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31/08/2013

On dit les nouvelles bonnes et on en attend de meilleures .

 ... Avec , hélas, cet inconvénient que "le mieux est l'ennemi du bien", comme dit celui qui vous donne cent sous quand vous en demandez mille .

 Quelles sont ces bonnes nouvelles lorsqu'on évoque la possibilité d'engagements guerriers en Syrie dans un proche avenir ? Les meilleures seront-elles qu'on y renonce ou qu'on y va ? Ne pas y mettre les pieds est regrettable, y pointer le bout de son fusil est détestable , c'est mon avis .

 Ah qu'il était doux le renversant flower power

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Aux Délices le [19è] juin [1758] 1

J'ai fait mettre chez M. Cathala deux paquets de livres couverts de toile cirée . Ce sera mon cher monsieur pour la dernière fois que je vous importunerai pour de pareilles misères, mais sans vous je ne saurais comment m'y prendre . Le plus gros de ces paquets est pour M. l'abbé de La Tremblaye 2 à Cholet en Anjou, le second qui est le plus petit est pour M. Hippolite, 3 capitaine au régiment de Nice .

J'ose vous prier de vouloir bien ordonner qu'on écrive chaque adresse sur son paquet quand M. Cathala vous aura fait parvenir l'un et l'autre .

Je suis obligé d'aller faire un séjour de quelque jours au près de l’Électeur palatin . Vous savez que j'ai quelques obligations à ce prince, c'est un devoir dont je m'acquitte et une promesse que je remplis . Le roi m'a accordé un passeport que M. l'abbé de Bernis m'a envoyé avec tous les agréments imaginables 4 . C'est un voyage qui doit être fort agréable pour moi et que cependant je fais avec beaucoup de chagrin parce qu'il me privera pendant un mois de mes nièces et que je crains bien de me trouver dans le palatinat quand vous serez à Genève . Je serai certainement de retour au mois d'août . Je souhaite que vous ayez assez d'affaires pour ne revenir voir votre famille qu'au mois d'août . Ce serait alors que je ne me repentirais pas de mon voyage .

On dit les nouvelles bonnes et on en attend de meilleures .

Nous vous embrassons tous bien tendrement .

V. »

1 Sur le manuscrit V* avait laissé la date en blanc , complétée par le destinataire .

2  Claude-Amable-François Robin, chevalier de La Tremblaye : voir  : http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/MondeMed1/depasquale.pdf

Le jugement de Voltaire est: «Pour M. le chevalier de La Tremblaye, tout ce que je sais, c’est qu’il doit réussir auprès des hommes par la douceur de ses mœurs, et auprès des dames par sa figure »

4 « A Versailles ce 9 juin 1758 /J'ai l'honneur de vous envoyer, monsieur, le passeport que vous m'avez demandé pour votre passage dans le Palatinat . On ne saurait être plus sensible que je le suis aux sentiments que vous me conservez : je voudrais avoir l'occasion de vous donner des preuves de ceux avec lesquels j'ai l'honneur d'être [ …]/ l'abbé comte de Bernis. »

 

 

30/08/2013

Wagnière a oublié de prendre les clefs du bureau

... Ce qui n'arrive jamais à Mam'zelle Wagnière, je le parie à coup sûr .

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« A Jean-Louis Wagnière 1

Wagnière a oublié de prendre les clefs du bureau dans lequel il faut prendre tous les papiers .

Je les lui envoie . Je lui recommande de finir et de revenir au plus tôt et de faire en réparations seulement ce qui sera absolument nécessaire en attendant que j'aille à Lausanne 2. Nous avons grand besoin de notre ami Wagnière aux Délices .

V. 

18 [juin 1758] 3»

1 C'est la première des lettres que recopie Wagnière dans la série des « Lettres de M. de Voltaire, au sieur Wagnière son secrétaire » en tête desquelles il mentionne : « Copies collationnées sur les originaux, déposés entre les mains d'une grande princesse. » [la grande princesse est Catherine II de Russie qui achètera la bibliothèque de V* en 1778]

2 Cette phrase suggère que V* a décidé de renoncer à sa maison du Grand Chêne ; voir aussi sa lettre du 27 avril 1758 à Ami Camp : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/10/voila-nippe-pour-des-siecles-et-je-verrai-tranquillement-le.html

3 Date complétée par Wagnière .

 

29/08/2013

je pourrais en qualité de Suisse mettre mon denier de la veuve dans cette grande offrande s'il y avait place dans le tronc

...Si tant est que ce soit une qualité qu'être Suisse . Il en est de bons, on le dit, rares, qui ne coupent pas les cheveux en vingt quatre (je mets 24, car pour eux en 4, ça ne suffit pas )  et payent leur tournée au bistro . "Boire en Suisse" , tout un programme ; allez ! santé gaillard !

Wanted : pilleur de troncs

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« A Jean-Robert Tronchin

Aux Délices seize juin [1758]

Je suis bien sensible, mon cher monsieur, à la bonté que vous avez au milieu de tant d'occupations de m'instruire de vos négociations et de vos succès . Vous savez qu'elle part je prends à tout ce qui vous regarde et combien je suis flatté de vous voir réussir dans tout ce que vous entreprenez . Nous savions déjà l'affaire de six millions 1, mais je ne dis à personne que vous êtes chargé de cette grande affaire . C'est un triomphe qui ne sera pas longtemps ignoré . M. de Labat votre ami prétend qu'il sera difficile aux Génois de fournir d'un coup cette somme, et peut être la Suisse, toute Suisse qu'elle est, serait-elle en état de donner ce que les Génois n'auront pas de prêt . En ce cas je pourrais en qualité de Suisse mettre mon denier de la veuve dans cette grande offrande s'il y avait place dans le tronc . C'est une chose que je remets à votre prudence et à votre amitié .

Il s'en faut bien que nos affaires militaires soient conduites comme vous traitez les affaires de finance . La marche du prince Ferdinand de Brunswik et son passage du Rhin sont un chef d’œuvre de l'art militaire et ce n'en est pas un de l'avoir laissé passer . Voilà un terrible événement .

Lorsque vous aurez , monsieur, quelques moments de loisir, je vous prierai très instamment de vous servir du crédit que vous avez auprès de Mme de Grolée 2 pour faire naître dans son cœur le désir de voir M. d'Argental et pour l'appeler auprès d'elle . Je ne doute pas que vous ne réussissiez dans cette négociation délicate comme vous avez réussi auprès du contrôleur général .

Je sens combien il est ridicule de vous parler à présent de bagatelles comme d’un petit paquet de livres que je fais partir à votre adresse et dont je vous écrirai la destination, mais je ne peux faire que de petites choses et vous voulez bien y avoir égard . Mes nièces vous font mille compliments et l'oncle est à vous pour la vie avec le plus tendre attachement .

V. »

2 Héritière du cardinal de Tencin ; il s'agissait d'exciter Mme de Grolée à engager son neveu d'Argental à la venir voir à Lyon. Voltaire espérait de cette entrevue des suites avantageuses pour son ami. Voir page 415 : http://books.google.fr/books?id=NaA3eTAyKIQC&pg=PA415&lpg=PA415&dq=mme+de+grol%C3%A9e+argental+tencin&source=bl&ots=qsj0qZhn2Z&sig=U_NEHeIjgPv3joLwkUYSeLfqLpw&hl=fr&sa=X&ei=P7sfUsqYHYaG0AXy7YEY&ved=0CDYQ6AEwAQ#v=onepage&q=mme%20de%20grol%C3%A9e%20argental%20tencin&f=false

 

28/08/2013

Je viendrais vous demander un lit, et jouir de la consolation de causer avec vous, si je pouvais faire le voyage

... Mes voeux et regrets  sont semblables à ceux de Voltaire , hormis le fait que ma santé ne me donne pas de soucis (là aussi. je partage son opinion que sans médecin on a  de bonnes chances de survie ) .

 Pour vous , je ferai le chemin

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« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de LUTZELBOURG.

à l'île Jard

à Strasbourg Alsace

Aux Délices, 16 juin [1758].

Vous avez dû, madame, avoir M. le prince de Soubise, qui probablement a passé par Strasbourg pour aller prendre sa revanche. M. le comte de Clermont joue peut-être sa première partie au moment que je vous écris. En attendant, nous payons les cartes. Permettez-moi de vous demander où est monsieur votre fils pendant toutes ces aventures. Ne sert-il pas toujours? N'a-t-il pas été de son lit de mariage à son lit de camp ? est-il dans l'armée de Hanau ? est-il dans l'armée du Rhin ? Je fais toujours des vœux pour sa conservation, pour son avancement, et pour la tranquillité de votre vie.

J'ai été sur le point, madame, de venir vous faire une visite. Je promets tous les ans à monseigneur l'électeur palatin de lui aller faire ma cour. Je viendrais vous demander un lit, et jouir de la consolation de causer avec vous, si je pouvais faire le voyage; mais ma mauvaise santé et ma famille, que j'ai auprès de moi, me retiennent. Daignez au moins m'apprendre quelques bonnes nouvelles des bords de votre Rhin. Ce fleuve devrait rouler du sang depuis qu'on fait la guerre dans son voisinage 1. Notre lac de Genève est plus tranquille; on n'y extermine que des truites qui pèsent trente livres et on y est presque dégoûte de la félicité paisible qu'on y goûte. Nous sommes trop heureux, et les Allemands et les Français sont trop à plaindre. Vous n'avez vu dans votre vie que des malheurs. Vivez heureuse au milieu de tant de désolations, s'il est possible. Pourquoi donc votre pauvre neveu a-t-il choisi le voisinage de Lyon pour sa maison de campagne? Que de misère générale et particulière dans ce monde . Consolez-vous avec votre très-aimable chanoinesse 2, et conservez vos bontés pour les ermites du lac.

V. »

1 Cette phrase manque dans les éditions .

2 Mme Zuckmantel de Brumath, sœur de l’envoyé de Prusse à Mannheim, que V* appelle « sœur Broumath ».

.Voir lettre du 23 octobre 1754 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/05/concluons-que-les-femmes-valent-mieux-que-les-hommes.html

 

27/08/2013

Ce nom est dangereux et met tout bon théologien en garde.

... Et les mauvais théologiens en fuite , pour le moins .

Fables, récits merveilleux, -trop merveilleux pour  dire la vérité,- dogmes, contradictions, mauvaise foi, voila ce que Voltaire met au jour et dénonce dans toutes les religions sources d'intolérance . Pourquoi craindre cette vérité ? Pourquoi s'en prendre à celui qui ôte le voile de l'ignorance ? Oui, Voltaire , face à tous ceux qui vivent de la religion, ton nom est dangereux pour toi  ; jusqu'à quand durera cette ineptie ? Toi, au moins, tu n'as jamais mis, ni bénit, d'armes aux mains de tes partisans .

 Qui ose encore te censurer ?

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.

Conseiller d'honneur du parlement

rue de la Sourdière

à Paris

Aux Délices, 16 juin [1758]

Mon cher ange, je cours grand risque de vous déplaire, en ne vous envoyant que la prose pour l'Encyclopédie, au lieu de vous dépêcher des cargaisons de vers pour Clairon et pour Lekain. Je fais partir, sous l'enveloppe de M. de Chauvelin, Imagination et Idolâtrie; ce sont deux morceaux qui m'ont coûté bien de la peine. C'est une entreprise hardie de prouver qu'il n'y a point eu d'idolâtres 1. Je crois la chose prouvée, et je crains de l'avoir trop démontrée. C'est à vous à protéger les vérités délicates que j'ai dites dans les articles Idolâtrie 2 et Imagination 3. Elles pourront passer au tribunal des examinateurs, si elles ne sont pas annoncées sous mon nom. Ce nom est dangereux et met tout bon théologien en garde.

Enfin, nostrorum sermonum candide judex 4, voyez si vous pouvez avoir la bonté de donner ces articles à Diderot. Je vous ai déjà envoyé celui d'Histoire par M. de Chauvelin, tout cela composerait un livre. J'ai sacrifié mon temps à l'Encyclopédie; je ne plaindrai pas mes peines si le livre devient meilleur de jour en jour, et je souhaite que mes articles soient les moins bons.

Peut-être est-ce prendre bien mal son temps de vous parler de ce qui ne peut occuper que des philosophes, tandis qu'il se passe tant de choses qui doivent intéresser tout le monde.

Je me flatte au moins que vous n'avez de maison ni à Saint-Malo 5 ni sur les bords du Rhin 6.

Puisse M. le comte de Clermont battre les Hanovriens ! Puissent les Anglais, qui sont descendus près de Saint-Malo, ne pas retourner chez eux! Et puissiez-vous approuver et faire approuver Histoire, Idolâtrie, Imagination! Je n'en ai plus, de cette imagination mais les sentiments qui m'attachent à vous sont plus vifs que jamais.

V.

J'ajoute encore un petit mot sur ma triste figure. Je vous jure que je suis aussi laid que mon portrait; croyez-moi. Le peintre n'est pas bon, je l'avoue mais il n'est pas flatteur 7. Faites-en faire, mon cher ange, une copie pour l'Académie. Qu'importe, après tout, que l'image d'un pauvre diable, qui sera bientôt poussière, soit ressemblante ou non ? Les portraits sont une chimère comme tout le reste. L'original vous aimera bien tendrement tant qu'il vivra.

V. »

1 C'est la thèse de Zadig au chapitre xii , du souper : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-conte-zadig-ou-la-destinee---partie-2-68776204.html

3 A ce propos, puisque nous sommes en 2013, année anniversaire pour Diderot, parlons de l'imagination de celui-ci : http://www.uqtr.uquebec.ca/AE/Vol_12/Dumouchel/Beaulne.htm

4 Horace, lib. I, Epîtres, I, iv, i : juge loyal de nos entretiens .

5 Le 5 juin, les Anglais mouillèrent à Cancale près de Saint-Malo, et débarquèrent le lendemain quatorze à quinze mille hommes pour assiéger cette ville; mais ils se rembarquèrent les 12, 13 et 14 du même mois.

6  Le 12 juin, la duchesse de Saxe-Gotha écrit à V* : « Vous saurez peut-être déjà […] que le prince Ferdinand à la tête de l'armée de Hanovre a passé le Rhin » ; c'était dans la nuit du 31 mai , à la poursuite des Français .

7  Le 7 juin 1758, Marie-Louise Denis écrivait à d'Argental : « Nous vous avons envoyé un portrait dont je vous demande bien pardon . Mettez-le au grenier […] Heureusement Liotard, peintre que vous avez vu habillé en Turc à Paris s'est retiré à Genève, sa patrie et va peindre mon oncle la semaine prochaine . Ma sœur emportera le portrait et en fera faire des copies en huile à Paris . Cet homme attrape la ressemblance à merveille . J'espère que vous reconnaitrez votre ami quand il sera tracé de sa main . »

 

26/08/2013

Il n'y a que moi à qui on puisse dire franchement la vérité

... En toute modestie !

 

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T'es moche !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

[vers le 7 juin 1758]

Mon divin ange,ce paquet contient de plats articles pour ce dictionnaire encyclopédique . L'article Heureux a pourtant quelque chose d’intéressant, ne fût ce que par le sujet . Il n'appartient guère à un homme éloigné de vous de traiter cette matière .

Si vous avez la volonté de donner ces paperasses avec Histoire, on commence à présent le 8è volume et votre présent sera bien reçu . Diderot ne m'a point écrit 1 . C'est un homme dont il est plus aisé d'avoir un livre qu'une lettre . Il est vrai qu'il n'a pas trop de temps et qu'on peut lui pardonner . Ce n'est qu’à la campagne qu'on a du temps . Encore n'en ai-je guère .

Il est toujours bon , mon cher ange, de dire aux auteurs que leur pièce est bonne . Il n'y a que moi à qui on puisse dire franchement la vérité . D'ailleurs la pièce en question 2 est si intriguée, si chargée, que je n'y comprends plus rien . On dit que les places de parterre ont été mises au double, et que cela indispose le public contre l'auteur . Il n'y a que le temps qui décide du mérite des ouvrages . Il faut donc attendre .

Je rends mille grâces à votre aimable ami, au plus aimable des ambassadeurs 3. Je suis pénétré de reconnaissance pour vous et pour lui . Sa médiation sera d'autant mieux placée qu'elle sera seulement l'effet de la bonté de son cœur, qu’elle ne paraitra pas mendiée, qu'elle ne pourra embarrasser en rien la personne à qui cette médiation s'adressera, et que probablement elle sera bien reçues . Rien ne presse et on peut attendre très patiemment le mollia fandi tempora 4.

Ce qui me tient beaucoup plus au cœur c'est que vous veniez à Lyon, mon cher ange . Il faut absolument que Tronchin qui va partir, fasse cette négociation , et qu'il la fasse lui-même et qu'il y réussisse . Comptez qu'il entend ces affaires-là comme celles du change . Mon Dieu le joli coup que ce serait ! On est riche comme un puits 5. On radote . J'aurais le bonheur de vous voir . J'ai toujours peur de radoter moi-même en me livrant trop à mes idées . Mais pardonnez-moi la plus douce illusion du monde .

Mme de Fontaine vous apportera Fanime et La Femme qui a raison . Si ces misères vous amusent elles en amuseront bien d'autres .

Je me flatte que Mme d'Argental est en bonne santé . Je baise les ailes de tous les anges .

V.

Je fais mille compliments à M. de Sainte-Palaye 6. Je suis aussi honoré qu'enchanté de l'avoir pour confrère . »

1 V* recevra le 24 juin 1758 la lettre suivante «  De DIDEROT

14 juin 1758.

Si je veux de vos articles, monsieur et cher maître, est-ce qu'il peut y avoir de doute à cela? Est-ce qu'il ne faudrait pas faire le voyage de Genève et aller vous les demander à genoux, si on ne pouvait les obtenir qu'à ce prix? Choisissez, écrivez, envoyez, envoyez souvent. Je n'ai pu accepter vos offres plus tôt; mon arrangement avec les libraires est à peine conclu. Nous avons fait ensemble un beau traité, comme celui du diable et du paysan de La Fontaine, les feuilles sont pour moi, le grain est pour eux; mais au moins ces feuilles me seront assurées. Voilà ce que j'ai gagné à la désertion de mon collègue [d'Alembert]. Vous savez sans doute qu'il continuera de donner sa partie mathématique. Il n'a pas dépendu de moi qu'il ne fit mieux. Je croyais l'avoir ébranlé; mais il faut qu'il se promène. Il est tourmenté du désir de voir l'Italie. Qu'il aille donc en Italie je serai content de lui s'il revient heureux, etc. »

3 François-Claude-Bernard-Louis de Chauvelin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Claude_Chauvelin

6 La Curne de Sainte-Palaye fameux érudit, auteur de savantes recherches sur le Moyen-Age français sera reçu à l'Académie française le 26 juin 1758 .

 

24/08/2013

comme cette lettre passera par la France, c'est encore une raison pour ne rien dire

 ... Qui risque de déplaire, à qui que ce soit détenant une part de pouvoir .

Ce triste constat au XVIIIè siècle est aisément transposable au XXIè qui a vu et voit encore le "scandale" (?!) des écoutes , l'espionnage à grande échelle des télécommunications au profit prétendu de la sécurité d'Etats .

 Pourtant ...

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« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de TRESSAN 1

7 juin [1758]

M. de Florian ne sera pas assurément le seul, mon très-cher gouverneur, qui vous écrira du petit ermitage des Délices; c'est un plaisir dont j'aurai aussi ma part. Il y a bien longtemps que je n'ai joui de cette consolation. Ma déplorable santé rend ma main aussi paresseuse que mon cœur est actif; et puis on a tant de choses à dire qu'on ne dit rien. Il s'est passé des aventures si singulières dans ce monde qu'on est tout ébahi, et qu'on se tait; et, comme cette lettre passera par la France, c'est encore une raison pour ne rien dire. Quand je lis les Lettres de Cicéron, et que je vois avec quelle liberté il s'explique au milieu des guerres civiles, et sous la domination de César, je conclus qu'on disait plus librement sa pensée du temps des Romains que du temps des postes. Cette belle facilité d'écrire d'un bout de l'Europe à l'autre traîne avec elle un inconvénient assez triste c'est qu'on ne reçoit pas un mot de vérité pour son argent. Ce n'est que quand les lettres passent par le territoire de nos bons Suisses qu'on peut ouvrir son cœur. Par quelque poste que ce billet passe, je peux au moins vous assurer que vous n'avez ni de plus vieux serviteur, ni de plus tendrement attaché que moi. Peut-être, quand vous aurez la bonté de m'écrire par la Suisse, me direz-vous ce que vous pensez sur bien des choses par exemple, sur l'Encyclopédie, sur la Fille d'Aristide, sur l'Académie française. N'aurai-je jamais le bonheur de m'entretenir avec vous? N'irai-je jamais à Plombières ? Pourquoi Tronchin ne m'ordonne-t-il point les eaux? Pourquoi ma retraite est-elle si loin de votre gouvernement, quand mon cœur en est si près ?

Mille tendres respects.

Le Suisse VOLTAIRE. »