22/04/2023
J'avoue, monseigneur, que l'impertinence est extrême
... Rendez-vous compte : faire un charivari pour l'accueil d'un président ! Ces gens du Sud sont d'une impolitesse remarquable ! Non ? Et le reste du territoire est bien parti pour faire de même . Où va-t-on M'ame Michu ?
Quelques présidents de l'histoire récente nous ont habitué à les voir jugés à propos de casseroles attachées à leurs basques , il est juste que le peuple les fasse résonner . J'aime bien ce genre de manifestation dissonante mais pacifique, et bravo aux énarques (?) pour leur définition qui méritera d'entrer au dictionnaire des cruciberbistes / verbicrucistes : "dispositif sonore portatif , en neuf lettres " = casserole .

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
A Ferney, 9è septembre 1767
Rendez à César ce qui appartient à César 1.
J'avoue, monseigneur, que l'impertinence est extrême 2. S'il sait si bien l'histoire, il doit savoir que le secrétaire d'État Villeroy écrivait Monseigneur aux maréchaux de France.
Incessamment Gallien pourra vous écrire avec la même noblesse de style, dès qu'il aura fait une petite fortune. Je ne manquerai pas d'exécuter vos ordres. Vous savez peut-être qu'en qualité de Français je ne puis aller à Genève . Cela est défendu, mais on viendra chez moi, et je parlerai comme je le dois. De plus, je suis dans mon lit, où une fièvre lente retient ma figure usée et languissante.
Je présume que vous donnerez l'ordre d'achever le paiement de ce que doit Gallien, après quoi vous serez probablement débarrassé de ce petit fardeau. Je joins ici les mémoires. Vos paquets sont francs, et ce n'est point une indiscrétion de ma part.
Quant à l'article des spectacles 3, j'ose espérer que vous aurez la bonté d'entrer [dans 4] mes peines. Je ne connais aucun des acteurs, excepté Mlle Dumesnil et Lekain. La petite Durancy avait joué chez moi aux Délices, à l'âge de quatorze ans. Je ne lui ai donné quelques rôles que sur la réputation qu'elle s'est faite depuis. J'ai fait un partage assez égal entre elle et Mlle Dubois. Il me paraît que ce partage entretient une émulation nécessaire. Si Mlle Durancy ne réussit pas, les rôles reviennent nécessairement aux actrices qui sont plus au goût du public, et vos ordres décident de tout. Le pauvre d'Argental a été bien loin de pouvoir se mêler dans ces tracasseries; il a été longtemps malade, et sa femme a été un mois entier à la mort. M. de Thibouville, qui a beaucoup de talent pour la déclamation, n'a fait autre chose qu'assister à quelques répétitions. Il est mon ami depuis trente ans, et celui de ma nièce. Vous ne voulez pas nous priver de cette consolation, surtout dans le triste état où la vieillesse et la maladie me réduisent.
Daignez agréer mon respect et mon attachement avec votre bonté ordinaire. »
1 Matthieu, xxii, 21 : https://saintebible.com/matthew/22-21.htm
2Le fils de Hennin, éditeur de la Correspondance, 1825, explique cette phrase : « Lorsque P.-M. H[ennin] voulut prendre Gallien pour secrétaire, il crut devoir en écrire au duc de Richelieu. Il commença sa lettre par Monsieur le maréchal au lieu de monseigneur, par inadvertance sans doute […] . Le maréchal-duc en écrivît donc à V*, qui en parla à P.-M. Hennin, lequel écrivit une autre lettre au duc […].
Richelieu en voulut longtemps à Hennin malgré les explications qui furent données ; voir lettre du 12 septembre 1767 à Richelieu : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/06/correspondance-annee-1767-partie-47.html
3 Il s'agit d'une nouvelle querelle qui vient de naître à la Comédie française . La Correspondance littéraire signale que Thibouville et d'Argental y auraient été mêlés .
4 Le mot manque dans le manuscrit original .
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« C'est un roquet qu'il faut laisser aboyer », mais on ne songe pas que ces roquets ameutent les chiens ennemis de la France...Il est cité par tous les compilateurs d'anecdotes, et la calomnie qui n'a pas été réfutée passe pour une vérité
... Zemmour, Mélenchon, Marine Le Pen, etc., et autres gueulard.e.s élu.e.s , sans oublier les sublimes "influenceurs.euses" qui donnent à quelques millions de badauds crétinisés le plaisir ineffable de vivre tête baissée , et les malfaisants et lâches harceleurs que ne savent même plus renvoyer à leur néant leurs victimes , tant on confond maintenant vie réelle et virtuelle . Où est l'heureux temps du bien faire et laisser dire ?
« A François de Chennevières
7 septembre 1767
Je suppose, mon cher ami, que vous avez eu la bonté de déterrer M. Barrau 1, qui est à la vérité un homme enterré, mais qui mérite d'être connu. Il est certainement employé au dépôt des Affaires étrangères, et il m'a fourni de très bonnes observations pour le Siècle de Louis XIV, qu'on réimprime.
C'est au sujet de cette nouvelle édition que j'ai été forcé de recourir au ministère, pour réprimer l'insolence et les calomnies de La Beaumelle. Le commandant du pays de Foix, où il demeure, a eu ordre de le menacer du cachot s'il continuait, et le gouverneur de Guyenne lui a fait de plus fortes menaces. La profonde ignorance où l'on est communément à Versailles et à Paris de tout ce qui se passe dans le reste de l'Europe empêche quelquefois de faire attention à des choses qui en méritent beaucoup. On dit « C'est un roquet qu'il faut laisser aboyer », mais on ne songe pas que ces roquets ameutent les chiens ennemis de la France. Un Français qui accuse Louis XIV d'avoir empoisonné le marquis de Louvois, qui accuse le duc d'Orléans d'avoir empoisonné la famille royale, qui accuse Monsieur le Duc, père de M. le prince de Condé d'aujourd'hui, d'avoir assassiné Vergier 2, qui accuse le père du roi 3 de s'être entendu avec le prince Eugène pour trahir la France et pour faire prendre Lille, et qui ose apporter en preuve de tous ces crimes les manuscrits de Saint-Cyr, un tel coquin, dis-je, fait plus d'impression qu'on ne pense dans les pays étrangers. Il est cité par tous les compilateurs d'anecdotes, et la calomnie qui n'a pas été réfutée passe pour une vérité. Tous ceux qui ont été employés dans les Affaires étrangères, et particulièrement M. l'abbé de La Ville, sont bien convaincus de ce que je vous dis ; ils en ont vu des exemples frappants ; il ne s'agit point du tout de moi dans cette affaire, il s'agit de l'honneur de la maison royale. Le fou de Verberie 4, qu'on a fait pendre, était moins coupable que La Beaumelle.
Ne vous imaginez pas, dans votre chambre à Versailles, que les ouvrages de ce faquin soient inconnus, on en a fait plusieurs éditions, ils sont traduits en allemand. Je ne sais si les nouveaux Mémoires de Mme de Maintenon, qui viennent de paraître 5, sont de lui ; c'est le même style et la même insolence.
J'avoue que ces calomnies me révoltent plus que personne. Je ne dois pas souffrir qu'on couvre d'ordures le monument que j'ai élevé à la gloire de ma patrie. Il est bien étrange qu'un prédicant de la petite ville de Mazères, au 6 pays de Foix, insulte impunément, de son grenier, tous nos princes et les plus illustres maisons du royaume.
Je vous prie instamment de communiquer ma lettre à M. de La Touraille, et de l'engager à regarder les choses de l'œil dont tous ceux qui s'intéressent comme lui à la maison de Condé les regardent. »
1 V* devait avoir appris depuis deux ans que Barrau n'était autre que Taulès . Il semble avoir conçu quelque doute à ce sujet, et s'en être éclairci auprès de Chennevières .
Voir lettre du 11 août 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/30/si-vous-aviez-d-ailleurs-quelques-instructions-a-me-donner-s-6435955.html
2 Pour se venger, dit-on, d'une satire de ce poète. Mais le véritable auteur du crime est un nommé Le Craqueur, voleur de la bande de Cartouche. (A. F.)
Voir note 5 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Dominique_Cartouche
3 L'élève de Fénelon, le duc de Bourgogne. (A. F.)
Voir : http://chrisagde.free.fr/bourb/l14hommes.php3?page=28
4 Rinquet . Sur l'affaire du curé de Verberie, voir lettre du 9è janvier 1763 à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/11/22/vous-etes-a-paris-a-la-source-de-tout-et-nous-ne-sommes-dans-6001833.html
et du 28 novembre 1766 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/02/28/je-suis-un-homme-exact-quoique-les-faiseurs-de-tragedies-n-aient-pas-cette.html
5 En 1755, V* a souscrit pour deux exemplaires des Mémoires pour servir à l'histoire de Mme de Maintenon et du siècle passé de La Beaumelle, ainsi que l'apprend une lettre de la duchesse de Saxe-Gotha . Mais aucune nouvelle édition de cet ouvrage ne semble avoir paru à l'époque où nous sommes maintenant .
6 Édition Cayrol : du .
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