Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/09/2022

Quelque expérience que vous ayez de la méchanceté humaine, vous avez dû être bien surpris de ce brutal excès de fanatisme...L'esprit de faction ne s'éclaire ni ne s'adoucit quand la superstition l'anime

... Salah Abdeslam and Co, que je qualifie d'ordures, sont et seront d'indécrottables islamistes, à rayer du monde libre : https://www.bfmtv.com/police-justice/terrorisme/attentats...

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

Avocat en Parlement, etc.

rue pavée Saint-André-des-Arts

à Paris 1

Sirven et ses filles sortent de chez moi, monsieur, je les ai étonnés de la calomnie dont on a voulu noircir la famille Calas ; je leur ai appris ce conte si horrible, si absurde et si répandu , selon lequel la servante de Mme Calas 2 vient d'avouer par-devant notaire, à l'article de la mort, que Mme Calas, son mari et un de ses fils et M. de Lavaysse leur ami, avaient en effet étranglé Marc-Antoine Calas pour avoir eu quelque tentation d'entrer dans la communion romaine ; cette servante, dit-on, qui a toujours été catholique, qui a fréquenté les sacrements de l'église romaine pendant cinquante années, n'était qu’une protestante déguisée . Elle avait elle-même servi à étrangler le fils de son maître . Elle a tout révélé en mourant . Voilà ce qu'on a donné pour certain à Versailles , à Paris et dans la province . C'est ainsi qu'on exposait encore la famille innocente des Calas et le vertueux Lavaysse au supplice, qu'on flétrissait tout le Conseil d’État et qu'on accusait le roi d'avoir répandu ses bienfaits sur des parricides .

Je voudrais que vous eussiez vu, monsieur, les pleurs qui coulaient des yeux de Sirven et de ses filles au récit que je leur ai fait . Vous auriez sans doute mêlé vos larmes aux leurs . Quelque expérience que vous ayez de la méchanceté humaine, vous avez dû être bien surpris de ce brutal excès de fanatisme . Ce monstre accoutumé à vomir l'absurdité n'a pas craint de répandre partout une calomnie si aisée à détruire . On a fait paraître cette servante qu'on disait morte . Les calomniateurs ont été confondus, mais non pas désarmés . Je sais à n'en pouvoir douter que leur opprobre ne les rend que plus furieux . On me mande que cette imposture a été principalement répandue par un folliculaire qui croyait qu'en effet la servante de Mme Calas était morte et qu'il pourrait insérer toute cette fable dans ses feuilles qui par là reprendraient quelque crédit et lui procureraient de l'argent .

Quoi qu'il en soit, cette imposture n'est pas détruite . Dans les confréries qui inondent les provinces méridionales elle y subsistera malgré la vérité reconnue . Ce sont ces confréries qui ont trainé Calas sur la roue en révérant son fils comme un saint et en canonisant le suicide . L'esprit de faction ne s'éclaire ni ne s'adoucit quand la superstition l'anime . Jugez, monsieur, si les Sirven peuvent se soumettre à venir jamais défendre leur innocence et demander justice dans une province remplie de dévots qui respectent si peu la vérité , le Conseil et le roi . Je vous déclare encore une fois qu'ils ne reparaîtront jamais dans la sénéchaussée de Castres, qu'un arrêt du Conseil à la main . Ses juges en sentiront la nécessité indispensable . Le roi prend ses sujets opprimés sous sa sauvegarde, et quelle famille, monsieur, fut jamais plus opprimée que celle des Sirven ?

Elle ne l'est pas seulement par un jugement inique, elle l'est par une faction, mais le roi sait contenir et adoucir les factions . J'ai l'honneur d'être, etc .

Adieu mon cher Cicéron, vous avez dû recevoir ma première lettre . Mille respects à Mme de Canon .

 

Je rouvre ma lettre, mon illustre ami, pour vous dire que je viens d'en recevoir une de M. l'abbé Sabatier, chanoine de Castres, demeurant à Paris . Il me mande sans me connaître que la fausse nouvelle de l'aveu et du repentir de la servante à l'article de la mort, a rallumé toute la fureur des fanatiques du Languedoc .

Cet abbé a connu la fille des Sirven , que son père et sa mère sont accusés d’avoir assassinée chrétiennement ; il a été témoin de sa folie chez les dames qu'on appelle régentes . Il atteste que Sirven est un des plus honnêtes hommes qui soient au monde ; il est prêt de déposer devant les juges . Malheureusement, il ne m'a point donné son adresse ; il date de Paris sans m'instruire de sa demeure . Je vous demande en grâce de me faire savoir où il loge . Cet ecclésiastique paraît être un honnête homme, très éclairé et très zélé . Votre mémoire lui a inspiré l'enthousiasme dont il doit animer tous les cœurs vertueux et sensibles . »

1 Original, le troisième alinéa avant la fin et diverses corrections sont autographes, avec cachet « Genève »

2 Cette servante a déjà réfuté, ou on lui a fait réfuter la rumeur en question dans une Déclaration de Jeanne Viguière, achevée le 29 mars et pourvue d'un permis d'imprimer daté du 9 avril 1767 ; on peut en voir le texte dans l'édition Moland , XXXIV, 408-411 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome24.djvu/418

Les commentaires sont fermés.