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31/07/2022

ce qui finirait en deux jours si j’étais à Paris, traîne des mois entiers

... Last news from Brégançon ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

27è février 1767

En réponse à votre lettre du 21, mon cher ami, je vous dirai d’abord que j’ai été plus occupé que vous ne pensez de l’abominable calomnie qu’un homme en place a vomie contre vous. J’ai écrit à un de ses parents 1 d’une manière très forte qui ne compromet personne, et qui ne laisse pas même soupçonner que vous soyez instruit de ce procédé infâme. Vous êtes d’ailleurs à portée d’employer des gens de mérite qui le détromperont ou qui le désarmeront.

J’admire sous quelles formes différentes le fanatisme se reproduit : c’est un Protée né dans l’enfer, qui prend toutes sortes de figures sur la terre.

Je ne suis pas fâché de l’éclat qu’on a voulu faire contre Bélisaire. On ne peut que se rendre ridicule et odieux en attaquant une morale si pure. Les ennemis de la raison achèvent d’amonceler des charbons ardents sur leur tête . Le livre qu’ils attaquent en sera plus connu et plus goûté. Dieu et la raison savent tirer le mal du bien.

Je crois enfin l’affaire de M. de Lemberta finie  Ce n’a pas été sans peine. La communication entre nous et Genève est absolument interdite, et sans les bontés de M. le duc de Choiseul, nous mourrions de faim, après avoir fait vivre tant de monde.

J’ai été très content de la conversation du curé et du marguillier 2, dans laquelle on rend justice aux vues saines et patriotiques du ministère . Plus la permission qu’il a donnée d’exporter les blés mérite notre reconnaissance, et plus nous en devons aussi au Dictionnaire encyclopédique, qui démontre en tant d’endroits les avantages de cette exportation. Il est certain que c’est le plus grand encouragement qu’on pût donner à l’agriculture. Je le sens bien, moi qui suis un des plus forts laboureurs de ce petit pays.

J'attends de vos nouvelles sur ce beau mémoire en faveur des Sirven, et sur cette méprise dont vous devez être instruit . .

J'attends aussi l'ouvrage de M. de Beaumont, et je souhaite d'y trouver les traits que j'ai admirés dans l'autre .

Je suis, pour les Scythes, à peu près dans le même cas où Beaumont est pour son mémoire. J’éprouve des difficultés de la part de mes avocats ; et ce qui finirait en deux jours si j’étais à Paris, traîne des mois entiers . Voilà pourquoi vous n’avez point eu les Scythes. On dit que le tragique est absolument tombé ; je n’ai pas de peine à le croire.

M. le chevalier de Chastellux est une belle âme. Il a des parents qui ne sont pas si philosophes que lui. Je vous assure qu’on l’a échappé belle, et qu’il y avait là de quoi perdre un homme sans ressource. Je suis affligé que vous n’ayez rien à me dire de Platon 3 sur toutes les occasions que je saisis de lui rendre justice. Ec l'inf.

Voici les propres mots d’une lettre de l’impératrice de Russie 4, en m’envoyant son édit sur la tolérance :

« L’apothéose n’est pas si fort à désirer qu’on le pense ; on la partage avec des veaux, des chats, des ognons, etc., etc., etc. Malheur aux persécuteurs ! ils méritent d’être rangés avec ces divinités-là. » Elle m’ajoute que  les suffrages de MM. Diderot et d’Alembert l’encouragent beaucoup à bien faire .

Voici le premier chant de la Guerre de Genève, puisque vous voulez vous amuser de cette plaisanterie. »

1 Cette lettre manque.

2 Dialogue d’un curé de campagne avec son marguillier, au sujet de l’édit du roi qui permet l’exportation des grains ; par M. Gérardin, curé de Rouvre en Lorraine, 1766, in-8°.

Voir 222, https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_litt%C3%A9raire,_philosophique_et_critique,_%C3%A9d._Garnier/7/1767/F%C3%A9vrier

3 Diderot.

30/07/2022

Si vous voulez faire des miracles, tâchez seulement de rendre votre climat un peu plus chaud

... C'est fait, mais c'est une malédiction, les humains ont eu la main lourde . La proposition doit être inversée si notre survie ne doit pas être compromise à brève échéance .

Il fait chaud : https://www.youtube.com/watch?v=-5K-wmNKavA

Dansons sur le volcan !

 

 

« A Catherine II, impératrice de Russie

Au château de Ferney, 27è février 1767

Madame,

Votre Majesté impériale daigne donc 1 me faire juge de la magnanimité avec laquelle elle prend le parti du genre humain. Ce juge est trop corrompu et trop persuadé qu’on ne peut répondre que des sottises tyranniques à votre excellent mémoire. Ne pouvoir jouir des droits de citoyen parce qu’on croit que le Saint-Esprit ne procède que du père me paraît si fou et si sot que je ne croirais pas cette bêtise si celles de mon pays ne m’y avaient préparé. Je ne suis pas fait pour pénétrer dans vos secrets d’État ; mais je serais bien attrapé si Votre Majesté n’était pas d’accord avec le roi de Pologne . Il est philosophe, il est tolérant par principe . J’imagine que vous vous entendez tous deux comme larrons en foire pour le bien du genre humain, et pour vous moquer des prêtres intolérants.

Un temps viendra, madame, je le dis toujours, où toute la lumière nous viendra du Nord 2. Votre Majesté impériale a beau dire 3, je vous fais étoile, et vous demeurerez étoile. Les ténèbres cimmériennes resteront en Espagne ; et à la fin même, elles se dissiperont. Vous ne serez ni ognon, ni chatte, ni veau d’or, ni bœuf Apis ; vous ne serez point de ces dieux qu’on mange, vous êtes de ceux qui donnent à manger. Vous faites tout le bien que vous pouvez au dedans et au dehors. Les sages feront votre apothéose de votre vivant ; mais vivez longtemps, madame, cela vaut cent fois mieux que la divinité .

Si vous voulez faire des miracles, tâchez seulement de rendre votre climat un peu plus chaud. À voir tout ce que Votre Majesté fait, je croirai que c’est pure malice à elle si elle n’entreprend pas ce changement : j’y suis un peu intéressé, car, dès que vous aurez mis la Russie au trentième degré, au lieu des environs du soixantième, je vous demanderai la permission d’y venir achever ma vie . Mais, en quelque endroit que je végète, je vous admirerai malgré vous, et je serai avec le plus profond respect, madame, de Votre Majesté impériale, le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.»

2 Dans sa lettre du 22 décembre 1766, Voltaire a dit à Catherine qu’elle était l’astre le plus brillant du Nord : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/24/j-ambitionne-bien-d-oser-parler-au-nom-du-genre-humain-si-ma-voix-peut-enco.html

Dans l’Épître qu’il lui adresse en 1771 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_111

il dit : C’est du Nord aujourd’hui que nous vient la lumière.

3 Dans sa lettre du 9 janvier 1767, Catherine refuse la place que Voltaire lui donne parmi les astres.

29/07/2022

Il me semble que celui qui veut s’instruire doit préférer ses yeux à ses oreilles ; mais, pour celui qui ne veut que s’amuser, je consens de tout mon cœur qu’il soit aveugle, et qu’il puisse écouter des bagatelles toute la journée

... Facebook, Instagram, Twitter etc. permettent l'exact contraire, les bagatelles sont écrites, plutôt mal ; l'instructif est donné essentiellement par la radio; c'est du moins ce que je crois maintenant .

 

 

« A James Marriott

26è février 1767

Monsieur, je prends le parti de vous écrire par Calais plutôt que par la Hollande, parce que, dans le commerce des hommes comme dans la physique, il faut toujours prendre la voie la plus courte. Il est vrai que j’ai passé près de trois mois sans vous répondre ; mais c’est que je suis plus vieux que Milton, et que je suis presque aussi aveugle que lui. Comme on envie toujours son prochain, je suis jaloux de milord Chesterfield, qui est sourd 1. La lecture me paraît plus nécessaire dans la retraite que la conversation. Il est certain qu’un bon livre vaut beaucoup mieux que tout ce qu’on dit au hasard. Il me semble que celui qui veut s’instruire doit préférer ses yeux à ses oreilles ; mais, pour celui qui ne veut que s’amuser, je consens de tout mon cœur qu’il soit aveugle, et qu’il puisse écouter des bagatelles toute la journée.

Je conçois que votre belle imagination est quelquefois très ennuyée des tristes détails de votre charge. Si on n’était pas soutenu par l’estime publique et par l’espérance, il n’y a personne qui voulût être avocat général. Il faut avoir un grand courage, quand on fait d’aussi beaux vers que vous, pour s’appesantir sur des matières contentieuses, et pour deviner l’esprit d’un testateur et l’esprit de la loi.

Ma mauvaise santé ne m’a jamais permis de me livrer aux affaires de ce monde ; c’est un grand service que mes maladies m’ont rendu. Je vis depuis quinze ans dans la retraite avec une partie de ma famille . Je suis entouré du plus beau paysage du monde. Quand la nature ramène le printemps, elle me rend mes yeux, qu’elle m’a ôtés pendant l’hiver . Ainsi j’ai le plaisir de renaître, ce que les autres hommes n’ont point.

Jean-Jacques, dont vous me parlez, a quitté son pays pour le vôtre, et moi j’ai quitté, il y a longtemps, le mien pour le sien, ou du moins pour le voisinage. Voilà comme les hommes sont ballottés par la fortune. Sa sacrée Majesté le Hasard décide de tout.

Le cardinal Bentivoglio, que vous me citez, dit à la vérité beaucoup de mal du pays des Suisses, et même ne traite pas trop bien leurs personnes ; mais c’est qu’il passa du côté du mont Saint-Bernard, et que cet endroit est le plus horrible qu’il y ait dans le monde 2. Le pays de Vaud au contraire, et celui de Genève, mais surtout celui de Gex, que j’habite, forment un jardin délicieux. La moitié de la Suisse est l’enfer, et l’autre moitié est le paradis.

Rousseau a choisi, comme vous le dites, le plus vilain canton de l’Angleterre : chacun cherche ce qui lui convient ; mais il ne faudrait pas juger des bords charmants de la Tamise par les rochers de Derbyshire. Je crois la querelle de M. Hume et de Jean-Jacques terminée, par le mépris public que Rousseau s’est attiré, et par l’estime que M. Hume mérite. Tout ce qui m’a paru plaisant, c’est la logique de Jean-Jacques, qui s’est efforcé de prouver que M. Hume n’a été son bienfaiteur que par mauvaise volonté . Il pousse contre lui trois arguments qu’il appelle trois soufflets sur la joue de son protecteur 3. Si le roi d’Angleterre lui avait donné une pension, sans doute le quatrième soufflet aurait été pour Sa Majesté. Cet homme me paraît complètement fou. Il y en a plusieurs à Genève. On y est plus mélancolique encore qu’en Angleterre ; et je crois, proportion gardée, qu’il y a plus de suicides à Genève qu’à Londres. Ce n’est pas que le suicide soit toujours de la folie. On dit qu’il y a des occasions où un sage peut prendre ce parti ; mais, en général, ce n’est pas dans un accès de raison qu’on se tue.

Si vous voyez M. Franklin 4, je vous supplie, monsieur, de vouloir bien l’assurer de mon estime et de ma reconnaissance. C’est avec ces mêmes sentiments que j’ai l’honneur d’être avec beaucoup de respect, monsieur, votre, etc. »

1 Voltaire a publié, en 1775, Les Oreilles du comte de Chesterfield et Le chapelain Goudman ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Oreilles_du_Comte_de_Chesterfield_et_le_Chapelain_Goudman

2 Guide Bentivoglio, Lettere, ed. Borgioli, 1807, P ; 3-5.

3 Dans la lettre de J.-J. Rousseau à Hume, du 10 juillet 1766, il y a troisième soufflet sur la joue de mon patron.

4 Benjamin Franklin, né en 1706, mort en 1790. En réalité Marriott n'est pas aussi étroitement associé à Franklin que le croit V*.

28/07/2022

je ne me rebute pas aisément, et toutes les fois qu'il s'agira de défendre l'innocence contre les oppresseurs je combattrai jusqu'à mon dernier soupir

... Combien d'entre nous peuvent en dire autant ?

 

 

« A Charles Manoël de Végobre, Avocat

à Genève

Je vous demande pardon, monsieur, si je ne vous ai pas remercié plus tôt de votre lettre . J'ai eu beaucoup de difficultés à surmonter pour les Sirven, mais je ne me rebute pas aisément, et toutes les fois qu'il s'agira de défendre l'innocence contre les oppresseurs je combattrai jusqu'à mon dernier soupir . Il y a trois ans que je poursuis cette affaire, et j'espère encore voir le succès avant ma mort .

M . le duc de Choiseul a donné le brevet le plus honorable, le plus ample et le plus favorable à Mlle Calas au sujet de son mariage avec le ministre de la chapelle de l'ambassadeur de Hollande à Paris 1. C'est une grande nouvelle . Il faudra bien en venir à la fin au dogme abominable de la tolérance . Mais souvenez-vous un jour, vous autres ennemis des usurpations papales, d'être tolérants à votre tour .

Adieu, monsieur, permettez-moi de vous embrasser tendrement sans cérémonie.

V.

25è février 1767 à Ferney. »

27/07/2022

le public égaré  semble ne vouloir que des événements incroyables, entassés les uns sur les autres

... D'où le succès des Jurassic Park , Jaws et  Avengers, etc. jusqu'à plus soif, en séries sans fin .

 

 

« A Henri-Louis Lekain

25 février 1767

Ne vous laissez point subjuguer, mon cher ami, par un plan tout à fait antithéâtral 1 qu’on propose. Je ne réponds pas de l’effet d’une pièce où tout est simple et naturel, dans un temps où le public égaré  semble ne vouloir que des événements incroyables, entassés les uns sur les autres, avec des vers aussi barbares que ceux de Garnier et de Hardy 2. Résistez au torrent du goût le plus détestable qui ait jamais déshonoré la nation. J’aime mieux tomber avec un ouvrage fait selon les règles de l’art, que de réussir par un poème barbare.

Je ne puis d’ailleurs m’imaginer que la nature ne parle pas au cœur des Parisiens comme elle nous parle ; et je ne vois pas pourquoi ce qui nous fait répandre des larmes serait mal reçu chez vous.

Je vous ai envoyé quelques changements, et je me flatte que vous en avez fait usage. En voici encore un au quatrième acte, dans lequel Indatire a nécessairement trop raison contre Athamare. Je fortifie votre rôle autant que la situation le permet ; c’est après ce vers d’Indatire :

À servir sous un maître on me verrait descendre !

 

Athamare

Va, l’honneur de servir un maître généreux,
Qui met un digne prix aux exploits belliqueux,
Vaut mieux que de ramper dans une république
Insensible au mérite, et même tyrannique.
Tu peux prétendre à tout en marchant sous ma loi.
J’ai parmi, 3
etc.

Il faut encore, mon cher ami, que je vous dise que si, dans la scène entre Obéide et son père, au cinquième acte, il y a encore quelques longueurs, il faudra retrancher les quatre vers d’Obéide :

Une invincible loi me tient sous son empire 4, etc.


Mais j’avoue que je les supprimerais à regret. Encore une fois laissez dire les critiques de cabinet, et rapportez-vous-en à l’effet que fait la pièce au théâtre ; il n’y a point de meilleur juge. »

1 Littré cite de mot d'antithéâtral comme un néologisme .

2 Robert Garnier (1545-1601 ) dont les tragédies les plus célèbres sont Les Juives, et Bradamante (15980) ; Alexandre Hardy, né vers 1560, mort en 1632, auteur de très nombreuses tragédies, comédies, et tragi-comédies .

3 Les Scythes, Ac IV, sc. 2 .

4 Ce vers (et les suivants, semble-t-il,) fut maintenu à l'acte V, sc. 3.

26/07/2022

Vos désirs sont mes lois

... le temps des vacances ... Et après ? ...

 

« A Henri Rieu

24 février [1767] au matin

Mon cher corsaire, je m'intéresse à vos plaisirs et aux avantages de M. Rosimond 1. Vos désirs sont mes lois ; il n'a qu'à venir tout à l'heure avec un copiste pour copier les rôles ; sa principale actrice et deux acteurs pour les entendre . La troupe de Ferney récitera la pièce devant les principaux acteurs de M. Rosimond pour leur donner l'esprit des rôles . Il peut venir dès aujourd'hui dîner s'il en a le temps, ou coucher, et je voudrais bien que vous fussiez du voyage . »

1 Jean -Nicolas Prévost, dit Rosimond, directeur du théâtre de Genève . Voir : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=gen-001%3A1997%3A45%3A%3A277

et : https://journals.openedition.org/edl/3533

25/07/2022

Tu peux prétendre à tout en marchant sous ma loi

... C'est du moins ce que l'on essaie de nous faire croire : la fameuse égalité des chances sous notre sacrée république bureaucratique .

 

Plus sérieusement : SVP, qui a des nouvelles de LoveVoltaire , extraordinairement absente de son blog http://www.monsieurdevoltaire.com/ depuis le 13 juin ?

Grand merci pour votre attention .

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

24è février 1767 à Ferney

Mon amitié est hardie, mon cher colonel, mais a vôtre est indulgente . Si l'esprit suffisait pour faire des vers tragiques vous en feriez comme Racine . Mais la poésie est un art comme la musique ; il a ses modes et ses clefs .

Semble à tous les humains prescrire un même sort

il faudrait :

Semblent à tous les humains prescrire un même sort

et le vers n'y serait pas ; c'est une faute à la fois contre la syntaxe et contre la versification, et des forces qui prescrivent un sort sont une plus grande faute contre l'art d'écrire .

Ressort, qui est au singulier, ne peux rimer avec corps qui finit par un s .

Génie rime mal avec patrie, travaux avec héros ; et ces licences ne sont jamais permises que dans des cas extraordinaires . Indatire ne peut rimer avec vivre, ni famille avec docile . Mais ce qu'il y a de plus répréhensible, c'est qu'Athamare après avoir parlé de sa maîtresse avec la plus grande chaleur, après avoir redemandé Obéide avec emportement, reprenne son sang-froid pour examiner la préférence qu'on doit donner au gouvernement monarchique sur le républicain . Cette dissertation est à sa place dans la tragédie de Brutus entre l’ambassadeur Arons et le jeune Titus ; mais ici elle est intolérable, elle ferait tomber la pièce . Je vous demande en grâce de ne faire ce tort ni à vous, ni à moi .

J'ai encore quelque chose de plus sérieux à vous dire . On saurait bientôt que ces vers sont de vous , MM. de Berne en seraient très mécontents , il semble que vous ayez voulu désigner leur gouvernement . Comptez que vous ne manquez pas de gens Lausanne qui en feraient une application maligne . Je vous parle avec une franchise que ma tendresse pour vous justifie , je vous dis vrai . Qui aimera la vérité si ce n'est vous ? Si vous ne l'aimiez pas, je vous conjurerais du moins de la pardonner, et de supprimer par bonté pour moi cette addition qui me ferait une peine extrême .

Je vous embrasse avec la confiance d'un homme qui vous sera attaché toute sa vie .

N. B. – Si vous voulez absolument quelques vers qui reviennent à votre idée, il faut sans doute les placer avant le moment où Athamare a parlé d'Obéide ; car après avoir prononcé son nom il ne doit plus parler d'autre chose . Mais ces vers doivent être en fort petit nombre, ce n'est pas ici le lieu d'une dissertation . En voici quatre qui me paraissent assez propos, et qu'on ne peut reprocher à un Français qui les avoue . C'est après qu'Indatire a répondu à Athamare :

A servir sous un maître on me verrait descendre ?

Athamare

Va, l'honneur de servir un maître généreux

Qui met un digne prix aux exploits belliqueux,

Vaut mieux que de ramper dans une république

Insensible au mérite et souvent tyrannique.

Tu peux prétendre à tout en marchant sous ma loi .

J'ai parmi etc.

Je trouve ces vers fort convenables pour le théâtre de Paris, je les lui envoie . Si vous trouvez qu'ils puissent passer à Lausanne comme étant d'un Français vous ne risquez rien, je songe à vous plus qu'à moi .

Présentez je vous prie, mes respects à votre aimable troupe .

V. »