06/06/2023
j'ai mille raisons pour l'aimer
... Mam'zelle Wagnière , pour toujours !
« A François de Chennevières
9è novembre 1767 1
Vraiment, mon cher ami, je suis fort aise que M. de Taulès soit M. Des Barraux ; mandez-moi, je vous prie, s'il est encore à Versailles, s'il reviendra bientôt à Soleure. C'est un homme fort instruit, et le seul capable de fournir des anecdotes vraies sur le siècle de Louis XIV. Je ferais bien volontiers le voyage de Soleure pour le consulter, si ma santé me le permettait ; il est d'ailleurs du pays de mon héros Henri IV, et j'ai mille raisons pour l'aimer .
Quand vous écrirez à M. de Rochefort, dites-lui, je vous prie, combien je m'intéresse à son nouvel établissement1 2 et à son bonheur. Voici un petit mot pour M. le comte de La Touraille 3.
Maman et moi nous faisons les plus tendres compliments à notre ancien ami et à la sœur du pot 4.
V. »
1 L'édition Taulès n'identifie pas le destinataire .
2 Son mariage; voir lettre du 20 avril 1767 à Rochefort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/10/23/toutes-les-choses-de-ce-monde-n-atteignent-pas-a-leur-but-il-6407923.html
3 La lettre du même jour à Larcher : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/06/je-vous-souhaite-monsieur-beaucoup-de-joie-et-de-plaisir-dan-6446411.html
08:56 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je vous souhaite, monsieur, beaucoup de joie et de plaisir dans ce monde, en attendant que vous soyez damné dans l'autre
... Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras !
« A Jean Chrysostome Larcher, comte de La Touraille [Monsieur le comte de La
Touraille, gentilhomme
de Son Altesse Sérénissime Monseigneur le prince de Condé ]
Je n'ai pu répondre, monsieur, aussitôt que je l'aurais voulu à la lettre par laquelle vous eûtes la bonté de m'apprendre votre excommunication ; j'étais enchanté de vous avoir pour confrère 1, et il était bien juste qu'un doyen félicitât avec empressement un novice tel que vous ; mais j'étais dans ce temps-là sur le point d'aller à tous les diables. Ma vieillesse et mes maladies continuelles ne me permettent pas de remplir mes devoirs bien exactement avec les réprouvés auxquels je suis très attaché. Je me flatte que si vous êtes excommunié auprès de quelques habitués de paroisse, vous ne l'êtes pas auprès de l'habitué de la gloire. Les lauriers des Condé garantissent des foudres de l'Église 2. Je vous souhaite, monsieur, beaucoup de joie et de plaisir dans ce monde, en attendant que vous soyez damné dans l'autre.
Ne montrez point ma lettre à monsieur l'archevêque 3, si vous voulez que j'aie l'honneur d'être enterré en terre sainte 4. Mais si jamais vous lui parlez de moi, assurez-le bien que je ne suis pas janséniste.
Conservez-moi vos bontés. Voulez-vous bien me mettre aux pieds de Son Altesse Sérénissime ?
V.
9è novembre 1767»
1 A l'académie de Dijon .
2 Voir : https://histoiresduniversites.wordpress.com/2021/08/11/louis-joseph-de-bourbon-conde-et-lacademie-des-sciences-arts-et-belles-lettres-de-dijon/
3Christophe de Beaumont . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_de_Beaumont
4 Vœu important qui, quoi qu'en dise V* va dominer certains aspects de sa conduite, et devenir chez lui comme une obsession .
08:29 | Lien permanent | Commentaires (0)
je veux absolument que les choses soient en règle
...
« A Sébastien Dupont, Avocat
au Conseil souverain d'Alsace
à Colmar
Je reçois à la fois, mon cher ami, vos deux lettres du 29 octobre et du 1er novembre. Je ne demande autre chose, sinon que mon procureur s'oppose ( en vertu de mon hypothèque antérieure ) à toutes délivrances d'argent ou fruits aux créanciers de Lyon . L'arrêt viendra ensuite quand il pourra . Peut-être qu'avant l'arrêt le sieur Jeanmaire aura pris un parti raisonnable . Mais il faut l'y forcer. Il m'a donné cent paroles qu'il ne m'a point tenues . Il me devra soixante et dix-sept mille livres au 1er janvier et ayant reçu ordre, il y a au moins six semaines, de m'envoyer trois cents louis d'or, il ne m'a donné que des lettres de change pour quatre mille cinq cents livres. Il ne sait pas la triste situation où il me réduit. Il vient de m'écrire une lettre très ridicule ; je lui ai fait une réponse catégorique, dont j'enverrai copie, s'il le faut, à M. le duc de Virtemberg lui-même : je veux absolument que les choses soient en règle . C'est une justice que je dois à ma famille; mais je ne manquerai jamais de respect ni d'attention pour ce prince.
Soyez bien sûr aussi, mon cher ami, que je ne manquerai jamais de reconnaissance envers vous.
Je vous supplie de vouloir bien m'envoyer les noms des marchands de Lyon, et de me faire savoir la somme de la créance du baron banquier Dietrich.
V.
7è novembre 1767 à Ferney.1 »
1 Original mention « franco Bâle », cachet « Bâle » ; édition Lettres inédites, 1821 .
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05/06/2023
Tout ce que je puis faire, c'est de lever les mains au ciel, et de le prier de vous accorder une vie très longue, très saine, avec très peu de médecins
... En constatant la raréfaction des médecins en France, j'en viens à croire que le souhait de Voltaire est allé au delà du raisonnable . Le recours à ces hommes de l'art peut être encore soumis aux précautions voltairiennes, et ce ne sont pas les pratiques du Dr Raoult qui inciteront à la confiance aveugle . Méfia't !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
6è novembre 1767
Vraiment, mon divin ange, je ne savais pas que vous eussiez enterré votre médecin 1. Je ne sais rien de si ridicule qu'un médecin qui ne meurt pas de vieillesse; et je ne conçois guère comment on attend sa santé de gens qui ne savent pas se guérir ; cependant il est bon de leur demander quelquefois conseil, pourvu qu'on ne les croie pas aveuglément. Mais comment pouvez-vous prendre les mêmes remèdes, Mme d'Argental et vous, puisque vous n'avez pas la même maladie ? C'est une énigme pour moi. Tout ce que je puis faire, c'est de lever les mains au ciel, et de le prier de vous accorder une vie très longue, très saine, avec très peu de médecins.
J'avais déjà écrit un petit mot M. de Thibouville 2 pour vous être montré. Votre lettre du 28 d'octobre ne m'a été rendue qu'après. Vous ne doutez pas que je ne sois bien curieux de voir ma lettre à la belle Mlle Dubois. Vous avez vu les raisons que j'ai de me tenir un peu clos et couvert jusqu'à ce que j'aie reçu des nouvelles de M. le maréchal de Richelieu. Il me semble qu'il y a dans cette affaire je ne sais quelle conspiration pour m'embarrasser et se moquer de moi. Mais comment M. le duc de Duras n'a-t-il pas eu la curiosité de voir cette lettre, qui est devenue la pomme de discorde chez les déesses du tripot ? Rien n'est, ce me semble, si facile; tout serait alors tiré au clair, sans que des personnes qui peuvent beaucoup me nuire eussent le moindre prétexte contre moi.
Je vous avouerai grossièrement, mon cher ange, que je me trouve dans une situation bien gênante, et que je crains l'éclat d'une brouillerie qui me mettrait dans l'alternative de perdre une partie de mon bien, ou de le redemander par les voies du monde les plus tristes, et peut-être les plus inutiles. On me mande des choses si extraordinaires que je ne sais plus où j'en suis; ma santé d'ailleurs est absolument ruinée. Je dois plutôt songer à vivre que songer à la singulière tracasserie qu'on m'a faite. Je n'ose même écrire à Lekain, de peur de l'exposer.
Vous verrez incessamment M. de Chabanon et M. de La Harpe. J'ai donné une lettre à M. de La Harpe pour vous.
Adieu, mon divin ange, maman et moi nous nous mettons au bout de vos ailes plus que jamais.
Vous savez quel est pour vous mon culte d'hyperdulie. »
1 Il s'appelait Fournier.
2 Cette lettre manque .
17:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
J'arrange mes petites affaires
... Voir ce redorage de blason au Mont Saint-Michel !
https://www.laprovence.com/article/france-monde/299273052...
Macron terrassant l'opposition !
« A Etienne-Noël Damilaville
4 novembre 1767 1
Mon corps, qui n'en peut plus, fait ses compliments au vôtre qui n'est pas en trop bon ordre, mon cher ami. J'arrange mes petites affaires, et voici un papier que je vous prie de faire parvenir à M. de Laleu.
Au reste, plus la raison est persécutée, plus elle fait de progrès. Puissent les braves combattre toujours, et les tièdes se réchauffer ! Vous ne m'avez point parlé de l'opéra 2 de M. Thomas et de M. de La Borde ; je crois que vous vous souciez plus d'un bon raisonnement que d'une double croche. On dit que le théâtre de la comédie est anéanti . Je recommande à vos bontés le petit livre de la population .
Portez-vous bien, mon cher ami, et aimez un homme qui vous chérira jusqu'au dernier moment de sa vie. »
1 L'édition de Khel amalgame quelques mots de la présente lettre à la lettre du 2 novembre et d'autres au début de la lettre du 18 janvier 1767 . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/10/ces-deux-rogatons-il-en-fera-sa-cour-a-son-correspondant-d-a-6381307.html
2 Amphion : (livret de Thomas : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_L%C3%A9onard_Thomas
), ballet-pastorale-héroïque en 1 acte donné le 13 octobre 1767 à l'Académie royale de musique .
16:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
quand il faudra faire de nouvelle dépenses, vous n'avez qu'à parler
... et la réponse sera : NON ! " dit Bruno Le Maire ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique au président Macron qui est diablement tenté de faire encore des offres de Gascon .
« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin
Mercredi au soir 4è novembre 1767 à Ferney
Je vous envoie , mon cher ami, le contrat des deux cent mille livres insinué . J'y joins dix louis d'or, et quand il faudra faire de nouvelle dépenses, vous n'avez qu'à parler . Vous avez dû recevoir ma lettre que j'avais adressée à M. Leriche . Elle devient actuellement inutile, mais je vous prie de me mander si elle vous est parvenue . Je l'avais adressée à Besançon par Pontarlier .
Dieu ait en sa sainte garde M. Benoise 1 et ceux qui pensent comme lui . Apparemment que le premier président du parlement de Douai s'était déclaré contre Fantet puisque Dieu l'a puni d'une bonne apoplexie, et qu'il est allé juger des libraires dans l'autre monde .
Bonsoir mon cher philosophe ; je vous embrasse et je vous regrette .
V.
Je vous prie d'envelopper toujours le contrat . Il est sur du papier de Hollande qui se déchire aisément . Il est déjà sali . »
1 Ce mot a d'abord été écrit De Noise, puis corrigé .
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/06/2023
sans argent, sans commerce et sans crédit, si elle ne se met pas à penser que deviendra-t-elle ?
... Rien !
La France !
AA- !
« A Jean Le Rond d'Alembert
4è novembre 1767 1
Mon cher philosophe, car il faut toujours vous appeler de ce nom respectable que la cour ne respecte guère, le philosophe M. de Chabanon aura donc le bonheur de vous embrasser . Vous lèverez donc les épaules ensemble sur l’avilissement où l'on veut jeter les lettres, sur la conspiration contre la raison et contre la liberté, sur les sottises dont vous êtes environné, sur la barbarie où l'on va nous replonger si vous n'y mettez ordre .
Monsieur de Chabanon a un beau plan de tragédie 2et a fait un premier acte qui annonce le succès des quatre autres . Mais pour qui travaille-t-il ? quels comédiens ? et quels spectateurs ? Le temps des beaux-arts est passé, et la philosophie qui faisait l'honneur de ce siècle est persécutée . La Sorbonne est dans la boue, mais les gens de lettres sont sub gladio 3. L'approbateur de Bélisaire 4 est toujours destitué . Rien ne marque plus le dessein formé d'empêcher la nation de penser . C'était tout ce qui lui restait . Battue par le prince de Brunsvick et par le markgrave de Brandenbourg, par les Anglais et par le roi de Maroc, sans argent, sans commerce et sans crédit, si elle ne se met pas à penser que deviendra-t-elle ? Votre cour de parlement fait conduire en place de Grève un lieutenant général 5 avec bâillon en bouche, sans daigner alléguer le moindre délit . On coupe la main, la langue et la tête à un jeune gentilhomme 6 et on jette tout cela dans un grand feu, pour n’avoir pas salué des capucins et pour avoir chanté deux vielles chansons, et les gens coupables de ces assassinats judiciaires sont honorés ! Vraiment , après cela, il faut boucher les yeux, les oreilles et l'entendement d'une nation . Mais on n'y parviendra pas . Les hommes s'éclaireront malgré les tigres et les singes . Vous ne voulez pas être martyr mais soyez confesseur . Vos paroles feront plus d'effet qu'un bûcher . Mon cher philosophe, criez toujours comme un diable .
Je vous aime autant que je hais ces monstres . »
1 Cette lettre fut apportée à Paris par Chabanon, ce qui fixe la date de départ de celui-ci de Ferney .
2 Eudoxie : https://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/CHABANON_EUDOXIE.xml
3 Sous le glaive .
4 Bret .
5 Lally-Tollendal .
6 La Barre .
08:39 | Lien permanent | Commentaires (0)