Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/03/2018

on est plus raisonnable dans l’Armorique que dans la Septimanie . Les têtes bretonnes tiennent de Locke et de Newton, et les têtes toulousaines tiennent un peu de Dominique et de Torquemada

... Tout ceci reste à prouver me disent les Languedochiens .

 

 

« A Louis-René de Caradeuc de La Chalotais

21 mars [1763] , aux Délices

J’ai l’honneur, monsieur, de vous renvoyer par M. d’Argental le manuscrit que vous avez bien voulu me confier, et je vous assure que c’est avec bien de la peine que je m’en dessaisis. Il le fera contre-signer par M. le duc de Praslin, ou par quelque autre contresigneur.

Ne doutez pas que cet ouvrage ne soit imprimé dans plus d’une ville, dès qu’il l’aura été à Rennes. Il sera bien plus aisé de le contrefaire que de l’imiter. Vous me ferez une très grande grâce, monsieur, de daigner me faire parvenir le mémoire sur l’origine du parlement 1. Si le paquet est gros, je vous prierai de l’adresser pour moi à M. Damilaville, premier commis du vingtième, quai Saint-Bernard, à Paris. Si le volume n’est pas considérable, comme je le crains, ayez la bonté de me l’envoyer en droiture.

J’ai peur de n’avoir pas des notions assez justes de cette origine ; car, à commencer par l’origine du monde, je n’en vois aucun bien claire. Elles ressemblent assez aux généalogies des grandes maisons, qui commencent toutes par des fables. Quoique le nouveau tableau des sottises du genre humain soit déjà achevé d’imprimer sous le titre d’Essai sur l’Histoire générale, je n’en profiterai pas moins des lumières que vous aurez la bonté de me communiquer. Tout se rajuste au moyen de quelques cartons.

Vraiment, monsieur, le Jugement de la Raison est un joli sujet ; mais les appels à la raison 2 sont déjà oubliés ; et les plaisanteries ne sont bonnes que quand elles sont servies toutes chaudes. D’ailleurs il me paraît bien difficile que la raison prononce sur les enfants de Loyola, sans dire son avis sur ceux de cet extravagant François d’Assise, et de cet énergumène de Dominique, et de cet insolent Norbert 3, et de tous ces instituteurs de milice papale, toujours à charge aux citoyens, et toujours dangereuse pour les gouvernements.

Je me chargerai bien pourtant, et très volontiers, d’être le greffier de la raison dans un tribunal dont vous êtes le premier président ; mais je suis depuis longtemps occupé d’une affaire qui n’est ni moins raisonnable ni moins pressante ; c’est malheureusement contre le parlement de Toulouse. La destinée a voulu qu’on me vînt chercher dans les antres des Alpes pour secourir une famille infortunée, sacrifiée au fanatisme le plus absurde, et dont le père a été condamné à la roue sur les indices les plus trompeurs. Vous aurez sans doute entendu parler de cette aventure : elle intéresse toute l’Europe ; car c’est le zèle de la religion qui a produit ce désastre. Il me paraît que, grâce à vous, monsieur, on est plus raisonnable dans l’Armorique que dans la Septimanie 4. Les têtes bretonnes tiennent de Locke et de Newton, et les têtes toulousaines tiennent un peu de Dominique et de Torquemada.

Je vous avoue que j’ai eu une grande satisfaction quand j’ai su que tout le conseil, au nombre de cent juges, avait condamné, d’une voix unanime, le zèle avec lequel huit catholiques toulousains ont condamné à la roue un père de famille, parce qu’il était huguenot ; car voilà à quoi se réduit tout le procès.

J’ai lu les deux tomes de votre société d’agriculture, et j’en ai profité. J’ai fait semer du fromental ; j’ai défriché ; j’ai fait une terre de sept à huit mille livres de rente d’une terre qui n’en valait pas trois mille. Cette occupation de la vieillesse vaut mieux que de faire des Agésilas et des Suréna. Cependant j’en fais encore pour mon malheur, mais je n’en ferai pas longtemps . Vox quoque Mœrim deficit 5; ce qui ne me déficite point, c’est l’estime très respectueuse et le sincère attachement avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc. »

1 Mémoire touchant l'origine et l'autorité du parlement de France appelé judicium Francorum, 1732 . Cette brochure de sept pages a été condamnée par le Parlement de Paris le 2 septembre 1732 : https://books.google.fr/books/about/Arrest_de_la_cour_du_Parlement_qui_ordon.html?id=arw7twAACAAJ&redir_esc=y

4 La Septimanie était un des royaumes des Goths en Gaule ; le mot désigne ici le Languedoc, pays des juges des Calas .

5 La voix aussi manqua à Moeris ; Virgile, Bucoliques, IX, 53-54 .

15/03/2018

je crains les œuvres posthumes.

... David Halliday a les mêmes craintes que Voltaire ! qui l'eut cru ?

 Résultat de recherche d'images pour "david hallyday heritier humour"

Look at my back !

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

21 mars [1763] , aux Délices 1

Mes anges croient recevoir un gros paquet de vers, mais ce n’est que de la prose. Cette prose vaut mieux que des vers ; c’est un projet d’éducation que M. de La Chalotais doit présenter au parlement de Bretagne, et sur lequel il m’a fait l’honneur de me consulter. Si mes anges veulent le parcourir, je crois qu’ils en seront contents. Je vous supplie de vouloir bien le lui renvoyer contre-signé, soit duc de Praslin, soit Courteilles.

Si le procureur-général de Toulouse avait fait de tels ouvrages, au lieu de poursuivre la mort de Jean Calas, je le bénirais au lieu de le maudire.

Je ne sais point encore quel parti prendra mademoiselle Clairon. Je lui ai offert un logement chez moi, car assurément elle n’en trouverait pas à Genève, et cette ville à consistoire n’est pas trop faite pour une comédienne. M. Tronchin prétend que le voyage peut lui être funeste dans l’état où elle est. Il assure de plus qu’elle ne peut jouer d’une année entière sans être en danger de mort. La comédie va être abandonnée . La nôtre l’est aussi. Madame Denis est toujours malade, et je suis plus misérable que jamais. Ma consolation est la journée du 7 mars, ce conseil d’État de cent personnes, ce qui ne s’était jamais vu, cet arrêt qui est déjà la justification des Calas, cette joie du public, et ce cri unanime contre le capitoul David. Tous ces David me déplaisent, à commencer par le roi David, et à finir par David le libraire 2.

Mes anges ont-ils trouvé quelque gros marguillier de Saint-Eustache qui ait déterré l’extrait baptistaire d’un Corneille, fils d’un Pierre Corneille, gentilhomme ordinaire du roi, et d’une Le Cochois ? Il ne m’est point venu de nouveaux Corneille ; mais s’il m’en venait, ils ne m’ennuieraient pas plus que la Sophonisbe du grand Pierre, que je fais actuellement imprimer. Je ne sais si je vivrai assez longtemps pour finir cet ouvrage. Je presse Cramer tant que je peux, car j’aime à corriger des épreuves, et je crains les œuvres posthumes.

Je présente mes tendres respects à mes anges, et je leur demande pardon du gros paquet. »

1 Le même jour, le conseil de Genève consigna dans ses minutes : « M. l'ancien synd[ic] [Michel] Lullin de Châteauvieux ayant rapporté qu'on débite depuis quelques semaines dans Genève une brochure sous le titre de Lettres toulousaines, que cet ouvrage imprimé en pays étranger, contient plusieurs traits imprudents, injurieux au parlement de Toulouse, et qui bien loin de servir aux protestants de France pourraient leur être nuisibles ; arrêté que les sieurs scholarques mandent les libraires et imprimeurs, et qu'ils leur défenent de faire venir et d'exposer le susdit ouvrage en vente . » . Voir lettre du 14 mars 1763 à Moultou : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/03/01/j-espere-beaucoup-du-pouvoir-que-votre-aimable-eloquence-doi-6030467.html

2Les ayant -droit de celui-ci s'opposaient alors à l'annonce du Théâtre de Corneille commenté par Voltaire, en s'autorisant d'un privilège . « David le libraire » était associé de Didot dès avant 1743 ; voir : http://data.bnf.fr/12397524/michel-etienne_david/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_David_(imprimeurs)

et : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/sites/default/files/les_didot.pdf

On dira peut-être qu’il faut attendre que le procès soit fini ; non, il ne faut point attendre

... Les fans de Johnny crèvent d'envie d'écouter les derniers enregistrements de leur idole, et ils se fichent bien que quelques millions d'euros, habilement placés pour éviter l'érosion fiscale, aillent à l'un plutôt que l'autre membre de la tribu Smet-Halliday . Quant à moi, je m'en brosse le nombril avec le pinceau de l'indifférence .

 Image associée

Les avocats, en choeur,  se régalent  : " A tort ou à raison / Nous aurons du pognon ! "

 

« A Claude-Henri de Fuzée de Voisenon

Aux Délices, 19 mars 1763 1

En qualité de quinze-vingts, je vous prie à tâtons, mon cher confrère, de me rendre un très grand service. Vous m’avez fait un si bel éloge de Mme la duchesse de Gramont, vous me l’avez peinte d’un esprit si solide et d’un cœur si généreux, que votre enthousiasme m’a enhardi à lui demander une nouvelle grâce après toutes celles qu’elle a daigné m’accorder . J’abuse extrêmement, il est vrai de ses bontés ; mais il faut qu’elle m’accorde ce que je lui demande. C’est de se joindre à Mme de Pompadour, ou plutôt de joindre Mme de Pompadour à elle, pour obtenir du roi une aumône en faveur de la pauvre veuve Calas. Je dis une aumône sur sa cassette ; la plus légère, la plus mince nous suffira, et s’il n’a point d’argent, il faut qu’on lui en prête pour faire cette bonne œuvre. J’ai dans l’idée que l’Europe battrait des mains, que les protestants et catholiques applaudiraient, que tous les cœurs seraient touchés, que cette seule marque de bonté de la part de Sa Majesté ouvrirait les yeux à je ne sais combien de sots huguenots qui croient toujours qu’on veut les manger sur le gril , comme saint Laurent 2.

Je m’adresse à vous, mon cher petit évêque [Voisenon, qui fit son discours de réception à l’Académie française le 22 janvier, signait « évêque de Montrouge » parce qu’il fréquentait la maison du duc de La Vallière à Montrouge], avec la plus grande confiance, et je recommande cette petite négociation à votre humanité, à l’amitié dont vous m’honorez depuis si longtemps et à votre discrétion. Volez chez Mme la duchesse de Gramont, quand vous seriez asthmatique. Dites-lui que je vous ai fait confidence de l’extrême liberté que j’ai osé prendre avec elle ; que j’en suis bien honteux, que je lui en demande bien pardon ; mais faites réussir mon affaire, ayez-en la gloire ; je le dirai à tous les huguenots. N’aurez-vous pas d’ailleurs bien du plaisir à donner cet énorme soufflet aux huit juges de Toulouse, qui ont fait rouer, pour s’amuser, le père de famille le plus vertueux et le plus tendre qui fut dans ce pays des Visigoths ? D’ailleurs il y a une des filles assez jolie, qui s’est évanouie deux fois à Versailles, il faut que le roi lui donne de quoi acheter de beau point de la reine de Hongrie.3 Faites mon affaire, mon charmant confrère, Dieu vous bénira, et moi je vous adorerai.

Voltaire

 

On dira peut-être qu’il faut attendre que le procès soit fini ; non, il ne faut point attendre ; quand même Calas aurait pendu son fils, il faudrait encore soulager la veuve ; vingt personnes l’ont fait, pourquoi le roi ne le ferait-il pas ? en un mot, réussissez.

Donnez votre bénédiction à Voltaire. »

1 A cette époque, Moultou tentait de réconcilier JJ Rousseau et V*, à l'indignation du premier . Il lui écrivait le 19 mars 1763 : « [...] je compte d e^partir pour aller vous voir [...] je vous parlerai aussi beaucoup de Voltaire, il a une passion extrême de se réconcilier avec vous, je ne comprends rien à cela . Quelles sont ses vues ? Est-il de bonne foi ? C'est à l'occasion des calas que je l'ai vu, Mme la duchesse de Gramont que j'ai intéressée dans cette affaire m’avait fait charger par mon ami l'abbé Quesnel de conférer sur certaines choses avec lui . Je le vis deux fois , il ne me parla point de vous, mais il y a trois jours qu'il me fit dire qu'il était malade, qu'il avait à me parler, qu'il ne pouvait venir chez moi ; je crus qu'il s'agissait des Calas, il ne me parla que de vous [...] je vous jure que je n'y compris rien, c'est un comédien bien habile , j'aurais juré qu'il vous aimait » ; puis encore, le 23 mars 1763 : « Soyez tranquille sur Volt[aire] : je le reverrai, je le connais, et c'est avec votre réputation qu'il veut se réconcilier [...] »

2 Une telle phrase dévoile certainement l'une des intentions de V* ; cette opinion sur les protestants correspond à celles qu'il exprime vers la même période dans le Pot-pourri .

3 Sans doute un jeu de mot de V*, le point de Hongrie est une dentelle fine ; l'eau de Hongrie est une liqueur qu'on donnait à respirer aux femmes qui avaient des vapeurs . V* fond en une seule les deux expressions . Faut -il penser à l'expression jeter le mouchoir ?

Il aurait pu avoir le plaisir d'aller à la Chine en se brouillant successivement avec tous les ministres

... Ce sera peut-être la conclusion et la morale de l'élection sans grand intérêt du nouveau secrétaire général du PS, quel qu'il soit !

https://www.slate.fr/story/158551/ps-election-premier-sec...

 Résultat de recherche d'images pour "candidats secrétaire du ps humour"

PS = Petites Sottises

 

 

« A Joseph-Augustin-Prosper de La Motte-Geffrard

J'ai lu, monsieur, la lettre de votre bacha 1; tout ce qui m'étonne, c'est que quand il fut exilé 2 dans l'Asie Mineure, il n'alla pas servir le sophi de Perse Thamas Kouli Kan 3. Il aurait pu avoir le plaisir d'aller à la Chine en se brouillant successivement avec tous les ministres . Sa tête me paraît avoir eu un peu de folie à vouloir se battre avec le prince Eugène, président du conseil de guerre ; c'est à peu près comme si un de nos officiers appelait en duel le doyen des maréchaux de France . Que ne proposait-il aussi un duel au grand vizir ? Cependant, on pourrait tirer quelque parti de sa lettre, en élaguant les inutilités, en adoucissant les choses flatteuses qu'il dit de notre ambassadeur M. de Villeneuve, et en donnant quelques coups de lime au style grivois du bacha ; on lui passera tout, parce qu'il était un homme aimable .

Je voudrais bien être à la portée, monsieur, de vous témoigner avec quels sentiments respectueux j'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Aux Délices par Genève ce 18 mars 1763. »

2 Ces quatre mots ont été remplacés dans les éditions par « qu'ayant été » .

14/03/2018

honteux, je ne le suis pas, au contraire

... Pense certainement Edouard Philippe qui a bombardé Jean-Guy Talamoni, d'un titre ministériel : lapsus ou prémonition ?... Lapsus calami !

http://www.bfmtv.com/politique/edouard-philippe-s-adresse...

La Corse dispose assez de privilèges sans avoir besoin d'un gouvernement autre que celui de la République française, je le pense .

 Résultat de recherche d'images pour "ministres en corse"

Les ministres, les vrais, se contentent de prendre  leurs vacances en Corse  .

 

« A Béatrix de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont

aux Délices, par Genève, 18 mars 1763

Madame,

Il faut que le quatre-vingts des Alpes se mette encore à vos pieds . Il craint d’avoir fait une sottise en lui envoyant un si énorme paquet . On peut très bien dire : De quoi vous avisez-vous d'importuner toujours Mme la duchesse de Gramont, et d'abuser de ses bontés ? Vous lui demandez une grâce pour le capitaine Pictet, brave Suisse de Genève 1, elle l'accorde sur le champ . Vous lui demandez sa protection pour Mlle Corneille, et elle fait partir deux cents louis d'or pour la souscription du roi . Vous l'implorez pour la veuve Calas, et la veuve Calas gagne son procès . N'êtes-vous pas content et honteux ?

À cela je réponds, madame, que je suis pénétré d'admiration pour votre caractère et de reconnaissance pour vos bienfaits ; mais pour honteux, je ne le suis pas, au contraire, je suis persuadé que, si vous daignez obtenir la moindre petite aumône pour la veuve Calas, vous gagnerez encore plus d'âmes à vous que de huguenots à l’Église . Je ne peux vous dire à quel point cette petite attention de Sa Majesté pour une famille infortunée tournerait la tête à six ou sept cent mille hommes . Ils sauraient bien que ce serait à vous , madame, qu'elle devrait cette consolation . Ce serait bien alors que la mémoire du pauvre Calas serait réhabilitée . Non, madame, le roi ne peut rien faire de plus beau à moins de frais . Quand il ne donnerait que cent écus, je regarderais ce don comme un trésor inestimable .

Daignez, madame, pardonner à mon zèle, à mon indiscrétion .

J'ai dans l'idée que vous pouvez très bien vous passer de montrer mon inutile lettre à Mme de Pompadour . Un mot de votre bouche doit tout faire . Il me semble que tout cela va de soi-même . On parle au roi de la petite Calas, qui s'évanouit deux fois pendant ce Grand Conseil qui se tenait à Versailles ; on lui dit que les gens tenant la cour du parlement sont bien puissants, puisqu'ils font rouer les pères de famille , sans forme de procès ; le roi s'attendrit, il donne une petite somme de sa cassette, et l'Europe applaudit .

Je me jette à vos pieds, madame, avec le plus profond respect et l'enthousiasme que vos bontés m'inspirent .

Le quinze-vingts des Alpes Voltaire. »

1 Probablement, Pierre Pictet, surnommé « la grand âme » par V* ; voir page 3 : http://www.archivesfamillepictet.ch/bibliographie/documents/VoltaireetRousseau.pdf

13/03/2018

Vous savez mon cher monsieur combien les parlements se ménagent les uns les autres

... Ils sont tous constitués d'élus qui en font métier et par conséquent tiennent à leurs places plus que tout et font en sorte de ménager la chèvre et le chou, à savoir les ministres et président et les électeurs . Le système des ordonnances, au fond, satisfait bien l'opposition, ça lui donne un peu de grain à moudre, faute d'avoir un programme plus intelligent à mettre en place .

 

 

« A Philippe Debrus

[vers le 16 mars 1763] 1

Mon cœur sent comme le vôtre, mais j'ai peur que mon esprit ne pense pas de même . Vous savez mon cher monsieur combien les parlements se ménagent les uns les autres . Voyez si dans l'affaire du Juif de Colmar 2, le conseil d'Alsace a reçu la moindre flétrissure . On me fait craindre que nous soyons renvoyés à Aix ou à Grenoble ; or vous savez que je rêve tous les jours de la tournure qu'on pourrait donner à cette affaire . Je crois qu'il faudra hardiment prendre David à partie . Si on pouvait en faire autant au sieur La Bordes 3 et compagnie, ce serait bien le mieux . C'est sur quoi je vais écrire à M. Mariette et à mes amis ; je fais des tentative de plus d'une espèce . En attendant, jouissons toujours de la victoire très signalée remportée au Conseil, sur un de ces corps qui ont actuellement en France un si prodigieux crédit . Jouissons d'une réhabilitation prononcée par toute l'Europe . Quand je pourrai sortir j’irai chez vous et je vous prierai d'y faire trouver M. de Moultou, et M. de Végobre .

Je compte toujours d'écrire à M. de Végobre quand je vous écris, car je ne vous sépare point . »

1 L'édition Lettres inédites place la lettre entre le 7 et le 12 mars 1763 . on a quelque peu reculé cette date en considérant les lettres du 14 et du 18 à la duchesse de Gramont comme certaines des « tentatives de plus d'une espèce » que mentionne V*.

2 L'exécution d'Hirtzel Lévy en 1754 ; voir « Hirtzel, mort martyr à Colmar, en 1754 » d'Isidore Loeb, Annuaire de la société des études juives, 1881 : http://judaisme.sdv.fr/histoire/historiq/hitzel/hirtzel.htm

3 Ces noms de David et de La Bordes symbolisent respectivement le premier et le second tribunal par lesquels les Calas furent condamnés à Toulouse . Sur David, voir la lettre du 21 mars 1763 à d'Argental : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-11.html

12/03/2018

les secrétaires d’État assistèrent à ce grand conseil, ce qui n'arrive presque jamais

... Pas plus sous l'Ancien régime que sous la Vè république !

C'est le moment pour connaître un peu mieux ce qu'est notre Conseil des ministres :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_des_ministres_(Fran...

Image associée

"Restons calme ! l'heure de la rentrée n'a pas encore sonné . Emmanuel est encore loin et grogne contre Fanfoué."

 

 

« A Jean Ribote-Charron etc.

à Montauban

16è mars 1763

Le 7è mars, tous les conseillers d’État de robe et d'épée s'assemblèrent à Versailles, les secrétaires d’État assistèrent à ce grand conseil, ce qui n'arrive presque jamais . Il y avait trois évêques, plusieurs abbés, le nombre des juges montait à cent, toute la galerie de Versailles était remplie de personnes de tout rang et de tout âge . La veuve Calas s'était rendue dans les prisons de Versailles selon l'usage . Le geôlier et la geôlière la reçurent comme leur sœur , lui préparèrent un grand dîner pour elle, pour ses filles et pour ses amis, et ne voulurent rien recevoir pour leur droit .

La séance du Conseil dura trois heures et un quart, l'affaire fut jugée sur le mémoire de M. Mariette, avocat au Conseil, que j'ai donné à Mme Calas . M. de Crosne maître des requêtes, rapporteur de l'affaire , parla avec l'éloquence la plus touchante, et discuta tout, de la manière la plus exacte .

Toutes les voix se réunirent à ordonner que le greffier en chef du parlement de Toulouse enverrait la procédure au Conseil du roi, et que le procureur général rendrait compte au nom du parlement, des motifs qui ont porté les juges de Toulouse à faire rouer Jean Calas .

Le roi a donné son approbation à la décision du Conseil . Tout Paris a applaudi . L’ordre du Conseil est parti pour Toulouse .

Voilà, monsieur , des nouvelles sûres, dont vous pourrez donner copie à tous ceux qui en seront curieux . »