28/07/2013
j'attends de vos bontés deux choses qui me deviennent nécessaires, les cent bouteilles de vin, et cinq cents louis d'or
... Que vous m'enverrez conjointement, ou séparément , et en ce dernier cas accordez la priorité aux louis d'or, s'il vous plait . Le taux d'intérêt de l'Ecureuil étant rogné pire qu'une vieille noisette , les cent bouteilles de vin seront bues avec plaisir et des amis pour oublier ces misères .
« A Ami Camp
Aux Délices 7 avril [1758]
Mon cher monsieur, j'attends de vos bontés deux choses qui me deviennent nécessaires, les cent bouteilles de vin, et cinq cents louis d'or par la messagerie , que M. Tronchin m'a promis pour le sept ou le huit d'avril .
Voici une très petite lettre de change de Cadix que je vous prie d'insérer dans vos capitulaires .
Ne vendra-t-on pas la vaisselle du cardinal et les meubles ? Ne pourrais-je pas avoir deux pots à oille 1, avec leurs cueillers ?
Serais-je trop indiscret si je vous demandais une veste d'or cylindré ou écrasé ? Vous pourriez l'envoyer aussi par la messagerie 2.
Mme Denis et moi nous vous sommes toujours bien attachés .
Votre très obéissant serviteur
V. »
1 Un pot à oille est une marmite pour cuire des ragoûts (espagnol : olla) . Sur ceuiller ou cueiller voir lettre du 2 mars à Gallatin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/25/s-il-vous-restait-les-quatre-compotiers-et-deux-ceuillers-a.html
23:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
ne trouvez pas mauvais que je trouve le théâtre petit
... Je parle ici d'un "théâtre" sur petit écran d'ordinateur avec un budget disproportionné , le site de la fondation de Carla Bruni-Sarkozy au rapport qualité/prix très nettement ridicule . Voir : http://bluetouff.com/2013/07/21/carla-bruni-sarkozy-anatomie-dune-cyber-catastrophe-a-410-000-euros-pour-le-contribuable/
« A Béat-Fidèle-Antoine-Jean-Dominique de La Tour-Chatillon, baron de ZURLAUBEN.
Aux Délices, près de Genève.[mars-avril 1758]
Vous me donnez, monsieur, une extrême envie de vous obéir, mais vous ne pouvez me donner le talent de faire quelque chose d'heureux qui remplisse votre idée, et qui plaise au public et à vous. La langue française n'est guère propre aux inscriptions et aux épigraphes; cependant, si vous en voulez souffrir une médiocre à la tête d'un bon livre, et au bas du portrait du duc de Rohan, en voici une que je hasarde, uniquement pour obéir à vos ordres. Puisqu'il s'agit du petit pays et de la petite guerre de la Valteline, ne trouvez pas mauvais que je trouve le théâtre petit c'est assez que votre héros ne le soit pas. 1
Sur un plus grand théâtre il aurait dû paraitre;
Il agit en héros, en sage il écrivit:
Il fut même un grand homme en combattant son maître,
Et plus grand lorsqu'il le servit. 2
Vous voudriez, sans doute, de meilleurs vers, monsieur, et moi aussi mais il y a longtemps que j'ai renoncé à rimer. Une chose à laquelle je sens que je ne renoncerai jamais, c'est aux sentiments d'estime que je vous dois, et à l'envie de vous plaire. Pardonnez cette courte prose et ces plats vers à un pauvre malade. J'ai l'honneur d'être bien respectueusement
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Voir lettre du 14 mars 1758 à Zurlauben : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/14/l...
2 Le frontispice de l'ouvrage de Zurlauben parut en effet avec les vers de Voltaire placés sous le portrait de Rohan, mais le premier vers qui pouvait paraître inutilement blessant fut remplacé par :
Avec tous les talents, le Ciel l'avait fait naître .
00:09 | Lien permanent | Commentaires (0)
27/07/2013
M. de Richelieu a trouvé mauvais apparemment que je ne lui aie pas sacrifié une cuisse de nièce
... N'insistez pas ma chère nièce, et cessez de me regarder ainsi . En aucun cas je ne vous embrasserai pour rompre le mauvais sort !
A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, [vers le 30 mars 1758].
Mon cher et respectable ami, je ne devrais être étonné de rien à mon âge. Je le suis pourtant de ce testament. Je sais, à n'en pouvoir douter, que le testateur 1 était l'homme du sacré collège qui avait le plus d'argent comptant. Il y a sept ou huit ans que l'homme de confiance dont vous me parlez 2 lui sauva cinq cent mille livres qui étaient en dépôt chez un homme d'affaires dont le nom ne me revient pas; c'est celui qui se coupa la gorge pour faire banqueroute, ou qui fit croire qu'il se l'était coupée. On eut le temps de retirer les cinq cent mille livres avant cette belle aventure.
Certainement, si Mme de Grolée 3 ne se retire pas à Grenoble, si elle reste à Lyon, l'homme de confiance sera l'homme le plus propre à vous servir; et vous croyez bien, mon cher ange, que je
ne manquerai pas à l'encourager, quoiqu'un homme qui vous a vu et qui vous connaît n'ait assurément nul besoin d'aiguillon pour s'intéresser à vous.
Je suis charmé que M. le maréchal de Richelieu ait exigé du cardinal, votre oncle, l'action honnête qu'il fit quand il vous assura une partie de sa pension; mais s'il faut toujours envoyer de nouvelles armées se fondre en Allemagne, il est à craindre qu'à la fin les pensions ne soient mal payées. Heureux ceux dont la fortune est indépendante . Je ne reviens point de votre singulière aventure de cette maison dans une île que les Anglais ont brûlée 4. Il faut au moins que, par un dédommagement très-légitime, la pension vous soit payée exactement.
Je ne sais si M. le maréchal de Richelieu a beaucoup de crédit à la cour; je crois que vous le voyez souvent. Je ne suis pas trop content de lui. Je vous ai déjà dit qu'il s'était figuré que je devais
courir à Strasbourg pour le voir à son passage, lorsqu'il alla commander cette malheureuse armée. Mme Denis était alors très-malade elle avait la fièvre. Vous vous souvenez que le roi de Prusse lui avait fait enfler une cuisse 5 il y a cinq ans; cette cuisse renflait encore; les maux que les rois causent n'ont point de fin. M. de Richelieu a trouvé mauvais apparemment que je ne lui aie pas sacrifié une cuisse de nièce. Il ne m'a point écrit, et le bon de l'affaire est que le roi de Prusse m'écrit souvent. Cependant je veux toujours plus compter sur M. de Richelieu que sur un roi. Il est vrai que, dans mon agréable retraite, ni les monarques ni les généraux d'armée ne troublent guère mon repos.
Quant à l'Encyclopédie, mon cher ange, voici ce que je vous supplie de faire entendre à Diderot s'il est assez heureux pour vous voir .
Quand d'Alembert m'a envoyé des articles à faire j'ai toujours cru et j'ai dû croire que Diderot et compagnie étaient de concert avec lui . S'ils veulent que je donne ces articles destinés au huitième volume la chose vaut bien peu, si elle ne vaut la peine que Diderot m'en prie .
Mais en ce cas il faudra toujours me les renvoyer par Bouret ou quelqu'autre contresigneur 6 afin que je les corrige . Et supposé que Diderot et compagnie me chargent de ces articles , je dois supposer encore 7 que d'autres ne travailleront pas 8.
Je suis toujours affligé que Diderot, d'Alembert, et autres, ne soient pas réunis, n'aient pas donné des lois, n'aient pas été libres, et je suis toujours indigné que l'Encyclopédie soit avilie et défigurée par mille articles ridicules, par mille déclamations d'écolier qui ne mériteraient pas de trouver place dans le Mercure. Voilà mes sentiments, et, parbleu, j'ai raison.
Mille tendres respects à tous les anges. Je vous embrasse tant que je peux.
Le Suisse V. »
3 Françoise de Guérin de Tencin épouse de Jacques-Laurent du Gros, comte de Grolée, sœur du cardinal de Tencin et tante de d'Argental.
4 Les iles de Ré et d'Aix, qui appartenaient alors à M. d'Argental, avaient été ravagées par les Anglais. Le roi en a fait depuis l'acquisition. (Kehl.)
5 Voir la lettre du 22 mars 1758 à Mme de Graffigny : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/19/si-tous-ceux-a-qui-il-fait-peur-avaient-la-cuisse-enflee-il.html
8 Les trois paragraphes depuis Quant à l'Encyclopédie … supprimés sur la copie Beaumarchais manquent dans l’édition de Kehl et suivantes .
00:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/07/2013
j'apprends que vous avez la tête grosse comme un boisseau
... Mon pauvre (sic) M. Guéant !
Mais à force de vous hausser du col depuis des années votre tête s'est prise pour une mongolfière avec les conséquences néfastes que l'on sait , l'enflure de l'égo vous a donné des vapeurs . A jouer les éminences grises votre teint est devenu raccord , je soupçonne même ici une tenue de camouflage face aux juges qui vous attendent . Nulle inquiétude de ma part pour votre état de santé ou maladie supposée, vous êtes à l'aise dans le mensonge depuis bien longtemps avec votre ex - patron président sujet au même mal .
Voici le seul type de nageur en eaux troubles que je respecte
« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches
à Lausanne
Aux Délices 30mars [1758]
Je suis à vos ordres, monsieur, mais je suis un peu malade et j'apprends que vous avez la tête grosse comme un boisseau, que vos dartres vous tourmentent plus que jamais . En vérité vous devriez bien plutôt venir consulter Tronchin que de songer à la comédie . Polifonte, Zamore, Orosmane se portaient à merveille . Il faut avoir soin de sa santé préférablement à tout . N'abusez point de votre jeunesse et de votre force . Pardonnez à la liberté avec laquelle je vous parle . Il est impossible de ne pas s'intéresser vivement à vous . Venez voir Tronchin , nous retournerons ensemble à Lausanne . Si en recevant ma lettre vous êtes mieux et d'un mieux à ne pas craindre de rechute, mandez-le moi, je vous en prie et si vous êtes en humeur et en état de répéter et de jouer, je partirai avec Mme Denis à la réception de vos ordres . Mais au nom de Dieu ne négligez pas votre santé .
Votre très humble et très obéissant serviteur
V. »
06:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/07/2013
tout m'est égal pourvu que je ne dérange pas vos plaisirs et que je sois le témoin de vos talents
... Il est difficile d'etre plus conciliant !
C'est aussi , je l'espère sans toutefois trop y croire, ce que souhaite François Hollande aux membres de son gouvernement en les envoyant en vacances .
A tous ceux qui prennent leurs RTT (Remets Tes Tongs ) : amusez-vous bien !
« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches
26 mars [1758] aux Délices
Vos sujets sont toujours prêts à revenir dans le palais d'Orosmane, de Polifonte, de Zamore . Nous arrivons huit jours après Pâques, c'est je crois le dimanche appelé Quasimodo dans l’Église romaine, et je pense que c'est le 1er avril . Nous savons nos rôles, Mme Denis est prête pour Mérope dont on était convenu . Elle sait la marquise et la baronne dans Nanine . Je suis à vos ordres pour tous les rôles de vieux bonhomme . Lusignan, Philippe Humbert 1, tout m'est égal pourvu que je ne dérange pas vos plaisirs et que je sois le témoin de vos talents . Les nouvelles de Bordeaux et de La Rochelle sont plus que suspectes . Je ne compte sur rien que sur le plaisir de venir dans huit jours vous renouveler mon tendre et respectueux attachement à vous, monsieur, et à toute votre famille .
Le bonhomme
ALVARÈS V. »
1 Ou Hombert , dans la comédie Nanine : http://books.google.fr/books?id=DNTqRol0-3oC&pg=PA141&lpg=PA141&dq=Philippe+Humbert+voltaire&source=bl&ots=a70yyJ_HTz&sig=MeUoY--kwTh2glMKpLE-xTo8jP4&hl=fr&sa=X&ei=2L_wUbrVPImXhQej14CQDw&ved=0CDMQ6AEwAQ#v=onepage&q=Philippe%20Humbert%20voltaire&f=false
14:54 | Lien permanent | Commentaires (0)
24/07/2013
Dans mon tombeau fort à mon aise De nos vivants je plains le sort .
... Also sprach "Voltaire l'indigné" comme le titre si bien Le Nouvel Observateur du 18 juillet 2013 . Il plaindrait encore une foule de vivants actuels victimes d'intolérance, d'injustice, de superstition religieuse ou non . Il est grand temps de retrouver un peu de lucidité .
Idées neuves vs Infâmes
« A Jean Le Rond d'ALEMBERT
[vers le 25 mars 1758]
Vous m'apprenez que je suis mort,
Je le crois, et j'en suis bien 1 aise
Dans mon tombeau fort à mon aise
De nos vivants je plains le sort .
Loin du séjour de la folie,
Des rois sagement séquestré
J'apprends à jouir de la vie
Du jour que je fus enterré .
Me voilà revenu à mes Délices . Je ne peux pas ôter de la tête des prêtres l'idée que j'ai été votre complice . Je me recommande contre eux à Dieu le père . Car pour le fils vous savez qu'il a aussi peu de crédit que sa mère à Genève . Au reste on peut fort bien n'être pas l'intime ami de ces messieurs et vivre tout doucement . Je suis très fâché que vous ne veniez pas voir vos sociniens en allant en Italie, très fâché que vous ayez abandonné l'Encyclopédie et encore plus fâché que Diderot et consorts ne l'aient pas abandonnée avec vous . Si vous vous étiez tenu unis vous donneriez des lois . Tous les kakouacs devraient composer une meute, mais ils se séparent et le loup les mange . J'ai reçu depuis peu une lettre du kakouac roi de Prusse mais j'ai renoncé à lui comme à Paris et je m'en trouve à merveille . Allez voir le pape et tâchez de repasser par les Délices . J'en ai fait un séjour qui mérite le nom qu'elles portent . Je ne crois pas qu'il y ait sur la terre un être plus libre que moi . Voilà comment vous devriez vivre . Vous avez déjà la plus grande réputation que mortel puisse avoir, mais le roi de Prusse en a aussi et n'en est pas plus heureux . Je prie Dieu qu'il n'en soit pas ainsi de vous . Mon grand philosophe soyez à jamais libre et heureux ; je vous aime autant que je vous estime .
V. »
00:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/07/2013
nous vous demandons toutes nos nécessités, des bouteilles de vin pour la bouche et des bidets pour le derrière
... Il va de soi que je n'oserai jamais, au grand jamais, vous dire que Volti fait ici un remarquable tête à queue, et que, de surcroît, il en rit le bougre (et moi aussi ) .
« A Ami Camp
Aux Délices 22 mars [1758]
Voici, monsieur, un petit billet pour votre correspondant de Paris 1 que je vous prie de mettre dans votre paquet car j'ai oublié sa demeure dont j'ai la note à Lausanne .
J'attends cent bouteilles de vin potable qu'il me fit espérer en partant 2.
De huit tonneaux de Lyon de l'avant dernière vendange six se sont gâtés . Les deux autres sont bien durs et je meurs de soif .
J'attends aussi certains tapis de Turquie pris aux Anglais .
Puis-je encore vous prier de m'envoyer deux milliers de clous dorés pour clouer du drap vert à des rayons de bibliothèque ?
Voici une autre requête . M. Tronchin nous envoya l'an passé de ces lave-culs nommés bidets 3 avec lesquels une dame peut se donner un lavement sans montrer son derrière à personne .
Il nous en faudrait deux pour Lausanne . Vous voyez que nous vous demandons toutes nos nécessités, des bouteilles de vin pour la bouche et des bidets pour le derrière . Je vous embrasse de tout mon cœur .
V.
Vous avez dû recevoir, monsieur, un petit ballot de livres de M . Cramer pour M. le chevalier de Quinsonas 4 à Malte, qui doit être adressé à M. le chevalier, receveur de Malte à Marseille 5. Je vous prie de payer tous les ports pour mon compte . »
1 La lettre du même jour à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/22/vous-ne-trahirez-votre-conscience-ni-la-mienne-5126480.html
3 Voir lettre du 19 juin 1756 à Jean-Robert Tronchin . Mme de Fontaine, nièce de V* s'écria aux Délices : « Point de bidet, ô ciel ! » et V* en commanda alors trois « bien garnis » .
4 Ce chevalier déjà rencontré en 1746, avait été un des collaborateurs du Spectateur littéraire , voir lettre à Vauvenargue du 9 mai 1746 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411352q.swf.f31.langFR
5 Ce chevalier devait donc être le correspondant de l'Ordre de Malte à Marseille . Voir : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/657-francois-de-pourroy-de-quinsonas
00:32 | Lien permanent | Commentaires (0)