07/05/2015
J'ai peine à croire que notre nation légère soit devenue assez barbare pour approuver une telle licence.
... Voila ce qu'aurait pu dire notre secrétaire d'État chargée de la famille, Laurence Rossignol, si elle n'avait pas été "extrêmement choquée" par Une petite pipe de et par Patrick Sébastien diffusée à une heure de grande écoute sur une chaîne du service public .
«Ceux qui ont la responsabilité, la chance, d'animer une émission de télévision doivent aussi se comporter dans le respect des familles. (...) Je trouve ça limite incestueux que de faire chanter ça dans une famille, à 20h50», a-t-elle déclaré . Et bien moi , madame, je vous trouve dans les limites de l'idiotie , sous-ministre ignorante du sens du mot inceste, tout autant que de l'heure réelle de diffusion de ladite chanson ; Mère La Pudeur-Rossignol vous chantez le faux, à votre tour d'être sifflée : "hors jeu" .
« A Jacques LACOMBE 1
à Paris
Je recevrai, monsieur, avec une extrême reconnaissance l'ouvrage dont vous voulez bien m'honorer. Votre lettre me donne grande envie de voir votre livre 2; elle est d'un philosophe, et il n'appartient qu'aux philosophes d'écrire l'histoire ; les autres sont des satiriques, des flatteurs, ou des déclamateurs. Je n'ai encore qu'un volume de prêt de l'Histoire de Pierre le Grand. Les mémoires qu'on m'envoie de Pétersbourg viennent fort lentement et de loin à loin ; plusieurs ont été pris en route par les housards. Vous voyez que la guerre fait plus d'un mal. Au reste, je doute fort que cette Histoire réussisse en France; je suis obligé d'entrer dans des détails qui ne plaisent guère à ceux qui ne veulent que s'amuser. Les folies héroïques de Charles XII divertissaient jusqu'aux femmes; des aventures romanesques, telles même qu'on n'oserait les feindre dans un roman, réjouissaient l'imagination ; mais deux mille lieues de pays policées, des villes fondées, des lois établies, le commerce naissant, la création de la discipline militaire, tout cela ne parle guère qu'à la raison.
Ajoutez à ce malheur celui des noms barbares inconnus à Versailles et à Paris, et vous m'avouerez que je cours grand risque de n'être point lu de tout ce que vous avez de plus aimable.
Il se pourra encore que maître Abraham Chaumeix me dénonce comme un impie, attendu que Pierre le Grand n'a jamais voulu entendre parler de la réunion de l'Église grecque à la romaine, proposée par la Sorbonne. Les jésuites se plaindront qu'on les ait chassés de Russie, tandis qu'on a laissé une douzaine de capucins à Astrakan. Nous verrons, monsieur, comment vous vous êtes tiré de ces difficultés.
Je suis aussi indigné que vous qu'on permette à Paris l'affront qu'on fait sur le théâtre à des hommes respectables. Serait-il possible, monsieur, qu'on eût désigné injurieusement dans la pièce nouvelle MM. d'Alembert, Diderot, Duclos, Helvétius, et tant d'autres 3? J'ai peine à croire que notre nation légère soit devenue assez barbare pour approuver une telle licence. Je ne sais qui est l'auteur de cette pièce; mais, quel qu'il soit, il aurait à se reprocher toute sa vie un tel abus de son talent, et les approbateurs 4 auraient encore plus de reproches à se faire. Peut-être la licence qu'on suppose dans cette pièce n'est-elle pas aussi grande qu'on le dit. J'ignore si la pièce a été jouée ; j'ai conservé à Paris peu de correspondances; je sais seulement, en général, qu'on m'y attribue souvent des ouvrages que je n'ai pas même lus. Les vôtres, monsieur, serviront à me désennuyer de ceux qui me sont venus de ce pays-là.
Vous me donnez trop de louanges ; mais vous savez, vous qui êtes avocat, que la forme emporte le fond. Elles sont si bien tournées qu'on vous pardonnerait même le sujet.
J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime et toute la reconnaissance que votre lettre m'inspire, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
Par Genève, aux Délices 9è mai 1760»
1 Jacques Lacombe, né à Paris en 1724, avocat, reçu libraire en 1766, mort le 16 septembre 1801, auteur de l'Histoire des révolutions de l'empire de Russie, 1760, in-12, etc. Voir : http://data.bnf.fr/12102201/jacques_lacombe/
2 Histoire des révolutions de l'Empire de Russie, 1760 ; Mme du Boccage y fait allusion dans une lettre à Algarotti du 15 mai 1760, où, après avoir parlé de Palissot, elle poursuit en se référant à une lettre de V* qui nous est inconnue : « J'ai reçu, il y a peu de jours, une lettre de M. de Voltaire qui déplore avec raison ce déchainement que les auteurs ont l'un contre l'autre, fort nuisible aux lettres . Il est vrai qu'il n'attaque pas le premier, mais comme il a de bonnes armes, il se défend bien . Il ne ma parle point de son histoire du csar et laisse passer les révolutions de Russie qu'on vient de nous donner . »
3 Voir lettre du 25 avril 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/23/est-il-vrai-que-de-cet-ouvrage-immense-et-de-douze-ans-de-travaux-il-revien.html
V* ne songe apparemment pas à sa propre Écossaise qui commence à courir le monde, ainsi que Choiseul lui en fait la remarque le 12 mai 1760 . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/theatre-l-ecossaise-partie-1.html
4 C'était Crébillon qui, en qualité de censeur, avait signé l'approbation mise au bas des Philosophes. Il se conforma à l'ordre que le duc de Choiseul lui avait donné de ne rien retrancher. (Beuchot.)
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