11/10/2020
C'était un homme qui aimait passionnément la vérité, et qui détestait souverainement la tyrannie ecclésiastique ...Cet homme pensait que de tous les fléaux qui affligent le genre humain, l'intolérance n'est pas le moins abominable
... Que tous ceux qui ne connaissent pas Voltaire retiennent les deux phrases susdites, et si nous voulons les mettre au présent n'hésitons plus . Pour moi, Voltaire c'est cela , un promoteur de liberté .
« A Dominique Audibert
A Ferney le 12 juin [1765] 1
On ne peut obliger, monsieur, ni avec plus de bonté ni avec plus d'esprit : vous m'avez écrit une lettre charmante que je préfère encore à votre lettre de change . J'ai été en effet si malade que M. le marquis de *** 2 a quelque raison de douter que je sois en vie . Descartes disait : Je pense donc je suis ; et moi je dis : Je vous aime , donc je suis .
L'abbé dont vous me parlez vous en dirait autant s'il n'était pas mort . C'était un homme qui aimait passionnément la vérité, et qui détestait souverainement la tyrannie ecclésiastique . On dit qu'on a trouvé dans ses manuscrits quelques morceaux qui répondent assez aux idées que vous proposez . Cet homme pensait que de tous les fléaux qui affligent le genre humain, l'intolérance n'est pas le moins abominable .
Nous allons entreprendre un nouveau procès assez semblable à celui des Calas . Vous avez peut-être entendu parler de la famille Sirven, accusée d'avoir noyé sa fille que l'évêque de Castres avait enlevée pour la faire catholique . Le même préjugé dont la fureur avait fait rouer Calas fit condamner Sirven à être rompu vif, la mère à être pendue, et deux de leurs filles à assister à la potence et à être bannies . Heureusement ce jugement, plus cruel encore que celui de Calas et non moins insensé, n'a été exécuté qu'en effigie . Mais la famille, dépouillée de tous ses biens, est dans le dernier malheur .
M. de Beaumont à qui j'ai envoyé toutes les pièces que j'ai pu recouvrer, prétend qu'il y a des moyens de cassation encore plus forts que ceux qu'on a employés en faveur des Calas . Il nous manque encore des pièces importantes ; nous essuyons bien des longueurs ; mais nous ne nous décourageons point . Il faut enfin déraciner le préjugé monstrueux qui a fait deux fois des assassins de ceux dont le premier devoir est de protéger l'innocence .
Adieu, monsieur ; Mme Denis et toute ma famille vous font les plus sincères compliments . »
1 L'édition de Kehl, suite à la copie Beaumarchais rattache cette lettre à la fin de celle du 13 décembre 1763 à Audibert. Cette lettre a toujours été datée de 1763, mais les références à l'abbé Bazin et à Sirven indiquent sans aucun doute 1765, ainsi que le note Élie Galland (Affaire Sirven, 1910). Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/12/10/j-espere-que-vous-verrez-incessamment-a-marseille-un-petit-t-6112031.html
2 Saint-Tropez, ainsi que le complète Renouard d'après la lettre du 13 décembre 1763 .
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