22/10/2024
Il a fallu passer par les cérémonies ordinaires. Vous savez que je ne les crains pas, quoique je ne les aime point du tout ; mais il faut remplir ses devoirs de citoyen
... C'est ce qui mène nos ministres et sénateurs et députés, en gros tous les élus, à se montrer partout où il se passe quelque chose et aussi où il ne se passe rien d'autre que le dérangement apporté par leur présence, donner l'impression d'être utile à quelque chose, à l'écoute de quelqu'un, même à contrecoeur, puis rentrer chez eux satisfaits de leur activité .
« A Jean-François de La Harpe
Nostræ spes altéra scenæ 1,
Je suis très fâché que vous enterriez votre génie dans une traduction de Suétone 2, auteur, à mon gré, assez aride, et anecdotier très suspect. J’espère que vous ne direz pas dans vos remarques que vous renoncez à faire des vers, ainsi que l’a dit notre ami La Bletterie. Il est plaisant que La Bletterie s’imagine avoir fait des vers.
Voici un petit paquet pour votre Mercure 3. S’il me tombe quelque rogaton sous la main, je vous en ferai part, mais j’aimerais bien mieux que le Mercure eût à parler d’une nouvelle tragédie de votre façon : nous avons besoin de beaux vers beaucoup plus que de Suétone.
J’ai eu douze accès de fièvre. J’ai été sur le point de mourir, et je disais : « Le théâtre français est mort de son côté, si M. de La Harpe n’y met la main. » Il a fallu passer par les cérémonies ordinaires. Vous savez que je ne les crains pas, quoique je ne les aime point du tout ; mais il faut remplir ses devoirs de citoyen . Ceux de l’amitié me sont bien plus chers.
17è avril 1769. »
1 Nouvel espoir de notre scène. Virgile a dit, Ænéide XII, 168 : Spes altéra Romæ = un autre espoir de Rome .
2 Il s'agit de l'ouvrage intitulé Les douze Césars. Traduit du latin de Suétone, avec des notes et des réflexions, par M. de La Harpe, 1770
3 Le Mercure de mai 1769 contient, page 40, la lettre de Voltaire à de Belloy, du 31 mars 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/07/07/voila-un-genre-nouveau-dont-vous-serez-le-pere-on-en-avait-besoin-et-je-sui.html , la lettre du 21 juillet 1762 à Isaac Pinto : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/06/11/la-superstition-est-le-plus-abominable-fleau-de-la-terre-5953012.html
et, page 83, une partie de l’Êpître à Saint-Lambert : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome10.djvu/415
Voir la lettre de Dupuits à Marin citée dans la lettre du 27 mars 1769 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/09/26/le-public-est-d-opinion-qu-il-eut-du-faire-tout-le-contraire-6516273.html
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