15/08/2012
environné, tout du long de la route, d'affaires, de feux de joie, de fusées, de bals, de comédies, de cris de joie, de battements de mains, de femmes, de filles
... Ce qui n'est pas tout à fait le cas à 6h30, où le seul feu de joie est celui du soleil levant sur les Alpes, les battements de main ceux d'un éventuel auto-stoppeur me faisant un bras d'honneur quand je ne le prend pas, femmes et filles ne se bousculant pas sur mon passage , soyons réaliste !
« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.
Aux Délices, 6 septembre [1756].
Je ne conçois pas trop comment mon héros, environné, tout du long de la route, d'affaires, de feux de joie, de fusées, de bals, de comédies, de cris de joie, de battements de mains, de femmes, de filles, daigne encore trouver le temps de donner une lettre à Florian 1 pour moi. Je vous remercie tendrement, monseigneur. Soyez bien persuadé que je serais venu vous faire ma cour à Lyon mais je crains pour la vie d'une de mes nièces. Tronchin sera un grand médecin s'il la tire d'affaire.
Quand vous pourrez m'envoyer quelque petit détail de votre belle expédition de Mahon, je vous serai vraiment très-obligé; mais à présent je ne fais qu'un tableau général des grands événements, et je ne peins qu'à coups de brosse. Puisque j'avais commencé une Histoire générale, il a fallu la finir; et, dans cette histoire, ce qui fait le plus d'honneur à la nation, y est marqué en peu de mots 2. Je dis que vous avez sauvé Gênes, que vous avez contribué plus que personne au gain de la bataille de Fontenoy. Je parle de l'assaut de Berg-op-Zoom, pour mettre au-dessus de cette entreprise l'assaut général que vous avez donné à des ouvrages bien moins entamés que ceux de Berg-op-Zoom tout cela sans affectation, sans avoir l'air de vouloir parler de vous, et comme conduit par la force des événements. J'aurai eu du moins le plaisir de finir une Histoire générale par vous.
Il est venu, dans mon trou des Délices, un petit garçon haut comme Ragotin, nommé Dufour, qui a fait un petit divertissement à Lyon en votre honneur et gloire. Il dit que c'est vous qui me l'avez adressé, qu'il va à Paris, qu'il veut être votre secrétaire, qu'il faut que je lui donne une lettre pour vous. Je lui donnerai donc cette lettre, qui contiendra que le porteur est le petit Dufour, et vous ferez du petit Dufour tout ce qu'il vous plaira; mais je serai fort surpris si le petit Dufour peut vous aborder. On dit qu'un abbé 3 va à Vienne. J'espère qu'il bénira l'aigle à deux têtes 4, et qu'il maudira celui qui n'en a qu'une. Les ermites suisses vous présentent leurs tendres respects. »
1 Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian, futur époux en 1762, de Marie-Elisabeth de Fontaine devenue veuve .
2 Voir la lettre à Richelieu, du 4 février 1757 « Je ne sais si mon héros aura déjà reçu un fatras d'histoire qui commence à Charlemagne, et même plus haut, et qui finit par le vainqueur de Mahon .Vous n'aurez guère, monseigneur, le temps de lire dans votre année d'exercice ; ... »
4 L'aigle autrichien à deux têtes, arboré par Vienne car depuis 1461, Frédéric III accorde des privilèges à la ville en remerciement, ainsi que le droit d'apposer l'aigle à deux têtes et la couronne impériale sur les armoiries de la ville. Le prussien a une seule tête.
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Je m'intéresse encore moins à tout ce qui se passe sur ce pauvre globe, depuis Stockholm, où l'on coupe des têtes, jusqu'à Paris, où l'on fait des remontrances
... Quoique ! Quoique je me tienne au courant, parfois, souvent d'un oeil distrait compte tenu de l'abondance des faits dont un petit exemple, une manière de best of , suit :
http://news.google.fr/nwshp?hl=fr&tab=wn
Je n'ai pas prié avec les catholiques (ce jour d'assomption ) qui ne connaissent comme définition du mariage que celle de l'union d'un homme et d'une femme en vue de la procréation ; c'est un peu court, et je leur rappelle que le mariage n'est pas seulement un sacrement inventé par le clergé ( avec prestations tarifées ), mais aussi un acte laïc civil qui entérine l'intention de vie commune de deux personnes . Pour tout dire, le mariage homosexuel , je suis pour , et Christine Boutin peut bien réclamer un référendum, elle perd son temps et nous ferait perdre de l'argent avec un vote dont le résultat -positif- est déja connu par les sondages .
Petit exemple de mariage donné par la nature, deux velus par exemple !
« A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 6 septembre [1756].
Mon divin ange, vous n'avez point encore répondu au Botoniate; je vous crois un peu embarrassé avec la cour de Constantinople et avec l'auteur 1. Il s'est senti animé par les réflexions que vous aviez eu la bonté de faire sur son ouvrage il a corrigé sa pièce plus facilement que je n'en puis faire une, il vous l'a envoyée, tirez-vous de là comme vous pourrez. Mon cher ange, j'aime à voir des conseillers faire des tragédies. Je ne peux pas vous faire la même galanterie que ce bon M. Tronchin je vous écris au chevet du lit de Mme de Fontaine, qui est très-malade, et que l'autre Tronchin 2 aura bien dé la peine à tirer d'affaire. Je ne me porte guère mieux qu'elle. Ç'aurait été un beau coup d'aller à Lyon voir le maréchal de Richelieu, et entendre Mlle Clairon mais nous donnons la préférence à Tronchin sur les autres grands personnages du siècle. C'est bien dommage d'être malade dans une si belle saison et dans un aussi beau séjour, la seule situation de mon petit ermitage devrait rendre la santé.
Je ne peux guère, mon cher ange, vous parler de mes amusements de théâtre, au milieu des inquiétudes que Mme de Fontaine me donne, et des continuelles souffrances qui me persécutent altri tempi, altre cure. Je m'intéresse encore moins à tout ce qui se passe sur ce pauvre globe, depuis Stockholm, où l'on coupe des têtes, jusqu'à Paris, où l'on fait des remontrances et de très-mauvais vers. Je ne m'intéresse qu'à vous et à vos anges.
Mme Denis vous fait les plus tendres compliments. Adieu, mon cher et respectable ami je serais bien affligé de mourir sans vous embrasser. Vous êtes tout ce que je regrette. »
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14/08/2012
je néglige tous les faits, qui ne sont bons que dans les gazettes
... Dis-tu Voltaire !
Je suis loin, à cette aune , d'être qualifié d'historien, et encore moins historiographe . Tout au plus un passeur de témoin entre Volti et vous lecteurs . Avec quelques modestes mouvements d'humeur ( qui a dit "superflus" ?) . N'oubliez pas que j'édite à compte d'auteur ... et ne vous en doit aucun !
« A M. Élie BERTRAND,
premier pasteur, à Berne.
Aux Délices, 3 septembre [1756].
Mon cher philosophe, les Délices sont devenues un petit hôpital. J'ai une nièce très-malade 1, ce n'est pas Mme Denis. C'est une autre bonne parente, qui a fait le voyage de Paris à Genève pour son pauvre oncle le malingre. Je n'ai pas eu un jour de santé depuis que je vous ai vu, il est vrai que malgré mes souffrances je me suis amusé à esquisser un essai de l'histoire générale jusqu'à nos jours. J'ai trouvé que les malheurs du prince Édouard, le voyage de l'amiral Anson autour du globe, la révolution de Gênes, la prise de Madras et la cruelle récompense donnée à La Bourdonnaie en le mettant trois ans à la Bastille; j'ai trouvé, dis-je, que tout cela pouvait fournir quelques réflexions philosophiques. Je n'écris l'histoire qu'autant qu'elle peut être utile à la raison et aux mœurs, et je néglige tous les faits, qui ne sont bons que dans les gazettes.
Il me semble que j'avais eu l'honneur de voir cette jeune Mme de Freudenreich que la mort vient d'enlever. Je suis sensiblement touché de tout ce qui regarde ceux qui portent ce nom. Je vais écrire à monsieur le banneret 2. Mme Denis vous fait mille compliments.
Comptez, mon cher monsieur, sur la tendre et inviolable amitié de
VOLTAIRE. »
2 Abraham de Freudenreich que V* est allé voir lors de son voyage à Berne au mois de mai
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les gourmandes crient après un médecin quand elles ont mangé trop de jambon.
... D'ou ma conclusion que nous ne sommes heureusement pas tous en période de ramadan !
Ce jambon glacé se prépare à l'occasion des fêtes de fin d'année à la Martinique, tant pis si je vous donne envie trop tôt ! Il y a bien quinze ans que je n'en ai pas fait un . Le cochon qui doit me donner un de ses membres commence à avoir du poil blanc .
http://www.haiticulture.ch/Jambon_glace.html
« A M. le docteur Théodore TRONCHIN
[fin août 1756] 1
Les dévotes sont toujours après leur directeur; les gourmandes crient après un médecin quand elles ont mangé trop de jambon.
Mon cher Esculape, vous êtes accoutumé aux faiblesses humaines, pardonnez à quatre ou cinq femmes compatissantes qui voulurent hier vous faire courir à heure indue pour une petite indigestion. Vous savez que ces bagatelles n'ont pas de suite dans les bons tempéraments.
Les deux nièces et l'oncle sont tous sous votre domination, et vous sont attachés comme on doit l'être. »
1 Nous croyons que ce billet sans date, édité par MM. de Cayrol et François, doit avoir place à cette époque ou être rejeté au mois de juin 1758. (Georges Avenel)
20:42 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/08/2012
le feu peut se mettre tout d'un coup aux quatre coins de l'Europe; quel plaisir pour vous autres héros !
... De la finance !... Si on place cette phrase actuellement . Les traders eux aussi doivent penser à un consolant début d'hostilités boursières , souhaiter (-je le crains-) de véritables hostilités sur le terrain même . Il y en a toujours qui tirent les marrons du feu guerrier .
Nos neutres -ô combien ! - voisins Suisses , genevois en particulier, sont heureux et fiers d'avoir fichu la pâtée aux Savoyards le 12 décembre 1602 ; aimant l'argent et les bonnes affaires depuis toujours, ils ne dédaignent pas le plaisir de réussites guerrières .
Voltaire, lui, manie le second degré à la perfection et ne craint pas de passer pour un assoifé de sang de champs de batailles aux yeux d'un lecteur superficiel comme Roger-Pol Droit , pour ne pas le citer ! Volti connait bien les points faibles des guerriers , soit les armes à la main, soit séducteurs .
« A M. le maréchal duc de RICHELIEU .
Aux Délices, 27 août [1756]
Vraiment, monseigneur, je suis un plaisant homme pour venir faire ma cour à mon héros. Je suis dans mon lit, n'en pouvant plus, et j'ai une nièce qui se meurt ce n'est pas votre protégée Denis, c'est sa sœur 1. Conservez votre santé, un général d'armée en a grand besoin, et probablement vous ne vous en tiendrez pas à la prise de Mahon. Vous donnez à M. le duc de Fronsac une éducation singulière, je crois que peu de personnes de son espèce auront vu au même âge d'aussi grandes choses que lui. Je crois que ma chère Marie-Thérèse a bien envie de prendre ce temps-là pour reprendre, si elle peut, la Silésie. Nous attendons toujours des nouvelles consolantes de quelque petit commencement d'hostilités , le feu peut se mettre tout d'un coup aux quatre coins de l'Europe; quel plaisir pour vous autres héros !
Je meurs de douleur de ne pas venir vous contempler tout rayonnant de gloire. Je me dépique en vous fourrant dans une grande diable d'Histoire générale que j'ai commencée par Charlemagne, et que je finis par vous. J'ai pris l'expédition de Mahon pour ma dernière époque. Cela me soulage dans mon état de malingre. Je fais mille vœux pour vous. Jouissez longtemps et gaiement de toute votre gloire, et conservez vos anciennes bontés pour votre ancien adorateur. »
20:58 | Lien permanent | Commentaires (0)