » V* finira par en convenir, mais non sans avoir exploité au maximum les « informations » contenues dans la présente lettre .
11 Un passage de ce mémoire est note 1 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome17.djvu/235.
. Voyez aussi le Mémoire à la suite de la lettre : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7833
: Mémoire sur lequel M. Duclos est prié de dire son avis, et d’agir selon son cœur et sa prudence.
Le sieur Royou, avocat au parlement de Rennes[1], me mande de Londres, où il est réfugié, que le nommé Fréron, ayant épousé sa sœur depuis trois ans, a dissipé sa dot en débauches, et fait coucher sa femme sur la paille ; qu’il la maltraite indignement, etc.
Qu’étant venu à Paris pour y mettre ordre, Fréron l’a accusé d’un commerce secret avec M. de La Chalotais, et a obtenu une lettre de cachet contre lui ; que Fréron a conduit lui-même les archers dans son auberge, et lui a fait mettre les fers aux pieds et aux mains. N. B. Fréron tenait le bout de la chaîne.
Que, par un hasard singulier, le sieur Royou s’est échappé de sa prison ; que Fréron a servi, pendant six mois, d’espion à Rennes ; qu’il a depuis été espion de la police, et que c’est la seule chose qui l’a soutenu.
Qu’on peut s’informer de toutes les particularités de cette affaire au sieur Royou, père du déposant, lequel demeure à Quimper-Corentin ; à M. Dupont, conseiller au parlement de Rennes ; à M. Duparc, professeur royal en droit français à Rennes ; à M. Chapelier, doyen des avocats à Rennes.
La personne à qui le fugitif s’est adressé ne fera rien sans que M. Duclos ait pris des informations, qu’il ait donné son avis, et accordé sa protection au sieur Royou. »
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