Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/01/2010

Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé

Il en est qui dépourvus de talent se permettent de baver - je dis bien baver, pour moi ce sont des limaces - sur Voltaire . Ils le font à leur image, je n'en dirai pas plus, vous avez compris .

Dans le même temps, je les soupçonne -à tort peut-être ?- d'être des fans de Napoléon Ier qui, Ô merveille, sut si bien rétablir l'esclavage.

Ce Voltaire qu'ils se permettent de rabaisser (car eux ne peuvent s'élever ! ) était cet homme capable d'indignation devant les travers de ses contemporains , et ce n'est qu'un petit exemple parmi tant d'autres que je vous cite ci-après, en fonction de l'actualité.

Le 11 août 1770, Voltaire écrit à Catherine II de Russie :

"On apprend à Paris le tremblement de terre qui a bouleversé trente lieues de pays à Saint Domingue, on dit : "C'est dommage", et on va à l'opéra. Les affaires les plus sérieuses sont tournées en ridicule."

Ce tremblement de terre a eu lieu le jour de la Pentecôte , 3 juin 1770 . Voir détails ci-après : http://www.lnbtp.gouv.ht/publications/Seismes%20en%20Hait...

DSC06941.JPG

 

 

« A Charles–Augustin Ferriol, comte d’Argental

et

à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

19è janvier 1772

 

                            Or mes anges, voici le fait. Cette lettre sera pour vous et pour M. de Thibouville puisqu’il a trouvé son jeune homme [Le 6 février 1771, V* écrivait à Thibouville :"Trouvez quelque jeune homme ... qui passerait pout l'auteur, et qui pourra même lire la pièce aux comédiens ..." Il s'agissait des Pélopides . V* sera déçu :" ce jeune homme était un mauvais comédien de la troupe de Paris" (letr du 8 février 1773 à Thibouville).]; et je suppose que ce jeune homme lira bien et fera pleurer son monde.

 

                            Mon jeune homme à moi [le prétendu auteur], m’est venu trouver hier, et m’a dit ces propres paroles :

         « A l’âge où je suis j’ai grand besoin d’avoir des protections à la cour comme par exemple auprès du secrétaire de  M. le trésorier des Menus, ou auprès de MM. les comédiens ordinaires du roi. On m’a dit que Sophonisbe n’étant qu’un réchauffé [un « réchauffé » de Mairet, 1770 ], et les Pélopides ayant déjà été traités [par Crébillon qui avait écrit Atrée et Thyeste.], ces deux objets me procureraient difficilement la protection que je demande.

 

         D’ailleurs des gens bien instruits m’ont assuré que pour balancer le mérite éclatant de l’opéra-comique et de Fax-hall [Il s’agit des Fêtes de Tempé, ouvertes par Torre en 1769 près de la porte Saint Martin ; voir article « franc » des Questions sur l’Encyclopédie :  «  du salon du sieur Vaux à Londres, nommé Vaux-hall, on a fait facs-hall à Paris. »] , pour attirer l’attention des Welches, et pour forcer la délicatesse de la cour à quelque indulgence, il fallait un grand spectacle, bien imposant, et bien intéressant ; qu’il fallait surtout que ce spectacle fût nouveau, et j’ai cru trouver ces conditions dans la pièce ci-jointe [Les Lois de Minos.] que je soumets à vos lumières . Elle m’a coûté beaucoup de temps, car je l’ai commencée le 18è septembre, et elle a été achevée le 12è janvier.

 

         Il serait triste d’avoir perdu un temps si précieux. »

 

                            J’ai répondu au jeune candidat que je trouvais sa pièce fort extraordinaire, et qu’il n’y manquait que de donner bataille sur le théâtre, que sans doute on en viendrait là quelque jour, et qu’alors on pourrait se flatter d’avoir égalé les Grecs.

 

         « Mais mon cher enfant, quel titre donnez-vous à votre tragédie ?

-         Aucun, Monsieur. On ferait cent allusions, on tiendrait cent mauvais discours, et les Welches feraient tant que ma pièce ne serait point jouée. Alors je serais privé de la protection du secrétaire de M. le trésorier des Menus, et de celle de MM. les comédiens ordinaires du roi, et je serais obligé d’aller travailler aux feuilles de M. Fréron pour me pousser dans le monde. »

 

                            J’eus pitié de ce pauvre enfant, et je vous envoie  son œuvre, mes chers anges. Si M. de Thibouville veut se trémousser et conduire cette intrigue, cela pourra l’amuser beaucoup, et vous aussi.

 

                            Il y a vraiment dans ce drame je ne sais quoi de singulier et de magnifique qui sent son ancienne Grèce, et si les Welches ne s’amusent pas de ces spectacles grecs, ce n’est pas de ma faute. Je les tiens pour réprouvés à jamais. Pour moi qui ne suis que Suisse, j’avoue que la pièce m’a fait passer une heure agréable dans mon lit où je végète depuis longtemps.

 

                            Je vous remercie mes chers anges, des ouvertures que vous me donnez avec tant de bonté pour établir un bureau d’adresse en faveur de mes montriers [fabricants de montre de Ferney]. Mme Lejeune [ La femme du libraire qui avait été arrêtée en décembre 1766, revenant de Ferney, pour avoir voulu faire entrer en France des livres prohibés, dont le Recueil nécessaire de Voltaire ] ne pourrait-elle pas être la correspondante ? On s’arrangerait avec elle.

 

                            Il est arrivé de grands malheurs à notre colonie [V* a accueilli des émigrants de Genève suite aux troubles de février 1770, leur a prêté de l’argent pour fonder une fabrique de montres à Ferney, bâti des maisons, mais perdu le soutien de Choiseul disgracié en décembre]. Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé. J’aurai toujours dans mon village le glorieux titre de fondateur. J’ai rassemblé des gueux. Il faudra que je finisse par leur fonder un hôpital.

 

                            Je me mets à l’ombre de vos ailes plus que jamais, mes divins anges.

 

                            Vous devez recevoir la drôlerie de mon jeune homme par M. Bacon, non pas le chancelier, mais le substitut du procureur général, lequel doit l’avoir reçue dûment cachetée de la main de M. le procureur général .Si ces curieux ont ouvert le paquet, je souhaite qu’ils aiment les vers, mais j’en doute.

 

                            Voltaire. »

 

 

 

 

02/01/2009

J'ai résolu de me moquer des gens ...!

"A Jean Le Rond d'Alembert

Mon cher et digne soutien de la raison expirante, je pourrais vous dire : si vous voulez voir un beau tour, faites le . Mais vous êtes nécessaire à la bonne cause, vous êtes dans la fleur de l'âge, vous êtes Secrétaire de quarante gens pleins d'esprit ; je suis inutile, je suis sur le bord de ma fosse, je n'ai rien à risquer, je serai très volontiers le chat qui tirera les marrons du feu . Le non magis m'a tant fait rire,[sujet proposé pour le prix d'éloquence latine par l'Université de Paris :"non magis Deo quam regibus infensa est ista quae vocatur hodie philosophia" = la philosophie "n'est pas plus ennemie de Dieu que des rois", ce qui revient à dire qu'elle n'est l'ennemie ni des uns ni des autres ], tout malingre que je suis, que je n'ai pu en dormir de la nuit, et que j'ai passé les premières vingt-quatre heures de l'année 1773 à me brûler la patte en tirant vos marrons.[ Il écrit Le Discours de maître Belleguier ]

Tout ce que je crains, c'est que les pauvres diables ne se doutent de leur sottise, et ne changent leur non magis en non minus , ce qui rendrait ma nuit blanche absolument inutile.

arlequin.jpg

Mandez moi je vous prie, tout ce que vous savez sur ces belles choses, et tout ce qui peut ranimer ma vieillesse, car j'ai résolu de me moquer des gens jusqu'à mon dernier soupir. Je suis volontiers comme Arlequin condamné à mort, à qui le juge demanda de quel genre de mort il voulait périr. Il choisit fort sensément de mourir de rire.

N'oubliez pas le charmant Savatier [=Sabatier : chassé par d'Alembert pour avoir écrit "des impertinences contre ce que nous avons de plus estimable dans la littérature" ; ce "petit maraud" sera chassé et bastonné pour avoir espionné le comte de Lautrec au profit de la partie adverse dans un procès, après être entré au service du comte ]. Dîtes-moi, si vous le savez, le nom du procureur et de l'avocat, car il s'agit du salut de la république, et il ne faut rien négliger.

Vous ne me parlez point des Lois de Minos que M. de Rochefort doit vous avoir prêtées à vous seul. Je vous avertis en honnête conjuré, que si ces Lois sont sifflées les pattes du chat sont coupées, je n'aurait point le prix de l'Université, et la bonne cause ira à tous les diables.

On m'a envoyé un livre de maître Pompignan, évêque du Puy-en-Velay, contre le théisme, le déisme, l'athéisme et le jansénisme.[La religion vengée de l'incédulité par l'incrédulité elle-même 1772 ]. Cela m'a paru parfait en son genre. C'est, ou je me trompe fort, un chef-d'oeuvre de bavarderie et de bêtise . Dieu nous conserve ce cher homme !

Vous ne m'avez pas répondu sur la correspondance de Luc . [V. a proposé La Harpe comme correspondant littéraire de Frédéric II suite au décès de Thiriot ]

Adieu, mon cher ami ; mes respects à Laurent [valet et espion de l'abbé R* ] et à Tartuffe [abbé de Radonvilliers , académicien protecteur des ennemis des philosophes ], mais mille sincères et tendres amitiés à tous vos amis.

V.

1er janvier 1773."

Mes premières 24 heures de la nouvelle année n'ont pas été aussi studieuses que celles de Voltaire début 1773 ; il a fait l'impasse sur le réveillon, pas moi ( au fait quelqu'un peut-il me dire depuis quand on fête le réveillon ? Merci d'avance ). Réveillon entre amis, sans gueule de bois , mais tout de même petit flirt avec la loi du 0,5g, couché à 3h et journée à vaquer à des occupations de bricolo en plein air, beau soleil mais -1° quand même, neige gelée partout, réchauffé au Ricola, puis pour faire bonne mesure un petit entrainement de 120 flèches en écoutant Hugue Aufray chantant Bob Dylan et Pierrot interpretant ses érotiques : je ne suis pas sectaire, surtout touche à tout ce qui peut rendre la vie plus agréable.

"j'ai résolu de me moquer des gens jusqu'à mon dernier soupir" : malheureusement, contrairement à V*, certains se moquent de nous et ça ne fait rire personne, je songe aux faiseurs de promesses . Il est juste qu'on se moque d'eux autant qu'il est nécessaire et s'ils ne changent pas, ne comprennent pas, qu'ils aillent au diable ! Comme moi aussi je fais des promesses que je n'arrive pas à tenir toujours, je m' "autodérisionne", ça fait moins mal que hara kiri (seppuku pour les puristes !) et le Grand Babu me donnera un coup de main.