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09/04/2020

le [rend] plus piquant, c’est de comparer la différente façon de penser des hommes, et les motifs qui les font agir : souvent ces motifs ne font pas honneur à l’humanité

... Je ne citerai pas de noms, juste un petit survol de l'actualité internationale : https://news.google.com/topics/CAAqJggKIiBDQkFTRWdvSUwyMH...

 

 

« A Jean-Jacques Gilbert, marquis de Fraigne

Ferney, le 25 janvier 1765 1

[.  .  .] Nous avons, dans ce moment-ci, une petite esquisse à Genève de ce qu’on nomme liberté, qui me fait aimer passionnément mes chaînes. La république est dans une combustion violente. Le peuple, qui se croit le souverain, veut culbuter le pauvre petit gouvernement, qui assurément mérite à peine ce nom. Cela fait, de Ferney, un spectacle assez agréable. Ce qui le rend plus piquant, c’est de comparer la différente façon de penser des hommes, et les motifs qui les font agir : souvent ces motifs ne font pas honneur à l’humanité. Le peuple veut une démocratie décidée ; le parti qui s’y oppose n’est point uni, parce que l’envie est le vice dominant de cette petite ruche, où l’on distille du fiel au lieu de miel. Cette querelle n’est pas prête à finir, la démocratie ne pouvant subsister quand les fortunes sont trop inégales. Ainsi je prédis que la ruche bourdonnera jusqu’à ce qu’on vienne manger le miel . C’est Rousseau qui a fait tout ce tapage. Il trouve plaisant, du haut de sa montagne, de bouleverser une ville, comme la trompette du Seigneur qui renversa les murs de Jéricho .

Ma réponse aurait suivi votre lettre de plus près, si je n'avais pas attendu que je pusse vous envoyer tous les écrits qui [ont 2] animé cette petite république . Qui veut aussi être quelque chose ; je souhaite que vous soyez meilleur prophète que moi . Je suis avec toute la reconnaissance, et le respect,

monseigneur, etc. »

1 L'édition Correspondance littéraire donne une lettre réduite au premier paragraphe . La première édition, publiée à Dublin est encore plus corrompue que d'habitude, comme on verra , par exemple par la faute signalée en note 2 ; elle date la lettre des Délices et la dit adressée au duc de Choiseul ; or celle-ci ne peut avoir été écrite des Délices, et le nom du destinataire fait aussi difficulté . La Correspondance littéraire donne la lettre comme écrite au marquis de Fraigne, mais dans ce cas le Monseigneur qui la termine ne peut être exact . Les éditeurs de la Correspondance littéraire doutent, du reste, de l'authenticité de toute la lettre, et peut-être n'ont ils pas tort, quoiqu'elle repose sans doute sur quelque document authentique .

Voir le commentaire de Grimm : « Je ne garantis point l'authenticité de, cette lettre, qui a couru depuis quelques jours. Au reste, M. de Voltaire vient de se fixer pour toujours à Ferney. Il a rendu lés. Délices à M. Tronchin, fermier-général, dont il tenait cette maison à vie. Les troubles de Genève peuvent l'avoir dégoûté d'avoir une maison sur le territoire de la république; le dérangement de ses affaires peut y avoir contribué. M. de Voltaire ne connaît point de bornes à sa bienfaisance depuis qu'il est à Genève, et sa nièce ne connaît ni l'ordre ni l'économie dans la conduite d'une maison. Lorsque cet homme célèbre alla s'établir près de Genève, il avait plus de cent mille livres de rente, et dans une seule maison de commerce à Lyon un capital de huit cent mille livres. Ce capital est aujourd'hui presque mangé. Je crois que M. de Voltaire ne se doute guère que je sois si bien au fait de l'état de ses finances. Le duc de Wurtemberg lui doit près de trente mille, livres de rente viagère tous les ans, et cette rente n'est pas payée depuis quelque temps, quoique M. de Voltaire ait prêté de nouveau finement, et sans consulter personne, une somme de cinquante mille écus; il prétend que quand il demande de l'argent à ce prince il lui renvoie en réponse le programme de ses fêtes, avec de pompeux éloges de sa magnificence et de son bon goût. Toutes ces raisons peuvent avoir engagé M. de Voltaire à s'en tenir à sa maison de Ferney, où il vient de" faire abattre le joli théâtre » qu'il y avait fait construire. Ainsi, plus de spectacles non plus,, au moins jusqu'à nouvel ordre. Toute cette réforme me ferait peur pour le patriarche, si je ne remarquais dans ses lettres particulières toujours le même fonds de gaieté. » Grimm : page 218 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5719205h/texteBrut

2 Dans les Lettres curieuses qui, comme on l'a dit, donnent seules ce paragraphe, le texte est qui a au lieu de qui ont . La correction s’impose manifestement .

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