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01/04/2013

j'ai bien peur d'être condamné à rester sur les bords de mon lac, du moins ces bords sont paisibles

... Mon cher Volti, je crains bien de faire le contraire .

De toute manière, tu fais un pied de nez à ceux qui viennent auprès de ton tombeau : "parti au Panthéon pour cause de génie ".

Sans trucage

voltaire ressuscité 3839.png

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha.
A Lausanne, 27 janvier 1758.

 

Aux housards, et autres

 messieurs de cette espèce. 1

 

Meurtriers à brevet, avides de pillage,
Ne prenez point ma lettre; et souvenez-vous bien
Qu'en saisissant mes vers peu faits pour votre usage,
Vous n'y gagneriez jamais rien.

Housards, j'écris à Dorothée,
Aux grâces, à l'esprit, aux plus nobles appas,
A la douce vertu, de faiblesse exemptée;
Cela ne vous regarde pas.

Madame, après avoir présenté cette petite requête aux housards, je remercie d'abord Votre Altesse sérénissime de la lettre dont elle m'honore, en date du 17 janvier, et j'ose assurer que je rends bien à la grande maîtresse des cœurs toutes ses caresses. Ma lettre du 27 septembre de l'année passée 2 aurait eu le temps d'aller aux Indes, je l'avais donnée à M. le maréchal de Richelieu, dans l'idée qu'il viendrait vous faire sa cour, et me flattant, madame, que quand il verrait Votre Altesse sérénissime, on ne se battrait plus sur votre territoire. Apparemment que le dépit de ne pas jouir de l'honneur de vous voir lui aura fait longtemps garder ma lettre, et qu'il l'aura retrouvée en faisant ses paquets.
Je suis toujours Suisse, madame; mais quand serai-je Thuringien ? et quand la Thuringe n'entendra-t-elle plus parler de marches, de contre-marches et de combats? Hélas on ne nous fait pas espérer la paix pour cette année, ce meilleur des mondes possibles a encore quelques années à souffrir. Votre Altesse sérénissime reverra peut-être encore le héros formidable et aimable à qui elle a fait les honneurs de son palais, et qui semblait dans ce temps critique n'avoir rien à faire qu'à tâcher de lui plaire. Je vous avoue, madame, que j'aurais bien voulu me trouver là; mais j'ai bien peur d'être condamné à rester sur les bords de mon lac, du moins ces bords sont paisibles, et ceux des fleuves allemands ne le seront pas. On dit que le Danemark entre aussi dans la querelle 3. On dit qu'on va faire de tous côtés de nouveaux efforts.
Que me reste-t-il qu'à plaindre le genre humain dans ma retraite ?
J'avais procuré au roi de Prusse un abbé de Prades 4, prêtre, docteur, hérétique, et lecteur de Sa Majesté. On prétend qu'il a trahi son bienfaiteur, et qu'il est puni à Breslau d'un supplice bien étrange pour un prêtre. Je ne veux point le croire, mais je ne sais à qui en demander des nouvelles, c'est d'ailleurs bien peu de chose parmi tant de désastres publics. Je gémis sur ces misères, je souhaite à Votre Altesse sérénissime le bonheur qu'elle mérite. Je me mets à ses pieds et à ceux de son auguste famille avec le plus profond respect.
L'Ermite. »

2 Dans sa lettre du 14 janvier 1758, la duchesse de Saxe-Gotha répondait à la lettre du 22 septembre et non à celle du 27 (voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/25/voila-de-ces-revolutions-bien-capables-de-detromper-des-gran.html )

3 Le Danemark mit sur pied dix-huit mille hommes d'infanterie et six mille de cavalerie pour protéger Hambourg, Lubeck, et les possessions du duc de Holstein-Gottorp. La France lui fournit des subsides. (Georges Avenel.)

 

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