11/10/2013
voir les affaires plus brouillées, et les bourses plus vides que jamais
... Honni soit qui mal y pense !
Les affaires ? quelles affaires ?
Vides ... ou presque !
« A Jean-Robert Tronchin
Aux Délices 29 août , retardé jusqu'à samedi 2 septembre 1758
Je reviens, mon cher monsieur, à votre petit ermitage avec deux chagrins, celui de vous avoir point vu, et celui de voir les affaires plus brouillées, et les bourses plus vides que jamais . Il ne s'agit dans cette maladie épidémique de l’Europe que de conserver sa santé autant qu'on le peut dans son obscurité . Le naufrage parait général , il faut que chaque particulier se sauve sur sa planche .
J'apprends qu'on a voulu négocier aussi vainement entre Berne et Lyon qu'entre les puissances belligérantes . Tout le monde cherche de l'argent et je suis aussi chargé d'en négocier . J'ai déjà fait une petite affaire assez bonne, pour notre ami Labat et pour moi . Vous voulez bien lui fournir pour mon compte quatre-vingt dix mille livres . C'est un peu plus aisé à trouver que cinq cent mille livres de l'emprunt desquelles je suis chargé . On ne peut avoir une plus rude commission .
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint quelques rafraichissements très légers de Cadix . Il y a entre autres un billet de change de 410 livres quinze sous du 22 juin 1757 . Il est étrange que je l'envoie aujourd'hui . Il avait été oublié dans mes papiers, et je l'ai retrouvé en faisant ma revue . Je ne sais si vous envoyez ces lettres de change en droiture à M. Gilli de Montaud à Paris 1, ou si vous les adressez à un tiers . En tout cas il vous sera aisé de spécifier que ce petit billet avait été oublié .
J'ai été sur le point d'acheter auprès de Nancy une très jolie terre ce qui aurait assuré à mes héritiers un fonds plus solide que les papiers sur le roi et sur la Compagnie des Indes . Le marché était très avantageux et c'est pour cela qu'il a manqué . C'est un fort mauvais marché à ce que je vois que d'avoir à présent des billets de loterie et des annuités . Qu'en pensez-vous ?
On prétend que Louisbourg est pris 2. Je le crois quoique je n'en aie aucune nouvelle et quant aux bonnes nouvelles de nos armées, je ne les crois pas . Une planche, vite une planche dans le naufrage ! Vendons nos effets royaux dès que nous le pourrons honnêtement . Si la flotte arrivée à Cadix ne nous apporte pas quelque consolation, je n'en espère plus ni du nouveau monde, ni de l'ancien .
Adieu mon cher monsieur . Quand nous aurons donné au baron de Grandcour les 90 000 livres nous verrons ce qui nous reste . Votre amitié est le meilleur de mes effets .
Votre très humble et très obéissant serviteur .
V...
2 septembre
J'ai laissé cette lettre sur ma table en attendant que j'eusse quelques nouvelles . Je ne vous parle pas de Louisbourg dont vous savez tous les funestes détails 3. Il y a actuellement à ce qu'on m'assure douze mille anglais joints au prince de Brunswick . Tout se déclare contre la France sur mer et sur terre . La nouvelle que les Russes on détruit près de Rupin un corps de six mille Prussiens ne se confirme pas encore . Si elle était vraie le roi de Prusse serait encore plus embarrassé que la France .
Vous passez vous autres Lyonnais pour avoir été refusés net à Berne au sujet d'un emprunt d'un million, et le landgrave de Hesse passe pour avoir eu ce million, ce que je ne crois point du tout . Bonjour mon cher correspondant.
V »
1 Gilly de Montaud : voir : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1984_num_258_1_1088 en faisant Rechercher « gilly »
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