31/07/2010
Il s'agit de favoriser les blondes
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vs/
http://www.youtube.com/watch?v=fsTln9RF-D0
« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint-Julien
31è juillet 1772
Je vous avais dit, Madame, que je n'aurais jamais l'honneur de vous écrire pour vous faire de vains compliments, et que je ne m'adresserais à vous que pour exercer votre humeur bienfaisante ; je vous tiens parole. Il s'agit de favoriser les blondes.[dentelle exécutée d'abord en soie écrue, d'où son nom] Je ne sais si vous n'aimeriez pas mieux protéger les blondins, mais il n'est question ici ni de belles dames ni de beaux garçons ; et je ne vous demande votre protection qu'auprès de la marchande qui soutient seule l'honneur de la France, ayant succédé à Mme Duchapt.[célèbre couturière]
Vous avez vu cette belle blonde façon de dentelle de Bruxelles qui a été faite dans notre village. L'ouvrière qui a fait ce chef-d'œuvre est prête d'en faire autant, et en aussi grand nombre qu'on voudra, et à très bon marché pour l'ancienne boutique Duchapt. Elle prendre une douzaine d'ouvrières avec elle s'il le faut, et nous vous aurions l'obligation d'une nouvelle manufacture. Vous nous avez porté bonheur, Madame, ; notre colonie augmente, nos manufactures se perfectionnent [surtout celle de montres]. Je suis encore obligé de bâtir de nouvelles maisons. Si le ministère voulait un peu nous encourager et me rendre du moins ce qu'il m'a pris, Ferney pourrait devenir un jour une ville opulente. Ce sera une assez plaisante époque dans l'histoire de ma vie qu'on m'ait saisi mon bien de patrimoine [l'argent des rescriptions « pris » par l'abbé Terray] entre les mains de M. de La Borde et de M. Magon, tandis que j'employais ce bien sans aucun intérêt, à défricher des champs incultes, à procurer l'eau aux habitants, à leur donner de quoi ensemencer leurs terres, à établir six manufactures, et à introduire l'abondance dans le séjour de la plus horrible misère. Mais je me consolerai si vous favorisez nos blondes, et si vous daignez faire connaître à l'héritière de Mme Duchapt qu'il y va de son intérêt et de sa gloire de s'allier avec nous.
Quand vous reviendrez, Madame, aux États de Bourgogne,[son frère fut commandant militaire de Bourgogne] si vous daignez vous souvenir encore de Ferney, nous vous baignerons dans une belle cuve de marbre, et nous aurons un petit cheval pour vous promener, afin que vous ne soyez plus sur un genevois. Tout ce que je crains, c'est d'être mort quand vous reviendrez en Bourgogne. Votre écuyer Racle a pensé mourir ces jours-ci, et je pense qu'il finira comme moi par mourir de faim, car M. l'abbé Terray qui m'a tout pris, ne lui donne rien [pour paiement des travaux entrepris à Versoix, où il est ingénieur architecte, sous le ministère de Choiseul], du moins jusqu'à présent. Il faut espérer que tout ira mieux dans ce meilleur des mondes possibles. Je me flatte que tout ira toujours bien pour vous ; que vous ne manquerez ni de perdrix [elle chassait beaucoup, et V* aura l'occasion de lui décerner un prix de tir à l'oiseau], ni de plaisirs. Vous ne manqueriez pas de vers ennuyeux si je savais comment vous faire tenir Systèmes, Cabales, etc., avec des notes très instructives.[cf. lettre du 13 juillet à d'Alembert et du 10 août à Mme du Deffand]
En attendant, recevez, Madame, mon très tendre respect.
Le vieux malade de Ferney. »
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