07/09/2025
Il en est de la vie comme de la cour ; plus on en reçoit de grâces, plus on en demande
...
« A Michel-Philippe Bouvart
16 mars 1770
Le vieux capucin de Ferney, qui a eu l’honneur de consulter M. Bouvart, le remercie très sensiblement des conseils qu’il a bien voulu lui donner.
Il a eu précisément les gonflements sanglants dont M. Bouvart parle. Il prend le lait de chèvre avec beaucoup de retenue, dans un pays couvert de glaces et de neiges six mois de l’année, et où il n’y a point d’herbe encore.
Il croit qu’il sera obligé de chercher un climat plus doux l’hiver prochain, et, en ce cas, il demande à M. Bouvart neuf mois de vie au moins, au lieu de six, sauf à lui présenter une nouvelle requête après les neuf mois écoulés. Il en est de la vie comme de la cour ; plus on en reçoit de grâces, plus on en demande. Il prie M. Bouvart de vouloir bien agréer les sentiments de reconnaissance dont il est pénétré pour lui.
V. »
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06/09/2025
Quelques fanatiques n’en sont pas si contents, mais c’est qu’ils n’ont ni esprit ni mœurs . Aussi n’est-ce pas pour ces monstres que l’on écrit, mais contre ces monstres
... Quand parler français est aussi un art .
« A Joseph Audra
Le 26 mars [1770] 1
Mon cher philosophe, c’est apparemment depuis que je suis capucin que vous me croyez digne d’entrer dans des disputes théologiques. Vous n’ignorez pas qu’ayant obtenu de M. le duc de Choiseul une gratification pour les capucins de mon pays, frère Amatus d’Alamballa, notre général résidant à Rome, m’a fait l’honneur de m’agréger à l’ordre . Mais je n’en suis pas plus savant.
J’attends toujours, avec la plus grande impatience, le mémoire de M. de Lacroix, en faveur de Sirven. Je vous prie de vouloir bien me mander si Sirven a reçu quinze louis d’or que je lui envoyai à la réception de votre dernière lettre.
Je suis toujours bien malade. La justification entière de Sirven, et ce coup essentiel porté au fanatisme, me feront plus de bien que tous les remèdes du monde. On m’a mis au lait de chèvre, mais j’aime mieux écraser l’hydre.
Amusez mes confrères, les maîtres des jeux floraux, de ces petits versiculets 2 ; vous verrez qu’ils sont d’un capucin bien résigné.
Donnez-moi votre bénédiction, et recevez celle de
Frère François, capucin indigne.
P. -S. -- M. d’Alembert est bien content de votre abrégé de mon Essai sur l’Histoire générale de l’Esprit et des Mœurs des nations. Quelques fanatiques n’en sont pas si contents, mais c’est qu’ils n’ont ni esprit ni mœurs . Aussi n’est-ce pas pour ces monstres que l’on écrit, mais contre ces monstres. »
1 Copie Beaumarchais-Kehl ; copie contemporaine ; l'original est passé à la vente Charavay à Paris le 17 avril 1880 ; éd. Kehl.
2 Voir lettre du 21 mars 1770 à Saurin :
Il est vrai, je suis capucin...
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je crois que la charité chrétienne ne me défend pas de souhaiter qu’il soit pendu, et que l’archevêque le confesse à la potence
... Qu'il en soit ainsi de chacun de ces agresseurs sexuels ayant quelque fonction religieuse, y compris évêques et archevêques, une haute fonction n'étant pas gage de sainteté .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
26 mars 1770
Mon cher ange, je vous remercie de tout mon cœur de la consultation de M. Bouvart ; j’avais oublié de vous remercier de Semiramis 1 c’est un vice de mémoire et non de cœur. Je vous ai envoyé 2 un mémoire sur Fréron, qui m’a été adressé par son beau-frère, et qui me paraît bien étrange. Si vous découvrez quelque chose touchant cette affaire, ayez la bonté, je vous prie, de m’en instruire.
Je ne sais aucune nouvelle des grandes opérations de M. l’abbé Terray, je trouve seulement qu’il ressemble à M. Bouvart ; il met au régime.
Je m’amuse actuellement à travailler à une espèce de petite encyclopédie, que quelques savants 3 brochent avec moi. J’aimerais mieux faire une tragédie, mais les sujets sont épuisés, et moi aussi.
Les comédiens ne le sont pas moins ; on ne peut plus compter que sur un opéra-comique.
J’avais fait, il y a quelque temps, une petite réponse 4 à des vers que m’avait envoyés M. Saurin : cela n’est pas trop bon ; mais les voici, de peur qu’il n’en coure des copies scandaleuses et fautives. Je ne voudrais déplaire pour rien du monde ni à mon bon patron saint François, ni à frère Ganganelly.
Comme l’ami Grizel n’est pas de notre ordre, je crois que la charité chrétienne ne me défend pas de souhaiter qu’il soit pendu, et que l’archevêque le confesse à la potence, ce qui ne sera qu’un rendu.
Je me flatte que la santé de Mme d’Argental se fortifie et se fortifiera dans le printemps. Je me mets au bout des ailes de mes deux anges. »
1 Tragédie représentée à Versailles le 14 juillet 1770
2 Avec la lettre du 18 mars 1770 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/31/m-6560967.html
3 Bertrand , Christin et Moultou .
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Si je n’étais pas depuis longtemps au lit je viendrais moi-même m'informer
... Grasse mat' du WE . Les infos attendront . Il sera toujours temps de connaitre les misères du monde .
« A Marie-Anne Deprez de Crassier
23è mars 1760 [1770] à Ferney 1
Madame,
Nous sommes pénétrés, ma nièce et moi, des procédés nobles de monsieur de Crasser et des vôtres. Si je n’étais pas depuis longtemps au lit je viendrais moi-même m'informer de la santé de monsieur de Crassier, et vous assurer du respectueux dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être,
madame,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1Original signé ; éd. Cayrol .
L'identification de la destinataire comme le femme de Jean-Baptiste Deprez de Crassier est probable, mais non certaine . L’erreur sur l'année est curieuse ; et pourtant, en mars 1760, V* était aux Délices, non à Ferney . On notera d'autre part qu'après avoir omis de parler des Deprez de Crassier pendant longtemps, V* les mentionne dans une lettre à Mme Du Deffand du 5 mai 1770 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7875
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05/09/2025
Les équivoques ont de tout temps fait bien du mal
... Nous sommes continuellement affrontés à ce mal, depuis les simples quidams jusqu'aux chefs de nations . Les uns tuent à coups de couteau les autres avec des missiles, juste question de moyens . S'entendre et se comprendre semble être un effort disproportionné à beaucoup trop d'humains, nos amies les bêtes, elles, heureusement ne vivent pas dans l'équivoque . Le don de la parole est un cadeau empoisonné .
Que n'est-on comme Voltaire :"Je souhaite que l'univers soit libre et que personne n'abuse de sa liberté.", qui dit mieux ?
« A Jacob Tronchin
[vers le 25 mars 1770] 1
Monsieur,
Les équivoques ont de tout temps fait bien du mal et Boileau aurait dû faire une meilleure satire contre l'équivoque 2.
L’article il qui est dans la lettre de ce Gaubiac 3 me regarde, et non pas vous . Il me promet d'écrire en ma faveur . M. Tronchin entra, et il m'assura qu'en ne venant à Genève avec permission, que pour retirer mes effets et solder mes comptes je serais aussi libre que M. le premier syndic .
Cet il c'est moi . J'ai présumé qu'un homme qui veut passer deux heures à Genève comme étranger doit y être libre comme un syndic, je le crois encore . C'est moi qui ai prononcé ces paroles pacifiques 4 . Je souhaite que l'univers soit libre et que personne n'abuse de sa liberté . J'ai donné asile à Gaubiac parce qu'il me l'a demandé . Je donnerais asile au grand Turc s'il se réfugiait chez moi . Je suis dans mon lit, j’ignore qui est premier syndic . Je suis son très humble serviteur, celui du Conseil, celui de tous les citoyens, celui de tous les Bourgeois . Je leur souhaite à tous, tranquillité, prospérité, honneurs et biens dans cette vie, et la gloire éternelle dans l'autre . Mais je suis particulièrement monsieur avec l'attachement le plus respectueux
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire,
gentilhomme ordinaire de
la chambre du roi.
À l'égard de la petite affaire dont vous m'avez chargé, je ne pourrai avoir si tôt réponse. »
1 Manuscrit olographe ; éd. Droz ; Delattre, date le lettre et identifie le destinataire .
2 Satires , XII : https://fr.wikisource.org/wiki/Boileau_-_%C5%92uvres_po%C3%A9tiques/Satires/Satire_XII
3 Pierre-Paul Gaubiac ; voir lettre du 16 mars 1770 à Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/28/procurer-a-eux-et-a-leurs-camarades-toutes-les-facilites-con-6560521.html
Voir aussi : Genève, ARC, CCLXXI, 240-241, 332-333 .
4 Tout ceci est éclairé par une dépêche de Hennin à Choiseul du 30 mars : « D'abord on s'acharne parmi les Représentants à soutenir que les Natifs étaient mis en jeu par les magistrats qui ont demandé leur retraite . M. Jacob Tronchin, l'un de ces magistrats, homme d''esprit, frère de l'ancien procureur général, ayant eu le chagrin de voir que quelques uns de ses anciens confrères paraissaient lui imputer des manœuvres auxquelles il n'a jamais pensé, a été convaincu qu'on se permettait tout pour le noircir en particulier dans l'esprit du peuple . On l'accusait d'avoir dit chez M. de Voltaire à un Natif que dans deux ans il serait aussi libre dans Genève que le premier syndic, et on citait pour preuve une lettre de ce Natif à sa femme . De Luc même avait débité cette anecdote avec un air de mystère . M. Tronchin a été à la source, il a trouvé la lettre, elle dit positivement le contraire . C'est M. de Voltaire qui , au moment où M. Tronchin entrait, dit à ce Natif qui lui demandait si étant devenu sujet du Roi il pourrait aller à Genève : Vous y serez aussi en sûreté que le premier syndic. »
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04/09/2025
Cette procédure est illégale
... Celle qui nait de la rapacité des propriétaires immobiliers est pointée du doigt, mais il faut avouer qu'ils sortent indemnes de leur illégalité faute de contrôles suffisants : https://www.franceinfo.fr/economie/pouvoir-achat/logement...
On est loin du Patriarche qui offrait gite et couvert à des réfugiés .
« A Joseph-Marie Balleidier
On a saisi très mal à propos les bois achetés par Landry. Cette procédure est illégale . Il n'a pas la moitié de ce qu'il lui en faut pour mes bâtiments . Il n'en fait point passer à Genève . Il se soumet à produire l'emploi de ces bois .
Voltaire.
23 mars 1770. 1»
1 Manuscrit olographe, acquis par Th. Besterman à la famille Balleidier.
09:04 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je ne veux pas, dans mon déclin. Finir comme les gens du monde.
... Fi de ces dénégations ! Le compte à rebours est enclenché François, ces voeux pieux sentent l'impuissance, reste à avoir une fin honorable et non pitoyable comme elle semble arriver à ce jour .
Emmanuel Macron est sur la sellette , que beaucoup voient siège éjectable, et va encore une fois nommer un ( dernier ? ) premier ministre . "Il y a du rousski dans Landerneau", comme dit grand-père .
« A Bernard-Joseph Saurin, de
l’Académie française, et Censeur
royal rue Neuve-des-Petits-Champs
vis-à-vis la rue de Louis-le-Grand
à Paris
Il est vrai, je suis capucin ;
C'est sur quoi mon salut se fonde :
Je ne veux pas, dans mon déclin.
Finir comme les gens du monde.
Mon malheur est de n'avoir plus
Dans mes nuits ces bonnes fortunes.
Ces nobles grâces des élus,
Chez mes confrères si communes.
Je ne suis point frère frappart 1,
Confessant sœur Luce et sœur Nice:
Je ne porte point le cilice
De saint Grizel, de saint Billard 2.
J'achève doucement ma vie ;
Je suis prêt à partir demain
En communiant de la main
Du bon curé de Mélanie.
Dès que monsieur l'abbé Terré
A su ma capucinerie,
De mes biens il m'a délivré :
Que servent-ils dans l'autre vie?
J'aime fort cet arrangement;
Il est leste et plein de prudence.
Plût à Dieu qu'il en fît autant
A tous les moines de la France !
Mon cher confrère, vous voyez par ma réponse combien je mérite peu que Mme Saurin veuille bien baiser ma barbe . Si on pend Grizel, je vous prie d’obtenir qu’on me nomme pour son confesseur. Vous verrez avec quelle sainteté je m’acquitterai de cette douce commission. Votre invariable partisa[n] et ami.
Frère François V.
21è mars 1770.3 »
1 Dans La Pucelle, V* écrit : Satan se lève et lui dit : Fils du diable, / Ô des frapparts ornement véritable […] : https://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-cinquieme-83760116.html
Et dans une note il explique : « Frappart, nom d'amitié que les cordeliers se donnèrent entre eux dès le XVè siècle . Les doctes sont partagés sur l'étymologie de ce mot ; il signifie certainement frappeur robuste, roide jouteur'.
2 Nouvelle allusion aux détournements de Billard .
3 Original contresigné « Marin », cachet E surmontant PD, et deux autres cachets illisibles ; éd. Nouveaux mélanges, 1770, limitée aux vers ; Cayrol : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7834
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