07/03/2018
de tous les ministres d’État, de tous les conseillers d’État et de tous les maîtres des requêtes
... que devons -nous attendre ?
Des lois, me dites-vous !
N'en avons-nous pas assez ? Nos codes ont-ils encore un sens alors qu'ils deviennent de plus en plus incompréhensibles, pires que des sites archéologiques, affaires de spécialistes, et sujets d'interprétations à l'égal des textes religieux fondamentaux . La secte des avocats n'est pas près de s'éteindre .
« A monsieur le colonel Davis-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches
à Lausanne
15è mars [1763], aux Délices 1
Le parlement de Toulouse ayant condamné sur des indices Jean Calas, négociant de Toulouse, protestant, à être rompu vif, et à expirer sur la roue, comme convaincu d'avoir étranglé son fils aîné en haine de la religion catholique ; la veuve Calas et ses deux filles étant venues se jeter aux pieds du roi, un Conseil extraordinaire s'est tenu le lundi 7è mars 1763, composé de tous les ministres d’État, de tous les conseillers d’État et de tous les maîtres des requêtes . Ce Conseil 2 admettant la requête en cassation a ordonné d'une voix unanime que le parlement de Toulouse enverrait incessamment les procédures et les motifs de son arrêt .
Je n'ai que le temps d'assurer monsieur d'Hermenches et toute sa famille de mon tendre respect .
V. »
1 Le premier paragraphe est commun à celui de lettres précédentes . V* l'a conçu comme une sorte de circulaire .
2 Dans le manuscrit, ces mots sont suivis par a ordonné , corrigé par V* .
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06/03/2018
Vous avez demandé qu’on vous louât un appartement à Genève, dans le voisinage de M. Tronchin ; non seulement il n’y en a point, mais s’il y en avait, il serait d’une cherté excessive
... Vrai du temps de Voltaire, toujours vrai de nos jours, ce qui fait d'ailleurs le bonheur des propriétaires des zones limitrophes qui eux aussi peuvent se permettre de louer fort cher leurs biens, et le Pays de Gex a de ce côté un furieux air parisien , hélas .
Je ne crois pas que je serais preneur pour louer un caleçon, fût-il suisse, réputé "propre en ordre" !
« A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon
Aux Délices 15 mars 1763
M. Tronchin, mademoiselle, m’a dit que votre état demande les plus grands ménagements et l’attention la plus scrupuleuse, et que vous risquez beaucoup si vous voyagez dans le temps de vos accès.
Vous avez demandé qu’on vous louât un appartement à Genève, dans le voisinage de M. Tronchin ; non seulement il n’y en a point, mais s’il y en avait, il serait d’une cherté excessive. Il y a même une famille considérable de Genève qui, ne pouvant trouver à se loger cette année, est obligée d’aller habiter un petit château que je possède à une lieue de la ville. Genève d’ailleurs n’est pas un séjour qui vous convienne, et on n’y honorerait pas vos talents comme à Paris.
Nous sommes actuellement, madame Denis et moi, aux Délices. C’est une maison de campagne assez agréable ; mais les appartements que nous pouvons donner sont bien mal disposés. Vous choisirez celui qui vous conviendra le mieux : ce sont plutôt des chambres que des appartements. Madame Denis est malade, je le suis aussi . M. Tronchin viendra dans notre hôpital pour nous trois. Nous irons passer la belle saison dans le petit château de Ferney, où vous serez beaucoup plus commodément logée. Ferney est à deux lieues de Genève ; on rendra compte tous les jours de votre état à M. Tronchin, qui veillera sur votre santé.
Voilà, mademoiselle, ce que je vous propose : l’état de madame Denis et le mien nous condamnent à un régime et à une retraite convenables à votre situation présente. Cependant, si vous voulez apporter un habit de fête pour le temps de votre convalescence, nous mettrons aussi les nôtres pour la célébrer. Il est juste que la descendante de Corneille voie la personne du monde qui fait le plus d’honneur à son grand-père, et que j’aie la consolation, dans ma vieillesse, de me trouver entre vous et elle.
J’ai l’honneur d’être, mademoiselle, avec tous les sentiments qui vous sont dus, etc. »
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05/03/2018
Il me semble qu’on devrait les insérer dans la Gazette
... toutes ces annonces , sans grande portée, d'Anne Hidalgo : https://www.20minutes.fr/politique/2231743-20180305-paris...
« A Élie Bertrand , Premier
pasteur de l’Église française de Berne
membre de plusieurs académies
à Berne
Le parlement de Toulouse ayant condamné, sur des indices, Jean Calas, négociant de Toulouse, protestant, à être rompu vif et à expirer sur la roue, convaincu d’avoir étranglé son fils aîné en haine de la religion catholique ; la veuve Calas et ses deux filles étant venues se jeter aux pieds du roi, un conseil extraordinaire s’est tenu le lundi 7 Mars 1763, composé de tous les ministres d’État, de tous les conseillers d’État, et de tous les maîtres des requêtes. Ce conseil, en admettant la requête en cassation, a ordonné d’une voix unanime que le parlement de Toulouse enverrait incessamment les procédures et les motifs de son arrêt.
J’envoie ces nouvelles à monsieur Bertrand . Il me semble qu’on devrait les insérer dans la Gazette 1. Ma fluxion sur les yeux, qui continue toujours, et qui me menace de la perte de la vue, m’empêche d’avoir l’honneur de lui écrire. Je présente mille sincères respects à M. et Mme de Freudenreik .
V.
Aux Délices 15è mars 1763.2 »
1Gazette de Berne .
2 D'après l'original, avec initiale autographe ; Les noms du second paragraphe Bertrand et M. et Mme de Freudenreik ont été lourdement biffés sur le manuscrit, quoique l'adresse subsiste ; les seconds ont été remplacés par tous nos amis .
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04/03/2018
Jouissez maintenant du repos
... Vous tous, humains et bêtes, qui avez montré que le monde paysan français, ce n'est pas de la gnognote .
« A Anne-Rose Calas
Tous ceux qui ont eu le bonheur, madame, de vous servir dans une affaire si juste doivent se féliciter également . Vous savez que je n'ai jamais douté de l'évènement de votre procès . Il me paraît que le Conseil du roi est engagé à vous donner satisfaction entière, en obligeant les juges de Toulouse d'envoyer la procédure et les motifs . Jouissez maintenant du repos . Je vous fais les plus tendres et les plus sincères compliments aussi bien qu'à mesdemoiselles vos filles . Vous vous êtes conduite en digne mère et en digne épouse, et on doit vous honorer autant qu’on doit abhorrer le jugement de Toulouse . Songez pour votre consolation que l’Europe entière réhabilite la mémoire de votre mari . Vous êtes un grand exemple au monde . Je serai toujours avec tous les sentiments qui vous sont dus, madame, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire .
15è mars 1763 1
Observez, madame, que l’ordre au parlement de Toulouse d'envoyer les procédures 2 est une espèce de flétrissure pour lui, et que cet article vous donne une victoire entière ; aussi n'a-t-il pas passé d'une voix unanime, comme l'ordre d'envoyer les procédures . Regardez donc votre mari et votre famille comme entièrement justifiés aux yeux du roi, du Conseil, et de toute l'Europe . Le reste ne sera qu’une discussion de procédures et ne consistera que dans les formes juridiques, et quelque chose qui arrive soyez très sûre que tout le public sera pour vous .
Je félicite M. Dumas, je l'embrasse de tout mon cœur, je n'ai point de termes pour lui marquer mon estime . »
1 L'édition Lettres curieuses est sans date ; l'édition Coquerel est seule à donner le post scriptum .
2 Une main contemporaine a remplacé ces deux mots sur le manuscrit par les motifs . Cette correction est légitime . V* distingue en effet les procédures et les motifs de l’arrêt ; voir lettre du même jour à de Rebecque .
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03/03/2018
Les amis qu'on s'est procurés avec beaucoup de peine se refroidiront ; ce n'est pas ainsi qu'on doit conduire une affaire aussi grave et aussi importante
...
« A Philippe Debrus
[14-15 mars 1763]
Il serait fort triste et fort dangereux que les Lettres toulousaines parussent en France avant la décision du procès ; il y a des choses trop violentes contre le parlement de Toulouse ; on accuserait ces Lettres d'être séditieuses ; elles fourniraient des armes contre nous . On y joint très mal à propos l'affaire de Sirven à celle des Calas, c'est ce que je craignais le plus, et ce que j'ai bien recommandé à nos avocats d'éviter . M. de Saint-Florentin n'est pas trop pour nous ; si ces Lettres lui parviennent, il pourra représenter au roi les protestants comme des factieux, et le parlement de Toulouse ne manquera pas de dire que tous les trois mois il y a un père de famille protestant accusé d'avoir tué son fils ou sa fille en haine de la religion catholique ; il dira qu’il a fallu un exemple . Les amis qu'on s'est procurés avec beaucoup de peine se refroidiront ; ce n'est pas ainsi qu'on doit conduire une affaire aussi grave et aussi importante . Il faut que M. de Végobre fasse les plus grands efforts pour empêcher ce livre de pénétrer en France . J'écris de mon côté, et je fais écrire à Lausanne . L'auteur doit absolument supprimer le débit de son livre, jusqu'à ce que nous ayons un arrêt qui condamne entièrement celui du parlement de Toulouse .
Est-il possible qu'on veuille gâter une affaire qui est en si bon train, et rendre toutes nos peines inutiles ?
Voici une petite réponse que je fais à Mme Calas . Je prie monsieur Debrus d'avoir grand soin de sa santé .
Je crois que M. de Gouvernet est rarement chez lui et qu'on ne peut le trouver que chez sa femme, qui loge dans la rue Condé, ou dans la rue voisine qui conduit au Luxembourg ; elle n'est connue que sous le nom de Mlle de Livry 1, attendu que nous ne marions point les maudits huguenots en face de l’Église, avec la belles catholiques . »
1 Mlle de Livry que V* avait aimée pendant son séjour à Sully, a épousé le protestant Charles-Frédéric de La Tour du Pin de Bourbon , marquis de Gouvernet , le 21 janvier 1727 : Armand Arouet, frère de V*, a été un des témoins au mariage .(Desnoiresterres) .Voir : https://www.flickr.com/photos/sybarite48/14230045374
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02/03/2018
chaque chose doit avoir son temps
...
« A Jacob Vernes
Lundi 14è mars 1763
aux Délices
Le parlement de Toulouse ayant condamné sur des indices Jean Calas, négociant de Toulouse, protestant, à être rompu vif, et à expirer sur la roue, comme convaincu d'avoir étranglé son fils aîné en haine de la religion catholique ; la veuve Calas et ses deux filles étant venues se jeter aux pieds du roi, un Conseil extraordinaire s'est tenu le lundi 7è mars 1763 composé de tous les ministres d’État, de tous les conseillers d’État, et de tous les maîtres des requêtes ; ce Conseil admettant la requête en cassation a ordonné d’une voix unanime que le parlement de Toulouse enverrait incessamment les procédures, et les motifs de son arrêt .1
Voilà des nouvelles bien consolantes . Je me suis flatté même que j'aurais bientôt des choses encore plus flatteuses à mander à monsieur Vernes, mais j'ai bien peur que tout ne soit détruit par les Lettres toulousaines, composées, dit-on, par M. de Court, et imprimées à Lausanne sous le nom d’Édimbourg . Si ce livre se répand en France, il fournira sans doute des armes au parlement de Toulouse. M. le comte de Saint-Florentin qui n'est déjà que trop prévenu contre les Calas, et qui n'a point voulu 2 au Conseil du 7è mars, pourra peindre au roi les protestants comme séditieux, qui attaquent indiscrètement les parlements et le Conseil du roi, dans le temps même que le roi assemble à Versailles le Conseil le plus nombreux qui se soit tenu depuis cent ans, pour rendre justice aux protestants dans l'affaire la plus capitale et la plus intéressante .
Les Lettres toulousaines nous feront surtout un grand tort en mêlant l'affaire de Sirven avec l'affaire des Calas . On verra en moins de trois mois, deux pères accusés d'avoir assassiné leurs enfants pour cause de religion . Le parlement de Toulouse persuadera au roi, que si on infirme l’arrêt contre les Calas, on rendra les protestants plus audacieux, et le roi laissera peut-être ce grand procès indécis .
Il est d'une extrême importance que les Lettres toulousaines ne paraissent point en France . Les ouvrages qu'on peut écrire sur cette matière délicate ne peuvent être confiés qu'à des personnes sûres, et qui sont en état de servir . C'est le parti que prend l'auteur du Traité sur la tolérance . On a écrit à Lausanne pour faire prier l'auteur des Lettres toulousaines de suspendre le débit de son livre , jusqu’à la définition du procès des Calas .
Si monsieur Vernes peut obtenir par ses sollicitations cette suppressions si nécessaire, il rendra un très grand service . L'auteur aura le temps de faire un second volume très intéressant, dans lequel il pourra faire valoir avec juste raison la bonté du roi, et l'équité du Conseil ; il gagnera dans ce second volume les esprits qu'il effarouche dans le premier .
Monsieur Vernes sent la nécessité de la circonspection que l'on demande, chaque chose doit avoir son temps, et assurément l'auteur des Lettres toulousaines prend bien mal le sien .
On embrasse tendrement monsieur Vernes, et on a la plus grande envie de s'entretenir avec lui . »
1 Le premier paragraphe ressemble à une lettre circulaire ; voir lettres du 15 mars 173 à Élie Bertrand, et celle à Constant de Rebecque .
2 Wagnière semble avoir oublié un mot tel que venir ou participer .
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01/03/2018
J'espère beaucoup du pouvoir que votre aimable éloquence doit avoir sur tous les esprits
...
« A Paul-Claude Moultou
lundi soir [14 mars 1763] 1
Vous partagez, monsieur, mes craintes et ma douleur . Les Lettres toulousaines 2 s'étendent beaucoup sur l'aventure de Sirven et de sa fille . Voilà ce qui nous perdra . L'affaire Sirven n'a point été jugée . Le parlement de Toulouse joindra au Conseil ces deux affaires ensemble, et justifiera l'une par l'autre ; il soutiendra que les protestants sont en possession d'assassiner leurs fils et leurs filles, quand ils veulent changer de religion ; ils feront voir en trois mois de temps deux pères de famille accusés par la voix publique de ce crime épouvantable ; ils diront qu'ils ont cru absolument nécessaire de faire un exemple . J'avais recommandé expressément à nos trois avocats de ne jamais parler de l'affaire de Sirven, ils m'ont tenu parole .
Vous écrivez sans doute à Lausanne et à Vevey . Si vous pouvez obtenir que l'auteur supprime le débit du livre, jusqu'à la fin du procès, nous sommes sauvés , sinon tout est perdu . L'auteur ne risque rien en différant, il détruit tout notre ouvrage en se pressant . Qu'il attende la fin de notre procès, il aura de quoi faire un second volume intéressant . Je lui fournirai plusieurs pièces, et plusieurs anecdotes . J'espère beaucoup du pouvoir que votre aimable éloquence doit avoir sur tous les esprits . »
1 L'original est daté « janvier 1763 » ; cependant cette lettre , selon Charrot, est contemporaine de celle du 14 mars 1763 à Vernes .
2 Les Toulousaines ou Lettres historiques et apologétiques en faveur de la religion réformée et de divers protestants condamnés […], de Antoine Court de Gébelin, est un ouvrage interdit par le conseil de Genève le 21 mars 1763 .
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