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02/09/2018

j’ai grand’peur que toutes ces belles remontrances n’aboutissent à donner une paralysie à la main de nos payeurs de rentes

...Ce dont ne semblent pas se soucier tous les opposants à la réforme, absolument nécessaire, des retraites , campés qu'ils sont sur des privilèges immérités .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet , comtesse d'Argental

7è septembre 1763 1

Mes divins anges, à peine ai-je reçu votre paquet, que j’ai fait à peu près tout ce que vous désirez. Vous ne m’avez point envoyé le premier acte ; je vous prie de me le dépêcher, afin que je raccorde le tout. Vous aurez probablement la pièce entière 2 dès que vous m’aurez fait tenir ce premier acte qui me manque 3. Il restera quelques vers raboteux ; cela ne fait pas mal au théâtre, et nous sommes convenus qu’il en fallait pour dépayser le monde. J’avoue que c’est une grande vanité à moi d’en convenir ; mais enfin j’ai passé dans mon temps, je ne sais comment, pour faire des vers assez coulants 4.

Vous avez bien raison , M. de Thibouville a le visage trop rond pour un conspirateur. Vous savez que César croyait que les visages longs et maigres étaient de vraies faces de conjurés.

Ah ! mes anges, est-il possible que vous n’aimiez pas,

A deux voluptueux a livré l’univers ?5

C’est bien là pourtant le caractère d’Antoine et du jeune Octave ; vous me forcerez à mettre des remarques , et les lettres de ces débauchés, que Suétone nous a conservées, y paraîtront avec les gros mots. Que je suis fâché contre vous d’avoir osé condamner ce vers qui dit tant de choses ! Vous y reviendrez, vous l’aimerez, car vous êtes justes.

Madame Denis et moi nous baisons le bout de vos ailes, sous lesquelles vous mettez notre procès sacerdotal.

Je n’entends plus parler de la Gazette littéraire, je ne sais si elle paraît. J’ai fait venir des livres d’Angleterre et de Hollande ; ils doivent être chez M. le duc de Praslin . S’il y a des doubles, je le supplie de me les envoyer, je les prendrai pour mon compte.

Mes anges, le diable est à Genève ; mais il est aussi en France, et j’ai grand’peur que toutes ces belles remontrances n’aboutissent à donner une paralysie à la main de nos payeurs de rentes. Vous ne me parlez jamais de ces petites drôleries ; vous ne songez qu’au tripot , cependant ces affaires-là sont un peu plus intéressantes.

Permettez, je vous en supplie, que je vous adresse ce paquet pour frère Damilaville, qui doit le rendre à M. Mariette. Il est bon de faire des tragédies, mais il faut songer au solide.

Respect et tendresse.

V. »

 1 On trouve aussi , dans l'édition de Kehl cette lettre mêlée à des fragments de la lettre du 11 septembre, le tout daté du 11 février1763 (copie Beaumarchais) changé en 1764 .

2 Le Triumvirat.

3 Dans les éditions de Kehl, cette lettre est datée du 16 Février 1764, et commence ainsi : « Mes divins anges, puisque vous êtes assez lambins pour ne pas renvoyer le premier acte à M. Marcel, je vous en envoie cinq. Il se flatte d’avoir fait tout ce que votre comité exigeait de lui. Il restera, etc. » (Georges Avenel.)

4 Dans la lettre du 11 Février 1764, on lisait encore : « Il faut que M. le duc de Praslin se donne avec vous le plaisir d’attraper le public ; c’est une vraie opération de ministre. M. Marcel vous enverra une lettre soumise pour la reine Clairon, qui sera de la même écriture que la pièce. Je ne connais point de conspiration mieux arrangée. Nous verrons si celle de Rousseau contre Genève réussira mieux. Il est vrai qu’il a sept à huit cents personnes dans son parti ; mais je tiens que mes trois conspirateurs valent mieux que les associés de Jean-Jacques.

« Vous avez bien raison, etc. ».

5 V* céda finalement au caprice de ses anges et sacrifia ce vers à la scène 1, Ac. I d'Octave .

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