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05/03/2012

quand ils seraient tous contre moi, je ne céderais pas

 

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« A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

Aux Délices, 30 juillet [1755]

Mon très-divin ange,

 

1° celui qui a écrit les animaux sauvages est un animal, il doit y avoir assassins sauvages 1.
2° Je crois avoir prévenu vos ordres dans le quatrième acte. Vous devez avoir reçu mes chiffons.
3° Je vous demande avec la plus vive instance qu'on ne retranche rien au couplet de Mlle Clairon, au troisième, qui commence par ces mots :

 


Eh bien ! mon fils l'emporte; et si, dans mon malheur, etc. (Acte III, scène 3, vers 723)

 


Mme Denis, qui joue Idamé sur notre petit théâtre, serait bien fâchée que cette tirade fût plus courte.
4° M. de Paulmy, qui est un peu du métier, et M. l'intendant de Dijon 2, qui a bien de l'esprit et du goût, trouvent que la pièce finit par un beau mot Vos vertus. Ils disent que tout serait froid après ce mot ; c'est le sentiment de Mme Denis, et, quand ils seraient tous contre moi, je ne céderais pas, il m'est impossible de finir plus heureusement. Lekain aura assez d'esprit pour ne pas dire ce mot comme un compliment. Il le dira après un temps, il le dira avec un enthousiasme d'attendrissement, et il fera cent fois plus d'effet qu'avec une péroraison inutile. Mon cher ange, il est bien important que mes magots soient montrés à Fontainebleau 3. Il en court d'autres qui sont bien vilains 4. Votre Grasset, dont vous aviez eu la bonté de me parler, est venu ces jours-ci à Genève. Il m'a apporté une feuille manuscrite de la Pucelle d'Orléans qu'on m'attribue, et il m'a offert de me vendre le manuscrit pour cinquante louis, après m'avoir dit qu'il en connaissait six autres copies. J'ai envoyé sur-le-champ sa feuille au résident de France ; le Conseil 5 s'est assemblé. On a mis en prison mon Grasset, et on vient de le chasser de la ville. Il se vante de la protection de M. Berryer 6 et il m'en a montré des lettres. Je vous ai déjà dit un petit mot de cette aventure, dans une lettre 7 que mon secrétaire 8 doit vous apporter.
Je compte avoir l'honneur d'envoyer, dans quelques jours, l'Orphelin de la Chine à Mme de Pompadour. Je vous prie que ce soit là son titre. C'est sous ce nom qu'il y a déjà une tragédie chinoise . Le public y sera tout accoutumé. Mon cher ange, je ne m'accoutume guère à vivre loin de vous. Je me crois à la Chine. Adieu, homme adorable.

V.


P. S. Il faut vous dire que les copistes qui sont ici n'écrivent pas trop bien, mon secrétaire Colini écrit très-lisiblement, son écriture est agréable. Il connaît la pièce; il doit être las de l'avoir copiée mais si vous voulez avoir la bonté de la lui faire copier chez vous, il prendra volontiers cette peine, quoiqu'il soit fort occupé auprès d'une jolie Italienne 9 avec laquelle il fait le voyage de Paris. Alors nous enverrons cette copie bien musquée à Mme de Pompadour, avec de la jolie nonpareille 10; et j'aurai l'honneur de lui écrire un petit mot dans le temps que vous choisirez pour lui envoyer la pièce.
Votre amitié ne se rebute point de toutes les peines que je lui donne, et de toutes les libertés que je prends. Elle est constante et courageuse. Mille tendres respects à tous les anges.

V. »

2 Jean-François de Joly de Fleury de La Valette, intendant de Bourgogne depuis 1749. http://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Joly_de_Fleury

http://fr.wikipedia.org/wiki/Intendant_de_Bourgogne

3 Où séjourne la cour .

4 La version frelatée de La Pucelle .

5 De Genève .

6 Lieutenant-général de police : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ministres_de_Louis_XV

8 Collini , envoyé à Paris .

9 Collini ne l'a pas nommée dans Mon Séjour auprès de Voltaire, ouvrage publié en 1807, in-8° : http://books.google.fr/books?id=Fi8HAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

10 En imprimerie : les plus petits caractères, que l’on appelle plus habituellement aujourd’hui corps de six points ou Corps six. .

 

03/03/2012

Je n'ai jamais rien vu de plus plat et de plus horrible, cela est fait par le laquais d'un athée

 Pauvre Volti !

Que dirais-tu face aux déclarations, souvent foireuses, creuses et mensongères des candidats au trône ?

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 http://www.sans-raisons.com/elgjyn/archives/1444

 

« A M. DE BRENLES

Aux Délices, 29 juillet [1755]

Vous m'aviez mandé, mon cher philosophe, que l'infâme manuscrit1 en question était à Lausanne ; vous aviez bien raison. Grasset est venu de Lausanne me proposer de l'acheter pour cinquante louis et, pour me mettre en goût, il m'en a montré une feuille. Je n'ai jamais rien vu de plus plat et de plus horrible, cela est fait par le laquais d'un athée. Mon indignation ne m'a pas permis de différer un moment à envoyer la feuille aux magistrats de Genève. On a mis sur-le-champ Grasset en prison2, il a dit qu'il tenait cette feuille d'un honnête homme, nommé Maubert 3, ci-devant capucin, et arrivé depuis peu à Lausanne. Ce capucin était apparemment l'aumônier de Mandrin. On l'a arrêté, on a visité ses papiers, on n'a rien trouvé mais on lui a dit que si l'ouvrage paraissait, en quelque lieu que ce fût, on s'en prendrait à lui. Le conseil de Genève ne pouvait me marquer ni plus de bonté, ni plus de justice. Grasset a été chassé de la ville, en sortant de prison. Il serait bon que M. Bousquet 4 connût cet homme, qui est ici très-connu, et absolument décrié.
J'ai cru devoir, mon cher philosophe, ces détails à votre amitié. Cette affaire et ma mauvaise santé reculent encore mon voyage de Monrion. Vous voyez quels chagrins viennent encore m'assiéger dans ma retraite. Il faut souffrir jusqu'à la fin de sa vie mais on souffre avec patience, quand on a des amis tels que vous.
Mme Denis et moi, nous présentons nos obéissances aux deux philosophes. Je vous embrasse tendrement.
Mme Goll 5 est à Colmar dans une situation bien triste. Je vous embrasse.

V. »

 

1 La Pucelle d'Orléans, dans une version fausse et incomplète .

2 Il n'y restera que quelques jours .

3 Jean.-Henri. Maubert, soi-disant chevalier de Gouvest, né à Rouen en 1721; capucin défroqué, officier d'artillerie, écrivain aux gages des libraires. Voltaire lui impute les falsifications dont sont souillées les éditions de la Pucelle qui parurent à Francfort en 1755 et en 1756. Maubert, qui avait déjà écrit contre Voltaire (voyez tome XXIV, page 11), mourut à Altona le 21 novembre 1767. (CL.)

Voir note page 379 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80021k/f384.image.r=maubert.langFR

4 Marc-Michel Bousquet , libraire à Lausanne emploie Grasset depuis 1754 (après le renvoi de ce dernier par les frères Cramer). Voir : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/359-francois-grasset

5 Ancienne logeuse de V* lors de son séjour à Colmar, elle est veuve depuis la fin 1754 .

 

02/03/2012

en cas que vous commenciez par vous faire payer d'un bel habit

Ce titre est une dédicace aux candidats fort nombreux, en cette année électorale en France, qui vont prendre une veste ; pour le bel habit, il ne leur restera qu'à se procurer gilet et pantalon/jupe assortis . Il y en a un qui remettra sans doute son costume de petit premier communiant (quelqu'un se souvient-il si j'ai promis de ne pas m'attaquer au physique ?)

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http://tibosoulcie.net/index.php?post/2009/03/10/Sirenes-du-Capitalisme-vogue-la-galere

 

 

« A M. LEKAIN
[juillet 1755]1


Mon grand acteur, voici un de vos admirateurs que je vous dépêche. L’Orphelin de la Chine est depuis longtemps entre les mains de M. d'Argental. Si vous voulez jouer cette pièce dès à présent, vous êtes le maître. J'en donne la rétribution aux acteurs en cas que vous commenciez par vous faire payer d'un bel habit sur cette rétribution. J'en donne le privilège au sieur Lambert, en cas qu'il fasse un petit présent au porteur.
J'espère que messieurs vos camarades voudront bien permettre qu'il vienne leur applaudir pendant qu'il sera à Paris. Je vous embrasse de tout mon cœur. Mme Denis vous fait bien ses compliments.

V. »

1 Cette lettre, qui est sans date dans l'autographe, doit être de peu antérieure au 27 juillet 1755, jour où Colini, qui en était porteur, partit de Genève.

Collini touchera pour prix de ses efforts le bénéfice de la vente de l'ouvrage édité par le libraire Lambert .

 

01/03/2012

trop heureux de vous procurer des plaisirs que je ne peux partager.

 

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J'espère un jour goûter à un de ces melons que Volti a eu l'occasion de déguster, pour son plus grand plaisir je le crois .

 

 

 

« A M. François-Antoine DEVAUX 1

 

[juillet 1755]

Mon très-cher Panpan, votre souvenir ajoute un nouvel agrément à la douceur de ma retraite. Je vous prie de remercier de ma part la très-bonne compagnie que vous dites ne m'avoir pas oublié. Si j'étais d'une assez bonne santé pour voyager encore, je sens que je ferais bien volontiers un tour en Lorraine 2 mais je prendrais trop mal mon temps, lorsque vous en partez.
Je suis bien loin actuellement de songer à des comédies, mais faites-moi savoir le titre de la vôtre, j'écrirai un petit mot à l'aréopage, et je tâcherai de vous faire avoir votre entrée 3 trop heureux de vous procurer des plaisirs que je ne peux partager.
Je vous embrasse tendrement.

V. »

2 Pour les curieux gourmands : http://tomodori.com/forum/topic5835.html

3 Voir lettre du 18 septembre 1755 où V* se propose d'influer sur les Comédiens Français en faveur de Devaux : « si vous vous contenterez d'un billet aux comédiens, pour vous donner votre entrée. Il se peut faire qu'ils aient cette complaisance pour moi, et je risquerais volontiers ma requête pour vous obliger. Comme je leur ai donné quelques pièces gratis, et, en dernier lieu, des magots chinois, j'ai quelque droit de leur demander des faveurs, ... »