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19/08/2013

nous sommes des barbares, et vous autres, gens polis, vous donnez vite une belle charge d'avocat général au fils d'un banqueroutier frauduleux

... Car il est juste que l'argent aille à l'argent, comme le pouvoir du fils  transmis par le père ! Non ?

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL

Aux Délices, 15 mai [1758].

Je suis chargé, mon cher ange, de vous supplier encore de vouloir bien donner un petit coup d'aiguillon au rapporteur de MM. de Douglas. Je plains plus que jamais les plaideurs que les rapporteurs négligent. Il y a huit ans que Mme Denis et moi nous sommes très-négligés dans une affaire plus grave que celle de MM. de Douglas. Mon émerveillement dure toujours que le fils de Samuel 1, nous ait fait banqueroute, six mois après avoir pris notre argent, et qu'il ait trouvé le secret de fricasser huit millions, obscurément et sans plaisir. Votre premier président 2, son beau-frère, ne serait-il pas, entre nous, un peu engagé par son honneur et par celui de sa place à faire finir une affaire si odieuse? Le fils d'un banqueroutier, dans notre Suisse, ne peut jamais parvenir à aucun emploi, à moins d'avoir payé les dettes de son père mais c'est que nous sommes des barbares, et vous autres, gens polis, vous donnez vite une belle charge d'avocat général au fils d'un banqueroutier frauduleux. Cependant une partie de la succession entre dans les coffres du receveur des consignations, qui prend d'abord cinq pour cent par an pour garder l'argent, et qui gagne six pour cent à le faire valoir, le tout pendant vingt années.

Est-ce là faire droit? est-ce là comme on juge? 3

Pardon; je suis un peu en colère, parce que j'ai perdu environ le quart de mon bien en opérations de cette espèce mais je ne dois pas me plaindre devant celui dont les Anglais ont brûlé la maison.

Mon divin ange, je songe à une chose. Si Babet 4 vous procurait une ambassade ! Vous me direz que vous êtes trop honnête homme pour négocier mais il y a des honnêtes gens partout. Je voudrais que vous relevassiez M. de Chavigny 5. Comptez que tous nos Suisses seraient enchantés. Que sait-on ? Ce que je vous dis là n'est point si sot pensez-y.

Ma nièce Fontaine est à Lyon j'espère qu'elle m'apportera mes paperasses encyclopédiques. Savez-vous des nouvelles de cette Encyclopédie? Je les aime mieux que les nouvelles publiques, qui sont presque toujours affligeantes. Mille respects à tous les anges. Je baise toujours le bout de vos ailes.

Le Suisse V. »

1 Samuel Bernard : http://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel_Bernard

Son fils banqueroutier est Samuel-Jacques Bernard : http://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel-Jacques_Bernard_%2816...

2 Mathieu-François de Molé était premier président de La Grand-Chambre depuis le 12 novembre 1757 .Il épousa en 1733 Bonne-Félicité Bernard, fille du financier Samuel Bernard .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mathieu-Fran%C3%A7ois_Mol%C3%A9

3 RACINE, Les Plaideurs, acte I, scène vii

4 L'abbé, comte de Bernis, ministre des affaires étrangères. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Joachim_de_Pierre_de_Bernis

5 Chavigny, ambassadeur de France en Suisse, résidait à Soleure, et ce fut lui que Voltaire alla y voir. Colini, qui parle de ce voyage dans ses Mémoires, n'en connut jamais le motif précis; il dit seulement que Voltaire, en allant à Soleure, devait avoir des vues bien importantes. On croit que Chavigny proposa à l'ancien ami de Frédéric de retourner à Potsdam pour y négocier secrètement: ce que Voltaire eut la prudence de refuser (voyez lettres 3180 et 3183). L'ermite des Délices fit un autre voyage à Soleure, comme le prouve la date de sa lettre du 19 août 1758, à l'abbé de Bernis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/19/mele-les-plaisanteries-aux-pensees-serieuses.html

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9odore_Chevignard_de_Chavigny

 

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