23/06/2013
Le cri public rendra les persécuteurs exécrables
... Mais qu'ils sont longs et difficiles à éliminer ces malfaisants !
http://blog.lefigaro.fr/inde/2010/07/inde-les-femmes-musulmanes-mon.html
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental 1
Lausanne 26 février [1758]
Quand j'écris au roi de Prusse et à M. l'abbé de Bernis sur des choses peu importantes, ils m'honorent d'une réponse dans la huitaine . J'écrivis à M. Diderot il y a deux mois sur une affaire très grave qui le regarde et il ne me donna pas signe de vie . Je demandai réponse par quatre ou cinq ordinaires et je n'en obtins point . Je fis redemander mes lettres . J'étais en droit de regarder ce procédé comme un outrage . Il a dû me blesser d'autant plus que j'ai été le partisan le plus déclaré de l'Encyclopédie 2. J'ai même travaillé à une cinquantaine d'articles qu'on a bien voulu ma confier .Je ne me suis point rebuté de la futilité des sujets qu'on m'abandonnait, ni du dégoût mortel que m'ont donné plusieurs articles de cette espèce, traités avec la même ineptie qu'on écrivait autrefois le Mercure galant, et qui déshonorent un monument élevé à la gloire de la nation . Personne ne s’est intéressé plus vivement que moi à M. Diderot et à son entreprise . Plus cet intérêt est ardent, plus j'ai dû être outré de son procédé .
Je ne suis pas moins affligé de ce qu'il m'écrit enfin au bout de deux mois . Des engagements avec des libraires . C'est bien à un grand homme tel que lui à dépendre des libraires ! C'est aux libraires à attendre ses ordres dans son antichambre . Cette entreprise immense vaudra donc à M. Diderot environ trente mille livres ! Elle devrait lui en valoir deux cent mille (j'entends à lui et à M. d'Alembert et à une ou deux personnes qui les secondent), et s'il avaient voulu seulement honorer le petit trou de Lausanne de leurs travaux, je leur aurai fait mon billet de deux cent mille livres, et s'ils étaient assez persécutés et assez déterminés pour prendre ce parti en s'arrangeant avec les libraires de Paris on trouverait bien encore le moyen de finir l'ouvrage avec une honnête liberté , et dans le sein du repos, et avec sureté pour les libraires de Paris et pour les souscripteurs . Mais il n'est pas question de prendre un parti si extrême qui cependant n'est pas impraticable , et qui ferait honneur à la philosophie .
Il est question de ne se pas prostituer à de vils ennemis, de ne pas travailler en esclaves des libraires
et en esclaves des persécuteurs . Il s'agit d'attirer pour son ouvrage et pour soi-même la considération qu'on mérite . Pour parvenir à ce but essentiel, que faut-il faire ? Rien . Oui, ne rien faire, ou paraître ne rien faire, pendant six lois, pendant un an . Il y a trois mille souscripteurs . Ce sont trois mille voix qui crieront , laissez travailler avec honneur ceux qui nous instruisent et qui honorent la nation . Le cri public rendra les persécuteurs exécrables . Vous me mandez, mon cher et respectable ami, que M. le procureur général 3 a été très content du septième volume . C'est déjà une bonne sureté . L’ouvrage est imprimé avec approbation et privilège du roi, il ne faut donc pas souffrir qu'un misérable 4 ose prêcher devant le roi contre la raison imprimée une fois avec privilège, il ne faut donc pas souffrir que l'auteur de la gazette dise dans les Affiches de province que les précepteurs de la nation veulent anéantir la religion et corrompre les mœurs, il ne faut donc pas souffrir qu'un écrivain mercenaire débite impunément le libelle des kakouacs .
Ces deux misérables dépendent des bureaux du ministère, mais sûrement ce n'est pas M. l'abbé de Bernis qui les encourage, ce n'est pas Mme de Pompadour . Je suis persuadé au contraire que Mme de P. obtiendrait une pension pour M. Diderot . Elle y mettrait sa gloire et j'ose croire que cela ne serait pas bien difficile .
C'est à quoi il faudrait s'occuper, pendant six mois . Que M. Diderot, M. d'Alembert, M. de Jaucourt et l'auteur de l'excellent article de la Génération 5, déclarent qu'ils ne travailleront plus si on ne leur rend justice, si on leur donne des réviseurs malintentionnés, et je vois évidemment que dans trois mois la voix du public qui est la plus puissante des protections, mettra ceux qui enseignent la nation sur le trône des lettres où ils doivent être . Alors M. d'Alembert devra travailler plus que jamais . Alors il travaillera . Mais il faut avoir, et la sagesse d'être tous unis, et le courage de persister quelques mois à déclarer qu'on ne veut point travailler sub gladio 6 . Ce n'est pas certainement un grand mal de faire attendre le public, c'est au contraire un très grand bien . On amasse pendant ce temps là des matériaux, on grave des planches, on se ménage des protections, et ensuite on donne un huitième volume dans lequel on n'insère plus les plates déclamations et les trivialités dont les précédents ont été infectés . On met à la tête de ce volume une préface dans laquelle on écrase les détracteurs avec cette noblesse et cet air de supériorité dont Hercule écrase un monstre dans un tableau de Lebrun .
En un mot , je demande instamment qu'on soit uni, qu'on paraisse renoncer à tout, qu'on s'assure protection et liberté, qu'on se donne tout le public pour associé, en le faisant craindre de voir tomber un ouvrage nécessaire .
Tout le malheur vient de ce que M. Diderot n'a pas fait d'abord la même déclaration que M. d'Alembert . Il en est encore temps . On viendra à bout de tout avec l'air de ne vouloir plus travailler à rien . Du temps ; et des amis ; et le succès est infaillible . Je suis en droit d'écrire à Mme de Pompadour les lettres les plus fortes, et je ferai écrire des personnes de poids, si on trouve ce parti convenable .
Mais un homme qui est capable de passer deux mois sans faire réponse sur des choses si essentielles, est-il capable de se remuer comme il faut dans une telle affaire ?
Je prie instamment M. Diderot de brûler devant M. d'Argental mon billet sur les kakouacs dans lequel je me méprenais sur l'auteur . J'aime M. Diderot, je le respecte et je suis fâché .
V. »
1 Cette lettre est , comme V* l'a dit dans sa lettre du 25 février à d'Argental, adressée à Diderot . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/24/5ab8a796411269fbfec64d1d13bf57ad.html
2 On trouve à la fin du Siècle de Louis XIV cet éloge écrit en 1752 : « Enfin le siècle passé a mis celui où nos sommes en état de rassembler en un corps , et de transmettre à la postérité le dépôt de toutes les sciences et de tous les arts, tous poussés aussi loin que l'industrie humaine a pu aller ; c'est à quoi a travaillé une société de savants remplis d'esprit et de lumières . Cet ouvrage immense et immortel semble accuser la brièveté de la vie des hommes . »
Voir également le Précis du siècle de Louis XV.
4 Charles-Jean-Baptiste Chapelain ; voir lettre du 13 février 1758 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/13/c-est-une-chose-infame-de-n-etre-pas-tous-unis-comme-des-fre.html
5 Arnulphe d'Aumont : http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Encyclop%C3%A9die/1re_%C3%A9dition/G%C3%89N%C3%89RATION
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22/06/2013
l'un est un fanatique imbécile qui grâce au ciel est beaucoup plus vieux que moi, et l'autre un … dont je ne veux rien dire
... Parmi les commis de l'Etat , ces deux types d'individus existent malheureusement , l'affaire Tapie n'étant qu'une preuve par l'absurde .
De plus, qu'il me soit permis de saluer bien bas l'exploit des services de sécurité du président pudibond qu'on ne saurait exposer à l'agression de deux paires de seins féminins . Ces femmes ont au moins le grand mérite de ne pas se contenter de promesses d'actions, elles agissent , elles !
« A Jean Le Rond d'Alembert
rue Simon Lefranc
A Lausanne 25 février [1758]
Dieu merci, mon cher philosophe, turpiter allucinaris et magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes 1 sur les petites intrigues de ce monde . Soyez très sûr que Mme de Pompadour et M. l'abbé de Bernis sont très loin de se déclarer contre l'Encyclopédie . L'un et l'autre, je vous en réponds, pense en philosophe, et agira hautement dans l'occasion quand on le pourra sans se compromettre . Je ne réponds pas de deux commis dont l'un est un fanatique imbécile qui grâce au ciel est beaucoup plus vieux que moi, et l'autre un … dont je ne veux rien dire .
Il y a quatre ou cinq barbouilleurs de papier et l'auteur de la gazette en est un . C'est un misérable petit bel esprit, ennemi de tout mérite . Quelques coquins de cette trempe se sont associés , et les auteurs de l'Encyclopédie ne s'associeraient pas ; et ils ne seraient pas animés du même esprit ; et ils auraient la bassesse de travailler en esclaves à l'Encyclopédie et de ne pas attendre qu'on leur rende justice et qu'on leur promette l'honnête liberté dont ils doivent jouir ? N’y a-t-il pas 3000 souscripteurs intéressés à crier vengeance avec eux ?2
Dès que je fus informé de l'article Genève et du bruit qu'il excitait, j'écrivis à Diderot et je lui mandai qu'il y allait de votre honneur à tout jamais si vous vous rétractiez . Je lui écrivis aussi un petit billet au sujet du malheureux libelle des kakouacs . Je n'ai point eu de réponse . Ce n'est point paresse , il a écrit au docteur Tronchin 3 qui tenait la plume du comité des prédicants de Genève . Je ne suis point content de sa lettre à Tronchin , mais je suis indigné de son impolitesse grossière avec moi . Vous pouvez lui montrer cet article de ma lettre . Je reçois enfin ce 26 une lettre de Diderot . Quel procédé ! après un mois ! et quelle misère de mollir ! Lui , l'esclave des libraires! quelle honte 4. Je veux absolument qu'il me rende tout ce que je lui ai écrit sur l'article Genève et sur les Kakouacs, et qu'il remette ces papiers à Mme de Fontaine, ou à M. d'Argental, ou à vous que je supplie de les rendre à Mme de Fontaine .
Au reste je n'ai point de terme pour vous exprimer combien je serai affligé et indigné si vos confrères continuent à écrire sous la potence ; attendez seulement un an , et il n'y aura qu'un cri
dans le public pour vous engager à continuer en hommes libres et respectés .
M. de Malesherbes vous a, je crois 5 donné la profession servétine qu'on lui a envoyée pour vous . Servet sans doute aurait signé cette confession . C'est là une des belles contradictions de ce monde . Ceux qui ont fait brûler Servet pensent absolument comme lui, et le disent . On vient d'imprimer le socinianisme tout cru à Neufchâtel . Il triomphe en Angleterre . La secte est nombreuse à Amsterdam . Dans vingt ans Dieu aura beau jeu .
Tout ce qu'on a écrit des officiers généraux prussiens et sur l'abbé de Prades est faux. On ne dit que des sottises . L'abbé de Prades est aux arrêts pour avoir mandé des nouvelles assez indifférentes, les seules qu'il pouvait savoir . On traite à Paris les hommes comme des singes, ailleurs comme des ours , fortunatus et ille deos qui novit agrestes 6. J'attends les beaux jours pour aller voir mes Délices . En attendant nous jouons la comédie et mieux qu'à Paris, vana absit gloria 7 .
V.
Il faut que vous fassiez encore un voyage à Genève . »
1 Latin de cuisine rabelaisien : « tu divagues de façon honteuse et les plus grands clercs ne sont pas les plus grands sages . » Voir aussi Montaigne, Essais I, xxiv : http://www.bribes.org/trismegiste/es1ch24.htm
3 Cette lettre du 30 décembre 1757 a été imprimée dans « Lettres inédites pour servir à l'histoire du Xviiiè siècle », La Réformation au XIXè siècle, Genève ; voir : http://oreilletendue.com/2011/11/05/enquete-diderotienne/
Diderot se déclare persuadé que d'Alembert n'a offensé les Genevois que par inadvertance et insiste sur le fait qu'il n'a lui-même aucune part dans cet article, soit comme auteur, soit comme éditeur .
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21/06/2013
Les hommes font bien du mal ; mais la renommée en dit cent fois davantage .
... Et Big Brother s'en occupe discrètement, si discrètement que tout le monde est au courant, que les mauvais, les terroristes se sachant espionnés vont sans doute en revenir au courrier papier et au pigeon voyageur , lents mais discrets !
Ou " comment se faire pigeonner ?"
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
A Lausanne 24 février 1758
Madame, je vois que votre Altesse sérénissime est d'une discrétion charmante avec nos seigneurs les housards . Je souhaite qu'ils aient autant de circonspection avec les blés, les moutons et les dindons de vos sujets . S'ils pouvaient vous voler, madame, un peu de vos grâces, un peu de la sagesse de votre esprit, de la bonté et de la beauté de votre âme, ils n'auraient plus rien à piller de leur vie . Mais Dieu nous délivre d'eux, et de leurs semblables, héros ou pillards, battants ou battus, qu'avez-vous à faire, madame, de toutes ces querelles dans lesquelles il n'y a qu'à perdre beaucoup, et rien à gagner ? Pourquoi vient-on troubler un si doux repos et des vertus si respectables ? Je crois que la maîtresse des cœurs trouve tout ce fracas bien horrible , et prie Dieu de tout son cœur pour la plus prompte des paix possibles .
J'oubliai, madame, dans ma dernière lettre aux housards , de parler à votre Altesse sérénissime de M. de Lugeac 1 qui a eu le bonheur de vous faire sa cour et qui en est digne . C'est un homme qui a autant de douceur dans les mœurs que de courage . Daignez me pardonner, quand on a l 'honneur de vous écrire, madame, il est bien difficile de penser à d'autres personnes . On nous a envoyé dans nos douces retraites de prétendues relations de nouveaux massacres illustres, commis à Volfenbutel, à Helmstad, auprès de Brême, et de gens arquebusés ou décollés à Breslau, et d'une violence commise à Zerbst, et de l'abbé de Prades martyrisé . Je ne crois rien tout cela . Les hommes font bien du mal ; mais la renommée en dit cent fois davantage .
Il est vrai,madame, que pendant qu'on s'égorge dans vos quartiers, nous jouons tout doucement la comédie à Lausanne. Il est vrai que dans une heure nous allons jouer une pièce nouvelle nommée Fanime, où il n'est question que d'amour . Je ne la destine point à Paris, je ne songe jamais qu'aux pays où je suis et à votre Altesse sérénissime . Je voudrais bien que notre petit théâtre fût dans votre palais au lieu d'être à Lausanne . Cela est plus doux que le théâtre de la guerre, c'est à madame la duchesse de Gotha qu'il faut plaire, c'est elle qui doit juger de nos petits talents . Je joue les rôles de vieux bonhomme, mais le rôle le plus flatteur serait d'être aux pieds de votre Altesse sérénissime . Je m'y mets de loin avec le plus profond respect .
V. »
1 Marquis de Lugeac dont V* parlera dans le Précis du Siècle de Louis XV, chapitre XXVI :attaque de Berg Op Zoom : « On emporte tout, on pousse aux remparts, on s’y forme, on entre dans la ville la bayonnette au bout du fusil : le marquis de Lugeac se saisit de la porte du port ; le commandant de la forteresse de ce port se rend à lui à discrétion ; tous les autres forts se rendent de même. » ; http://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_26
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20/06/2013
lisez cette lettre, riez, et aimez-moi
... Si vous voulez bien !
Poilez-vous !
« A Théodore Tronchin
A Lausanne 23 [février 1758]
Homme habile qui avez fait tout ce que je désirais, et qui ne m'avez pas seulement envoyé la belle pancarte 1, lisez cette lettre, riez, et aimez-moi . Je ris aussi, mais tout bas . Ce monde est une plaisante comédie . Nous nous amusons beaucoup à Lausanne, nous avons de bons spectacles et de grands soupers . Mais nous vous regrettons . Renvoyez-moi la lettre du premier pasteur de Berne 2 . Tout le monde est ici de son avis et tout le monde est fort aise .
Comment vont les nerfs de la philosophe 3? Il n'est pas vrai qu'on ait massacré juridiquement 4 l'abbé de Prades, les généraux Kiou 5, Katt etc. etc., 22 officiers et des moines Je reçois très souvent des lettres de toute la famille du roi de Prusse et de M. l'abbé de Bernis 6. Je suis de tous bons accords, bien avec tout le monde, et je veux être bien avec vos prêtres . Dîtes- leur que je suis fort content car de par Dieu et de par le diable je le suis , et je vous aime de tout mon cœur .
V.»
4 Expression qui rappelle celle du chapitre II de Candide : »On lui demanda juridiquement ce qu'il aimait le mieux d'être fustigé trente-six fois par tout le régiment , ou de recevoir à la fois douze balles de plomb dans la cervelle. »
5 Sur Kyau, voir lettre du 17 janvier à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/24/je-suis-comme-la-bonne-vieille-qui-disait-il-est-vrai-que-je.html
Le lieutenant-général Hans Friedrich von Katte était un des officiers arrêté en même temps que lui .
6 Dans sa lettre du 25 février 1758 à d'Argental, V* parle de trois lettres, une seule, celle du 1er février 1758 nous est parvenue .
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19/06/2013
Ma foi à force d'emprunter on sera enfin réduit à ne rien payer . Sauve qui peut
... Un peu de bon sens n'est pas de trop , ni pour les particuliers, ni pour les Etats .
Avant
Grandeur et décadence
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
A Lausanne 23 février [1758]
Je reçois, mon cher monsieur , votre lettre du 19 . J'ai donné une lettre de change de 1700 livres sur vous à M. Francillon de Lausanne 1. Les 500 louis seront arrivés assez tôt au mois d'avril . Je ferai peut-être aussi de mon côté un petit voyage mais ce ne sera pas à Paris . Grand merci des cinquante bouteilles . C'était pour mêler avec le vin de Beaujolais mais puisque vous dites qu'il est si bon, il sera bu sans mélange . Pourrait-on en avoir cent bouteilles au lieu de 50 ?2 Je vous remercie des chiffons de théâtre . J'en fais usage car il faut s'amuser et la bonne philosophie n'est que cela . Vraiment je vous serai très obligé de me faire marcher sur des dépouilles anglaises . Je veux fouler aux pieds leurs tapis de Turquie . Ayez la bonté de m'en faire avoir quatre . Les dimensions n'y font rien . Ils seront bien reçus . Je ne veux pas que la maison des Délices soit de pire condition que la maison de Lausanne dans laquelle j'ai fait mettre des tapis partout . Si je suis philosophe je ne suis pas de la secte des cyniques qui gâtaient les meubles .
Il n'y a que Dieu qui sache ce que le diable nous promet cette année . On dit que le diable menace encore d'un nouvel emprunt dans six mois . Ma foi à force d'emprunter on sera enfin réduit à ne rien payer . Sauve qui peut . Je vous embrasse . Point de nouvelles des exacteurs généraux sur mes flambeaux .3
V.
Je tire encore sur vous, monsieur, une lettre de change pour la solde du sieur Aubousier 4, marchand de Lausanne . Elle sera environ 1650 livres . »
1 Sans doute un des fils du banquier Louis Francillon , Jean-François et Abraham-Isaac, tous deux marchands et banquiers .
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18/06/2013
Il y a de vilaines âmes qui se plaisent à faire les rois plus méchants qu'ils ne sont, et à débiter des horreurs, mais il est plus aisé de les dire que de les commettre
... Et il est des reines plus cocues que des roturières , telles la reine d'Angleterre et la reine de Belgique . La première doit se contenter de ses propres enfants, la seconde hérite -si j'ose dire- d'une fille qu'elle n'aura pas à élever . Le roi de Belgie s'est fait prendre, là une fois, mais qui est la mère de cette fille dite illégitime ?
Portrait robot du roi des couillons bouillons
« A François Tronchin
Conseiller d’État à Genève
Lausanne 23 [février 1758]
A la réception de votre lettre, mon très cher confrère, et de celle de M. Teroux 1, j'écris sur le champ au grand gouverneur de Neufchâtel 2. Après quoi nous allons répéter Fanime 3. Si M. de Nicolaï veut venir nous siffler qu'il parte et se dépêche . Je vous supplie de lui signifier cette semonce au plus vite . Nos tendres respects à tout Tronchin et à toute Tronchine .
Le roi de Prusse prétend n'avoir point reçu à Breslau la lettre 4 que je lui ai écrite il y a un mois pour M. Turretin 5, capitaine au régiment de Planta, prisonnier et blessé . C'est Mme la margrave de Bareith 6 qui m'apprend que cette lettre n'est point parvenue, qu'il y en a eu beaucoup d’interceptées et qu'elle-même a été un mois entier sans recevoir des nouvelles du roi son frère .
J'ai écrit sur le champ une nouvelle lettre que j'ai envoyée à son Altesse royale 7. Je vous prie, mon cher confrère de le dire à M. Turretin le syndic 8. Cette affaire me tient au cœur autant qu'à lui .
Il court une relation d'une boucherie faite à Breslau 9, d'officiers généraux, capitaines, soldats, moines, arquebusés ou décollés ou pendus, et de l'abbé de Prades roué ! Quel diable de Marc Antonin ! Mais je n'en crois pas un mot . J'ai reçu des lettres du prince royal 10, de Mme de Bareith, de Mme la duchesse de Gotha 11 et de plusieurs personnes qui n'en parlent point . Il y a de vilaines âmes qui se plaisent à faire les rois plus méchants qu'ils ne sont, et à débiter des horreurs, mais il est plus aisé de les dire que de les commettre . Le temps nous apprendra ces vérités ou ces mensonges et nous mettra au net ce qu'on dit de notre déconfiture auprès de Bremen, à Volfenbutel et à Hemstad 12.
Il est doux d'être paisible au bord du lac pendant qu'on s'égorge . Voilà l'affaire de votre confession de foi finie . Tout le monde doit être content . Quand je dis tout le monde, j'entends aussi d'Alembert . La paix est une belle chose .
Mme Denis et moi nous vous embrassons de tout notre cœur .
Le Suisse V. »
3 Pièce représentée le 24 . Voir lettres du 24 février 1758 à la duchesse de Saxe-Gotha, du 25 février à d'Alembert et à d'Argental :
5 Horace Turrettini ; voir lettre du 22 janvier 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/27/je-suis-plus-sensible-a-votre-amitie-qu-aux-vains-applaudiss.html
6 La sœur du roi de Prusse avait donné ces nouvelles à V* dans une lettre écrite vers le 15 janvier 1758 .
9 V* revient sur ces faits dans ses lettres du 23 février 1758 à Théodore Tronchin, du 24 février à la duchesse de Saxe-Gotha, du 25 février à d'Alembert .
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17/06/2013
Les bruits de paix redoublent dans l'Allemagne
... Paix toute relative car la guerre économique , elle, redouble d'intensité dans le monde entier . C'est à qui bouffera l'autre .
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
Lausanne 20 février [1758]
Les bruits de paix redoublent dans l'Allemagne, mon cher monsieur . Mais la guerre se prépare . Je ne sais rien de nouveau . Je vous supplie de vouloir bien faire donner ce reçu à M. l'envoyé palatin par votre correspondant qui sans doute a touché l'argent . Mille amitiés à M. Camp , votre vicaire .
V. »
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