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02/02/2019

Est-ce le ton d’aujourd’hui de commencer une chose pour ne pas la finir ?

... Oui !

Au XXIè siècle, comme aux siècles précédents , je dédie https://www.youtube.com/watch?v=1-p58OSYhG0

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Touche magique quand ça tourne mal

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental 1

27 janvier 1764 aux Délices

Dites-moi donc, mes anges, si vous avez enfin reçu un cinquième acte et un conte. Une certaine inquisition se serait-elle étendue jusque sur ces bagatelles ? et quand le lion ne veut pas souffrir de cornes dans ses États, faut-il encore que les lièvres craignent pour leurs oreilles 2? L’aventure de la Tolérance me fait beaucoup de peine. Je ne peux concevoir qu’un ouvrage que vous avez tant approuvé puisse être regardé comme dangereux. Je n’ai d’ailleurs et je ne veux avoir d’autre part à cet ouvrage que celle d’avoir pensé comme vous. Il y a trop de théologie, trop de Sainte Écriture, trop de citations, pour qu’on puisse raisonnablement supposer qu’un pauvre faiseur de contes y ait mis la main. Je me borne à conseiller à l’auteur de supprimer cet ouvrage en France, si la Tolérance n’est pas tolérée par ceux qui sont à la tête du gouvernement. Mais enfin, quand madame de Pompadour en est satisfaite, quand MM. les ducs de Choiseul et de Praslin témoignent leur approbation, quand M. le marquis de Chauvelin joint son enthousiasme au vôtre, qui donc peut proscrire un livre qui ne peut enseigner que la vertu ?

Si le roi avait eu le temps de le lire chez madame de Pompadour, l’auteur oserait se flatter que Sa Majesté n’en aurait pas été mécontente, et c’est sur la bonté du cœur du roi qu’il fonde cette espérance.

M. le chancelier, dans les premiers jours d’un ministère difficile 3, aurait-il abandonné l’examen de ce livre à quelqu’un de ces esprits épineux qui veulent trouver du mal partout où le bien se trouve avec candeur et sans politique ?

Enfin, pourquoi a-t-on retenu à la poste de Paris tous les exemplaires que plusieurs particuliers de Genève et de Suisse avaient envoyés à leurs amis, sous les enveloppes qui paraissaient devoir être les plus respectées ? Cette rigueur n’a commencé qu’après que les éditeurs ont eu la circonspection dangereuse d’en envoyer eux-mêmes un exemplaire à monsieur le chancelier, de le soumettre à ses lumières, et de le recommander à sa protection. Il se peut que les précautions qu’on a prises pour faire agréer le livre soient précisément ce qui a causé sa disgrâce. Mes chers anges sont très à portée de s’en instruire. On peut parler ou faire parler à M. le chancelier. Je les conjure de vouloir bien s’éclaircir et m’éclairer. Tout Suisse que je suis, je voudrais bien ne pas déplaire en France. Je cherche à me rassurer en me figurant que, dans la fermentation où sont les esprits, on ne veut pas s’exposer aux plaintes de la partie du clergé qui persécute les protestants, tandis qu’on a tant de peine à calmer les parlements du royaume. Si ce qu’on propose dans la Tolérance est sage, on n’est pas dans un temps assez sage pour l’adopter. Pourvu qu’on ne sache pas mauvais gré à l’auteur, je suis très content, et j’attends ma consolation de mes anges.

On me mande que plusieurs évêques font des mandements, à l’exemple de M. de Beaumont, et qu’ils iront tenir un concile à Sept-Fonds 4. Je ne sais si le rappel de tous les commandants est une nouvelle vraie. Je m’en tiens aux événements, et je n’y fais point de commentaires comme sur Corneille. Les graveurs seuls empêchent que l’édition de Corneille n’arrive. À l'égard de la nouvelle édition d'Olympie, je vous l'enverrai dans trois ou quatre jours par M. le duc de Praslin, cette voie me paraissant la plus sûre, et n'étant d'ailleurs sujette à aucun inconvénient .

Mais, encore une fois, pourquoi abandonner votre conspiration ? Est-ce le ton d’aujourd’hui de commencer une chose pour ne pas la finir ?

N. B. – S'il n'est pas permis d'envoyer par la poste des livres des pays étrangers, il est permis de nous envoyer des livres de France .

Est-il vrai que vous avez eu la bonté de permettre qu'on vous adressât pour moi, l'Histoire de la réunion de la Bretagne à la couronne ? 5 Si vous ne pouvez pas vous en charger, je vous supplie de me le mander .

Je vous salue de loin, mes divins anges, et je crois que ces mots de loin sont bien convenables dans le temps présent ; mais je vous salue avec la plus vive tendresse. »

1 Des passages manquent dans la copie Beaumarchais-Kehl et les éditions : « A l'égard […] inconvénient . N.B. – […] me le mander . »   La phrase « et quand le lion […] leurs oreilles ? » d'abord supprimée a été rétablie . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-4.html

2 Rappel de La Fontaine : Les oreilles du lièvre ; voir : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/oreilliev.htm

4L'abbaye cistercienne de Sept-Fontaines, dans laquelle Beaumont, exilé, a trouvé asile, avant de se retirer dans un monastère beaucoup plus rigoureux de la Trappe .

5 Voir lettre à Simon-Augustin Irail du 24 février 1764 :  « J'attendais , monsieur, pour vous remercier de votre livre , que je l'eusse reçu et lu . » Voir : https://books.google.fr/books?id=W8XSMMv-QXQC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

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