31/08/2022
Il n'est pas permis à un bon sujet de se donner des plaisirs quand la cour est dans les alarmes
... A quoi va servir ce nouveau bidule mis au jour par notre président omniprésent et omniscient ?
https://www.ladepeche.fr/2022/08/30/conseil-de-defense-en...
« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally
16 mars [1767]
Je vous dois depuis longtemps une réponse, mon cher ami . J'amusais mes maux et ma décrépitude en faisant jouer Les Scythes à Ferney ; mais , sur la nouvelle de l'état de Mme la dauphine, nous avons tout interrompu . Il n'est pas permis à un bon sujet de se donner des plaisirs quand la cour est dans les alarmes et peut-être dans le deuil .
Je vous supplie de faire mes tendres compliments à M. de Chennevières .
S'il y a quelque chose de nouveau, ayez la bonté de nous le mander . Nous prions la […] de se souvenir toujours de nous . »
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L’histoire et la bibliographie sont son fait ; mais on risque avec cela de mourir de faim, si on n’a pas quelque chose d’ailleurs
... Ce ne sont pas les professeurs qui sont en ordre de marche actuellement qui diront le contraire, hélas !
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
À Ferney, ce 16 mars 1767
Votre lettre du 2 de mars, monseigneur, m’étonne et m’afflige infiniment. Mon attachement pour vous, mon respect pour votre maison, et toutes les bienséances réunies, ne me permirent pas de vous envoyer une pièce de théâtre le jour que j’apprenais la mort de Mme la duchesse de Fronsac. Je vous écrivis 1, et je vous demandai vos ordres. Voici la pièce que je vous envoie. Il se sera passé un temps assez considérable pour que votre affliction vous laisse la liberté de gratifier votre troupe de cette nouveauté, et que vous puissiez même l’honorer de votre présence.
M. de Thibouville va faire jouer à Paris Les Scythes ; c’est une obligation que je lui ai, car c’est une peine très grande, et souvent désagréable, que de conduire des acteurs.
J’ai chez moi actuellement M. de La Harpe et sa femme. Vous n’ignorez pas que M. de La Harpe est un homme de très grand mérite, qui vient de remporter deux prix à notre Académie, par deux ouvrages excellents 2. Il récite les vers comme il les fait . C’est le meilleur acteur qu’il y ait aujourd’hui en France. Il est un peu petit, mais sa femme est grande. Elle joue comme Mlle Clairon, à cela près qu’elle est beaucoup plus attendrissante. Je souhaite que la pièce soit jouée à Paris et à Bordeaux comme elle l’est à Ferney.
La petite Durancy est mon élève. Elle vint, il y a dix ans, à Genève ; c’était un enfant. Je lui promis de lui donner un rôle, si jamais elle entrait à Paris à la Comédie ; elle me fit même, par plaisanterie, signer cet engagement ; il est devenu sérieux, et il a fallu le remplir. Je lui ai donné le rôle d’Obéide. Je ne connais point Mlle Dubois ; je ne savais pas même quelle sorte d’emploi elle avait à la Comédie. Vous savez qu’il y a près de vingt ans que les Fréron me chassèrent de Paris, où je ne retournerai jamais. Vous savez aussi que les pièces de théâtre font mon amusement ; j’en fais présent aux comédiens, et je ne dois attendre d’eux que des remerciements, et non des tracasseries. C’était même pour arrêter toutes les querelles de ce tripot que j’avais fait imprimer la pièce, que je ne comptais pas livrer au théâtre, ainsi que je le dis dans la préface. Enfin la voici avec tous les changements que j’ai faits depuis, et avec les directions, en marge, pour l’intelligence de la pièce, et pour gouverner le jeu des acteurs. Je ne sais si vous serez en état de vous en amuser, mais vous le serez toujours de la protéger. Ces petites fêtes font l’agrément de ma vieillesse. Je vous envoie la pièce dans un autre paquet, et j’annonce sur l’enveloppe le titre du livre afin qu’il puisse servir de passeport.
Je me doutais bien que Galien 3, qui, dans ma tragédie, joue le rôle d’un jeune Scythe, ne jouerait pas dans votre réponse celui d’un futur inspecteur des toiles . Mais vous êtes assez puissant pour lui procurer autre chose. L’histoire et la bibliographie sont son fait ; mais on risque avec cela de mourir de faim, si on n’a pas quelque chose d’ailleurs. Il attend tout de vos bontés. Il travaille toujours beaucoup, et il a déjà plusieurs portefeuilles remplis de bons matériaux sur le Dauphiné, où il voudrait bien aller faire un tour pour voir ses parents près Grenoble, qui n’est pas loin d’ici.
Comme il se connaît en livres rares, il en a acheté un petit nombre de ce genre, et que vous n’avez pas. Il veut vous les offrir ; mais comme ce sont de ces livres sur lesquels on n’entend pas raillerie en France, je ne suis point du tout d’avis qu’il vous les envoie . Il y aurait du danger, et les conséquences en pourraient être fâcheuses . Il vaut mieux qu’il les garde jusqu’à ce que vous m’ayez fait connaître vos ordres sur ces deux derniers articles.
Agréez, monsieur, les sentiments inaltérables du respect et de l’attachement que je conserverai pour vous jusqu’au dernier moment de ma vie.
V. »
1 C’est la lettre du 11 février 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/06/23/je-sais-que-chaque-province-a-ses-embarras-et-qu-il-est-bien-6388469.html
2 Voir lettre du 17 septembre 1766 à La Harpe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/23/vous-n-ignorez-pas-tous-les-bruits-qui-ont-couru-6356712.html
3 Voir lettre du 8 octobre 1766 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/10/il-n-y-a-point-assurement-de-facon-de-pisser-plus-noble-que-6359638.html
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30/08/2022
J’ai souhaité qu’au moins des infortunés fussent unis
... Ils le sont, les Ukrainiens, les Pakistanais, les paysans, les sans-logis, les affamés, ... Mais l'union dans l'infortune, minimum vital selon Voltaire, ne suffit diablement pas à en sortir . Ne comptons pas sur ceux qui créent les problèmes pour les résoudre .
« A Charles Palissot de Montenoy
à Argenteuil
par Paris
16è mars 1767
Vous avez touché, monsieur, la véritable corde ; j’ai vu Fréret, le fils de Crébillon, Diderot, enlevés et mis à la Bastille ; presque tous les autres, persécutés ; l’abbé de Prades, traité comme Arius par les Athanasiens ; Helvétius, opprimé non moins cruellement ; Tercier, dépouillé de son emploi ; Marmontel, privé de sa petite fortune 1 ; Bret, son approbateur, destitué et réduit à la misère. J’ai souhaité qu’au moins des infortunés fussent unis, et que des forçats ne se battissent pas avec leurs chaînes 2. Je n’ai pu jouir de cette consolation : il ne me reste qu’à achever, dans ma retraite, une vie que je dérobe aux persécuteurs.
Jean-Jacques Rousseau, qui pouvait être utile aux lettres, en est devenu l’ennemi par un orgueil ridicule, et la honte par une conduite affreuse. Je conclus qu’il faut cultiver son jardin. Je cultive le mien, et je serai toujours avec autant d’estime que de regret, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur 3
V. »
1 Ce ne fut pas à l’occasion du Bélisaire, comme quelques personnes l’ont dit, que Marmontel fut privé du privilège du Mercure, mais en 1759, c’est-à-dire huit ans plus tôt, à l’occasion d’une Parodie d’une scène de Cinna, qui était l’ouvrage de Cury ; voyez la note 4, tome XXXVII, page 33. (Moland , 1883 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome37.djvu/43
2 Voltaire avait dit dans les derniers vers de la troisième partie de la Loi naturelle, poème , fin de la IIIè partie : https://athena.unige.ch/athena/voltaire/voltaire-poeme-sur-la-loi-naturelle.html
Je crois voir des forçats dans un cachot funeste,
Se pouvant secourir, l’un sur l’autre acharnés,
Combattre avec les fers dont ils sont enchaînés
3 Après avoir transcrit cette lettre, Palissot y ajoute, pour publication , une note (IV, 418-419 ) qui met assez bien les choses au point concernant les persécutions dont parle V* :
« On n'a pas trop conçu la liaison de cette réponse avec la lettre précédente, mais on a très bien compris que M. de Voltaire ne voulait plus d'explications . A cette liste de persécutés qu'il a pris plaisir à composer lui-même, on serait tenté de croire que la nation a vu renouveler contre les pauvres philosophes les dragonnades dont les protestants avaient gémi sur la fin de l'autre siècle . Il faut que M. de Voltaire ait été trompé par des mémoires bien étranges . Réduisons cette liste à ce qu'elle renferme de vrai, nous verrons que toutes ces persécutions sont infiniment exagérées et que la philosophie a été fort étrangère à la plupart .
Fréret fut mis à la Bastille en 1714 , temps où l'on ne parlait pas encore en France de cette philosophie, à laquelle un caprice de mode a donné depuis tant de faveur . Il avait lu à l'Académie des inscriptions un discours sur l'origine des Français, qui parut très savant, mais trop hardi . On voit qu'il n’était question que d'une discussion historique .
Crébillon le fils eut, pendant quelques jours, le sort de Fréret, pour avoir fait le roman de Tanzaï, que certainement il n'a jamais regardé comme une production philosophique .
Il y avait de la philosophie dans l'affaire de Diderot . Il avait été mis à Vincennes pour ses Lettres sur les aveugles : mais cette disgrâce ne fut ni dure , ni longue ; et depuis, on n'a pas entendu dire qu'il ait essuyé la plus légère persécution .
L'abbé de Prades, pour une thèse de théologie, qui pouvait passer du moins pour imprudente, fut exclu de la Sorbonne . Il était sans fortune, et cette aventure lu a valu un bon canonicat à Breslau .
Il y eut véritablement une violent orage contre le livre De l’Esprit, orage qui n'aurait pas eu lieu, si l'auteur avait eu pour lui-même le ménagement de faire imprimer cet ouvrage chez l'étranger . Il en coûta une place à M. Tercier, censeur de ce livre . Il avait alors près de soixante-quinze ans . Au reste cette persécution fut bientôt calmée, et l'auteur est mort dans le sein de sa famille, riche, considéré et regretté, parce qu'il méritait de l'être .
M. Marmontel perdit le privilège du Mercure parce qu'il eut le malheur d'être soupçonné d'avoir parodié une scène de Cinna, d'une manière très injurieuse pour quelques personnes du premier rang . Sa fortune, malgré cette perte, est demeurée très honnête, et depuis il a obtenu le brevet d'historiographe de France, et les grands honneurs de l'Académie .
M. Bret, pour avoir approuvé le conte moral de Bélisaire, fut rayé de la liste des censeurs, et destitué d'une place qui ne lui rapportait rien . Il est actuellement rétabli sur cette même liste ; il n'a jamais été dans la misère : il jouit au contraire, d'une aisance qui le distingue parmi les gens de lettres . M. Bret , d'ailleurs, ne s'est jamais donné pour philosophe . C'est un homme aimable,,un homme d'esprit, qui n'a guère fait que des comédies .
Les forçats dont parle M. de Voltaire, ne sont donc pas fort à plaindre . Il avait sûrement un peu de mélancolie lorsqu’il écrivit cette lettre . »
La lettre à laquelle V* répond n'est pas datée dans les Œuvres de M. Palissot, mais dut être écrite vers le 20 février 1767 . Palissot s'y justifie avec une certaine dignité . Il y parle d'une persécution qu'on lui avait suscitée auprès du roi de Pologne à propos de « plaisanteries innocentes » sur Rousseau, dont il « repecter[a] toujours les mœurs et les rares talents », alors que d'autres ( allusion à V* ) l' « outragent aujourd'hui avec indécence » . Il ajoute : « Est-ce à vos yeux un crime si capital en littérature que de n'admirer ni M.M . Diderot, Marmontel,Duclos,ni quelques autres ? » Enfin il fait valoir qu'il a supprimé la préface de sa comédie des Philosophes.
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29/08/2022
graver surtout ce grand mot de l’impératrice de Russie : « Malheur aux persécuteurs ! »
... Gravé et depuis effacé .
Le czar Poutine y est totalement opposé , détestable va-en-guerre, c'est bien là le malheur . L'histoire retiendra son nom à l'égal de celui de Staline, comme l'un des plus détestables . La Russie n'est-elle pas suffisamment grande qu'il faille piller et voler d'autres territoires ?
Persécuteurs
« A Jean-François Marmontel
16è mars 1767
Je prie le secrétaire de Bélisaire de dire à Mme de Geoffrin que j’avais bien raison de n’être point surpris du billet du roi de Pologne. Il vient de m’écrire sur la tolérance une lettre dans le goût et dans le style de Trajan ou de Julien 1. Il faudrait la graver dans les écoles de Sorbonne, et y graver surtout ce grand mot de l’impératrice de Russie : « Malheur aux persécuteurs ! »
Mon cher confrère, un grand siècle se forme dans le Nord, un pauvre siècle déshonore la France. Cependant l’Europe parle notre langue. À qui en a-t-on l’obligation ? À ceux qui écrivent comme vous, à ceux qu’on persécute, Non lasciar la magnanima impresa.2
Ce pauvre abbé Mauduit 3, qui se sacrifie, demande la plus grande discrétion . »
1 Voir lettre du 21 février 1767 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1767/Lettre_6765 et http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/28/je-voudrais-que-les-rois-et-princes-etablissent-hautement-la-6398214.html
2 Ne pas abandonner la généreuse entreprise ; Pétrarque, Sonnets, VII, 14, cité approximativement .
3 Nom sous lequel V* a écrit l'Anecdote sur Bélisaire : https://fr.wikisource.org/wiki/Anecdote_sur_B%C3%A9lisaire/%C3%89dition_Garnier
08:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
Si j'osais, j'irais jusqu'à vous prier de mettre un a à tous les imparfaits, mais je ne suis pas encore assez sûr de votre amitié pour vous proposer une si grande conspiration
... Il semblerait bien que ce soit ce même type de projet qui courre dans les divers partis, construits de bric et de broc, pour de basses réalités financières plus que pour des progrès réels dans la vie de leurs concitoyens .
« A Jacques Lacombe, Libraire
Quai de Conti
à Paris 1
Si vous avez bien voulu faire, monsieur, ce que vous m'avez promis, si vous avez conservé les planches de cette pauvre tragédie des Scythes, je vous prie de corriger les endroits indiqués dans le petit papier ci-joint .
Il sera fort difficile que je reçoive votre ballot ; rien ne passe de Lyon dans nos déserts de Scythie . L'Histoire du cabinet du roi de M. de Buffon 2 est encore à la douane depuis un mois sans pouvoir me parvenir . Mon âme et mon corps manquent depuis trois mois des choses les plus nécessaires et c'est moi qui souffre le plus sans contredit de la guerre de Genève . Ce n'est pas sans raison que je me suis amusé à faire la tragédie des Scythes ; mais elle n'était faite que pour être jouée sur mon théâtre et non pas sur celui de Paris .
Je compte toujours sur votre amitié, et je vous réitère mes prières de donner un petit honoraire de vingt-cinq louis d'or à M. Lekain pour toutes les peines qu'il a bien voulu prendre , car quoique cette pièce ne fût point faite du tout pour Paris, il faut pourtant témoigner sa reconnaissance à celui qui s'est donné tant de peine pour si peu de chose .
N. B. – Si vous ne pouvez faire corriger les sottises marquées dans le papier ci-joint, je vous prie de faire un errata .
N. B. – Je suis bien fâché contre vous, de ce que, dans votre Avant-coureur, vous imprimez toujours françois par un o . Je vous demande en grâce de distinguer mon bon patron saint François d'Assise de mes chers compatriotes . Imprimez, je vous prie, anglais et français . Si j'osais, j'irais jusqu'à vous prier de mettre un a à tous les imparfaits, mais je ne suis pas encore assez sûr de votre amitié pour vous proposer une si grande conspiration .
Corrections à faire sur l'imprimé de la tragédie des Scythes .
V.
16è mars 1767.
Page 14, ôtez ces deux vers 3 :
Allons chez Obéide, et que cette journée
Soit pour le peuple scythe à jamais fortunée .
et mettez à la place ces deux-ci :
Cher ami, ce grand jour renouvelle ma vie,
Il me fait citoyen de ta noble patrie .
Page 19, ôtez ce vers :
C'est dans ses derniers ans un appui qu'il faut prendre ,
et mettez :
Il ne l’ordonne point, mais je sais trop l'entendre .
à la fin de la pièce, au lieu des deux derniers vers :
Déplorez avec moi ce fatal sacrifice
Et sans être inhumains cultivons la justice .
mettez ces deux-ci :
Nous sommes trop vengés par un tel sacrifice,
Scythes, que la pitié succède à la justice .
Page 8 :
Mais je n'userai point de la loi paternelle,
corrigez :
Je ne la gêne point sous la loi paternelle .
N. B. – Les deux vieillards se lèvent ( page 12) à ce vers :
Ce souvenir honteux soulève encore mon cœur .
Page 19, ôtez :
Chaque mot qu’il m’a dit a glacé mon courage.
Sozame
Je conçois ta terreur et mon cœur la partage
et mettez à la place :
Où suis-je ? Qu'a-t-il dit?Où me vois-je réduite ?
Sozame
Dans quel abîme affreux , hélas ! T'ai-je conduite ! »
1L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais, amalgame cette lettre et celle d'avril 1767, en faisant une « lettre »datée de façon vague, d'avril .
2 Sous titre de l'Histoire naturelle de Buffon, dont le volume XV est daté de 1767 . Voir : https://www.musee-parc-buffon.fr/wp-content/uploads/2021/10/LHistoire-Naturelle-generale-et-particuliere-avec-la-description-du-Cabinet-du-Roi-1749-1767.pdf
3 On trouve ces variantes dans le lettre du 14 mars à Linguet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/25/m-6397882.html
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28/08/2022
Je voudrais que [les rois et princes] établissent hautement la liberté de conscience dans leurs États, et que cette liberté les enrichit
... Pour actualiser la citation, pour faire bonne mesure, ajoutons gaiement tous les chefs d'Etats . C'est trop demander , me direz-vous ? C'est pourtant un minimum vital .
« A Etienne-Noël Damilaville
16è mars 1767 1
Voici la réponse toute ouverte que je vous envoie pour M. Linguet 2. je vous prie de faire tenir à Mme de Florian le premier chant de notre sotte Guerre de Genève .
Je vous enverrai incessamment ce que M. Lamberta demande 3. Nous avons suspendu à Ferney les représentations des Scythes . Nous ne prétendons pas nous réjouir quand la cour est dans les alarmes ou dans le deuil. J’ignore le sort de madame la dauphine, mais il ne peut être que funeste. Quoique nous ne soyons que des Suisses, nous avons le cœur aussi français que les Parisiens.
Je voudrais que les sorboniqueurs, qui persécutent Marmontel, apprissent que l’impératrice de Russie, les rois de Danemark, de Pologne, de Prusse, et la moitié des princes d’Allemagne, établissent hautement la liberté de conscience dans leurs États, et que cette liberté les enrichit.
J’ai reçu du roi de Pologne une lettre 4 qui ferait honneur à Trajan pour le fond et pour le style.
Aimez-moi comme je vous aime. É L.
N. B. – Je suis toujours très fâché que vous ne m'ayez rien dit de Tonpla sur la préface des Scythes .»
1Copie par Wagnière ; l'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais amalgame cette lettre et celle du 18 mars 1767, datant le tout du 18 mars 1767.
2 Lettre du 14 mars 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/25/m-6397882.html
3 Par une lettre du 11 mars 1767 : un exemplaire de l'ouvrage sur les courbes à double courbure, si celui-ci est imprimé, et un portrait de V* ; voir : http://dalembert.academie-sciences.fr/Correspondance/oeuvres.php?Exp_lettre=Voltaire
4 Voir lettre du 21 février 1767 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1767/Lettre_6765
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c’est toujours le plan qui nous échauffe le plus que l’on doit choisir
... Quels choix feront donc nos hommes/femmes politiques ? Lesquels proposeront de quoi nous échauffer ou nous glacer ?
Fin de l'abondance !
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon
16è mars 1767
Non-seulement je corromps la jeunesse, mon cher et jeune confrère, mais la vieillesse ne m’empêche point de donner de mauvais exemples. Je suis honteux de faire des tragédies à mon âge. Je vous réponds un peu tard, parce que j’ai passé mon temps à soutenir la guerre contre mes anges. Je suis quelquefois très docile et quelquefois très opiniâtre. Je souhaite que vous n’ayez pas été trop docile en changeant votre plan . Vous aurez sans doute senti que le nouveau servira mieux votre génie : c’est toujours le plan qui nous échauffe le plus que l’on doit choisir. Celui que j’avais imaginé pour mes pauvres Scythes m’animait, et celui qu’on me proposait me glaçait. J’ai travaillé pour mes Suisses et pour moi ; la pièce nous a amusés à Ferney, et c’est tout ce que je voulais, car, en cultivant son jardin, il faut aussi ne pas oublier son théâtre.
Nous avons suspendu nos plaisirs, sur la nouvelle du triste état où était madame la dauphine 1 ; nous sommes bons Français, quoique nous ne soyons que des Suisses.
M. de La Borde m’avait recommandé de l’informer de tout ce qu’on me manderait sur son péché originel 2. Je n’eus d’abord que des choses très flatteuses à lui faire savoir ; mais depuis il m’est revenu qu’on faisait des critiques, et que l’on trouvait quelques endroits faibles ; je m’en rapporte à vous : il y a bien de l’arbitraire dans la musique . Les oreilles, que Cicéron appelle superbes 3, sont fort capricieuses. Il n’en est pas ainsi du cœur, c’est un juge infaillible ; et quand il est ému dans une tragédie, toutes les critiques n’ont qu’à se taire.
Mon petit La Harpe a fait une réponse à l’abbé de Rancé 4. Cet abbé de Rancé avait écrit ce qu’on appelle, je ne sais pourquoi, une héroïde à ses moines 5; M. de La Harpe fait répondre un moine, qui assurément vaut mieux que l’abbé. C’est un des meilleurs ouvrages que j’ai vus ; il faudrait qu’il fût entre les mains de tous les novices, il n’y aurait plus de profès ; jamais on n’a mieux peint l’horreur de la vie monacale.
J’ignore encore si la folle Sorbonne a condamné le sage Bélisaire. De quoi se mêle-t-elle ?
Si vous avez l’Histoire de la Philosophie par Deslandes 6, vous y verrez, tome III, page 299 : « La Faculté de théologie est le corps le plus méprisable qui soit dans le royaume. » Je serais bien fâché de penser comme M. Deslandes ; à Dieu ne plaise ! personne ne respecte plus que moi la sacrée faculté ; mais je vous aime encore davantage.
V. »
1 Marie-Joséphine de Saxe, mère de Louis XVI, de Louis XVIII et de Charles X, était morte le 13 mars 1767.
2 L'opéra de Voltaire : Pandore ; voir https://fr.wikisource.org/wiki/Pandore_(Voltaire)/1740
On en avait, le 14 mars, fait sur le théâtre des Menus-Plaisirs une répétition avec la musique de La Borde.
3 Cicéron, Orator, XLIV, 150 : … offendent auris, quarum est iudicium superbissimum.
http://www.perseus.tufts.edu/hopper/text?doc=Perseus:abo:phi,0474,040:44:150
4 Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/577
Sur la lettre de l'abbé de Rancé de Barthe, voir lettre du 14 mars 1767 à Hennin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/23/vale-et-ride-6397454.html
La Harpe écrivit en réponse la Réponse d'un solitaire de la Trappe à la lettre de l'abbé de Rancé, où, prenant le masque d'un moine, il attaquait violemment l'institution monastique . V* ayant lu cette réponse en manuscrit, composa pour elle une préface et publia le tout dans les Choses utiles et agréables .
5 Vers cette époque, on appelle héroïdes des lettres en vers à l'imitation des Héroïdes d'Ovide . Dorat composa ainsi une héroïde tirée des Lettres portugaises .
Voir : https://utpictura18.univ-amu.fr/rubriques/crebillon/monodie-epistolaire
6 André-François Bourreau-Deslandes : Histoire critique de la philosophie, 1737 :voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65290972/f317.item
et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9671858g.texteImage
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