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17/03/2025

il n’y a point de pays si disgracié de la nature qu’on ne puisse en tirer parti.

.... Tel est le credo voltairien qui se vérifie étonnamment  et heureusement sous toutes les latitudes, des pôles à l'équateur .

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GOLD©Robert+Middleton_The+lily+pad.jpg

 

 

« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul

Ferney, 4 septembre 1769 1

Madame Gargantua,

Pardon de la liberté grande 2; mais comme j’ai appris que monseigneur votre époux forme une colonie dans les neiges de mon voisinage, j’ai cru devoir vous montrer à tous deux ce que notre climat, qui passe pour celui de la Sibérie sept mois de l’année, peut produire d’utile.

Ce sont mes vers à soie qui m’ont donné de quoi faire ces bas ; ce sont mes mains qui ont travaillé à les fabriquer chez moi, avec le fils de Calas ; ce sont les premiers bas qu’on ait faits dans le pays.

Daignez les mettre, madame, une seule fois ; montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez, et si on n’avoue pas que ma soie est plus forte et plus belle que celle de Provence et d’Italie, je renonce au métier ; donnez-les ensuite à une de vos femmes, ils lui dureront un an.

Il faut donc que monseigneur votre époux soit bien persuadé qu’il n’y a point de pays si disgracié de la nature qu’on ne puisse en tirer parti.

Je me mets à vos pieds, j’ai sur eux des desseins ;
Je les prie humblement de m’accorder la joie
De les avoir logés dans ces mailles de soie
Qu’au milieu des frimas je formai de mes mains.
Si La Fontaine a dit : Déchaussons ce que j’aime 3,
J’ose prendre un plus noble soin ;
Mais il vaudrait bien mieux (j’en juge par moi-même)
Vous contempler de près que vous chausser de loin.

 

Vous verrez, madame Gargantua, que j’ai pris tout juste la mesure de votre soulier. Je ne suis fait pour contempler ni vos yeux ni vos pieds, mais je suis tout fier de vous présenter de la soie de mon cru.

Si jamais il arrive un temps de disette, je vous enverrai, dans un cornet de papier, du blé que je sème, et vous verrez si je ne suis pas un bon agriculteur digne de votre protection.

On dit que vous avez reçu parfaitement un petit médecin 4 de votre colonie ; mais un laboureur est bien plus utile qu’un médecin. Je ne suis plus typographe ; je m’adonne entièrement à l’agriculture, depuis le poème des Saisons de M. de Saint-Lambert. Cependant, s’il paraît quelque chose de bien philosophique qui puisse vous amuser, je serai toujours à vos ordres.

Agréez, madame, le profond respect de votre ancien colporteur, laboureur, et manufacturier.

Guillemet. »

1 Copie par Wyart ; éd. Kehl , d'après une copie Beaumarchais-Kehl qui donne la date mais où manquent les mots et plus belle dans le troisième paragraphe .

Voir aussi : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/04/8859596261d7ae3c78cdc44a7390565d.html

2  Expression des Mémoires de Grammont, chap. III., page 22 : https://archive.org/details/mmoiresdelavied00hamigoog/page/n31/mode/2up

3  La Fontaine, dans son conte de La Courtisane amoureuse, a dit :
Je voudrais bien déchausser ce que j’aime.

Voir : https://www.ruedesfables.net/conte-la-courtisane-amoureuse/

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