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03/07/2024

On m’a fait étranger, et puis on me reproche de penser comme un étranger . Cela n’est pas juste

... Paroles de bi-national le lundi 8 juillet 2024 après la chasse aux sorcièr.e.s déclenchée par Jordan Bardella, pilier de cette extrême droite détestable qui a enjôlé tant de citoyens à la courte vue et qui vont faire morfler la France entière .

Heureusement qu'il y a les bi-nationaux à tous les postes possibles pour soutenir notre pays .

Et malheureusement on va se retrouver avec des haineux, pseudo-rassembleurs, aux postes "sensibles" . Combien de temps va-t-il falloir pour que les Français ouvrent les yeux et les vident ?

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Probable

 

 

« A Pierre-Jacques-Claude Dupuits

[26 décembre 1768] 1

En vous remerciant, mon cher capitaine, de m’avoir envoyé copie de la jolie lettre de cette dame que Mme du Deffand appelle sa petite mère 2. Je dirais volontiers à Mme du Deffand :

Il se peut bien qu’elle soit votre mère .
Elle eut un fils assez connu de tous :
Méchant enfant, aveugle comme vous,
Dont vous aviez, soit dit sans vous déplaire,
Et la malice et les attraits si doux,
Quand vous étiez dans l’âge heureux de plaire.

Quoi qu’il en soit, je sais que la petite mère et la petite fille sont la meilleure compagnie de l’Europe.

Cette dame prétend qu’elle a volé le Siècle de Louis XIV ; elle ne sait donc pas que c’était son bien . J’avais d’abord imaginé que M. le D[uc] de Ch[oiseul] pourrait avoir la bonté d’en faire présenter un exemplaire à quelqu’un qui n’a pas le temps de lire 3. Mais j’envoyai ce même exemplaire pour être donné à celle qui daigne lire, et il y avait même quatre petits versiculets 4 qui ne valent pas grand’chose. Cela sera perdu dans l’énorme quantité de paperasses qu’on reçoit à chaque poste. La perte n’est pas grande.

Il est vrai que je lui ai envoyé Le Marseillais 5 de Saint-Didier, et que je n’ai pas osé risquer les Trois Empereurs en Sorbonne 6, de l’abbé Caille, à cause des notes.

Dieu me garde d’avoir la moindre part à l’A, B, C ! C’est un ouvrage anglais, traduit et imprimé en 1762 7. Rien n’est plus hardi et peut-être plus dangereux dans votre pays. C’est un cadran qui n’est fait que pour le méridien de Londres. On m’a fait étranger, et puis on me reproche de penser comme un étranger . Cela n’est pas juste.

On m’a su mauvais gré, par exemple, d’avoir dit des fadeurs à Catau. Je crois qu’on a eu très grand tort. Catau avait fourni 5000 livres pour le Corneille de madame votre femme. Catau m’accablait de bontés, m’écrivait des lettres charmantes . Il faut un peu de reconnaissance . Les muses n’ont rien à démêler avec la politique. Tout cela m’effarouche. Cependant, si on le veut, si on l’ordonne, s’il n’y a nul risque, je chercherai un A, B, C, et j’en ferai tenir un à la personne du monde qui fait le meilleur usage des vingt-quatre lettres de l’alphabet quand elle parle et quand elle écrit.

Pour La Bletterie, il est très-certain qu’il a voulu me désigner en deux endroits, et qu’il a désigné cruellement Marmontel dans le temps qu’il était persécuté par l’archevêque et par la Sorbonne. Il a attaqué Linguet ; il a insulté de même le président Hénault page 235, tome II :  En revanche, fixer l’époque des plus petits faits avec exactitude, c’est le sublime de plusieurs prétendus historiens modernes. Cela leur tient lieu de génie et des talents historiques.  Peut-on appliquer un soufflet plus fort sur la joue du président ? Et puis comment trouvez-vous les talents historiques ? Ne reconnaissez-vous pas à tous ces traits un janséniste de l’Université, gonflé d’orgueil, pétri d’âcreté [...], et qui frappe à droite et à gauche ?

Je ne savais point du tout qu’il eût surpris la protection de Mme la duchesse de Choiseul. Quelqu’un a dit de moi que je n’avais jamais attaqué personne, mais que je n’avais pardonné à personne. Cependant je pardonne à La Bletterie, puisqu’il est protégé par l’esprit et par les grâces . J’ai même proposé un accord. La Bletterie veut qu’on m’enterre, parce que j’ai soixante-quinze ans . Rien ne paraît plus plausible au premier aspect . Je demande qu’il me permette seulement de vivre encore deux ans. C’est beaucoup, dira-t-il ; mais je voudrais bien savoir quel âge il a, et pourquoi il veut que je passe le premier ?

Mon cher capitaine, vous qui êtes jeune, riez des barbons qui font des façons à la porte du néant.

Je vous embrasse, vous et votre petite femme.

V. »

1 Minute olographe ; copie par Wyart datée du 26 décembre ce qui est certainement correct ; édition Kehl qui date à tort du 21 décembre .

2 La lettre de Mme de Choiseul à Dupuits est conservée ; en fait c'est à elle que V* répond  . Voici le texte :

«  A Versailles ce 14 décembre 1768

« Je suis bien fâchée, monsieur, de n'avoir pas eu le plaisir de vous voir à Paris, quand vous avez pris le peine de m'y venir chercher . J'ai depuis le voyage de Fontainebleau à vous faire part d'une bonne fortune pour laquelle je voulais que vous fussiez l’interprète de ma reconnaissance . Après une longue disgrâce, j'ai été aussi surprise que flattée de recevoir la charmante fable du Marseillais et du lion dont vous m'aviez fait présent manuscrit . Elle était accompagnée d'un fort joli billet en votre nom . Cette marque de souvenir de la part de M. de Voltaire m’a été d'autant plus sensible que peu de jours auparavant vous aviez été témoin de mon humiliation . Les bornes de l’estime qu'il m'accordait, vous disais-je, ont été posées au point où j'ai osé n'être pas de son avis ; non, monsieur, je n'en serai jamais, quand il croira qu'on lui dit qu'il est un radoteur. Si jamais il y eut un génie immortel, c'est le sien assurément . Il le prouve tous les jours ; La Bletterie en conviendrait, malgré l'injustice dont M. de Voltaire l'accable . Si M. de Voltaire s'était rendu justice à lui-même, il ne se serait point attribué une note contre un Romain qui n'avait point de talents et qui n'eut point son immortalité ; il n’aurait pas cru surtout qu'on l'eût eu en vue dans une citation tirée de Bayle . Bayle un des plus grands hommes de son siècle parce qu'il n'était pas contemporain de M. de Voltaire .

Voilà ce que l'on aurait dit à M. de voltaire, s'il avait bien voulu entendre avant de se fâcher . Mais il n'y a rien à dire à celui qui se fâche .

Qui pardonne a raison et la colère a tort

Ce n’était pas même le cas de pardonner et encore moins celui d'être en colère.

L'orgueil de ma nouvelle faveur ne s'est pas soutenu longtemps . J'ai vu paraître Les Trois Empereurs, le supplément au Dictionnaire philosophique , L'A.B.C et même la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV sans que rien de tout cela m'ait été adressé . J'ai pourtant acquis Le Siècle de Louis XIV mais par droit de conquête, c'est-à-dire que je l'ai volé . Je vois que les souverains de l'esprit sont comme les souverians des Empires ; ils ne pardonnent qu'à demi et l'on ne racquiert jamais entièrement auprès d'eux la faveur qu'on a commencé à perdre, mais les uns et les autres ne perdent jamais les droits qu'ils ont acquis sur nos hommages . ».

3 Louis XV.

4 Ce quatrain est perdu.

 

 

 

 

 

 

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