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30/03/2016

un ministre n'a qu'à ordonner, et le pauvre campagnard des Alpes est obligé de faire tout lui-même . Il n'a jamais de loisir ; et il en faut pour penser

... Penser et agir, l'un n'exclut pas l'autre chez Jean-Pierre Coffe qui vient de casser sa pipe . Il aurait aimé Voltaire qui tenait à offrir des produits de qualité à sa table et qui aimait le rire .

http://www.lepoint.fr/medias/coffe-vous-allez-encore-ecrire-que-je-m-insurge-facilement-06-05-2015-1926581_260.php?M_BT=443989616563&m_i=HvLxM1YPZWezHLZ5e0qbZlbSVOG0pcbTsHBkc_k36auJGIhLqzSnNFSPrL5GBV4v1pAL232bgBMRWsEysZXsJj2H1MHHHf#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20160330

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Ecce homo  !

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

17è avril [1761] à Ferney

Plus anges que jamais, et moi plus endiablé . La tête me tourne de ma création de Ferney . Je tiens une terre à gouverner pire qu'un royaume, car un ministre n'a qu'à ordonner, et le pauvre campagnard des Alpes est obligé de faire tout lui-même . Il n'a jamais de loisir ; et il en faut pour penser . Ainsi donc mes anges vous pardonnerez à ma tête épuisée .

1° Oreste se recommande à vos divines ailes . Ma mère en fait autant 1 est le commencement d'une chanson plutôt que d'un vers tragique, quelquefois un misérable hémistiche coûte .

Il a montré pour nous l'amitié la plus tendre

Il révérait mon père ; il pleurait sur sa cendre .

ELECTRE

Et ma mère l'invoque ! Ainsi donc les mortels 2

Se baignent dans le sang, et tremblent aux autels .

Voilà je crois la sottise amendée .

La sottise des anecdotes de Fréron 3 est d'un La Harpe, jadis son complice, aujourd’hui domestique de M. le duc de La Vallière . Thieriot me les a envoyées . Je vous en ai fait part, mais cela n'est bon que pour vos laquais et pour les cafés .

Votre première présidente est une bigote insolente, et son frère un fripon 4. Mais il faut être poli .

Il est plaisant que Bernard m’ait volé, et que je n'ose pas le dire 5, mais Leriche 6 vaut mieux , et grâces vous soient rendues . Le produit net des 173 journaux 7 est fort plaisant, et plus honnête, mais savez-vous bien que vous faites Jean-Jacques un très grand seigneur ? Vous lui donnez là cent mille écus de rente . La compagnie des Indes sans le tabac ne pourrait en donner autant à ses actionnaires ; vous êtes généreux mes anges .

J'ai une curiosité extrême de savoir si Mme de Pompadour et M. le duc de Choiseul ont reçu leur exemplaire de Prault .

Autre curiosité de savoir si on joue la seconde scène du second acte de Tancrède comme elle est imprimée dans l'édition Cramer, et comme elle ne l'est pas dans l'édition de ce Prault . Je vous conjure de me dire la vérité . Je trouve la façon Cramer , plus attachante, plus théâtrale, plus favorable à de bons acteurs . Ai-je tort ?

Lekain ne m'a point écrit .

Si vous étiez des anges sans préjugés vous verriez que Le Droit du seigneur n'est pas à dédaigner, que le fond en était bon, que la forme y a été mise à la fin, qu'il n'y a pas une de vos critiques dont on n'ait profité, que la pièce est tout le contraire de ce que vous avez vu . En un mot je vous conjure de la laisser passer sous le masque en son temps .

Il faut un autre amant à Fanime . Je lui en fournirai un . Mais le czar m'attend, et l'Histoire générale se réimprime augmentée de moitié ; et la journée n'a que vingt-quatre heures, et je ne suis pas de fer .

Je n'ai point la nouvelle reconnaissance d'Oreste et d'Electre . Daignez me l'envoyer ; ou , j'en ferai une autre . Je suis entouré de vers, de prose, de comptes d'ouvriers . Je ne peux me reconnaître . Il est très vrai qu'il s'agit d'un mariage pour Mlle Corneille, et que l'emploi de valet de poste a arrêté le soupirant 8. Voilà ce qu'a produit Fréron ! et on protège cet homme !

Le Brun est un bavard . Il m’avait insinué dans ses premières lettres que je ne devais pas laisser Mlle Corneille dans l'indigence après ma mort . Je lui ai mandé que j'avais fait là-dessus mon devoir . Il l'a dit, et il a tort .

Que voulez-vous donc de plus terrible, de plus affreux à la mort de Clytemnestre, que de l'entendre crier ? Il n'y a point là de beaux vers à faire . C'est le spectacle qui parle , et ce qu'on dit en pareil cas , affaiblit ce qu'on fait .

Mais songez que Térée 9 et Oreste tout de suite, … voilà bien du grec, voilà bien de l'horreur ; il faut laisser respirer ; je voudrais une petite comédie entre ces deux atrocités pour le bien du tripot .

Daignerez-vous répondre à tous mes points ? Je n'en peux plus . Mais je vous adore .

V.

Pour Dieu dites-moi si vous ne trouvez pas le mémoire contre les jésuites bien fort 10, et bien concluant ? Comment s'en tireront-ils ? Je les ai fait plier tout d'un coup sans mémoire ; je les ai fait sortir d'un domaine qu'ils usurpaient . Ils n'ont pas osé plaider contre moi , mais il ne s'agissait que de 160 000 livres . Quand pourrai-je voir, disait un homme assez dur, les jésuites étranglés avec des boyaux de jansénistes ?11 »

 

1 Ce vers était ainsi conçu : Ma mère en fait autant : les coupables mortels [...]

2 Oreste , IV, 3

3 Voir lettre du 3 avril 1761 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/22/c-est-une-affaire-que-nous-n-abandonnerons-jamais-5777656.html

Noter que ce paragraphe et le suivant sont omis dans l'édition de Kehl .

4 Ce sont Mme de Molé et le financier Bernard ; voir lettre du 15 mai 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/19/nous-sommes-des-barbares-et-vous-autres-gens-polis-vous-donn.html

et lettre du 11 avril 1754 à Mme Denis : « M. de Mauconseil m'assure que Bernard est mort absolument ruiné, qu'il le savait depuis trois ans, et que son notaire l'avertit alors de ne pas avoir à faire avec lui . Laleu, notaire de Bernard, nous a fait donner dans le traquet . »

5 Sur la copie Beaumarchais-Kehl, on lit ici cette note de Condorcet : « Nota . Il était père de la première présidente Molé qui ne paya point ses dettes mais qui trouvait fort mauvais qu'on dit qu'il avait volé ses créanciers . »

6 Le copiste a écrit ce mot Leriche suivant en cela sans doute l'original ; en fait V* propose ici une correction au vers 32 de l 'Épître sur l'agriculture , où on lit : « Qu'un Bernard l'ai volé » ; cette substitution, qui suppose d'ailleurs un remaniement du vers ne fut pas faite .

7 V* n'est pas loin de la vérité car une bibliographie cite 124 périodiques français pour l'année 1790 .

8 Voir lettre du 3 avril 1761 à d'Argental , citée plus haut .

 

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