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25/01/2010

l’intolérance est aussi absurde qu’horrible

Suite à une charmante visite de l'équipe clunysienne ce jour au château de Voltaire , une visite "éclairs" ( au chocolat, et je m'en lèche encore les doigts !! ) , je me permets de leur faire un peu de pub pour le grand évènement qui va bien les occuper cette année : cluny a 1100 ans . Mazette ! Ils ont déjà plus de cent mille visiteurs par an, combien vont-ils en avoir cette fois ?

http://www.cluny2010.eu/

http://www.dailymotion.com/video/x98l2f_cluny-2010-en-lum...

moines cluny.jpg

Vous pouvez constater que l'esprit de tolérance est vif chez les voltairiens !

Et l'esprit de moquerie tout autant, ce qui justifie ce lien : http://www.youtube.com/watch?v=HE1sf-pDoUs

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais dans le style kitch, il est difficile de faire mieux sur le sujet . Je ne sais si je  dois rire ou admirer l'art et la manière de "lire-chanter le Bottin" ou ici, le document de visite .

J'ai peur qu'un jour un trouvère complètement allumé vienne conduire  la visite à Ferney ! Je suis certain que ça aurait son charme, mais bon, nous avons assez de jours de pluie ici, n'en rajoutons pas !

Je m'offre le luxe de faire de la pub pour un monument "diablement"  fréquenté, cible entre autres de colère voltairiennes qui n'appréciait pas du tout le luxe des abbayes ni les taxes diverses qu'elles récoltaient sur le dos des plus pauvres, ceux-ci étant maintenus dans une crainte supersticieuse déplorable.

Autre temps, autres moeurs!  De nos jours l'Etat s'est substitué au clergé : les promesses de paradis laïc valent bien les promesses de paradis clérical ! Non ?

Mieux ou pire ?

Mé pi, pas pi ! comme on dit en Savoie (la "hiaute" ! )

 

Ici, il est d'actualité d'ouvrir le château dès le 3 avril, ce qui nous ferait gagner plus d'un mois d'ouverture. Je vous prie d'y penser et de profiter de cette saison où il n'y a pas encore trop de monde .

 

 

 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

24 janvier 1763

 

                            Mon cher frère, on ne peut empêcher, à la vérité, que Jean Calas ne soit roué, mais on peut rendre ses juges exécrables, et c’est ce que je leur souhaite. Je me suis avisé de mettre par écrit toutes les raisons qui pourraient justifier ces juges, je me suis distillé la tête pour trouver de quoi les excuser, et je n’ai trouvé que de quoi les décimer.

 

                            Gardez-vous bien d’imputer aux laïques un petit ouvrage sur la tolérance qui va bientôt paraitre [il l’annonçait déjà le 6 décembre 1762 : « on dit qu’il paraitra quelque chose à l’occasion des Calas et des pénitents blancs », en spécifiant qu'« on attendrait que la révision eût été jugée »]. Il est, dit-on d’un bon prêtre ; il y a des endroits qui font frémir, et d’autres  qui font pouffer de rire ; car Dieu merci, l’intolérance  est aussi absurde qu’horrible.

 

                            Mon cher frère m’enverra donc la petite feuille qu’on attribue à M. Le Brun [La Renommée littéraire ; V* écrira à Le Brun pour lui faire part des fiançailles de Mlle Corneille le 26, et lui propose de signer le contrat (par procuration). Il écrira à Damilaville le 1er février : « C’est une aventure assez comique que j’ai eue avec Pindare-Le Brun en vous envoyant un paquet pour lui dans le temps que vous me dépêchiez ses rabâchages contre moi … Je l’accable de politesses qui doivent lui tenir lieu de châtiment.]. Mais est-il possible que Le Brun qui m’adressait de si belles odes pour m’engager à prendre Mlle Corneille et m’envoie souvent de si jolis vers, ne soit qu’un petit perfide ?

 

                            Nous marions Mlle Corneille à un gentilhomme du voisinage, officier de dragons, sage, doux, brave, d’une jolie figure, aimant le service du roi et sa femme, possédant dix mille livres de rente, à peu près, à la porte de Ferney [Claude Dupuits de La Chaux]. Je les loge tous  deux. Nous sommes tous heureux. Je finis en patriarche. Je voudrais à présent marier Mlles Calas à deux conseillers au parlement de Toulouse.

 

                            On dit la comédie de M. Dupuis [Dupuis et Desronais, comédie de Charles Collé, inspirée d’une nouvelle des Illustres Françaises de Robert Challe] fort jolie : cela est heureux. Le nom de notre futur est Dupuits [à Le Brun , il écrira que cette coïncidence « est d’un bon augure »]. Frère Thiriot doit être fort aise de la fortune de Mlle Corneille. Elle la mérite . Savez-vous que cette enfant a nourri longtemps son père et sa mère du travail de ses petites mains [Jean-François Corneille était « facteur de la petite poste dans les rues de Paris »] ? La voilà récompensée. Sa vie est un roman.

                           

                            Je vous embrasse tendrement, mon cher frère. Ecrasez l’Infâme.

 

 

 

http://www.dailymotion.com/video/x84nla_generique-les-env...

PS. : Si vous regardez bien le petit doigt de la main droite de Gunzo -moine de gauche- (un moine peut-il être de gauche ? oui, si ça lui permet de se retrouver à la droite de Dieu ! ), pour ceux qui ont suivi la série culte "Les Envahisseurs", vous voyez que David Vincent aurait déjà eu du fil à retordre au Moyen Age . Gunzo, envahisseur déguisé en moine ! Trop fort !!

 

 

 

 

31/12/2008

finances en fermentation = gueule de bois de l'épargnant

" A Jean le Rond d'Alembert

Mon cher philosophe,vous ne me dîtes point si vous avez reçu le Tolérance. Je ne sais plus où j'en suis. On a arrêté à la poste, consécutivement deux exemplaires de cet ouvrage, que les Cramer envoyaient à M. de Trudaine et M. de Montigny son fils.Comment accorder cette rigueur avec l'approbation que Mme de P*** et plus d'un ministre d'Etat ont donnée à ce petit livret qui est si honnête ? Deux paquets adressés à M. Damilaville sont restés entre les griffes des vautours. Il faut que le votre n'ait point échappé à leur barbarie, puisque je n'ai aucune nouvelle de vous. Tout cela m'embarasse. Je vois qu'on ne tolère ni la tolérance, ni les tolérants. On a beau se contraindre dans des matières si délicates, jusqu'au point d'être sage, les fanatiques vous trouvent toujours trop hardi ; et peut-être dans ce moment-ci où les finances mettent tous les esprits en fermentation, on ne veut pas qu'ils s'échauffent sur d'autres objets.

On parlait d'un mandement de votre archevêque que le roi a fait, dit-on, supprimer amicalement. Ce mandement n'était pourtant pas tolérant. De quelque côté que vous vous tourniez à Paris, vous avez de quoi exercer votre philosophie. Vous vous contentez de rire des sottises des hommes, ils ne méritent pas que vous les éclairiez ; cependant il est toujours bon de couper de temps en temps quelques têtes de l'hydre, dussent-elles renaître. Ce monstre en se souvenant du couteau, en est moins hardi et moins insolent ; il voit que vous tenez la massue prête à l'écraser, et il tremble.

J'ai été si dégoûté depuis peu de ce qu'on appelle les choses sérieuses, que je me suis mis à faire des contes de ma mère l'Oye. J'en suis un peu honteux à mon âge ; mais ce qui convient à tous les âges, c'est de vous aimer et de vous admirer.

Voltaire

31 décembre 1763."

Problèmes de courrier au XVIIIème siècle: toujours d'actualité ! N'est-ce pas Jean-Louis, toi qui attend depuis 15 jour un colis envoyé en Colissimo le 12 décembre ( de cette année je vous rassure, camarades syndiqués !) : c'est sûr, il faudra aller le rechercher dans les griffes des vautours à casquette bleue du Géant Jaune . Bonne chasse, ami !

"dans ce moment-ci où les finances mettent tous les esprits en fermentation, on ne veut pas qu'ils s'échauffent sur d'autres objets." : terriblement d'actualité, il est, n'est-il pas ? Il s'agissait à l'époque d'une réforme entreprise par le nouveau contrôleur général qui pensait rétablir les finances du royaume en trois ans et qui suite à des abus se trouva obligé d'augmenter les impôts, ce pourquoi on le remerciera l'an suivant ! Rien de neuf sous le soleil du dollar : on reprend les mêmes bobards et vogue la galère ; nous n'avons pas fini de ramer !!

"J'ai été si dégoûté depuis peu de ce qu'on appelle les choses sérieuses" : je ne sais pas si c'est le spleen , ou le trop plein d'infos catastrophiques, mais j'envoie  tout envoyer balader : humains guerriers, politiciens prétendument libres face aux partis ou au fric, bigots et fanatiques de toutes confessions, Madagascar 2 et le Che ! Faute d'avoir le talent d'écrire des contes, je vais écluser quelques ver(re)s en bonne compagnie ! A nos femmes, à nos chevaux, à tous ceux qui ...

Bonne année à vous aimables lecteurs ; de toute façon je considère que la nouvelle année pour moi commence à mon jour anniversaire !

01/12/2008

courageux mais pas téméraire

damilaville dessin profil.jpg"A Etienne-Noël Damilaville

Mon cher frère, voici encore quelques Quakre [Lettre d'un quaker à Jean-Georges Lefranc de Pompignan], qui me sont parvenus, je ne sais comment.

Comme il faut un peu s'amuser en faisant la guerre, je joins à ce paquet un conte à dormir debout [ Ce qui plait aux femmes], que vous n'aurez peut-être pas le temps de lire, mais frère Thiriot en aura le temps après avoir fait sa méridienne, ou pour faire sa méridienne.

...

Avez-vous reçu une Tolérance [Traité sur la tolérance] ? C'est un ouvrage pour les frères, et on croit qu'une petite semence de moutarde produira beaucoup de fruit un jour, car vous savez que la moutarde et le royaume des cieux c'est tout un.

...

Mais ce ne sont pas là nos affaires ; notre grande affaire est d'écr[aser] l'Inf[âme].

NB- Ne pourriez-vous pas faire tenir adroitement un Quakre à Merlin ou à Cailleau ? Il pourrait imprimer icelui. Il est sûr qu'il faut écr l'Inf mais sans nous compromettre.

Voltaire

1er décembre 1763"

Voltaire aurait bien fait la joie des Guignols de l'info, lui qui manie si facilement le "à l'insu de mon plein gré" : faisons imprimer une lettre critique, et oh surprise, comment en recevons nous à notre domicile ? Courageux, lâche, prudent, engagé , il sait tout être . Horripilant et satisfaisant, changeant comme le temps, j'allais dire "comme une femme", ne me pardonnez pas mesdames, c'est un fait avéré !

"Ecraser l'Infâme mais sans nous compromettre", celà m'évoque un délit de fuite, écrasons le cycliste mais sans dire qu'elle est la marque de la voiture qui lui est passée dessus , ni celle des freins ou de l'éclairage, des intérets matériels sont en jeu ! Il faut aussi avouer que l'on est habitué maintenant à connaitre des affaires de compromissions pour lesquelles l'écrasé n'est plus l'Infâme, mais l'ouvrier de base sacrifié souvent sur l'autel des bénéfices "toujours plus". Alors en attendant "le royaume des cieux", faisons , comme disait mon brave homme de père, des économies en achetant des pots de moutarde !

 PS: Samedi 29 novembre 2008, j'ai eu le plaisir de connaitre le talent d'historien d'Olivier Guichard à Ferney-Voltaire, et lui le médiévaliste a sauté les siècles pour apporter quelques images de la vie du Voltaire ferneysien après recherches dans le fonds Gerlier qui malheureusement est resté longtemps inexploité . Bravo à lui.