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22/12/2015

Il désire fort d'avoir le livre sur les impôts, qui a envoyé son auteur à Vincennes

... On croirait qu'il s'agit de notre Nanard Tapie, renard tapi qui sort de son terrier .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

[vers le 22 décembre 1760] 1

Le solitaire des Alpes fait mille compliments à monsieur Damilaville et à M. Thieriot . Il désire fort d'avoir le livre sur les impôts, qui a envoyé son auteur à Vincennes . M. Thieriot ne pourrait-il pas adresser ce volume à M. Tronchin, à Lyon, par la diligence, en cas qu'il soit un peu gros ? Mes lettres sont courtes, monsieur, mais mes travaux sont longs ; s'ils vous amusent, pardon à la brièveté de mon style épistolaire . J'ose vous prier de vouloir bien faire rendre l'incluse .

Je ne sais nulle nouvelle de la littérature : je me recommande à M. Thieriot comme à vous . Mille souhaits per le sante feste del divino natale 2. »

1 La lettre a toujours été datée du 6 janvier 1761, mais cette date paraît un peu tardive dans la mesure où l'emprisonnement de Mirabeau remonte au début de décembre 1760, et surtout incompatible avec la mention des fêtes de Noël qui termine la lettre . Mme d'Épinay écrivit à V* vers le 15 décembre 1760 : « Vous a-t-on parlé d'un livre de M. de Mirabeau intitulé Théorie de l'impôt ? C'est un orage, tout y est confondu, obscur ; et puis des traits de lumière qui éblouissent, qui renversent ; des calculs faux, des idées justes, de l'éloquence, de l'amphigouri ; hardi jusqu'à la témérité […] au reste un égard marqué pour les moines, un tableau frappant et vrai de nos malheurs, un léger crayon de remèdes assez incertains ; le tout l'a conduit à Vincennes, où il est depuis hier […] Son livre est in-4° et n'en est pas moins défendu . Il est trop considérable pour être envoyé par la poste, sans quoi, mon cher philosophe, vous l'auriez déjà . » Il s'agit de la Théorie de l'impôt (Victor Riquetti, marquis de Mirabeau ), 1760 .

2 Pour les saintes fêtes du divin Noël .

 

Après tout je trouve qu'on peut être fort heureux sans une calotte rouge, et même sans calotte .

... Ce qui fait que 29 ans plus tard, le peuple a lu , non sans raison, "sans culotte" et est passé à l'acte !

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

22 décembre [1760]

Il faut que je vous dise mon cher monsieur combien Chimène est reconnaissante de toutes vos bontés et combien nous les partageons Mme Denis et moi . Quelle est la sorte d'attention officieuse que vous n'avez pas eue pour nous ? Nos cœurs y seront sensibles, tant que nous vivrons .

Vous ai-je mandé que M. de Laleu payerait les 10 000 à vue ou approchant ?

Je crois que je n'ai point dit que je prêterais à M. des Franches pour le terme des Rois conformément à vos intentions . Si je ne vous l'ai point mandé, je vous le mande . Je m'arrangerai en conséquence pour tous les autres paiements .

J'ai lu le mémoire de votre archevêque, il me paraît sage, clair, profond, et convaincant . Il a surement plus d'esprit et plus de science que le cardinal de Tencin, mais je ne sais s'il sera cardinal . Après tout je trouve qu'on peut être fort heureux sans une calotte rouge, et même sans calotte .

Votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

 

 

... la divine providence nous accorde à tous une partie égale d'intelligence . Je ne crois pas avoir jamais écrit une pareille sottise , mais si je l'ai écrite je la rétracte

...

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

22 décembre 1760

Un M. Chamberland, dans le Censeur hebdomadaire, prétend que je lui ai écrit que la divine providence nous accorde à tous une partie égale d'intelligence . Je ne crois pas avoir jamais écrit une pareille sottise , mais si je l'ai écrite je la rétracte . Je n'ai jamais prétendu avoir une tête organisée comme un Neuton, un Rameau . Je n'aurais jamais trouvé la base fondamentale 1, ni le calcul intégral . Il n'y a que le sage du stoïcien qui soit tout, même cordonnier comme dit Horace 2.

Est-il vrai que Frélon vient d'être mis au Fort l’Évêque ?3 »

1 V* fait allusion à la théorie du contrepoint de Rameau, suivant laquelle une harmonie naturelle se construit sur une base fondamentale ; voir son Traité de l'harmonie, 1722 , suivi d'autres ouvrages de théorie musicale .

2 Dans les Satires , I, 3, 125 .

3 Fréron qui défendait les institutions contre les attaques des philosophes, avait été injustement emprisonné, pour peu de temps, pour un prétendu libelle contre le marquis de Bacqueville .

 

sans préjudice des fétiches

... La peste soit des superstitieux et des vendeurs de grigris !

 

« A Pierre Pictet

22è décembre 1760 1

Je présente mes respects à mes chers voisins, et souhaite toute sorte de prospérité à la mère et à l'enfant 2; je supplie monsieur Pictet de vouloir bien avoir la bonté de lire ce petit mémoire que j'adresse à M. de Chapeaurouge, sans préjudice des fétiches 3.

V. »

1 L'édition Havens B. lit par erreur Sbre pour Xbre .

2 Mme Constant de Rebecque avait eu un fils, Juste, né le 17 décembre 1760 .

3 Allusion à De Brosses et à son Culte des dieux fétiches […].

 

Je veux qu'elle apprenne à vivre dans le monde et à y être heureuse

... Message de tous les éducateurs, les vrais , ceux qui ne mettent pas les femmes sous l'éteignoir .

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

à Saint-Joseph

à Paris

A Ferney par Genève 22 décembre 1760

Il y a eu , madame, de la réforme dans les postes . Les gros paquets ne passent plus . Je doute fort que vous ayez reçu ceux que j'ai eu l'honneur de vous adresser et j'en suis très en peine . Je vous prie très instamment de me tirer de cette inquiétude . Les rogatons que j'avais trouvés sous ma main pour vous amuser ou pour vous ennuyer un quart d'heure sont des misères . Je le sais bien , mais je serais affligé qu'elles eussent passé dans d'autres mains que les vôtres .

Comment vous amusez-vous madame ? que faites-vous de ces journées qui paraissent quelquefois si longues dans une vie si courte ? comment le président Hénault s'accommode-t-il d'être septuagénaire ? Pour moi qui touche à ce bel âge de la maturité je me trouve très bien d'avoir à gouverner les dix-sept ans de Mlle Corneille . Elle est gaie , vive et douce , l'esprit tout naturel . C'est ce qui fait apparemment que Fontenelle l'a si mal traitée . Je lui apprends l'orthographe, mais je n'en ferai point une savante . Je veux qu'elle apprenne à vivre dans le monde et à y être heureuse .

Je vous souhaite les bonnes fêtes , madame, comme disent les Italiens mes voisins . Cependant vous ne sauriez croire combien il y a de gens en Italie qui se moquent des fêtes . Mon Dieu que le monde est devenu méchant ! C'est la faute de ces maudits philosophes .

V. »

 

je vous suis attaché comme si j'avais eu l'honneur de vivre avec vous

...

 

« A Etienne-Noël Damilaville

22 décembre 1760

Je profite , monsieur, de vos bontés . J'ai à peine le temps d'écrire un mot ; mais ce mot est que je vous suis attaché comme si j'avais eu l'honneur de vivre avec vous . Il me semble que vous êtes mon ancien ami . »1

1 On notera une fois pour toutes que tous les remerciements de ce genre adressés par V* à Damilaville concernent des envois franco de port et autres facilités postales que Damilaville, en sa qualité de premier commis des vingtièmes, fournissait abondamment, en abusant des prérogatives de sa charge .

 

20/12/2015

Monsieur, je vous souhaite la bonne année . Votre pauvre secrétaire n'a plus que cela à faire

...

 

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov 1

Monsieur, je vous souhaite la bonne année . Votre pauvre secrétaire n'a plus que cela à faire . Votre Excellence m'a cassé aux gages . Il y a un siècle que je n'ai eu de vos nouvelles, et je suis toujours dans ma profonde ignorance touchant les paquets que j’ai eu l'honneur de vous envoyer . Le gentilhomme qui devait venir de Vienne à Genève est apparemment amoureux de quelque Allemande . Nuls papiers, nulle instruction pour achever votre Histoire de Pierre le Grand . La mort de votre ambassadeur M. de Golofskin redouble encore mes inquiétudes . Le gros paquet que je lui avais adressé pour Votre Excellence a bien l'air d'être perdu . Je crois vous avoir déjà mandé que l'adresse de ce ballot en toile cirée était à M. de Golofskin etc. pour faire tenir à M. etc. de Schouvalov etc. à Pétersbourg . Un de vos secrétaires peut en écrire à La Haye au secrétaire d'ambassade . Enfin ma consolation monsieur est de compter toujours sur vos bonnes grâces, sur votre zèle pour la mémoire d'un fondateur et d'un grand homme . Vous n'abandonnerez pas votre ouvrage . J'ai toujours le bonheur de parler de vous avec M. de Soltikof . Il est plus digne que jamais de votre bienveillance . Vous le reverrez un jour très savant et jamais la science n'aura logé dans une plus belle âme . Je vous réitère monsieur mes souhaits pour votre prospérité et pour celle de votre auguste impératrice .

Recevez le tendre respect de votre très humble et obéissant serviteur .

Voltaire .

Au château de Ferney par Genève

20 décembre 1760. 2»

1 Le passage : La mort de votre ambassadeur ….secrétaire d'ambassade ; manque dans les éditions .

2 Schouvalov a noté sur la lettre :  « Répondu le 26 janvier 1761 »