16/06/2013
Nous avons un singe, un perroquet, et un écureuil que nous ne laissons approcher d'aucun papier
... De même que je ne laisse aucun chat piétiner mon clavier !
« A François de Chennevières
De Lausanne 19 février [1758]
Il y a huit jours, mon ami, que Mme Denis cherche dans ses paperasses, parmi ses rôles de tragédies, de comédies, d'opéras comiques etc., etc. votre gentille pastorale 1 qu'elle a lue avec tout le plaisir imaginable . Nous vous la renverrons dès que la femme de chambre qui a la garde des archives historiques et de la musique l'aura retrouvée . Comme nous avons été entourés d'ouvriers et qu'il a fallu essayer cinq à six habits de théâtre il y a un peu de confusion, mais soyez en sureté, l'ouvrage n'est pas sûrement sorti de la maison . Nous avons un singe, un perroquet, et un écureuil que nous ne laissons approcher d'aucun papier . Pardon, il faut aller répéter au théâtre aujourd'hui . Nous jouons demain . Tâchez de vous divertir aussi . »
1Mysis et Glaucé, dont le manuscrit, envoyé par Chennevières en décembre 1757, sera retrouvé aux Délices ..Voir lettre du 18 mars 1758
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15/06/2013
A l'égard des peines éternelles ils disent qu'on en menace . Cela peut être regardé comme comminatoire
... Comme le sont les propos des rapports des protagonistes du G8 ; encore un coup d'épée dans l'eau finalement .
Poutine prend du ventre, c'est la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf, comme elle il en crèvera !
« A Jean Le Rond d'Alembert
rue Michel-le-Comte
A Lausanne 19 février [1758]
On doit avoir envoyé la profession de foi à M. de Malesherbes pour M. d'Alembert . Il doit être content . Les hérétiques se plaignent modestement qu'on dise qu'ils ont du respect pour Jésus-Christ . Ils prétendent que ce mot de respect est beaucoup trop faible . Ils ont de la passion, du goût pour lui . A l'égard des peines éternelles ils disent qu'on en menace . Cela peut être regardé comme comminatoire . Cela peut aussi avoir son effet . Ainsi tout le monde doit être content .
Moi je ne le suis pas et je redemande tous mes articles et les lettres écrites par moi à M. Diderot .
Je regarderai comme une lâcheté infâme la faiblesse de travailler encore au dictionnaire encyclopédique à moins qu'on n'obtienne une satisfaction authentique .
V. »
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14/06/2013
qu'on me proposât d'aller tuer des hommes pour de l'argent sous les étendards de la maison d'Autriche, j'aimerais cent fois mieux aller établir une colonie en Amérique
... Et sous tout étendard qui puisse exister, je refuserai toujours de me faire meurtrier patenté . Donner son sang pour la patrie, ou plutot le vendre lorsqu'on est soldat, est une chose détestable, à la limite de l'ineptie . Tuer pour défendre de prétendus intérêts ou honneur de la nation, quelle aberration, quel aveuglement de ne pas tout faire pour ne pas en arriver là .
Le seul don de sang que je conçoive est celui du donneur volontaire qui offre son sang pour sauver des vies . Longue et heureuse vie à eux, frères humains .
https://news.google.fr/nwshp?hl=fr&tab=wn
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=1V6WQDf6H8E&list=PLBBAD44C969BC5083
« A Élie Bertrand
Premier pasteur à Berne .
Lausanne 18 [février 1758]
Je prendrai volontiers ce journal 1, monsieur, s'il est fait en italien car je ne puis souffrir qu'on latinise les noms modernes . Et de plus aucun détail de marine, d'artillerie, d'objets de commerce, d'expériences de physique, d'inventions nouvelles ne peut s'exprimer dans une langue morte . Il faut écrire ou en français ou en italien ou n'être pas lu .
Vos confrères de Genève disent donc qu'ils ont plus que du respect pour Jésus-Christ . Hélas ce pauvre Servet avait reconnu sa divinité, quoiqu'il n'adoptât pas l'omousion 2.
Si j'étais né citoyen de Lucerne et qu'on me proposât d'aller tuer des hommes pour de l'argent sous les étendards de la maison d'Autriche, j'aimerais cent fois mieux aller établir une colonie en Amérique 3. Guillaume Tell doit être bien fâché 4.
Mille respects à M. et Mme de Freudenreik, nous voudrions bien avoir l'honneur de les recevoir dans notre maison qui est très commode .
Je vous embrasse mon cher ami du meilleur de mon cœur . »
1 Estratto della literatura europea, Berne, 1758-1762 ; Yverdon 1762-1766, publié par Fortunato Bartolomeo de Felice ; Bertrand était un des protecteurs de cette publication . De Felice : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fortunato_Bartolomeo_De_Felice
2 La consubstantialité, vue dans la lettre du 19 janvier 1758 à Elie Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/26/sans-me-lamenter-le-moins-du-monde-avec-vous-sur-les-miseres.html
3 Par exemple en Pennsylvanie qui sera le cadre du principal épisode de l'Histoire de Jenni . Voir : http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Histoire_de_Jenni_ou_le_Sage_et_l%E2%80%99Ath%C3%A9e
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13/06/2013
je regarde avec pitié Les traités frauduleux, la sourde inimitié Et les fureurs de la vengeance
... Et je regarde avec amusement des rapprochements incongrus qui tiennent plus de l'humour noir que de la bienséance et l'à-propos . Merci à Google pour ses Actualités du 12 juin 2013 !
Je ne pourrai plus désormais voir la rubrique nécrologique sans imaginer qu'elle pourrait fort bien , aux yeux de certains, figurer dans la rubrique divertissement , tant il est vrai que mourir peut être vu comme un oubli de respirer par distraction .
Je vois très bien dans une revue TV : Résumé si vous avez manqué le début ...
« A Alexandre d'Adhémar de Monteil de Brunier, marquis d'Adhémar 1
Il n'est chère que de vilain, monsieur le grand maître ; vous écrivez rarement mais aussi , quand vous vous y mettez, vous écrivez des lettres charmantes ; vous n'avez pas perdu le talent de faire des jolis vers ; les talents ne se rouillent pas auprès de votre adorable personne .
Pour moi, dans la retraite où la raison m'attire,
Je goûte en paix la liberté ;
Cette sage divinité,
Que tout mortel ou regrette ou désire,
Fait ici ma félicité .
Indépendant, heureux, au sein de l'abondance,
Et dans les bras de l'amitié,
Je ne puis regretter ni Berlin ni la France, et je regarde avec pitié
Les traités frauduleux, la sourde inimitié
Et les fureurs de la vengeance .
Mes vins, mes fruits, mes fleurs, ces campagnes, les eaux,
Mes fertiles vergers et mes riants berceaux,
Trois fleuves que de loin mon œil charmé contemple,
Mes pénates brillants, fermés aux envieux
Voilà mes rois, voilà mes dieux,
Je n'ai point d'autre cour, je n'ai point d'autre temple .
Loin des courtisans dangereux,
Loin des fanatiques affreux,
L'étude me soutient, la raison m’illumine ;
Je dis ce que je pense, et fais ce que je veux ;
Mais vous êtes bien plus heureux :
Vous vivez auprès de Wilhelmine .
Vous devez recevoir incessamment un chambellan 3 de son Altesse Royale qui est presque aussi malade que moi, mais qui est presque aussi aimable que vous ; j'ai eu l'honneur de le posséder quelquefois dans mon ermitage des Délices où nous avons bu à votre santé . Mme Denis, compagne de ma retraite et de ma vie heureuse, vous aime toujours et vous fait les plus tendres compliments ; je vous fais les miens sur votre dignité de grand maître . Souvenez-vous que j'ai été assez heureux pour poser les premières pierres de cet édifice ; ne m'oubliez jamais auprès de Monseigneur et de son Altesse Royale . Je voudrais leur pouvoir faire ma cour encore une fois avant que de mourir . Ils ont un frère qu'il faudra toujours regarder comme un grand homme, quoi qu'il arrive ; et dont j'ambitionnerai toujours les bontés quoi qu'il soit arrivé . Comptez, monsieur, sur ma tendre amitié et sur tous les sentiments qui m'attacheront à vous pour jamais .
Le Suisse V. »
1 Grand maître à la cour de Bayreuth ; voir : http://www.guichetdusavoir.org/viewtopic.php?f=2&t=36216&view=print
2Aucune des copies de cette lettre parvenues à ce jour ne sont datées, non plus que l'édition . La date proposée
par Besterman se fonde sur le fait que les affaires de Prusse sont encore dans l'incertitude et que le chambellan doit revenir de façon imminente .
3 Louis-Alexandre Riqueti, chevalier de Mirabeau ; voir lettre du 15 juillet 1757 à la margravine de Baireuth : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/22/la-gloire-qui-s-achete-par-tant-de-peines-est-moins-rare-que.html
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12/06/2013
Ces marauds-là ont peut-être raison de crier contre la vérité et de sonner l'alarme quand leur ennemi est aux portes ; mais on n'a pas raison de souffrir leurs impertinentes et punissables clameurs
... Et une fois de plus , à la SNCF, les syndicats menés par des syndicalistes favorisés, forts en gueule, appellent à la grève et vont, pour continuer leur pantouflage, emmerder leurs concitoyens . Très aimablement je leur souhaite de subir prochainement ce qu'ils disent craindre de voir -hypothètiquement- arriver .
Ces andouilles sont malheureusement les créateurs officiels du mouvement perpétuel, mouvement de grève évidemment . Ils n'en auront pas le prix Nobel, quelle injustice ! Non ?
« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan
A Lausanne, 13 février [1758]
Je reçois, monsieur, une réponse à la lettre que j'eus l'honneur de vous écrire hier 1. Votre bonté m'avait prévenu . Je ne savais pas que vous eussiez déjà reçu le fatras énorme dont vous voulez bien charger les tablettes de votre bibliothèque . Il y a là bien des inutilités ; mais si on se réduisait à l'utile, l'Encyclopédie même n'aurait pas tant de volumes . Il y a d'excellents articles et celui de Génie 2 n'est pas le moindre . Si vous étiez encore dans les Gardes, n'est-il pas vrai que vous auriez arrêté ce père Chapelain 3 qui prêche comme l'autre Chapelain faisait des vers et qui a l'insolence de condamner devant le roi un livre muni du sceau du roi ? Ces marauds-là ont peut-être raison de crier contre la vérité et de sonner l'alarme quand leur ennemi est aux portes ; mais on n'a pas raison de souffrir leurs impertinentes et punissables clameurs .
Voilà le temps où tous les philosophes devraient se réunir . Les fanatiques et les fripons forment de gros bataillons et les philosophes dispersés se laissent battre en détail ; on les égorge un à un et pendant qu'ils sont sous le couteau ils se brouillent ensemble et prêtent des armes à l'ennemi commun . D'Alembert fait bien de quitter et les autres font lâchement de continuer . Si vous avez du crédit sur Diderot et consorts, vous ferez une action de grand général de les engager à se joindre tous, à marcher serré, à demander justice et à ne reprendre l'ouvrage que quand ils auront obtenu ce qu'on leur doit : justice et liberté honnête . Il est infâme de travailler à un tel ouvrage comme on rame aux galères . Il me semble que les exhortations d'un homme comme vous doivent avoir du poids . C'est à vous de donner du cœur aux lâches .
Vous pensez comme il faut d'Iphigénie en Crimée mais ce n'est pas la première fois que les badauds de Paris se sont trompés et ce ne sera pas la dernière .
Vous persistez donc dans le goût de la physique . C'est un amusement pour toute la vie . Vous êtes vous fait un cabinet d'histoire naturelle ? Si vous avez commencé, vous ne finirez jamais . Pour moi j'y ai renoncé ; et en voici la raison : un jour en soufflant mon feu je me mis à songer pourquoi du bois faisait de la flamme ; personne ne me l'a pu dire et j'ai trouvé qu'il n'y a point d'expérience de physique qui approche de celle-là . J'ai planté des arbres et je veux mourir si je sais comment ils croissent . Vous avez eu la bonté de faire des enfants et vous ne savez pas comment . Je me le tiens pour dit, je renonce à être scrutateur . D'ailleurs je ne vois guère que charlatanisme ; et excepté les découvertes de Newton et de deux ou trois autres, tout est système absurde . L'histoire de Gargantua vaut mieux .
Ma physique est réduite à planter des pêchers à l'abri du vent du nord . C'est encore une belle invention que les poêles dans les antichambres ; j'ai eu des mouches dans mon cabinet tout l'hiver . Un bon cuisinier est encore un brave physicien ; cela est rare à Lausanne . Plût à Dieu que le mien pût vous servir de grosses truites et que je fusse assez heureux pour philosopher avec vous le long de mon beau lac de Lausanne à Genève !
Recevez les tendres respects du vieux Suisse
Voltaire . »
1 Voir lettre du 11 février 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/12/j-ai-pris-l-enorme-liberte-monsieur-de-vous-envoyer-une-bibl.html
3 Que V* nomme parfois Garasse-Chapelain ; Charles-Jean-Baptiste Le Chapelain, jésuite, né à Rouen en 1710, mort en 1779. Ses Sermons, dont un contre l'Encyclopédie , parurent en 1767, six volumes in-12. (Beuchot.)
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11/06/2013
J'ai pris l'énorme liberté, monsieur, de vous envoyer une bibliothèque complète de fatras
... Bien entendu, je ne parle pas ici des lettres de Voltaire, mais de ce qui peut sembler superflu à "monsieur", et à madame également , mes prologues sur lesquels vous, lecteurs, gardez un silence qui m'entraine à continuer . Soyez charitables, ne me laissez pas m'enferrer au delà du déraisonnable !
« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan
A Lausanne 11 février 1758
J'ai pris l'énorme liberté, monsieur, de vous envoyer une bibliothèque complète de fatras imprimés à Genève chez les frères Cramer . Je vous en demande bien pardon . J'aimerais mieux un quart d'heure de votre conversation que les dix sept volumes 1 qu'on doit avoir eu l'honneur de vous adresser de ma part .
J'ai reçu une lettre assez singulière et des vers plus étranges d'un séminariste de Toul nommé M. Légier . Il se renomme de vous . Je n'ai pu lui faire réponse parce que je suis très malade . C'est tout ce que je peux faire de vous écrire ces quatre lignes . Voici la copie de ce qu'on lui répond pour moi . Je vous présente mon respect et mon regret de mourir sans vous voir .
V. »
1 Voici quelle était la distribution de ces dix-sept volumes in-8° : Tome I, la Henriade, avec les pièces relatives; II, Mélanges de poésies, de littérature, d'histoire et de philosophie; III, Mélanges de philosophie; IV, Mélanges de littérature, d'histoire, et de philosophie; V, Suite des Mélanges de Littérature, d'histoire et de philosophie; VI, Histoire de Charles XII, roi de Suède; VII-X, Théâtre; XI-XVII, Essai sur l'Histoire générale. (Beuchot.)
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10/06/2013
la religion , l'honneur, les bienséances les plus communes, et le savoir-vivre, ne permettent d'écrire de pareilles choses ni à des personnes qu'on connait, ni à des personnes qu'on ne connait pas
... Aussi ne dirai-je rien de malséant , rien qui puisse ressembler aux éructations de politiciens, d'intégristes, de fanatiques de tous ordres, d'extrêmistes de droite comme de gauche . Rien ?
Rien ! Nada !
[11 février 1758]
M. de Voltaire gentilhomme ordinaire du roi et ancien chambellan du roi de Prusse n'a jamais demeuré à Ripaille en Savoie ; il a une terre sur la route de Genève entre le territoire de Genève et celui de France . Il ne connait pas plus l'ode dont on lui parle que la maison de Ripaille . Il est actuellement malade ; sa famille qui a ouvert le paquet envoyé par M. l'abbé Légier lui renvoie ce paquet qui sûrement ne peut-être pour M. de Voltaire, puisqu'on y parle de choses dont il n'a aucune connaissance . Il y a des vers dans ce paquet qui sont sans doute pour quelque autre . Au reste la famille et les amis de M. de Voltaire avertissent M. Légier que la religion , l'honneur, les bienséances les plus communes, et le savoir-vivre, ne permettent d'écrire de pareilles choses ni à des personnes qu'on connait, ni à des personnes qu'on ne connait pas . »
1 V* le décrit au comte de Tressan comme étant « un séminariste de Toul ... qui se renomme de vous » dans une lettre du 11 février 1758 et en reparlera au même le 3 mars .
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