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31/03/2018

bonnet sale ou sale bonnet, c’est la même chose

... C'est ce que portent François de Rugy et Gérard Larcher à ce jour , après la réunion élyséenne d'hier, où ils étaient tenus de réfléchir (ce qui est beaucoup leur demander ) et se décider (encore plus difficile ) pour une réduction du nombre de parlementaires de trente pour cent . De toutes façons, quand on voit le taux de présence aux séances de l'Assemblée, 30% d'absents seulement serait remarquable . Dur dur, pour des politicards professionnels de vivre un plan social qu'ils voient habituellement appliqué au vulgum pecus , mais il est impératif de renvoyer un bon nombre de ces députés improductifs qui nous reviennent si cher à nous tax payers .

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En attendant le retour des cloches ...

 

«  Charles-Augustin Ferriol ,comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Veille de Pâques [2 avril 1763] aux Délices 1

Mes yeux permettent à ma main d’écrire. Mes anges, vous êtes bien tutélaires, et vous n’êtes pas oisifs. Le père Mabillon 2 n’a jamais tant fait de recherches que vous daignez m’en envoyer. Il y a surtout un Corneille, vinaigrier, dans le treizième siècle, qui est un point d’érudition assez rare. N’est-ce point ce vinaigrier-là qui a fait Suréna et Pulchérie ?

Il est vrai, mes anges, que je me plains quelquefois du temps que ces dernières pièces me font perdre. Figurez-vous la mine que fait un pauvre homme qui a été presque aveugle tout l’hiver, et qui était forcé de lire Attila imprimé menu. Ma mauvaise humeur n’empêche pas que je ne rende à notre père Pierre toute la justice qui lui est due ; et si je révèle la turpitude de notre père, c’est en adorant ce qu’il a de bon.

Adélaïde du Guesclin, ou le Duc de Foix, bonnet sale ou sale bonnet, c’est la même chose . C’est-à-dire que ces deux pièces sont également médiocres, à cela près que le bonnet sale d’Adélaïde est encore plus sale que celui du Duc de Foix. Puisque me voilà sur l’article du tripot, je vous avouerai que j’ai du faible pour le Droit du Seigneur, et que l’ouvrage me paraît neuf et piquant. J’ai peut-être tort .

Je sens encore entrailles de père pour Olympie. Croyez-moi, cela fait un beau spectacle. Je compte les yeux pour quelque chose. Une petite fille tendre, naïve, avec un petit grain de noblesse et de fermeté, est plus mon affaire pour Olympie qu’une héroïne fière, vigoureuse, connaissant toutes les finesses de l’art, et ayant l’air d’avoir rôti le balai. Olympie ressemble plus à Zaïre qu’à Cornélie.

Passons à la prose, mes anges. Je mets à l’ombre de vos ailes ce tome  du czar Pierre 3. Lisez les chapitres sur la religion et sur la mort d’Alexis.

M. le duc de Praslin a-t-il le temps de lire ? Mais à Genève on est un mois à relier un livre .

Il y a une autre prose plus intéressante, c’est celle des derniers chapitres de l’Histoire générale 4. J’estime qu’il faut absolument que ni M. de Malesherbes ni personne n’en permettent l’entrée en France avant que mes anges et leurs amis aient donné leur approbation, et qu’ils aient indiqué ce qui pourrait trop déplaire. On sait bien qu’il faut dire la vérité, mais les vérités contemporaines exigent quelque discrétion.

Mes anges, nous baisons tous le bout de vos ailes.»

1Manuscrit olographe sur lequel la date est complétée par une main contemporaine ; l'édition de Kehl, et les suivantes omettent le sixième paragraphe .

3 Seconde partie de l'Histoire de la Russie sous Pierre le Grand .

4 Ces chapitres appartiennent aujourd'hui au Précis du Siècle de Louis XV .

30/03/2018

Une conversation produit plus d'effet que vingt lettres

... et je ne parle pas des SMS, textos, tweets et autres messages aussi immatériels que l'âme de leurs expéditeurs .

C'est pour ça que je m'insurge moins , aujourd'hui, des voyages à répétition de notre président et du premier ministre qui vont au contact de leurs homologues . Un ton de voix, un regard, un sourire ou une moue, une poignée de main ou une claque sur l'épaule, un coup de gueule, etc. ont plus de poids en direct que tout  message écrit ( à classement vertical / corbeille, classé "Chine" disait on il y quelques années dans le monde diplomatique français ) . 

D'autre part, pour nombre d'accros du petit écran, vingt lettres de l'alphabet sont plus qu'assez pour l'exposé de leurs niaiseries .

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Il faut du talent pour tout dire en lipogramme !

 

« A Philippe Debrus

[mars-avril 1763] 1

Plus je songe à ce qui regarde notre grande affaire, plus je crois qu'il n'y a aucune démarche à hasarder, et qu'il faut attendre l'apport des pièces, et les motifs du parlement de Toulouse .

Bien des gens prétendent qu'on renverra la décision à un autre parlement de province . En ce cas, non seulement il ne faudrait point faire venir la servante à Paris, mais il serait même dangereux de lui faire entreprendre ce voyage . Si elle est à Toulouse dans le besoin, on peut lui donner une partie de ce que je destinais pour son voyage à Paris . Monsieur Debrus en est entièrement le maître, il se ruine en libéralités ; c'est à lui d’ordonner ce que les autres doivent faire ; il arrangera ces petites bagatelles avec M. Cathala .

M. de Court s'est certainement mis à la raison . Il répond, aussi bien qu'un magistrat de Lausanne, que les exemplaires des Lettres toulousaines ne passeront point en France avant d'être corrigés, il fera des cartons, il adoucira des choses un peu trop dures, et je suis persuadé que ce livre ne pourra faire que du bien, dès que le parlement de Toulouse aura envoyé les procédures .

Si on est toujours à Genève dans l'intention de récompenser par un petit présent la docilité de M. de Court , je prie monsieur Debrus de me permettre d 'y contribuer ; il ne s'agit que de dédommager l'auteur des frais de quelques feuilles de papier, et du retardement qu'il essuie . Je pense qu'un présent de dix louis suffirait . J'offre d'en payer le quart . Je supplie M. de Végobre de vouloir bien me faire savoir sur cela ses ordres .

Je fais une réflexion, que je soumets aux lumières de tous ceux qui gouvernent l'affaire de Mme Calas . Si nous pouvons obtenir la révision au Grand Conseil, j'ai de fortes raisons d'espérer que l'arrêt sera plus favorable dans ce tribunal que dans un autre ; je suis convaincu que le sieur David, premier auteur de toute cette cruauté fanatique, serait fortement réprimandé ; je doute beaucoup qu'on osât nous rendre une justice aussi complète à Aix ou à Grenoble . Nous obtiendrions après bien des peines et des délais, la réhabilitation de la mémoire de Jean Calas, mais de bonne foi, n'est-elle pas entièrement réhabilitée ? y a-t-il, quelqu'un dans l'Europe qui puisse en douter ? et l’ordre donné au parlement de Toulouse de rendre compte de ses motifs n'est-il pas flétrissant pour les juges ? demande-t-on raison à un homme de sa conduite si sa conduite est satisfaisante ? L'arrêt du parlement de Toulouse est déclaré injuste par le Conseil et par le public . Que pourrions-nous demander à présent ? Une réparation . David devrait être condamné solidairement avec les juges, à payer les frais du procès et à demander pardon à la veuve ; mais c'est ce qu'on ne fera pas . Les parlements seront toujours ménagés et surtout par d'autres parlements . Nous obtiendrons tout au plus en province la réhabilitation d'une mémoire déjà toute réhabilitée dans l'Europe . Nous pourrions obtenir à Paris quelque chose de plus, et ce plus sera bien mince . Voilà sur quoi je voudrais que l'on consultât encore nos avocats et nos amis de Paris . M. Dumas pourrait en conférer avec M. Mariette . Une conversation produit plus d'effet que vingt lettres .

Je fais mille compliments à monsieur Debrus, à M. de Végobre et à leurs amis . »

1 Le catalogue suggère la date du 20 mars 1763 ; l'édition Lettres inédites la place en mai-juillet 1763 .

le sieur David sera au moins réprimandé, et peut-être condamné à payer les frais du procès

... C'est du moins l'espoir de l'avocat de Laeticia en ce jour d'audience au tribunal *.

*Pour ceux qui me liront dans un temps plus ou moins lointain, il s'agit ici d'une bagarre de chiffonniers pour l'héritage de feu Johnny (lequel, paradoxalement n'a pas opté pour l'incinération : éteint le feu ! a que ! éteint le feu ! ). Au fait, je me contrefiche de l'issue de ce procès .  

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« A Philippe Debrus

[mars-avril 1763]1

J'ai l'honneur de renvoyer à monsieur Debrus , la lettre de M. Dumas, où j'ai pris la liberté d'ajouter quelques mots . Je ne sais point la demeure du fils de M. Lavaysse . Je supplie monsieur Debrus de lui faire parvenir ma réponse .

Une personne très instruite m'a mandé qu'elle ne doutait pas que l'affaire ne fût renvoyée au Conseil . Nous avons en ce cas, tout lieu d’espérer que le sieur David sera au moins réprimandé, et peut-être condamné à payer les frais du procès, si on l'attaque personnellement .

On me mande qu'il sera indispensable de faire comparaître Pierre Calas, Lavaysse et la servante, et qu'il ne faudrait pas que cette servante eût demeuré chez moi, parce que malheureusement on ne sait que trop l'intérêt que j'ai pris à cette affaire ; nos ennemis auraient lieu de présumer que j'ai fait venir cette fille dans ma maison pour concerter ses réponses avec celles de M. Calas Pierre . J'ai trop de monde chez moi pour qu'elle y fût secrètement, il est impossible que son séjour ne fût public . On sait de plus que je passe une partie de l'année dans le territoire de Genève, les Senaux, les Laborde, et les Cassan, ne manqueraient pas de dire que cette servante est une huguenote déguisée, qui a communié pendant trente ans pour se moquer de Dieu et des hommes .

Ces considérations me paraissent fortes, et m'arrêtent ; je m'en rapporte à l'avis de monsieur Debrus, que j'embrasse de tout mon cœur . »

1 Le catalogue place cette lettre vers le 31 janvier 1762 ; l'édition Lettres inédites donne pour date juin 1762 . la date réelle est fournie par les allusions ; voir aussi la lettre du 14-15 mars 1763 à Debrus : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/03/03/les-amis-qu-on-s-est-procures-avec-beaucoup-de-peine-se-refr-6031082.html

29/03/2018

Il faudrait le consoler par un petit présent pour le dédommager du retardement

... Non, non, il ne s'agit pas de retard dans  la parution du livre de François Hollande, Les Leçons du pouvoir [?]*, qui, comme la plupart des livres d'anciens présidents finira heureusement au pilon . N'est pas De Gaulle qui veut !

Je ne pense pas qu'il y ait foule devant les librairies au matin du 11 avril 2018, en tout cas bien moins qu'à la boulangerie pour les croissants dont sont friands Fanfoué et sa dulcinée .

 *  J'avais lu avec énormément de plaisir Les clés du pouvoir sont dans la boite à gants, du regretté Frédéric Dard . Fanfoué a-t-il trouvé les siennes dans le coffre de son scooter ou dans une pochette surprise ?

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« A Philippe Debrus

[mars-avril 1763] 1

M. de Court n'a certainement écrit qu'avec les meilleures intentions du monde . Je crois qu'on aurait tort de l'affliger et de le décourager . Il aurait encore plus de tort de faire publier son livre en France, avant que le parlement de Toulouse ait envoyé ses procédures, et ses motifs, mais après cet envoi, je ne pense pas qu'il y ait le moindre risque . Il faudrait le consoler par un petit présent pour le dédommager du retardement et des cartons qu'on lui demande ; je suis prêt d'y contribuer . M. Debrus peut voir avec ses amis à peu près ce qu'il faudra . Soyons bien tranquilles, ayez grand soin de votre santé , monsieur ; je vous renvoie la lettre de M. Dumas qui m'a fait un extrême plaisir, et celle de ce pauvre M. de Court qui me rend sensible à son chagrin . »

1 Datée par les allusions qu'elle contient .

on sera peut être étonné que dans six mois il y aura un changement dont on ne se flattait pas

... Comme la mort d'Erdogan et celle de Bachar al  Assad ? la reprise des relations avec la Corée  du Nord ? la condamnation explicite par la France du massacre des Kurdes par les susdits Turc et Syrien réunis ? ou toute autre chose qui vous tient à coeur et qui est du domaine du père Noël ?

 

 

« A Gabriel Cramer

[mars-avril 1763]

Monsieur Cramer m'avait promis trois feuilles, et je n'en ai qu'une ; il est de la plus extrême conséquence que monsieur Cramer m'envoie la première feuille de l'Histoire des Calas . Il y a quelque chose à réformer à cette histoire ; toutes les autres feuilles sont prêtes, et des considérations particulières exigent la plus grande célérité . Une personne de la plus grande considération 1 et très à portée de rendre service à l'humanité, veut avoir les prémices de cet ouvrage, dont on lui enverra les feuilles à mesure . Elle disposera les esprits, et on sera peut être étonné que dans six mois il y aura un changement dont on ne se flattait pas .

Voici une lettre que monsieur Cramer avait apparemment mis 2 par mégarde dans son paquet . »

1C'est « le ministre d’État » dont il sera question dans la lettre du 4 avril 1763 à Manoël de Végobre

2 Sic, conformément à un usage très répandu au XVIIIè siècle ( qui survit dans la langue parlée moderne) et qui consiste à laisser invariable le participe passé lorsqu'il ne se trouve pas en fin de groupe .

pourquoi ne pas dire aussi sufficit diei lœtitia sua ?/ à chaque jour suffit sa joie

... Oui ! pourquoi pas ?

 https://www.youtube.com/watch?v=PUDtHEUtjCM

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« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Aux Délices, 31è mars 1763 1

Je ne sais, Monseigneur, si notre secrétaire perpétuel a envoyé à Votre Éminence l’Héraclius de Calderon, que je lui ai remis pour divertir l’Académie. Vous verrez quel est l’original de Calderon ou de Corneille : cette lecture peut amuser infiniment un homme de goût tel que vous  et c’est une chose, à mon gré, assez plaisante, de voir jusqu’à quel point la plus grave de toutes les nations méprise le sens commun.

Voici, en attendant, la traduction très fidèle de la conspiration contre César par Cassius et Brutus, qu’on joue tous les jours à Londres, et qu’on préfère infiniment au Cinna de Corneille. Je vous supplie de me dire comment un peuple qui a tant de philosophes peut avoir si peu de goût ? Vous me répondrez peut-être que c’est parce qu’ils sont philosophes ; mais quoi , la philosophie mènerait-elle tout droit à l’absurdité ! et le goût cultivé n’est-il pas même un vraie partie de la philosophie ?

Oserai-je, monseigneur, vous demander à quoi vous placez la vôtre à présent ? Le Plessis , dont vous avez daté vos dernières lettres, est-il un château qui vous appartienne, et que vous embellissiez ?

On attrape bien vite le bout de la journée avec des ouvriers, des livres, et quelques amis ; et c’est bien assurément tout ce qu’il faut que d’attraper ce bout gaiement. Le sufficit diei malitia sua 2 a bien quelque vérité, mais pourquoi ne pas dire aussi sufficit diei lœtitia sua ?

Je suis toujours un peu quinze-vingts ; mais j’ai pris la chose en patience. On dit que ce sont les neiges des Alpes qui m’ont rendu ce mauvais service, et qu’avec les beaux jours j’aurai la visière plus nette. Je vous félicite toujours, monseigneur, d’avoir vos cinq sens en bon état ; poro unum necessarium 3, c’est apparemment sanitas. Je ne sais pas de quoi je m’avise de citer tant la sainte Écriture devant un prince de l’Église ; cela sent bien son huguenot . Je ne le suis pourtant pas, quoique je me trouve à présent sur le vaste territoire de Genève. M. le duc de Villars y est, comme moi, pour sa santé ; il a été fort mal ; Dieu et Tronchin l’ont guéri, pour le consoler de la mort de madame la maréchale sa mère.

Notre canton va s’embellir ; le duc de Chablais 4 établira sa cour près de notre lac, vis-à-vis mes fenêtres ; c’est une cour que je ne verrai guère, j’ai renoncé à tous les princes ; je n’en dis pas autant des cardinaux . Il y en a un à qui j’aurais voulu rendre mes hommages avant de prendre congé de ce monde . Je lui serai toujours attaché avec le plus tendre et le plus profond respect.

V. »



1 V* répond à une lettre du 10 mars 1763 dans laquelle Bernis écrit : « Je vous sais très bon gré, mon cher confrère, de me communiquer le mariage de Mlle Corneille […] Je consens très volontiers que mon nom soit inscrit au bas du contrat […] Puisque vous êtes arrivé à soixante et dix ans avec la machine frêle que je vous ai connue, et les travaux sans nombre auxquels vous l'avez assujettie, je vous promets une vie aussi longue que celle de la maréchale de Villars, qui s'est défendue dans son lit comme le maréchal de Malplaquet . Tant que vous serez gai vous vous porterez bien . Ménagez vos yeux, dictez et n'écrivez jamais . […] Envoyez-moi vos traductions de Shakespeare et de Calderon . J'ai été fort aise de la réception de l'abbé de Voisenon à notre Académie . »

2 A chaque jour suffit sa peine, Évangile de Matthieu ; la phrase transformée un peu plus loin par V* signifie : à chaque jour suffit sa joie .

3 Pourtant une seule chose est nécessaire, Luc, V, 42 ; plus loin sanitas signifie la santé .

28/03/2018

vous dire tout ce que vous m’inspirez, ... vous le dire d’une manière digne de vous

... Monsieur Arnaud Beltrame, aucun mot autre que "merci" ne me semble suffisant, merci maintenant et pour demain, pour l'exemple que vous donnez . Avec tous mes respects et intentions pour votre famille et celles de tous ceux qui, comme vous, meurent en service pour le bien commun .

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« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

Senatore di Bologna

à Bologna

Aux Délices 31è mars 1763

Je n’ai jamais été si fâché, monsieur, d’être réduit à ne pouvoir écrire de ma main ; je n’aime point à dicter ; il semble que le cœur perd toujours quelque chose. Quelles obligations ne vous ai-je point ? Vous m’embellissez, vous flattez à la fois mon goût, mon amitié et mon amour-propre.

Permettez-moi de renouveler mes remerciements à M. Paradisi 1.

J’ai reçu, monsieur, deux lettres de vous, des 9 et 22è Mars . Dans la dernière vous m’ordonnez de répondre à ce que vous m’avez mandé touchant le père Pacciandi 2, mais je n’ai jamais rien reçu de vous touchant ce religieux ; je ne sais qui il est ; il faut que la lettre où vous m’en parlez se soit perdue. Vous me faites rougir en me parlant de l’honneur que vous faites à Sémiramis 3, conjointement avec M. l’abbé Fabry . Pourquoi n’ai-je ni la force de traverser les Alpes pour venir vous dire tout ce que vous m’inspirez, ni assez de génie pour vous le dire d’une manière digne de vous ? Mais il faut que j’achève ma vie dans le petit pays où est mon établissement. Je viens d’y marier la descendante du grand Corneille ; me voilà devenu père de famille. Ne pouvant marcher sur les traces de Corneille, je me suis fait son allié pour me consoler de n’être pas son imitateur. Je reste dans ma solitude, et je ne regrette Paris qu’à cause de M. Goldoni.

Comptez toujours, monsieur, sur les tendres et respectueux sentiments de votre très humble et très obéissant serviteur. 

Voltaire»

1Dans la lettre du 22 mars 1763, Albergati avait annoncé à V* que lui-même et Paradisi donneraient à l'impression deux tomes de tragédies françaises et l'avait prié de leur permettre qu’ils les lui dédicaceraient .

2 Ou plutôt Pacciaudi, comme l'écrit Albergati dans la même lettre où il demande une réponse qu'il puisse montrer à ce qu'[il] a écrit concernant le père Pacciaudi ; le plus récent ouvrage archéologique de Pacciaudi était les Monumentia Peloponnesis, 1761 . Voir : https://books.google.fr/books?id=NPE6AAAAcAAJ&pg=PA186&lpg=PA186&dq=pacciaudi&source=bl&ots=HXOlptle02&sig=pwffNTwGjQmJNFluRw5orFJq-qU&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjRs4DC2Y7aAhXLaVAKHaptAv8Q6AEIQTAG#v=onepage&q=pacciaudi&f=false

3 En la faisant jouer en italien .