13/10/2013
Nos mœurs changent, Brutus il faut changer nos lois.
... Dans la mesure du raisonnable, comme pour le mariage pour tous qui met enfin à égalité les humains homosexuels désireux de s'allier officiellement et leurs compatriotes hétéro. Pour une fois une loi qui autorise et non qui interdit, ce n'est pas si fréquent , l'option répressive ayant trop d'adeptes à mes yeux .
Brigitte Bardot et Frigide Barjo peuvent faire gonfler leurs rancoeurs, en pure perte, elles ne laisseront pas de traces dans l'Histoire .
http://celeblog.over-blog.com/
« On est libre de choisir de quelle manière on va devenir esclave. » Jean-Rémi Girard
« A Jean le Rond d'ALEMBERT.
Aux Délices, 2 septembre 1758
Vous vouliez, mon cher philosophe, aller voir le saint-père, et vous restez à Paris. Je ne voulais point aller en Allemagne, et j'en reviens. Je trouve, en arrivant, votre Dynamique.1 Je lis le Discours préliminaire 2; je vous admire toujours, et je vous remercie de tout mon cœur.
Comment va l'Encyclopédie . Est-il vrai que Jean-Jacques écrit contre vous, et qu'il renouvelle la querelle de l'article de Genève 3 ? On dit bien plus, on dit qu'il pousse le sacrilège jusqu'à s'élever contre la comédie, qui devient le troisième sacrement 4 de Genève. On est fou du spectacle dans le pays de Calvin.
Nos mœurs changent, Brutus il faut changer nos lois.5
On a donné trois pièces nouvelles faites à Genève même, en trois mois de temps, et de ces pièces je n'en ai fait qu'une.
Voilà l'autel du dieu inconnu à qui cette nouvelle Athènes sacrifie. Rousseau en est le Diogène, et, du fond de son tonneau, il s'avise d'aboyer contre nous. Il y a en lui double ingratitude. Il attaque un art qu'il a exercé lui-même, et il écrit contre vous, qui l'avez accablé d'éloges. En vérité, magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes 6.
N'êtes-vous pas à Paris dans la consternation ? Le roi de Prusse est dans l'embarras, Marie-Thérèse est aux expédients, tout le monde est ruiné. Rousseau n'est pas le plus grave fou de ce monde. Ah quel siècle ! quel pauvre siècle ! Répondez à mes questions, et aimez un solitaire qui regrette peu d'hommes et peu de choses, mais qui vous regrettera toujours, qui vous admire et qui vous aime. »
1Voir lettre du 7 juin 1758 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/24/s-il-y-a-des-sots-il-faut-les-braver-5146727.html
3 La chronologie de la Lettre sur les spectacles de JJ Rousseau est importante ; elle fut commencée en octobre 1757 et achevée le 9 mars 1758 ; Rousseau l'envoya à l'éditeur le 15 mai et informa d'Alembert de son existence le 25 juin ; d'Alembert chargé de l'examiner, l'approuva le 22 juillet ; le 11 août l'éditeur en fit parvenir de nombreux exemplaires d'Amsterdam à Paris ; le livre fut largement connu à la mi septembre . Voir Histoire de l'impression et de la publication de la Lettre à d'Alembert de J-J. Rousseau .
6 Même formule que dans la lettre du 25 février 1758 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/22/l-un-est-un-fanatique-imbecile-qui-grace-au-ciel-est-beaucou.html
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12/10/2013
vous ne paraissez pas trop content de Paris et je crois fermement que vous avez raison.
... Peut on me souffler à l'oreille depuis quelque temps !
Que d'interdits !
« A Pierre -Robert Le Cornier de CIDEVILLE.
Aux Délices, 1er septembre [1758].
Mon cher et ancien ami, je reviens dans mes chères Délices, après un assez long voyage à la cour palatine. Je trouve, en arrivant, vos jolis vers 1, dans lesquels vous ne paraissez pas trop content de Paris et je crois fermement que vous avez raison. Mais avez-vous, dans votre Launay, un peu de société? Il me semble que la retraite n'est bonne qu'avec bonne compagnie. Vous savez, mon cher Cideville,
Que ce fantôme ailé qu'on nomme le bonheur
N'habite ni les champs, ni la cour, ni la ville.
Il faudrait, nous dit-on, le trouver dans son cœur;
C'est un fort beau secret qu'on chercha d'âge en âge.
Le sage fuit des grands le dangereux appui,
Il court à la campagne, il y sèche d'ennui
J'en suis bien fâché pour le sage.
Ce n'est pas des sages comme vous et moi que je parle; je suis bien sûr que l'ennui n'approche pas plus de votre Launay que de mes Délices. Je prends acte surtout que je n'ai pas quitté mes pénates champêtres par inquiétude, pour aller chez l'électeur palatin par vanité. Je vous avouerai que j'ai mis dans cette cour, et entre les mains de l'électeur, une partie de mon bien, qu'on pille presque partout ailleurs. Il a bien voulu avoir la bonté de faire avec moi un petit traité qui me met en sûreté, moi et les miens, pour le reste de ma vie. Le bon Horace dit Det vitam, det opes; æquum mi animum ipse parabo.2
Il aurait dû ajouter det amicos 3; mais vous me direz que c'est notre affaire, et non celle du ciel. C'est l'amitié de mes nièces qui fait de près le bonheur de ma vie c'est la vôtre qui le fait de loin Excepto quod non simul essem, caetera laetus.4
Je vous ai bien souvent regretté, et votre souvenir m'a consolé. Vous n'êtes pas homme à franchir les Alpes, et à me venir voir sur les bords de mon lac, comme Mme du Boccage 5 . Vous vous contentez de cueillir les fleurs d'Anacréon dans vos jardins; vous n'allez pas chercher comme elle la couronne du Tasse au Capitole.
Adieu, mon cher et ancien ami mes deux nièces, toute ma famille, vous font les plus tendres compliments.
V.
Eh bien, les Anglais ont donc quitté vos côtes normandes, nonobstant clameur de haro. Est-il vrai qu'ils ont pris beaucoup de canons, de vaches, de filles, et d'argent? Le Canada va donc être entièrement perdu, le commerce ruiné, la marine anéantie, tout notre argent enterré en Allemagne ? Je vous trouve très heureux, mon cher Cideville, de posséder la terre de Launay. Je n'ai aux Délices que l'agréable, et vous possédez l'agréable et l'utile.
Beatus ille qui, procul ridiculis,
Fœcunda rura bobus exercet suis 7»
1 Lettre du 26 juillet 1758 consistant en une douzaine de quatrains ; extraits : « Que laissai-je à Paris ? Des masques politiques / Cachant leur air d'avidité/ Et le Luxe en son char, dans les places publiques / Insultant à la Pauvreté […] / Je reviens sans regrets, en ce coin de la terre , / Où mes aïeux s'étaient bannis […] Le Sage, indépendant du joug des artifices, / Règne heureux, chez soi confiné:/ Vous illustre, opulent, vrai seigneur des Délices, / Moi, sans nom, peu riche à Launay. […] Oh ! Si j'écoutais l'oncle , en lorgnant ses deux nièces, / Tous trois charmants, peintres tous trois : / Si volant leurs crayons, j'en prenais leurs finesses, / Mon sort serait selon mon choix . »
2 Que [Jupiter] me donne la vie, qu'il me donne des ressources : pour l'égalité d’âme ,c'est à moi-même à me l'assurer ; Épîtres I, xviii, 112.
4 Si ce n'est que nous ne sommes pas ensemble, pour le reste, je suis heureux .Horace, Épîtres I, x, 50
5Voir la lettre de Mme du Boccage à Mme du Perron du 8 juillet 1758 : page 464 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f467.image
7 Heureux qui, loin des ridicules, travaille sa terre féconde avec ses propres bœufs . Horace, Épodes, II,i,3 .
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11/10/2013
voir les affaires plus brouillées, et les bourses plus vides que jamais
... Honni soit qui mal y pense !
Les affaires ? quelles affaires ?
Vides ... ou presque !
« A Jean-Robert Tronchin
Aux Délices 29 août , retardé jusqu'à samedi 2 septembre 1758
Je reviens, mon cher monsieur, à votre petit ermitage avec deux chagrins, celui de vous avoir point vu, et celui de voir les affaires plus brouillées, et les bourses plus vides que jamais . Il ne s'agit dans cette maladie épidémique de l’Europe que de conserver sa santé autant qu'on le peut dans son obscurité . Le naufrage parait général , il faut que chaque particulier se sauve sur sa planche .
J'apprends qu'on a voulu négocier aussi vainement entre Berne et Lyon qu'entre les puissances belligérantes . Tout le monde cherche de l'argent et je suis aussi chargé d'en négocier . J'ai déjà fait une petite affaire assez bonne, pour notre ami Labat et pour moi . Vous voulez bien lui fournir pour mon compte quatre-vingt dix mille livres . C'est un peu plus aisé à trouver que cinq cent mille livres de l'emprunt desquelles je suis chargé . On ne peut avoir une plus rude commission .
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint quelques rafraichissements très légers de Cadix . Il y a entre autres un billet de change de 410 livres quinze sous du 22 juin 1757 . Il est étrange que je l'envoie aujourd'hui . Il avait été oublié dans mes papiers, et je l'ai retrouvé en faisant ma revue . Je ne sais si vous envoyez ces lettres de change en droiture à M. Gilli de Montaud à Paris 1, ou si vous les adressez à un tiers . En tout cas il vous sera aisé de spécifier que ce petit billet avait été oublié .
J'ai été sur le point d'acheter auprès de Nancy une très jolie terre ce qui aurait assuré à mes héritiers un fonds plus solide que les papiers sur le roi et sur la Compagnie des Indes . Le marché était très avantageux et c'est pour cela qu'il a manqué . C'est un fort mauvais marché à ce que je vois que d'avoir à présent des billets de loterie et des annuités . Qu'en pensez-vous ?
On prétend que Louisbourg est pris 2. Je le crois quoique je n'en aie aucune nouvelle et quant aux bonnes nouvelles de nos armées, je ne les crois pas . Une planche, vite une planche dans le naufrage ! Vendons nos effets royaux dès que nous le pourrons honnêtement . Si la flotte arrivée à Cadix ne nous apporte pas quelque consolation, je n'en espère plus ni du nouveau monde, ni de l'ancien .
Adieu mon cher monsieur . Quand nous aurons donné au baron de Grandcour les 90 000 livres nous verrons ce qui nous reste . Votre amitié est le meilleur de mes effets .
Votre très humble et très obéissant serviteur .
V...
2 septembre
J'ai laissé cette lettre sur ma table en attendant que j'eusse quelques nouvelles . Je ne vous parle pas de Louisbourg dont vous savez tous les funestes détails 3. Il y a actuellement à ce qu'on m'assure douze mille anglais joints au prince de Brunswick . Tout se déclare contre la France sur mer et sur terre . La nouvelle que les Russes on détruit près de Rupin un corps de six mille Prussiens ne se confirme pas encore . Si elle était vraie le roi de Prusse serait encore plus embarrassé que la France .
Vous passez vous autres Lyonnais pour avoir été refusés net à Berne au sujet d'un emprunt d'un million, et le landgrave de Hesse passe pour avoir eu ce million, ce que je ne crois point du tout . Bonjour mon cher correspondant.
V »
1 Gilly de Montaud : voir : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1984_num_258_1_1088 en faisant Rechercher « gilly »
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10/10/2013
quand les déesses de l'Ostfrise daigneront honorer notre cabane de leur présence, nous leur présenterons les légumes de notre jardin , et l'eau de notre lac
...
« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck etc.
à Lausanne
Aux Délices 29 août [1758]
Je ne crois pas , madame, qu'il y ait quinze mille Anglais dans notre sale Westphalie, mais je crois qu'il y en a assez pour nous battre . Je n’ai point de nouvelle de la prise de Louisbourg , mais je crois Louisbourg pris . Je pense que la France est couverte de honte et d'infortune, et que le roi de Prusse n'aura que la gloire .
J'ai envoyé au plus vite votre beau pro memoria au sieur Cathala à qui il ne faut pas de si belles choses . On escomptera votre lettre de change selon l’usage , et voilà tout .
Ma nièce Denis et moi nous sommes des gardeurs de dindons, dans le goût de Philémon et de Baucis,1 et quand les déesses de l'Ostfrise daigneront honorer notre cabane de leur présence, nous leur présenterons les légumes de notre jardin , et l'eau de notre lac . Baucis ne peut avoir l'honneur de vous écrire parce qu’elle ne se porte pas bien et moi, j'écris quoique malade . Jouissez, madame, de votre belle santé . C'est un bien que la cour aulique 2 ne vous ôtera pas , c'est le plus grand de tous et celui que je connais le moins . Si je le possédais, je vous écrirais des volumes, mais je n'en peux plus et je finis malgré moi en vous assurant de mon respect, et de l'envie de venir au plus tôt vous faire ma cour .
V. »
2 La comtesse est en procès avec son ex-mari et est dépossédée d'une partie de ses biens . Aulique. Se dit en parlant d'une certaine Cour supérieure qui a une Juridiction universelle et en dernier ressort, sur tous les sujets de l'Empire pour tous les procès qui y sont intentés.
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09/10/2013
Il faut en physique se contenter toujours des à peu près . C’est la marche de la nature
... Dans la nature il est peu de choses ou êtres qui soient définitivement fixés pour toute éternité . Il est des constantes qui ne sautent pas toujours aux yeux et qui sont du domaine des savants spécialistes .
Le peu de physique que je connais est certainement diablement fourré d'à peu près, comme mes professeurs me l'ont confirmé à moult reprises en corrigeant mes devoirs boiteux . Le pourquoi et le comment gardent leurs parts de mystère, les résultats ne tiennent debout que par la béquille d'un facteur hypothétique .
A peu près en physique: représentation graphique
« A monsieur l'abbé Charles Bossut,1
professeur royal,
aux écoles du génie, à Mézières .
Aux Délices 28 août [1758]
Je trouve, monsieur, au retour d'un assez long voyage que j'ai fait chez l’Électeur palatin, la lettre 2 dont vous m'avez honoré en date du 28 juin . Je me hâte de vous remercier . Je suis bien sensible à vos politesses et plus encore à votre mérite . Vous joignez le goût à la vraie philosophie . Je crois que la ville de Mézières n'est guère accoutumée à posséder de tels avantages 3 . L'Académie des sciences paraît devoir être votre vrai séjour mais il est bon que la lumière s'étende un peu dans les provinces, et qu'à la longue tout l'horizon soit éclairé : vos rayons pénètrent jusqu'au lac de Genève . Les observations que vous avez la bonté de faire sont très justes . La parallaxe des étoiles fixes est une exagération , mais je ne sais si Broadley 4 ne s'est pas servi de cette expression . Il appelait autant que je peux m'en souvenir l'instrument dont il se servit tube parallactique 5.
Quand à la différence entre une sphère changée en ovale, il est certain que physiquement parlant la circonférence est toujours la même . C'est ce qui fait que les boulangers vous vendent le même pain rond ou ovale le même prix . Il faut en physique se contenter toujours des à peu près . C’est la marche de la nature . Il lui importe peu que ses ouvrages soient dans la rigueur mathématique . Au reste, monsieur, de toutes les vérités il n'y en a point dont je sois plus convaincu que des sentiments d'estime que je vous dois et avec lesquels j'ai l'honneur d'être
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi »
3 A l'âge de vingt-deux ans, en 1752, Bossut avait été nommé professeur de mathématiques à l'école du Génie de Mézières et il avait publié quelques études .
4 James Bradley surtout connu pour sa découverte de l'aberration des rayons lumineux . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/James_Bradley
5 Nommé de nos jours télescope équatorial . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monture_%C3%A9quatoriale
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08/10/2013
entre le succès et la gloire la différence est grande. Je connais des armées et des généraux qui n'ont eu ni l'un ni l'autre
.... Faut-il vous faire un dessin ?
https://www.youtube.com/watch?v=ucxd2Ano6vM
Gagner une bataille, une guerre, c'est un succès .
Où est la gloire dans ces meurtres ordonnés ?
http://voiretmanger.fr/sentiers-gloire-kubrick/
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 28 août [1758]. 1
Me voilà rendu à mon ermitage des Délices, mon divin ange, après un voyage à la cour palatine, aussi agréable qu'il était nécessaire. Votre lettre, qui m'attendait, redouble le seul chagrin que je puisse avoir, en m'ôtant l'espérance de vous embrasser. Les tantes 2 et les débarbouillées sont donc d'étranges personnes . Il ne faut pas songer à réformer des têtes aussi mal faites. D'ailleurs, mes établissements et les dépenses considérables que j'y ai faites ne me permettent pas de me transplanter. J'avais voulu acheter une terre, uniquement dans la vue d'avoir un bien solide que je pusse laisser à mes héritiers, comptant fort peu sur la nature des autres biens qui peuvent périr en un jour; mais cela est encore aussi difficile que de faire entendre raison à des dévotes.3
Je me flatte que votre ami 4 a parlé de lui-même, je serais fâché qu'on crût que je l'ai prié de faire cette démarche; mais je n'en aurais pas moins d'obligation à vos bontés et aux siennes. Vous avez donc aussi des coliques, mon respectable ami ! Ce serait bien le cas de venir consulter Tronchin, en dépit des tantes; mais ces mêmes coliques vous empêchent de venir dans le temple d'Épidaure, et c'est ce qui me désespère. Je vous conjure de me mander des nouvelles de votre santé, ne me laissez pas sans consolation.
Mme du Boccage vous a donc montré notre Femme qui a raison. Elle nous a amusés en Savoie mais il se pourrait, à toute force, que le goût des Parisiens fût un peu différent de celui des Savoyards. Mme Denis ne m'a point encore fait voir vos commentaires critiques. Je ne crois pas, en général, que Fanime et Mme Du Ru 5 soient des personnes bien merveilleuses: elles peuvent avoir quelque succès par le mérite des actrices mais entre le succès et la gloire la différence est grande. Je connais des armées et des généraux qui n'ont eu ni l'un ni l'autre. Toutes les pièces des Français sont aujourd'hui sifflées de l'Europe. On dit que nous n'avons ni auteurs, ni acteurs, ni argent pour payer les places. Nous voilà in fœce Romuli.6 Où est le temps où l'on donnait Iphigénie 7 au retour de la campagne de 1672 ?
Il ne faut songer qu'à vivre dans la retraite et, si les choses continuent à aller du même train, on n'aura plus même de quoi y vivre. Comment se porte Mme d'Argental ? Mille tendres respects à tous les anges. Mme Denis et Mme de Fontaine vous font mille compliments; et moi, je suis pénétré de reconnaissance.
V.»
3 On peut penser que la lettre de d'Argental que nous ne connaissons pas, contenait quelque avis de Mme de Pompadour selon lequel le retour de V* en France serait mal accueilli . La tristesse de V* paraît évidente dans cette lettre qui parait même un peu décousue ; on a ici un moment important dans l'évolution de ses sentiments à l'égard de la patrie, marquant le début de son détachement.
4 Le chevalier de Chauvelin, qui portait le titre de marquis depuis son mariage.
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07/10/2013
On a du moins le plaisir de se plaindre et de crier contre tous ceux qui conduisent notre mauvaise barque.
... Sport national français dans lequel nous excellons, la grogne !
La concurrence est rude entre les grognons syndiqués, encartés, grognons de quartiers chics, grognons de comptoirs, grognons de tous poils et toutes plumes, grognons pelés, grognons du chaud, grognons du froid, grognons impénitents , grognons nés grognons .
http://www.dailymotion.com/video/xanvea_alexis-hk-la-maison-ronchonchon_music
http://www.marclefrancois.net/article-grognon-104537928.html
« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de LUTZELBOURG.
Aux Délices près de [Genève vers le 27 août 1758] 1
Une lettre de vous, madame, que j'ouvre en arrivant à ma cabane des Délices, me rend mon séjour plus agréable; mais aussi elle me fait regretter l'ile Jard. Puissiez-vous, madame, n'être pas noyée une seconde fois dans votre île . Puissiez-vous n'y recevoir que d'agréables nouvelles de l'armée où est monsieur votre fils .
Je plains fort ceux qui ont des maisons de campagne à Louisbourg 2. Ils s'en sont défaits, comme vous savez, en faveur des Anglais, qui sont maîtres de l'ile, de la ville, de la garnison, de nos vaisseaux, etc. Il ne nous restera bientôt plus rien dans l'Amérique septentrionale. Mais afin de ne point faire de jaloux, ils vont caresser toutes nos côtes de France les unes après les autres. Vous savez que la désolation de Paris est grande, non parce que Louisbourg est pris, non parce que nous sommes battus partout, et que nous allons l'être encore, mais parce qu'on manque d'argent, et qu'on craint de nouveaux impôts. On a du moins le plaisir de se plaindre et de crier contre tous ceux qui conduisent notre mauvaise barque.
Je ne dois plus penser à Champignelle 3, madame, j'apprends que la terre est substituée 4. La maison du prince Esterhazy ou comte Esterhazy est, je pense, une maison de fille, un petit pavillon pour souper et pour ne point dormir. Ce n'est pas là mon fait; il me faut une belle et bonne terre, bien vivante. Mais on passe sa vie en projets, et on meurt au milieu de ses rêves. Je vous remercie bien vivement, madame, de la bonté que vous avez eue de faire mention de moi dans votre lettre à votre amie de Versailles 5; j'en suis d'autant plus aise que je ne lui demande rien, et je me bornais à souhaiter qu'elle sût que je conserverai toute ma vie de la reconnaissance pour elle. Un tel sentiment est toujours assez bien reçu mais il doit l'être encore mieux quand il passe par vos mains il en a l'air plus vrai. C'est un véritable service que vous m'avez rendu, et auquel je suis très sensible.
J'ai envoyé au margrave de Bade-Dourlach la note des tableaux de Van der Meulen et du beau Van Dyck1. L'immensité de ces tableaux ne leur permet de place que dans une galerie de prince. Les galeries genevoises ne sont pas faites pour eux.
Adieu, madame; je serai toujours fâché que Genève soit si loin de Strasbourg. Mme Denis vous assure de son attachement. Vous connaissez les sentiments de l'oncle, qui vous est dévoué pour la vie.
V. »
4 « Substitution » : disposition par laquelle un testateur substitue un héritier à un autre qui n'a que l'usufruit et non pas la propriété du bien laissé .
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