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18/02/2014

Je quitterai mes épinards et mon persil pour vos trois mille plantes de l'Asie et de l'Afrique

... S'écria Popeye dans un dernier éclair de lucidité, ou de folie devant une boutique d'herboriste chinois .

 

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 http://www.viesaineetzen.com/recette/le-popeye-c%C3%A9leri-rave-%C3%A9pinard-persil-orange

 

 

« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de BADEN-DOURLACH.
Aux Délices, 2è février 1759.
Madame, la lettre 1 dont Votre Altesse sérénissime m'honore est un bienfait nouveau qui me remplit de reconnaissance, et un nouveau charme qui m'attache à elle. Vos pastels 2, madame, votre plume, vos bontés, vous font des sujets ou plutôt des esclaves dans un pays libre.

 


Tout me plaît en vous, tout me touche;
Parlez, belle princesse, écrivez ou peignez;
Les Grâces, par qui vous régnez,
Ou conduisent vos mains, ou sont sur votre bouche.


 


J'ai une bien forte tentation, madame, de quitter dans les beaux jours de l'été mes petits ermitages, mes petits châteaux ou chaumières, pour venir me mettre aux pieds de Vos Altesses sérénissimes, dans le palais du meilleur goût que j'aie jamais vu. Je quitterai mes épinards et mon persil pour vos trois mille plantes de l'Asie et de l'Afrique; mes petits bois pour votre immense forêt 3 de Dodone ; mes lièvres pour vos chevreuils ; enfin ma liberté pour les belles chaînes dont vous enchaînez tous ceux qui ont l'honneur de vous approcher.
J'ai perdu dans Mme la margrave de Baireuth une princesse qui m'honora toujours d'une bonté inaltérable ; je retrouve en vous, madame, son esprit, ses talents, et ses grâces, et tout cela très-embelli ; je voudrais mériter d'y retrouver la même bienveillance.
Fasse le ciel que le Saint-Empire romain, qui est sens dessus dessous depuis trois ans, puisse être aussi tranquille, l'été prochain, qu'on l'est dans le beau séjour du Repos de Charles 4 ! Le midi de l'Allemagne est bien heureux : il ne se ressent point des horreurs de la guerre, et il vous possède. On attend la mort du roi d'Espagne pour troubler le reste de l'Europe. Milord Maréchal, ou M. Keith, gouverneur de Neufchâtel, vient de passer par nos Alpes pour aller négocier en Italie; on dit que ce n'est pas pour la pacification générale. Mais, madame, pourquoi vous parler de nouvelles ? Il est plus doux de s'entretenir de monseigneur le margrave 5 et de vous.

Je suis avec le plus profond respect,

madame,

de Votre Altesse sérénissime,

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.
Elle pardonnera à un pauvre malade qui ne saurait écrire de sa main. »

1 « De madame la margrave de Baden-Dourlach.
A Carlsruhe, le 17 janvier [1759].
Monsieur, je commets peut-être une indiscrétion de vous dérober des moments dont vous savez faire un meilleur usage ; mais pouvez-vous penser que je puisse recevoir vos vers * charmants, que j'admire en rougissant, et en étouffer ma reconnaissance? Non, en vérité, je ne le puis. Je ne suis pas digne de votre lyre, monsieur, je le sais, mais réellement de votre amitié.
Ne la refusez donc point à l'estime la plus pure et la plus vraie. Je fais de bien sincères vœux pour votre santé. Tout m'y intéresse ; et la promesse que vous me donnez, monsieur, de vous revoir ** chez nous me les fait redoubler d'ardeur. J'y mets même une telle confiance que je sens déjà toute la joie de pouvoir vous assurer de vive voix de cette considération et de cette estime distinguée que l'on vous doit, et avec lesquelles j'ai l'honneur d'être plus que personne au monde, monsieur, votre, etc.
Caroline, margrave de Bade-Dourlach.
P. S. Lé margrave, transporté de joie d'oser espérer de vous revoir cet été, monsieur, et pénétré de vos mérites, m'ordonne de vous tenir compte de ses sentiments, et de vous dire combien il est sensible à ceux que vous voulez bien témoigner pour lui. »

*. Ces vers, et la lettre qui les accompagnait sans doute, nous sont inconnus. (Clogenson.)
**. Voltaire, lors de son voyage à Schwetzingen (juillet et août 1758), avait passé par Carlsruhe. (Clogenson.)

3 Celle de Hardtwald.

4 Ce qui est la traduction de Karls ruhe , ville fondée en 1715 par le margrave Charles-Guillaume.

5 Charles-Frédéric, né en 1728, fils et successeur de Charles-Guillaume.

 

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