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28/03/2012

Un simple compliment n'est guère lu, s'il n'est soutenu par des choses utiles.

 Professeur Bernard DEVAUCHELLE

Congrès France ADOT 01 

 30è anniversaire - 24 mars 2012- Bourg-en-Bresse

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N'oubliez pas ce regard d'homme de bonne volonté, ni cette main qui redonne un visage et donc une vie à des êtres défigurés .

N'oubliez pas de dire à vos proches si vous êtes pour le don de vos organes ou non .

N'oubliez pas que votre mort peut n'être pas inutile , et être source de vie. 

 

 

 

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 12 septembre [1755]

Je vous envoie, monseigneur, à la hâte, et comme je peux, votre filleul l'Orphelin, dont vous voulez bien être le parrain : ce sont les premiers exemplaires qui sortent de la presse 1. Je crois que vous joindrez à toutes vos bontés celle de me pardonner la dissertation que je m'avise toujours de coudre à mes dédicaces. J'aime un peu l'antique, cette façon en a du moins quelque air. Les épîtres dédicatoires des anciens n'étaient pas faites comme une lettre qu'on met à la poste, et qui se termine par une vaine formule; c'étaient des discours instructifs. Un simple compliment n'est guère lu, s'il n'est soutenu par des choses utiles. Il y a, à la fin de la pièce, une lettre à Jean-Jacques Rousseau 2, que j'ai cru nécessaire de publier dans la position où je me trouve.

Je suis honteux de vous entretenir de ces bagatelles, lorsque je ne devrais vous parler que du chagrin sensible que m'a causé la perte de votre procès 3. Je ne sais pas si une pareille décision se trouve dans l’Esprit des Lois. J'ignore la matière des substitutions, j'avais seulement toujours entendu dire que les droits du mineur étaient inviolables; et, à moins qu'il n'y ait une loi formelle qui déroge à ces droits, il me paraît qu'il y a eu beaucoup d'arbitraire dans ce jugement. Je ne puis croire surtout qu'on vous ait condamné aux dépens, et je regarde cette clause comme une fausse nouvelle. Je n'ose vous demander ce qui en est. Vous devez être surchargé d'affaires extrêmement désagréables. Il est bien triste de succomber, après tant d'années de peines et de frais, dans une cause qui, au sentiment de Cochin, était indubitable, et ne faisait pas même de question.
Vous êtes bien bon de me parler de tragédie et de dédicaces, quand vous êtes dans une crise si importante , c'est une nouvelle épreuve où l'on a mis votre courage. Vous soutenez cette perte comme une colonne anglaise 4 mais les canons ne peuvent rien ici, et ce n'est que dans votre belle âme que vous trouvez des ressources. C'est à cette âme noble et tendre que je serai attaché toute ma vie avec les sentiments les plus inviolables et les plus respectueux. Vous savez que ma nièce pense comme moi. Permettez que je revienne à la pièce qui est sous votre protection. Je vous demande en grâce qu'on la joue à Fontainebleau, telle que je l'ai faite, telle que Mme de Pompadour l'a lue et approuvée, telle que j'ai l'honneur de vous l'envoyer, et non telle qu'elle a été défigurée à Paris. En vérité, je ne puis concevoir comment elle a pu avoir quelques succès avec tant d'incongruités. Il faut que Mlle Clairon soit une grande enchanteresse. »

1 L'Orphelin de la Chine imprimé par les frères Cramer à Genève .

2 Lettre du 30 août : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/03/22/o... en réponse à la lecture de Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes .

3 On trouve dans les Ouvres de Cochin (édition in-8°, tome IV, page 391) un mémoire ou plaidoyer pour M. le duc de Richelieu, héritier substitué de M. le cardinal de Richelieu, son grand-oncle, contre M. de Chabezé, M. Payen, etc., etc., et autres possesseurs de maisons situées dans les environs du Palais-Royal, faisant partie de la substitution, et indûment aliénées. Le procès remontait aux environs de 1735. (Beuchot.)

Voir : http://books.google.fr/books?id=TVgOAAAAQAAJ&pg=PA398&lpg=PA398&dq=oeuvres+de+cochin+duc+de+richelieu&source=bl&ots=R2vxRMtSyc&sig=8ErSzKfhEwgpPI0TkXMm8E2uSYI&hl=fr&sa=X&ei=QgJzT-OHBM-u8QPN0_VY&sqi=2&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false

4 Voltaire, trompé par des relations inexactes, et aveuglé par sa partialité pour son héros, croyait que celui-ci, à la bataille de Fontenoy, avait donné le premier l'avis de faire avancer quatre canons contre le front de la colonne anglaise. (CL.) Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/categorie-11835145.html

 

27/03/2012

beaucoup de savoir, un bon esprit, et un bon cœur. Je le crois votre ami à tous ces titres

Je mets simplement cette phrase au féminin en pensant, comme chaque jour, et plusieurs fois chaque jour, à mam'zelle Wagnière qui possède toutes ces qualités essentielles .

Promesse de printemps présent

 

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« A M. Elie BERTRAND 1.

Aux Délices, 12 septembre [1755]

Je vous envoie, mon cher monsieur, le premier exemplaire qui sort de la presse 2. Je vous prie de vouloir bien en faire parvenir un à M. le banneret Freudenreich, aussi bien qu'à M. l'avoyer Steiger et à M. l'avoyer Tiller. Je vous demande bien pardon de la peine que je vous donne, mais j'ai cru que ces petits hommages ne pouvaient passer par de meilleures mains. Il y a aussi, si vous le permettez, un exemplaire pour M. Tshifeli, secrétaire de votre consistoire. Il m'a écrit une lettre qui fait voir beaucoup de savoir, un bon esprit, et un bon cœur. Je le crois votre ami à tous ces titres. J'ai cru devoir imprimer ma lettre à Jean-Jacques dans les circonstances présentes. Vous savez peut-être, monsieur, que le conseil de Genève a engagé celui de Lausanne à faire rendre, par Bousquet, l'original du mémoire calomnieux de Grasset. Il me paraît nécessaire qu'on en soit informé à Berne.
Maubert, son complice, est parti, dit-on, pour aller faire imprimer la rapsodie infâme 3 dont il espère de l'argent. Quel capucin ! Je me recommande à vos bontés.

 

V.

Je crois enfin que, malgré tous mes maux, je partirai dans quelques jours pour Monrion. Puissé-je avoir assez de santé pour venir vous embrasser ! »


 

1 Pasteur, littérateur et savant suisse .

 

2 De l'Orphelin de la Chine; édition des Cramer.

 

3 Une version scabreuse de La Pucelle .

 

Les circonstances où je me trouve me forcent, malgré moi, de faire débiter l'ouvrage incessamment

Ce que disent ces quelques auteurs ( auteurs par procuration, le métier de nègre étant terriblement tendance dans le milieu politicard )  candidats , à un moment donné au moins pour quelques uns, à la présidence . Je ne mettrai pas une roupie sur l'étal d'un libraire pour achter ces choses-là , soyez-en sûrs !

Ils sont aussi indigestes que ce qui suit, spécial grandes gueules !

 

spécialgrandesgueules.jpg


François Hollande : Le rêve français ( paru en 2011) et Changer de destin (en 2012)

François Bayrou : 2012, état d'urgence

Manuel Valls : L'énergie du changement

Arnaud Montebourg : Votez pour la démondialisation.

Ségolène Royal  : Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions.

Corinne Lepage : La vérité sur le nucléaire ,et  Déficit public

Marine Le Pen : Pour que vive la France

Eva Joly : Sans tricher

And last : Nico, dit NS (Nini Simplex ) : à voir ! il y a l'embarras du choix , le passé parle-t-il  pour/contre lui ? http://recherche.fnac.com/Search/SearchResult.aspx?Search...

 

 

 

« A M. Michel LAMBERT 1

10 septembre [1755]

Je vous demande pardon des frais du paquet; je tâcherai, par la poste prochaine, de vous envoyer le reste franc de port. Il y a une épître dédicatoire à M. le maréchal de Richelieu, et une lettre qu'il faut mettre à la fin de la pièce 2.

Les circonstances où je me trouve me forcent, malgré moi, de faire débiter l'ouvrage incessamment.

Je vous réitère que je vous ai fait don du total pour Paris, et aux frères Cramer pour les pays étrangers.

Comptez que je chercherai toujours à vous faire plaisir. »

 

1 Libraire et imprimeur .

 

2 L'Orphelin de la Chine .

 

25/03/2012

Lorsque des hommes comme vous élèvent leurs voix pour réprouver tous ces ouvrages que l'ignorance et l'avidité débitent

 

 

 

 

« A MESSIEURS DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 1

Novembre 1755.

Messieurs, je crois qu'il n'appartient qu'à ceux qui sont, comme vous, à la tête de la littérature, d'adoucir les nouveaux désagréments auxquels les gens de lettres sont exposés depuis quelques années.

Lorsqu'on donne une pièce de théâtre à Paris, si elle a un peu de succès, on la transcrit d'abord aux représentations, et on l'imprime souvent pleine de fautes. Des curieux sont-ils en possession de quelques fragments d'un ouvrage, on se hâte d'ajuster ces fragments comme on peut; on remplit les vides au hasard, on donne hardiment, sous le nom de l'auteur, un livre qui n'est pas le sien. C'est à la fois le voler et le défigurer. C'est ainsi qu'on s'avisa d'imprimer sous mon nom il y a deux ans, sous le titre ridicule d'Histoire universelle 2, deux petits volumes sans suite et sans ordre, qui ne contenaient pas l'histoire d'une ville, et où chaque date était une erreur. Quand on ne peut imprimer l'ouvrage dont on est en possession, on le vend en manuscrit; et j'apprends qu'à présent on débite de cette manière quelques fragments, informes et falsifiés, des mémoires que j'avais amassés dans les archives publiques sur la Guerre de 1741 3. On en use encore ainsi à l'égard d'une plaisanterie 4 faite, il y a plus de trente ans , sur le même sujet qui rendit Chapelain si fameux. Les copies manuscrites qu'on m'en a envoyées de Paris sont de telle nature qu'un homme qui a l'honneur d'être votre confrère, qui sait un peu sa langue, et qui a puisé quelque goût dans votre société et dans vos écrits, ne sera jamais soupçonné d'avoir composé cet ouvrage tel qu'on le débite. On vient de l'imprimer d'une manière non moins ridicule et non moins révoltante.

Ce poème a été d'abord imprimé à Francfort, quoiqu'il soit annoncé de Louvain, et l'on vient d'en donner en Hollande deux éditions qui ne sont pas plus exactes que la première, cet abus de nous attribuer des ouvrages que nous n'avons pas faits, de falsifier ceux que nous avons faits, et de vendre ainsi notre nom, ne peut être détruit que par le décri dans lequel ces œuvres de ténèbres doivent tomber.

C'est à vous, messieurs, et aux Académies formées sur votre modèle, dont j'ai l'honneur d'être associé, que je dois m'adresser. Lorsque des hommes comme vous élèvent leurs voix pour réprouver tous ces ouvrages que l'ignorance et l'avidité débitent, le public, que vous éclairez, est bientôt désabusé.

Je suis avec beaucoup de respect, etc. »

 

1 Cette lettre, dont il n'existe aucune trace dans les archives de l'Académie française, avait été, ainsi que la réponse de M. Duclos, secrétaire de l'Académie, en novembre, mise par les éditeurs de Kehl dans une note de leur préface de la Pucelle.

3 Voir tome XV, l'avertissement de Beuchot placé en tête du Précis du siècle de Louis XV : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411331n/f148.image

4 La Pucelle d'Orléans.

 

il est digne qu'on lui dise ses torts, c'est le plus grand éloge que je puisse faire de lui.

 http://videos.tf1.fr/50-mn-inside/les-confidences-d-alain...

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 10 septembre [1755]

Voilà ce que causent, mon cher ange, les persécutions, les procédés infâmes, les injustices. Tout cela m'a empêché de donner la dernière main à mon ouvrage 1, et m'a forcé de le faire imprimer en hâte, afin de donner au moins quelque petit préservatif contre la crédulité, qui adopte les calomnies dont je suis accablé depuis si longtemps. C'était une occasion de faire voir dans tout son jour ce que j'essuie, sans pourtant paraître trop m'en plaindre car à quoi servent les plaintes ?

Ce n'est que dans votre sein, mon cher et respectable ami, qu'il faut déposer sa douleur. Je n'ai su que depuis quelques jours tout ce qui s'est passé entre Mme Denis et M. de Malesherbes. Elle m'avait tout caché, pendant un assez violent accès de ma maladie. Il me paraît qu'elle s'est conduite avec le zèle et la fermeté de l'amitié. Elle devait dire la vérité à Mme de Pompadour. Il était très-dangereux que des minutes informes, des papiers de rebut, qui contenaient l'Histoire du roi, fussent imprimés sans l'aveu du roi. Il est indubitable que Ximenès les a volés; que La Morlière 2 et les a vendus, de sa part, au libraire Prieur; et que ce La Morlière est encore, en dernier lieu, allé à Rouen les vendre une seconde fois. C'est une chose dont Lambert peut vous instruire. J'ai dû moi-même écrire à Mme de Pompadour, dès que j'ai été instruit. Elle m'a mandé sur-le-champ qu'on saisirait l'édition. On l'a saisie, à Paris, chez Prieur; mais la pourra-t-on saisir à Rouen? C'est ce que j'ignore. Tout ce que je sais bien certainement, par la réponse de Mme de Pompadour et par sa démarche, c'est qu'il ne fallait pas que l'ouvrage parût.

Pour le procédé de Ximenès, qu'en dites-vous? Consolez-vous, pardonnez à la race humaine. Il y a un homme de condition 3, dans ce pays-ci, qui en faisait autant, et qui faisait vendre un autre manuscrit par ce fripon de Grasset, dont vos bontés pour moi avaient découvert les manœuvres.

Et que pensez-vous de la belle lettre de Ximenès 4 à Mme Denis, et de la manière dont ce misérable ose parler de vous? Toutes ces horreurs, toutes ces bassesses, toutes ces insolences, sont-elles concevables? Je ne conçois pas M. de Malesherbes 5; il est fâché contre ma nièce, pourquoi? Parce qu'elle a fait son devoir. Il est trop juste pour lui en savoir longtemps mauvais gré. Je suis persuadé que vous lui ferez sentir la raison. Il s'y rendra, il verra que l'action infâme de Ximenès et de La Morlière exigeait un prompt remède. En quoi M. de Malesherbes est-il compromis? Je ne le vois pas. Aurait-il voulu protéger une mauvaise action, pour me perdre? Mon cher ange, mon cher ange, la vie d'un homme de lettres n'est bonne qu'après sa mort.

Voilà ce que je vous écrivais, mon cher ange, et je devais vous envoyer cette lettre, dans quelques jours, avec la pièce imprimée, lorsque je reçois la vôtre du 3 du courant. Moi, corriger cet Orphelin! moi, y travailler, mon cher ange, dans l'état où je suis! Cela m'est impossible. Je suis anéanti. La douleur m'a tué. J'ai voulu absolument imprimer la pièce pour avoir une occasion de confondre, à la face du public, tout ce que la calomnie m'impute. Cent copies abominables de la Pucelle d'Orléans se débitent en manuscrit, sous mes yeux, dans un pays qui se croit recommandable par la sévérité des mœurs. On farcit cet ouvrage de vers diffamatoires contre les puissances, de vers impies. Voulez-vous que je me taise ici, que je sois en exécration, que je laisse courir ces scandales sans les réfuter? J'ai pris l'occasion de la célébrité de l'Orphelin; j'ai fait imprimer la pièce, avec une lettre où je vais au-devant du mal qu'on veut me faire 6. Mon asile me coûte assez cher pour que je cherche à y achever en paix des jours si malheureux. Que m'importe, dans cet état cruel, qu'on rejoue ou non une tragédie? Je me vois dans une situation à n'être ni flatté du succès, ni sensible à la chute. Les grands maux absorbent tout.
J'ai envoyé à Lambert les trois premiers actes un peu corrigés. Il aura incessamment le reste, avec l’Épître à M. de Richelieu, et une à Jean-Jacques. Les Cramer ont la pièce pour les pays étrangers. Lambert l'a pour Paris. Je leur en fais présent à ces conditions. Il ne me manque plus que de les avoir pour ennemis, parce que je les gratifie les uns et les autres. Je vous le répète, les talents sont damnés dans ce monde.
Je vous conjure de faire entendre raison à M. de Malesherbes, il n'a ni bien agi ni bien parlé. Il a bien des torts, mais il est digne qu'on lui dise ses torts, c'est le plus grand éloge que je puisse faire de lui. Je vous embrasse mille fois. »

1 L'Orphelin de la Chine .

2 La Morliére, chevalier de l'ordre du Christ, et le premier homme de lettres qui, plus tard, encensa les vertus de la Du Barry, est cité comme un escroc dans les Mémoires de Bachaumont. Né à Grenoble en 1701, mort à Paris en 1785; il est auteur de Réflexions sur la tragédie d'Oreste, d'Observations sur celle d'Amélie, ou le Duc de Foix, et d'une Analyse de l'Orphelin de la Chine. (CL.)

3 M. de Montolieu qui appartenait à l'une des principales familles de Lausanne.

4 Mme Denis écrivait à Colini, le 15 août 1755, en parlant du manuscrit dérobé chez elle « Je ne reviens pas encore d'un homme qui vole chez moi une parcelle de brouillon pour la vendre! moi, amie intime de sa mère, et lui venant très-souvent me voir! J'ai caché cette horreur à mon oncle, et je ne la lui dirai que lorsque nous aurons réparé le mal. ». Il résulte du quatrième alinéa de la lettre du 6 septembre à Mme de Fontaine que Voltaire croyait Mme Denis coupable d'une partie de ce mal.

5 Directeur de la Librairie, et donc responsable de la censure : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chr%C3%A9tien_Guillaume_de_L...

 

Eh bien ! croiriez-vous que, dans le siècle où nous sommes, on m'impute de pareilles bêtises

 

 

 

 

« A M. THIERIOT.

Aux Délices, le 10 septembre [1755]

Non, assurément, mon ancien ami, je ne peux ni ne veux retoucher à une plaisanterie faite il y a trente ans, qui ne convient ni à mon âge, ni à ma façon présente de penser, ni à mes études. Je connais toutes les fautes de cet ouvrage, il y en a d'aussi grandes dans l'Arioste, je l'abandonne à son sort. Tout ce que je peux faire, c'est de désavouer et de flétrir les vers infâmes que la canaille de la littérature a insérés dans cet ouvrage. Ne vous ai-je pas fait part de quelques-unes de ces belles interpolations ?

Qui, des Valois rompant la destinée,

A la gard' Dieu laisse aller son armée,

Chasse le jour, le soir est en festin,

Toute la nuit fait encor pire train;

Car saint Louis, là-haut, ce bon apôtre,

A ses Bourbons en pardonne bien d'autre 1


Eh bien ! croiriez-vous que, dans le siècle où nous sommes, on m'impute de pareilles bêtises, qu'on appelle des vers? On m'avertit que l'on imprime l'ouvrage en Hollande avec toutes ces additions; cela est digne de la presse hollandaise, et du goût de la gent réfugiée.
Je fais imprimer l'Orphelin de la Chine, avec une lettre 2 dans laquelle je traite les marauds qui débitent ces horreurs comme ils le méritent.
Plût à Dieu qu'on eût saisi la Pucelle, l'infâme prostituée de la Pucelle, à Paris, comme vous me l'écrivez, et comme je l'ai demandé Mais ce n'est point sur elle qu'est tombée l'équité du ministère c'est, à ma réquisition, sur une édition de la Guerre de 1741. Un homme de condition avait, à ce qu'on prétend 3, volé chez Mme Denis les minutes très-informes des matériaux de cette Histoire, et les avait vendues vingt-cinq louis d'or à un libraire nommé Prieur, par les mains du chevalier de La Moulière, dont ce Prieur a la quittance 4. Je ne crois point du tout que le jeune marquis qu'on accuse de s'être servi de ce chevalier soit capable d'une si infâme action. Je suis très-loin de l'en soupçonner, et je suis persuadé qu'il se lavera, devant le public, d'une accusation si odieuse. Je me suis borné à empêcher qu'on imprimât malgré moi une Histoire du roi imparfaite, et qu'on abusât de mes manuscrits. Cette histoire ne doit paraître que de mon aveu, et de celui du ministère, après le travail le plus assidu et l'examen le plus sévère.
Vous me feriez un très-grand plaisir de faire lire le manuscrit que vous avez à M. de Thibouville.
Adieu, mon ancien ami. Le ministre 5 philosophe aura bientôt les remerciements que mon cœur lui doit. »

3 L'accusation contre le marquis de Ximenès n'était que trop fondée. Voir la lettre à d'Argental du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/03/25/il-est-digne-qu-on-lui-dise-ses-torts-c-est-le-plus-grand-el.html

4 Voir le Rapport d'Hémery à M. Berryer, lieutenant de police : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-document-nouveau-vol-d-un-manuscrit-102201691.html

5 Le marquis d'Argenson .

 

24/03/2012

pour avoir un grand succès, il faut de grands rôles de femmes

Je suis bien de l'avis de Mme Denis (Oh c'est bien vrai , ça !!), le grand succès des hommes dépend du rôle de grandes femmes . 

Que les hommes qui briguent le pouvoir retiennent bien ceci .

Qu'hommes et femmes unissent leurs voix , alléluia !

http://www.youtube.com/watch?v=t0FeS1NQNSk

 

 

« De madame DENIS

au comte d'ARGENTAL


Des Délices, 9 septembre 1755.

Mon oncle a reçu une lettre de M. Lekain, dont il est enchanté.1 Il lui avoue qu'il a mal joué la première fois, et qu'il joue bien actuellement. Toutes les lettres que nous recevons le confirment. J'étais bien sûre de lui, et je ne doute pas qu'il ne fasse sentir à merveille tous les contrastes du rôle. C'est le meilleur garçon du monde, et tout plein de talent. Je me flatte que vous aimez à la folie Mlle Clairon, je suis sûre que vous et moi nous pensons de même quand je dis à mon oncle que, pour avoir un grand succès, il faut de grands rôles de femmes , il commence à être de cet avis, et est bien résolu de faire de beaux rôles à Mlle Clairon. »