05/02/2013
il est toujours bien doux de n'être pas haï de ceux qu'on admire
... Tout comme il est possible d'aimer ceux qu'on n'admire pas .
Je pense que ceux qui n'aiment que ceux qu'ils admirent se privent de bien des joies, et qu'au fond ils se donnent une importance qu'ils n'ont pas , qu'ils se trouvent bien sûr admirables eux-mêmes et que leur égo s'enfle par personne interposée (voir fans clubs ) . Je n'ai pas grande sympathie pour cette attitude exclusive .
Doux !
et admirable ?
et aimable ?
« A Madame Louise-Dorothée Von MEININGEN, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, près de Genève, 24 novembre [1757].
Madame, la lettre dont Votre Altesse sérénissime m'honore est un grand témoignage de la générosité de votre cœur. Vos États ont été le théâtre de la guerre, et vous daignez penser à moi. Quel jour, madame, que celui où elle a daigné m'écrire 1! C'est celui où cette nation, dans laquelle vous avez trouvé des gens aimables, était bien malheureuse; c'est celui où un roi, à qui ses ennemis ne peuvent refuser leur admiration, se couvrait de gloire par la plus habile conduite et par le plus grand courage. Il a dû repasser par vos États, madame, des milliers de blessés. Encore si c'étaient de vos maudits Croates, qui sont si incivils? Mais ce sont des gens très-polis, et qui certainement avaient eu pour Votre Altesse sérénissime tout le respect qu'on lui doit. Plût à Dieu que cette sanglante journée fût au moins un acheminement à une paix générale ! C'est tout ce que je peux dire. Je plains ma nation; je m'intéresse tendrement à tout ce qui vous touche, madame. J'admire l'homme dont Votre Altesse sérénissime me parle; je la remercie de tout ce qu'elle aura daigné lui dire de moi. Je n'ai en vérité d'autre objet, d'autre espérance que la retraite, et à mon âge la tranquillité est le comble de la fortune. Mais il est toujours bien doux de n'être pas haï de ceux qu'on admire. C'est à vos bontés, madame, que je dois les siennes. Il a été assez grand pour me confier ses malheurs, et il est peut-être actuellement si occupé qu'il ne me parlera pas de ses succès, ou, s'il daigne m'en parler, ce sera avec une modération qui relèvera sa gloire.
Je me mets à vos pieds, madame, avec la plus vive reconnaissance, avec le plus profond et le plus tendre respect. Je ne regrette que de ne pouvoir être témoin des progrès des princes vos enfants, et de ne point voir leur auguste mère. Je présente les mêmes respects et les mêmes regrets à monseigneur.
La grande maîtresse des cœurs 2 ne donne-t-elle pas du bouillon à quelque blessé dans le meilleur monde possible? 3»
2 Julienne-Françoise de Buchwald, née de Neuenstein, grande gouvernante de la duchesse Louise-Dorothée, naquit le 7 octobre 1707, et mourut le 19 décembre 1789. Charles de Dalberg a fait son éloge dans un petit ouvrage intitulé : Madame de Buchwald. Seconde édition. Erfurt, 1787, vingt-quatre pages in-8. Frédéric II dira d'elle dans une lettre à sa sœur la margrave de Baireuth, le 17 septembre 1757 : « Madame de Buchwald me paraît une femme très-estimable, et qui vous conviendrait beaucoup : de l'esprit, des connaissances, point de prétentions, et un bon caractère. » : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/27_1/346/text/
3 Cette dernière phrase est écrite en marge sur le manuscrit . Elle laisse supposer que Candide est en gestation .
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