21/03/2012
La librairie, messieurs, est en France un établissement trop noble pour que je ne vous prie pas de vous joindre à moi, afin d'empêcher qu'on ne l'avilisse.
Le Salon du Livre est-il une manifestation trop "élitiste"(?) pour qu'un homme aussi "simple" et discret que (Demi) maitre Sarko daigne y mettre les pieds ?
Enfin , ce que je ressent , c'est cette lâcheté qui lui fait préfèrer le Salon de l'Agriculture pour la chassse aux voix plutôt que d'afficher son infériorité culturelle . Eh bien ! qu'il continue à faire rédiger ses discours par son nègre préféré Guaino et qu'il soit encore pour quelques semaines le pourvoyeur de bourdes et bévues pour les Guignols de Canal + quand par malheur/bonheur il se lance dans l'improvisation . Et dire qu'il est avocat ! ça fait peur !!
« A MM. les syndics de la librairie.
30 août [1755]
La librairie, messieurs, est en France un établissement trop noble pour que je ne vous prie pas de vous joindre à moi, afin d'empêcher qu'on ne l'avilisse.
J'apprends deux choses contraires à tous vos règlements, la première, qu'un imprimeur, nommé le sieur Prieur, a acheté, à ce qu'il dit, une partie des mémoires que j'avais composés dans les bureaux des ministres pour servir un jour à l'histoire des plus glorieux événements du règne du roi. Je déclare que ces mémoires informes, qui ont été volés dans les dépôts respectables où je les avais laissés, ne sont point faits pour voir le jour.
La deuxième prévarication dont on me menace est l'impression d'un ouvrage impertinent, composé par quelques jeunes gens sans goût et sans mœurs sur un ancien canevas que j'avais fait, il y a plus de trente ans, il est intitulé la Pucelle d'Orléans. Les fragments de cette indigne rapsodie, qui courent sous mon nom dans Paris, m'ont été envoyés; ils déshonoreraient la librairie. Je vous fais les plus vives instances pour prévenir le débit de toutes ces œuvres de ténèbres. Quand je veux faire imprimer quelques ouvrages de moi, j'en fais hautement présent aux libraires. L'honneur des lettres et la justice exigent qu'on n'imprime pas ce que je ne veux pas donner, et encore moins ce que je n'ai pas fait. J'attends ce service de vous.
Je suis avec zèle, messieurs, votre très-humble et très-obéissant serviteur. »
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19/03/2012
Prenez votre provision de plaisir, et revenez quand vous n'aurez rien de mieux à faire
« A M. COLINI
à PARIS.
Aux Délices, 29 août [1755]
Laissez là le Prieur et toutes ses pauvretés et quand vous serez rassasié de Paris, mandez-le-moi, mon cher Colini, je vous enverrai un petit mandement 1. Vous ne m'avez point parlé de votre Florentine; je ne sais comment elle en a usé avec vous. Vous ne me parlez que de Chinois; je souhaite qu'ils vous amusent; mais je crois que vous avez trouvé, à Paris, de quoi vous amuser davantage, et que vous trouvez à présent mes Délices assez peu délicieuses, et la solitude fort triste pour un Florentin de votre âge. Prenez votre provision de plaisir, et revenez quand vous n'aurez rien de mieux à faire.
Je vous embrasse.
V.
Un Scarselli 2 m'a envoyé un gros tome de ses tragédies, aviez- vous entendu parler de ce Scarselli ? »
1 Ce mandement de Voltaire était un mandat que l'auteur de l'Orphelin offrait à son secrétaire, sur son notaire, ou quelque banquier, à Paris. (CL.)
2 Flaminio Scarselli, traducteur, en vers italiens, du Télémaque, 1742, deux volumes in-4°; 1747, in-folio.
Voir : http://www.amazon.fr/s?_encoding=UTF8&search-alias=books-fr&field-author=Flaminio%20Scarselli
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je suis vexé de tous côtés depuis un mois
« A M. le comte d'ARGENTAL
Aux tristes Délices, 29 août [1755] 1
Mon divin ange, je reçois votre lettre du 21 je commence par les pieds de Mme d'Argental, et je les baise, avec votre permission, enflés ou non. J'espère même qu'ils pourront la conduire à la Chine, et qu'elle entendra Lekain, ce qui est, dit-on, très-difficile. On prétend qu'il a joué un beau rôle muet 2; mais, mon cher et respectable ami, je ne suis touché que de vos bontés; je les sens mille fois plus vivement que je ne sentirais le succès le plus complet. Les magots chinois iront comme ils pourront; on les brisera, on les cassera, on les mettra sur sa cheminée ou dans sa garde-robe, on en fera ce qu'on voudra; mon cœur est flétri, mon esprit lassé, ma tête épuisée. Je ne puis, dans mes violents chagrins, que vous faire les plus tendres remerciements. C'est vous qui avez prévenu le mal. Vous avez été à cent lieues mon véritable ange gardien. Ce Grasset, ce maudit Grasset, est un des plus insignes fripons qui infectent la littérature. J'ai essuyé un tissu d'horreurs. Enfin ce misérable,
chassé d'ici, s'en est allé avec son manuscrit infâme, et on ne sait plus où le prendre. Je n'ai jamais vu de plus artificieux et de plus effronté coquin.
A l'égard de cet autre animal de Prieur, qui dispose insolemment de mon bien, sans daigner seulement m'en avertir, j'ai écrit à Mme de Pompadour et à M. d'Argenson. L'un ou l'autre a été volé, et il leur doit importer de savoir par qui d'ailleurs, il s'agit de la gloire du roi, et ni l'un ni l'autre ne seront indifférents. Enfin, mon cher ange, je suis vexé de tous côtés depuis un mois. La rapine et la calomnie me sont venues assaillir au pied des Alpes dans ma solitude. Où fuir? il faudra donc aller trouver l'empereur de la Chine. Encore trouverai-je là des jésuites qui me joueront quelque mauvais tour. Ma santé n'a pas résisté à toutes ces secousses. Il ne me reste de sentiment que pour vous aimer, je suis abasourdi sur tout le reste. Adieu pardonnez-moi, je ne sais plus où j'en suis. Adieu; votre amitié sera toujours ma consolation la plus chère. Je baise très-douloureusement les ailes de tous les anges. »
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je lui servirais de vieux sigisbé
« A madame Louise Dorthée de Saxe-Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA 1.
Près de Genève, 28 août 1755.
Madame, je n'importune pas tous les jours Votre Altesse sérénissime de mes lettres mais il n'y a point de jour où je ne parle d'elle, où je ne m'entretienne de ses bontés, et où je ne préfère la forêt de Thuringe au lac de Genève. Je m'occupe du soin de mériter la continuation de sa bienveillance; et, ne pouvant actuellement me mettre à ses pieds, je songe du moins à lui procurer de loin quelques petits amusements. Je voudrais lui envoyer cette Jeanne 1, que j'ai tâché d'embellir sans l'orner de pompons. J'ai fait ce que j'ai pu pour qu'elle parût décemment devant Votre Altesse. J'ai voulu que sa beauté fût piquante sans avoir jamais l'air effronté, que vous la vissiez avec quelque plaisir sans trop rougir pour elle; qu'enfin elle fût digne d'occuper une place dans votre maison. Il ne s'agit plus, madame, que de l'envoyer à vos pieds, elle serait déjà partie si je savais comment l'adresser. Il me semble qu'il y a un banquier à Strasbourg qui reçoit quelquefois des ordres de Votre Altesse, si je savais son nom, je lui adresserais le paquet. J'attends vos ordres, madame mais je ne me console point d'être hors de portée de venir les demander moi-même, et d'arriver avec la fille d'honneur que je veux vous présenter. La grande maltresse des cœurs veillerait sur sa conduite et la rendrait digne de vous plaire; je lui servirais de vieux sigisbé 2. Mais faut-il se borner à ne présenter que de loin mon profond respect à Votre Altesse sérénissime? »
2 Ou sigisbée : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sigisb%C3%A9e
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18/03/2012
J'ai perdu votre adresse, envoyez-la-moi
J'y ajouterais :" ... afin que je l'oublie à jamais ."
J'aimerais beaucoup écrire celà à toute une série de dirigeants politiques français à compter du 6 mai 2012 .
Quant au locataire élyséen, il y a du monde à sa porte
http://theyiayiasblogfestival.blogspot.fr/2012/02/il-etait-une-fois-ibrahim-24-ans-sans.html
NDLR. - Colini n'est pourtant pas un SDF, et Volti est un sacré distrait .
« A M. COLINI.
Aux Délices, 23 août [1755]
Mon cher Colini, je ne connais point ce Prieur 1; dites-lui que, s'il est sage, il doit m'écrire. Il fait trop chaud pour montrer cinq magots de la Chine à quinze cents badauds. Il doivent avoir été fort mal reçus cette marchandise n'était bonne que pour Pékin.
On m'a volé à Berlin, en Hollande, à Genève, à Paris; on s'empare de mon bien comme si j'étais mort, et on le dénature pour le mieux vendre. Il faudrait traiter tous ces fripons de libraires comme j'ai fait traiter Grasset, qu'on a mis en prison et qu'on a chassé de la ville; et il est bon qu'on le sache. Je vous embrasse.
Si vous m'aviez instruit plus tôt du nom de ce Prieur , il aurait eu déjà affaire avec les supérieurs. J'ai perdu votre adresse, envoyez-la-moi.
V. »
19:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
que voulez-vous qu'on fasse quand on se trouve entre des médecins et des apothicaires, des montagnes et des fripons ?
"Comptez sur mes sentiments, et jamais sur mes compliments." : superbe formule de politesse comme on n'en sait plus faire , hélas ! A Mam'zelle Wagnière, je peux assurer qu'elle peut compter sur mes sentiments et mes compliments, même si je ne les dis pas souvent .
« A M. le président de RUFFEY 1
Aux Délices, près de Genève, le 23 août 1755.
Il est vrai, monsieur, que mon corps a fait un effort en se transportant à Gex, et mon âme en a fait un autre en barbouillant une tragédie chinoise. Je ne donne plus que des magots. Voilà comme on finit; mais que voulez-vous qu'on fasse quand on se trouve entre des médecins et des apothicaires, des montagnes et des fripons ? Votre intendant m'a paru tout aussi aimable qu'à vous. Si mon goût décidait de mes marches, je viendrais bien vite profiter des bontés de M. de La Marche 2, de celles de M. de La Valette, et surtout des vôtres. Mais je suis hors d'état de voyager. Il faut que je m'en tienne à mes montagnes et à mon lac.
Je me souviendrai toujours de vous dans ma solitude, où j'oublie tout le reste du monde de tout mon cœur. Comptez sur mes sentiments, et jamais sur mes compliments.
V. »
1 Germain-Gilles-Richard de Ruffey , président de la chambre des comptes du parlement de Bourgogne à Dijon , fondateur d'une société littéraire qui devint académie et dont fit partie V*. http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Germain_Richard_de_Ruffey
2 Claude-Philippe Fyot de La Marche, camarade du collège Louis le Grand , et collègue de Ruffey au parlement de Dijon .
17:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je n'ai à craindre que d'être défiguré : cela est toujours fort désagréable.
Ce qui est la la crainte commune, à part Mickael Jackson qui cru se rendre plus beau !...
« A madame de FONTAINE,
à PARIS.
Aux Délices, 23 août [1755]
Ma chère enfant, il fait bien chaud pour montrer cinq magots de la Chine à cinq cents Parisiens; et la plupart des acteurs sont d'autres magots. Il est impossible que la pièce réussisse 1; mais il est encore plus triste que tout le monde dispose de mon bien comme si j'étais mort. J'écris à M. d'Argenson 2 et à Mme de Pompadour, touchant le nommé Prieur 3, qui a imprimé un manuscrit volé chez l'un ou chez l'autre. Ce manuscrit ne contient que des mémoires informes. Ce libraire est un sot, et le vendeur un fripon. Je n'ai à craindre que d'être défiguré : cela est toujours fort désagréable.
Adieu, ma chère nièce, votre sœur 4 vous embrasse; j'en fais autant. Nous vous aimons à la folie. »
2 Voir lettre du 20 août au comte d'Argenson, ministre de la guerre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/17/voila-de-bons-citoyens-dans-ce-siecle-philosophe-et-calculat.html
Il est à remarquer qu'à cette date Voltaire ne savait pas que l'Histoire de la guerre de 1741 avait été volée, et qu'il n'apprit que vers le 23 août le nom du libraire Prieur.
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