14/01/2010
Je vais mourir bientôt en détestant les persécuteurs, et en vous aimant
Excellente mise en train, dans la voiture en allant au travail ce matin : http://www.youtube.com/watch?v=2EmbhAarOzg
Caricatures : La Fayette, Necker et Bezenval, XVIIIe siècle, Estampe, gravure réalisée sur cuivre, 31,4 x 17, 4 cm, Musée national de la Coopération franco-américaine, Auteur : Blérancourt.
« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin
Vous me déchirez le cœur, mon cher ami, par tout ce que vous me mandez. Il m’est impossible d’écrire à votre Genevois [Jacques Necker]. Jugez-en vous-même.
Sa femme est née, et a été élevée dans le même village que la mère de Mlle de Varicourt, qui lui donna longtemps des bas et des souliers, quoiqu’elle n’en eût guère pour elle-même.
J’ai donné part du mariage de Mlle de Varicourt [Reine-Philiberte Rouph de Varicourt, surnommée par V* « Belle et Bonne », avec le marquis de Villette le 18 novembre 1777 ] à la Genevoise [Mme Suzanne Necker, mère de Germaine, future Mme de Staël], et ma lettre était assurément très flatteuse. Elle n’a pas daigné me répondre, mais elle a répondu à un frère de Mlle de Varicourt, et lui a dit qu’elle était une femme trop sérieuse et voyant trop bonne compagnie pour recevoir chez elle une jeune mariée. Cet excès d’impertinence est-il concevable ?
Je tremble de tous côtés pour nos chers St-Claudiens [Soumis à la mainmorte par les moines ; Christin, soutenu par V*, avait plaidé pour eux et perdu un procès, mais continuait la procédure ; le 23 novembre V* lui a écrit : « Que ne suis-je à portée d’intéresser M. Necker sur cette affaire ! Il est , je crois, le seul qui pourrait engager M. de Maurepas à signaler son ministère par l’abolition de la servitude, en imitant le roi de Sardaigne ».]. J’ai bien peur qu’ils ne soient mangés par les pharisiens et par les publicains. Mais où se réfugieront-ils ? Ils n’ont ni protection, ni asile. Tout ce que je vois me fait horreur et me décourage. Je vais mourir bientôt en détestant les persécuteurs, et en vous aimant.
13è janv[ier] 1778
Si vous persistez à envoyer votre lettre, il faut la mettre à la poste de St-Claude. »
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24/06/2009
J’ose espérer qu’on ne me lapidera pas avec de petits cailloux
"Comme, Dieu merci, je n’ai jamais fait aucun ouvrage que le clergé puisse me reprocher" , ni les laïcs ajouterais-je pour mon compte, je ne peux être en aucun cas taxé de calomnie ...
Dieu merci !
-"Il n'y a pas de quoi, James !
-"Mais, doux Jésus, je suis votre humble serviteur.
-"Relève toi, James, tu vas me faire rougir.
-"Je voudrais bien voir ça !
-"Va tranquille, James, la France, fille aînée de ma fille l'EGLISE catholique apostolique et romaine est menée par un homme clairvoyant qui sait changer les couches ministres incompétents déplaisants .
-"Oui, toi, Seigneur, tu as changé l'eau en vin, mais je crains bien que ce remaniement ne soit fait en vain .
-"Plus d'allusion à ce mariage où m'a trainé ma mère - que moi-même la bénisse!- ! Je n'ai même pas été invité à celui du petit grand avec sa muse préférée.
-"Toujours est-il qu'il a pistonné un homme cultivé pour diriger le ministère de la culture . Est-ce bien raisonnable ?
-"Oui, James ! Fais toi à cette idée qu'il y a parfois du bon à remplacer une femme par un homme .
-"Euh ! mon Jésus unique et préféré, je te signale que je suis croyant jusqu'à un certain point mais non pratiquant !! Est-ce qu'un PACS peut suffire ?
-"Malgré ma science infuse, je ne vois pas ce que tu veux dire, James mon fils indigne !
-"Ah ! oui , PACS : Petite Action Solidaire , tu vois ce que je veux dire, comme dit mon collègue Hammou !
-"Oui, maintenant que tu me le rappelles, chacun doit égoïstement se faire du bien en faisant la même chose pour son semblable ; c'est ce que j'avais dit il y a déjà un bon moment.
-"Oui, environ deux mille ans mais tu as laissé la direction des travaux à des fonctionnaires mitrés.
-"J'aurais mieux fait de me casser une patte ce jour là ! La croix ce n'est plus de mon âge .
-"Un petit coup d'éternité et il n'y paraitra plus.
-"Va, James et blogge pour tes frères humains !
-"OK ! JC , I must go !
« A Marie-Louise Denis
Le Nekre [professeur Louis Necker, amant de « la femme de Vernes le marchand, frère de Vernes le prédicant ; Vernes le marchand lui avait « sanglé un coup de pistolet » en 1760], non pas le mari de la belle Nekre [Jacques Necker, financier, mari de Suzanne Curchod], mais l’ancien amant d’un cul pourri, mais l’assassiné, le banni, qui est actuellement un bon négociant de Marseille et qui a passé par son ancienne patrie, vous rendra cette lettre, ma chère nièce. Il faut que vous sachiez que tout le clergé est déchainé. Il s’imagine que c’est moi qui ai soulevé tous les esprits, et si on s’est saisi d’Avignon [qui appartenait au pape], s’il y a une guerre entre les catholiques et les dissidents en Pologne, j’en suis la cause. Damilaville vous aura peut-être dit que le cardinal de Choiseul, archevêque de Besançon, a oublié son nom pour se souvenir seulement qu’il est cardinal et que c’est lui qui a persécuté Fantet [libraire], l’avocat général de la chambre des comptes, et Leriche [qui a écrit un mémoire en faveur de Fantet en 1766]. Il a même, le croiriez-vous ? écrit aux fermiers généraux pour faire révoquer Leriche qui est inspecteur des domaines en Franche-Comté. Il leur a mandé qu’il remplissait la Franche-Comté de mes livres prétendus. Comme, Dieu merci, je n’ai jamais fait aucun ouvrage que le clergé puisse me reprocher, je n’ai pas voulu être la victime de la calomnie. J’ai demandé en général une lettre de recommandation à M. le duc et à Mme la duchesse de Choiseul [lettre du 27 mai à la duchesse] auprès du cardinal sans leur dire de quoi il s’agissait. Je l’ai obtenue. J’ai écrit au cardinal une lettre flatteuse et mesurée dans laquelle je me suis bien gardé d’entrer dans aucun détail, et dont il ne pourra jamais abuser, quand même il aurait la malhonnêteté de ne point répondre.
Le maçon qui fût repris de justice à Paris dans le temps qu’il y était porte-Dieu [évêque J.-P. Biord, qui fût vicaire de la Sainte Chapelle basse et ayant refusé d’être entendu pour une affaire de billets de confession, il fut « décrété de prise de corps » ; V* demandera à son neveu d’Hornoy d se renseigner à ce sujet], et qui est à présent à ce qu’il dit évêque et prince de Genève, a voulu remuer aussi. Je lui ai fermé la bouche par une conduite sage et nécessaire très approuvée par les Italiens adroits et blâmée à Paris par des gens de lettres qui riraient si j’étais sacrifié pour eux.
Si je ne peux échapper à la calomnie, j’échappe du moins à la persécution. Si Damilaville s’en tire avec six mille livres de pension, c’est un sort très heureux. Mme de Sauvigny qui avait mis dans sa tête de frustrer Damilaville de la place à lui promise [place de directeur du vingtième où il était premier commis depuis longtemps], m’avait assuré qu’elle lui ferait donner une forte pension. Je suppose qu’elle a tenu parole. Il est heureux, le voilà récompensé, et peu soupçonné. Je suis dans un cas tout différent. Mais je laisse gronder les orages uniquement occupé du Siècle de Louis XIV et de Louis XV. J’aurai bientôt achevé ce monument que j’érige à l’honneur de ma patrie sans flatterie et sans médisance. J’ose espérer qu’on ne me lapidera pas avec de petits cailloux tandis que je bâtis ce grand édifice.
J’ai lu par un grand hasard les Conseils raisonnables, la Profession de foi des théistes [les Conseils raisonnables à M. Bergier pour la défense du christianisme, 1768 ; les deux autres brochures sont aussi de V*], l’Épitre aux Romains, et quelques autres drogues. Je me flatte qu’on ne m’imputera pas ces bagatelles tandis que je me consume jour et nuit sur une histoire qui contient cent trente années.
Pour l’histoire de notre petit pays de Gex, elle sera bien courte. On n’a encore tracé ni le port ni la ville de Versoix. On n’a rien fait mais on va commencer. Si M. le duc de Virtemberg ne m’avais pas remis à deux ans pour me payer les soixante-dix mille livres qu’il me doit, je bâtirais à Versoix une maison pour faire ma cour à M. le duc de Choiseul et je crois que ce serait un assez bon effet pour vous. On y établira la poste dans huit jours. C’est Fabry qui l’a, car il a tout englouti. On donne à Racle l’entreprise du port. Racle au moins pourra se dédommager de la perte qu’il a faite en construisant sa ridicule maison, mais j’aurai toujours perdu ce que je lui ai prêté. Vous vous en tirerez un jour, à ce que j’espère.
Je fus bien surpris il y a six jours quand je vis arriver chez moi M. et Mme de Vaux [sœur et beau-frère de Dupuits époux de Marie-Françoise Corneille ; Mme de Vaux est surnommée « Pâté » par V* ; Mme Denis s’inquiète de leur présence], et une grande bâtarde de M. de Vaux et le petit Vau qui est très joli et la mie du petit Vau. . Les voilà établis ici. Je m’enferme dans ma chambre avec mes deux Siècles. Je parais seulement à la fin du diner et du souper, et cependant ils restent. Leur amusement est d’aller chez Mallet et chez Racle. On ne peut quitter un pays qui fournit des plaisirs si séduisants. Il est vrai que la moisson paraît belle, c’est-à-dire qu’on pourra bien avoir quatre pour un avec la paille. Voilà notre terre de promission. Elle est admirable pour quiconque a des yeux et des jambes. Mais ceux à qui ces organes manquent doivent y périr. Nous avons manqué un marché de deux cents mille livres. Vous n’en aurez jamais cinquante mille écus. Pour moi je la quitterais demain si je n’étais retenu par mes deux Siècles.
On prend, comme vous savez, le train de m’envoyer garnison. Il faut soulager le paysan, fournir des lits, des draps et des meubles à quatorze officiers et à deux cents soldats. Cela ruine et personne n’en sait le moindre gré. Il a fallu que j’achetasse du linge pour eux. Il est vrai qu’heureusement ma porte est toujours fermée, et que je suis en prison chez moi.
Voilà, ma chère nièce, un compte exact de la manière dont j’achève une vie que je vous ai consacrée. Je vous embrasse tendrement.
V.
De Ferney 24 juin 1768. »
Projet Versoix par choiseul et Volti : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.athenaeu...
17:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, denis, necker, versoix, gex
06/04/2009
les intentions précises de vos saints et imbéciles martyrs
J'ai commencé la journée en apprenant le tremblement de terre italien : des morts, des blessés, des dégats matériels et, pour tout arranger, un président discutable qui, je l'espère, va consacrer autant d'énergie à réparer son pays qu'à se faire refaire le portrait ; vous le voyez, si celà se fait ainsi, pour une fois les travaux devraient aller bon train !!! Comme je n'ai plus d'illusions sur la nature des entrepreneurs de travaux italiens (mais pas seulement eux, d'ailleurs ) qui sont peu ou prou contrôlés par cette foutue mafia, les délogés ne sont pas près de voir repousser leurs habitations . Ou alors, ça a bien changé en Italie ! Pas trop tôt !!
Pour me requinquer, j'ai eu la chance d'écouter James Brown dans "It' a man's man' world ": pour moi, vision immédiate de dancing et slow collé-serré (une des rares danses que je sois capable de danser agréablement, -pour moi et ma partenaire-, soit dit en toute modestie ! ). Flash back "d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre". Heureux temps, temps angoissant, soucis, rires ; que faire et ne pas faire ? A quand le prochain slow ? Avant les rhumatismes, l'arthrite et la calvitie ....
http://www.lyricsmania.com/lyrics/james_brown_lyrics_846/...
http://www.youtube.com/watch?v=7_M2tp-ZHnM
En cette période où il n'est pas de jour sans qu'on parle des émigrés clandestins, une lettre de Volti qui échafaude des projets pour le bien de galériens huguenots ... Bonne idée! Fausse bonne idée plutôt !
« A Louis Necker, Négociant à Marseille
Il est nécessaire, Monsieur, que je reçoive incessamment les intentions précises de vos saints et imbéciles martyrs [protestants condamnés aux galères]. S’ils peuvent venir à la Cayenne avec chacun environ mille francs en effets convenables à ce pays là, je vous réponds qu’ils seront très bien reçus [projet de Choiseul du 27 novembre 1763, les exilés seraient reçus par Etienne-François Turgot nommé gouverneur de Guyane et « qui connait mieux que personne le prix de la tolérance »]. Ceux qui préfèrent une chaine de galériens à un climat qui est sous la ligne, sont bien les maitres de rester aux galères, où ils resteront certainement jusqu’à la fin de leur vie, mais ceux qui seront assez sages pour s’embarquer trouveront le plus beau climat de la nature, où l’on peut cultiver avec le plus grand succès le coton, la soie, le sucre, le cacao et l’indigo, et faire en peu de temps une fortune considérable. Si quelques familles protestantes veulent se joindre aux sages galériens, elles feront très bien de quitter un pays où elles seront persécutées, pour un pays où elles jouiront d’une liberté entière, et où elles gagneront beaucoup d’argent, ce qui après la liberté et les psaumes de Marot est une fort bonne chose. Je vous prie de m’instruire au plus tôt que vous pourrez de tout ce qu’il faudra représenter au ministre [Choiseul]. Il n’y a pas un moment à perdre si on veut que la chose réussisse [le 17 juin il sera informé qu’ils « ont préféré les galères à la Guyane »]. Je vous prie de faire mes compliments à M . et à Mme Mallet si vous les voyez, et d’être bien persuadé de tous les sentiments que j’ai pour vous.
Voltaire
6 avril 1764. »
Ref : Louis Necker :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Necker
Ref : Guyane au XVIIIème :
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://1a.img.v4.sk...
http://www.visites-p.net/dptmt/dptmp_guyane.htm
Volti, comme vous le verrez était bigrement optimiste sur les conditions offertes par le climat guyanais .
12:38 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, necker, protestant, guyane
22/11/2008
attention, gel dans 74000 ans
"A Marie-Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, rue Louis le Grand à Paris.
Raton {Voltaire}, mon respectable philosophe, est depuis vingt ans l'ami de Mme l'Enveloppe {M. l'Enveloppe des pensées= Necker}, et lui a eu, en divers temps quelques obligations. Il ne faut point être ingrat envers ses amis parcequ'il leur arrive quelque bonne fortune.
.....
Toutes ces disputes sont des balivernes. L'essentiel pour moi est que la petite ville que je batissais tout doucement est détruite avant d'être achevée, et que ses ruines m'écrasent. Je ne pourrai pas dire en mourant,
Urbem ridiculum statui, mea moenia vidi,
Et nunc parva mei sub terras ibit imago.
= J'ai fondé une ville ridicule, j'ai vu des murailles qui étaient à moi, et maintenant une petite image de moi va descendre sous terre.
Mes pauvres horlogers qui avaient fondé la ville sont persécutés. Je ne suis pas assez sot pour les soutenir. J'abandonne tout, je meurs ruiné. Jean s'en alla comme il était venu.
Cependant Gilles Shakespear [William Shakespeare] et maître Guénée triomphent. Peut-être tout cela changera dans soixante et quatorze mille ans, quand tout sera gelé.
Je vous embrasse très tendrement du fond de ma caverne.
Voltaire.
Ferney, le 22 novembre 1776."
Notre latiniste distingué avait un peu le blues en voyant que des tracasseries gouvernementales et fiscales faisaient fuir des travailleurs émigrés qui avaient le plus contribué à transformer le "hameau misérable peuplé de quarante sauvages" de 1758 en petite ville prospère de près de mille habitants. Nous étions déjà dans un état où les normes pouvaient entraver certaines pratiques, en l'occurrence, "la liberté de travailler l'or et l'argent à des titres inférieurs à ceux prescrits par les ordonnances", autorisation pourtant accordée par "le feu roi" (=Louis XV). Voltaire en arrivera à conclure que le meilleur moyen d'améliorer la situation est "qu'on nous oublie", particulièrement les fermiers généraux, le fisc de l'époque .
Je crois qu'en cette période riche en demande pécunière de l'Etat, taxes diverses et variées dont celle d'habitation, nous aussi formulons cette prière :"oubliez nous", nous saurons bien utiliser au mieux ce que vous prélevez !
Quand aux prédictions de gel de toute la terre, c'était une théorie du grand Buffon. Alors réchauffement ou pas ? A suivre...
16:47 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, condorcet, ferney, raton, necker, shakespeare