07/07/2009
le roi de France l’emporte sur tous les rois, puisqu’il fait des miracles
Ces textes vont peut-être paraitre sans commentaire . Ce sera la signe que votre indigne serviteur est encore à la bourre, mais ni bourré, ni bourru !!!En tout cas pas aujourd'hui ...
-Chat alors ! T'as d'beaux yeux, tu sais !
-Oui, je sais, je sais, je sais ... mais ne touche pas à la prunelle de mes yeux ! (=petit goinfre dodu au dodo).
« A Jean Le Rond d’Alembert
Vous n’avez probablement point reçu, mon cher philosophe, une lettre que je vous avais écrite il y a près d’un mois, sous l’enveloppe de M. de Vaines. Je vous priais de dire un petit mot au roi de Prusse au sujet de M. d’Etallonde de Morival. Ce monarque vient de combler nos vœux et de surpasser nos espérances [lettre de Frédéric du 17 mai ]. Il appelle M. de Morival auprès de lui, il le fait son ingénieur et capitaine, il lui donne une pension. Cela vaut mieux, ce me semble que d’aller se mettre à genoux à Paris devant Messieurs, et de leur avouer qu’on est un impie qui vient faire entériner sa grâce [« Je vous répète que nous ne voulons point de lettre de grâce, que grâce, de quelque manière qu’elle soit tournée, suppose crime, et que nous n’en avons point commis. De plus la grâce exige qu’on la fasse entériner à genoux et c’est ce que nous ne ferons jamais. » lettre à d’Argental, 16 avril 1775.].
Le roi de Prusse en faisant cette belle action m’écrit la lettre la plus touchante et la plus philosophique [«… l’infâme frémira vraiment de dépit, en voyant que Voltaire et moi pauvre individu, nous sauvons de ses griffes un jeune garçon qui n’a pas observé le Puntiglio et le cérémonial ecclésiastique. » Frédéric].
Je vous envoie la requête au Roi Très Chrétien, par laquelle M. de Morival ne lui demande rien [ Le cri du sang innocent adressé au « Roi très chrétien en son conseil », requête « … faite que pour inspirer l’horreur de la persécution, et pour fortifier les bons sentiments des esprits raisonnables. » lettre à d’Argental du 10 juillet].
V.
A Ferney ce 7è juillet 1775. »
« A Frédéric II, roi de Prusse
Sire,
Morival s’occupait à mesurer le lac de Genève, et à construire sur ses bords une citadelle imaginaire, lorsque je lui ai appris qu’il pourrait en tracer de réelles dans la Prusse occidentale ou dans vos autres états. Il a senti vos bienfaits, avec une respectueuse reconnaissance égale à sa modestie. Vous êtes son seul roi, son seul bienfaiteur. Puisque vous permettez qu’il vienne se jeter à vos pieds dans Potsdam, voudriez-vous bien avoir la bonté de me dire à qui il faudra qu’il s’adresse pour être présenté à Votre Majesté ?
Permettez que je me joigne à lui dans la reconnaissance dont il ne cessera d’être pénétré ; je ne peux pas aspirer comme lui, à l’honneur d’être tué sur un bastion ou sur une courtine ; je ne suis qu’un vieux poltron, fait pour mourir dans mon lit. Je n’ai que de la sensibilité, et je la mets tout entière à vous admirer et à vous aimer.
Votre alliée l’impératrice Catherine fait, comme vous, de grandes choses. Elle fait surtout du bien à ses sujets [Frédéric écrit à V*, le 17 juin : « Votre Impératrice se signale à Moscou par ses bienfaits et par la douceur dont elle traite le reste de adhérents de Pugatschef [l’insurgé] : c’est un bel exemple pour les souverains… »]; mais le roi de France l’emporte sur tous les rois, puisqu’il fait des miracles. Il a touché à son sacre deux mille quatre cents malades d’écrouelles, et il les a sans doute guéris [21 juin, V* à Frédéric : « On fait coucher tout de son long un pauvre roi en chemise devant des prêtres, qui lui font jurer de maintenir tous les droits de l’Église et on ne lui permet d’être vêtu que lorsqu’il a fait son serment . Il y a des gens qui prétendent que c’est aux rois de se faire prêter serment par les prêtres. Il me semble que Frédéric le Grand en use ainsi en Silésie et dans la Prusse occidentale. »]. Il est vrai qu’il y eut une des maitresses de Louis XIV qui mourut de cette maladie, quoiqu’elle eût été très bien touchée, mais un tel cas est très rare.
Votre majesté avait eu la bonté de me mander qu’après ses revues elle se délasserait un moment à entendre Lekain et Aufresne [24 juillet, Frédéric à V* : « Lekain a joué les rôles d’Œdipe, de Mahomet et d’Orosmane … L’année passée j’ai entendu Aufresne ; peut-être lui faudrait-il un peu du feu que l’autre a de trop … Cependant je n’ai pu retenir mes larmes ni dans Œdipe ni dans Zaïre. ». Lekain avait quitté Paris pour la Prusse le 13 mai]; mais je vois bien que vos héros guerriers qui marchent sous vos drapeaux l’emportent sur les héros de théâtre. Votre Majesté les passe en revue dans quatre cents lieues de pays pendant un mois [= 500 milles de France]. C’est à peu près avec cette rapidité qu’un de vos prédécesseurs, nommé Jules césar, parcourait notre petit pays des Velches. Il faisait des vers aussi, ce Jules ou Julius, car les véritablement grands hommes font de tout.
Je suis plus que jamais l’adorateur et l’admirateur des gens de ce caractère, qui sont en si petit nombre.
Agréez, Sire, avec bonté, le profond respect, la reconnaissance et l’attachement inviolable de ce vieux malade du mont Jura.
Voltaire
A Ferney, 7 juillet 1775. »
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