04/09/2009
ce sont mes mains qui ont travaillé
Loué soit Dieu, Dieu est Bach, et Glenn Gould est son prophète.
http://www.youtube.com/watch?v=wyOf_L4cNHc&NR=1
Bonheur ! et comment ne pas se réjouir d’avoir deux oreilles et un petit plus entre les deux !
Allez, je ne peux résister , fermez les yeux, battez la mesure (pas votre chat !), dansez tendrement et redemandez-en !
http://www.youtube.com/watch?v=buq-p8vSCLQ&feature=re...
« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul
Madame Gargantua, [le 11 septembre il expliquera à Mme Denis : «… pour qu’elle eût le premier bas de soie qu’on ait fait dans le pays de Gex, et pour que son mari qui fait bientôt bâtir sa ville de Versoix vît qu’on peut établir des manufacturiers dans sa colonie… j’avais demandé à Mme de Choiseul, qu’on dit posséder le plus joli et le plus petit pied du monde, un de ses souliers pour prendre juste ma mesure. Elle m’a envoyé un soulier de treize pieds de long. Je l’ai appelée Mme Gargantua ( et je lui ai envoyé des bas pour les enfants de Mme Gigogne.) »]
Pardon de la liberté grande, mais comme j’ai appris que monseigneur votre époux forme une colonie dans les neiges de mon voisinage [Versoix], j’ai cru devoir vous monter à tous deux ce que notre climat qui passe pour celui de la Sibérie sept mois de l’année peut produire d’utile.
Ce sont mes vers à soie qui m’ont donné de quoi faire ces bas, ce sont mes mains qui ont travaillé à les fabriquer chez moi avec les fils de Calas ; ce sont les premiers bas qu’on ait faits dans le pays.
Daignez les mettre, Madame, une seule fois, montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez, et si on n’avoue pas que ma soie est plus forte et plus belle que celle de Provence et d’Italie, je renonce au métier. Donnez-les ensuite à une de vos femmes, ils lui dureront un an.
Il faut donc que monseigneur votre époux soit bien persuadé qu’il n’y a point de pays si disgracié de la nature qu’on ne puisse en tirer parti.
Je me mets à vos pieds, j’ai sur eux des desseins ;
Je les prie humblement de m’accorder la joie
De les avoir logés dans ces mailles de soie
Qu’au milieu des frimas, je formai de mes mains.
Si La Fontaine a dit : Déchaussons ce que j’aime [dans La Courtisane amoureuse],
J’ose prendre un plus noble soin ;
Mais il vaudrait bien mieux, j’en juge par moi-même,
Vous contempler de près que vous chausser de loin.
Vous verrez, Madame Gargantua, que j’ai pris tout juste la mesure de votre soulier. Je ne suis fait pour contempler ni vos yeux ni vos pieds mais je suis tout fier de vous présenter de la soie de mon cru.
Si jamais il arrive un temps de disette, je vous enverrai dans un cornet de papier du blé que je sème et vous verrez si je ne suis pas un bon agriculteur digne de votre protection.
On dit que vous avez reçu parfaitement un petit médecin de notre colonie [Coste, que V* avait envoyé à Choiseul en avril fut très bien accueilli : on l’invita et on lui fit donner de gros appointements.], mais un laboureur est bien plus utile qu’un médecin. Je ne suis plus typographe [il se disait le typographe Guillemet dans ses lettres antérieures], je me donne entièrement à l’agriculture depuis le poème des Saisons de M. de Saint Lambert. Cependant s’il restait quelque chose de bien philosophique qui puisse vous amuser, je serai toujours à vos ordres.
Agréez, Madame, le profond respect de votre ancien colporteur, laboureur et manufacturier
Guillemet.
Ferney, 4 septembre 1769. »
Gigogne : ref : http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definitio...
Et comme je viens d'avoir de bonnes nouvelles de Mamzelle Wagnière , j'ai une joie à faire partager : http://www.youtube.com/watch?v=BywaOxQna6E&feature=fvw
21:12 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : voltaire, choiseul, gex, versoix, calas, bas, blé
24/06/2009
J’ose espérer qu’on ne me lapidera pas avec de petits cailloux
"Comme, Dieu merci, je n’ai jamais fait aucun ouvrage que le clergé puisse me reprocher" , ni les laïcs ajouterais-je pour mon compte, je ne peux être en aucun cas taxé de calomnie ...
Dieu merci !
-"Il n'y a pas de quoi, James !
-"Mais, doux Jésus, je suis votre humble serviteur.
-"Relève toi, James, tu vas me faire rougir.
-"Je voudrais bien voir ça !
-"Va tranquille, James, la France, fille aînée de ma fille l'EGLISE catholique apostolique et romaine est menée par un homme clairvoyant qui sait changer les couches ministres incompétents déplaisants .
-"Oui, toi, Seigneur, tu as changé l'eau en vin, mais je crains bien que ce remaniement ne soit fait en vain .
-"Plus d'allusion à ce mariage où m'a trainé ma mère - que moi-même la bénisse!- ! Je n'ai même pas été invité à celui du petit grand avec sa muse préférée.
-"Toujours est-il qu'il a pistonné un homme cultivé pour diriger le ministère de la culture . Est-ce bien raisonnable ?
-"Oui, James ! Fais toi à cette idée qu'il y a parfois du bon à remplacer une femme par un homme .
-"Euh ! mon Jésus unique et préféré, je te signale que je suis croyant jusqu'à un certain point mais non pratiquant !! Est-ce qu'un PACS peut suffire ?
-"Malgré ma science infuse, je ne vois pas ce que tu veux dire, James mon fils indigne !
-"Ah ! oui , PACS : Petite Action Solidaire , tu vois ce que je veux dire, comme dit mon collègue Hammou !
-"Oui, maintenant que tu me le rappelles, chacun doit égoïstement se faire du bien en faisant la même chose pour son semblable ; c'est ce que j'avais dit il y a déjà un bon moment.
-"Oui, environ deux mille ans mais tu as laissé la direction des travaux à des fonctionnaires mitrés.
-"J'aurais mieux fait de me casser une patte ce jour là ! La croix ce n'est plus de mon âge .
-"Un petit coup d'éternité et il n'y paraitra plus.
-"Va, James et blogge pour tes frères humains !
-"OK ! JC , I must go !
« A Marie-Louise Denis
Le Nekre [professeur Louis Necker, amant de « la femme de Vernes le marchand, frère de Vernes le prédicant ; Vernes le marchand lui avait « sanglé un coup de pistolet » en 1760], non pas le mari de la belle Nekre [Jacques Necker, financier, mari de Suzanne Curchod], mais l’ancien amant d’un cul pourri, mais l’assassiné, le banni, qui est actuellement un bon négociant de Marseille et qui a passé par son ancienne patrie, vous rendra cette lettre, ma chère nièce. Il faut que vous sachiez que tout le clergé est déchainé. Il s’imagine que c’est moi qui ai soulevé tous les esprits, et si on s’est saisi d’Avignon [qui appartenait au pape], s’il y a une guerre entre les catholiques et les dissidents en Pologne, j’en suis la cause. Damilaville vous aura peut-être dit que le cardinal de Choiseul, archevêque de Besançon, a oublié son nom pour se souvenir seulement qu’il est cardinal et que c’est lui qui a persécuté Fantet [libraire], l’avocat général de la chambre des comptes, et Leriche [qui a écrit un mémoire en faveur de Fantet en 1766]. Il a même, le croiriez-vous ? écrit aux fermiers généraux pour faire révoquer Leriche qui est inspecteur des domaines en Franche-Comté. Il leur a mandé qu’il remplissait la Franche-Comté de mes livres prétendus. Comme, Dieu merci, je n’ai jamais fait aucun ouvrage que le clergé puisse me reprocher, je n’ai pas voulu être la victime de la calomnie. J’ai demandé en général une lettre de recommandation à M. le duc et à Mme la duchesse de Choiseul [lettre du 27 mai à la duchesse] auprès du cardinal sans leur dire de quoi il s’agissait. Je l’ai obtenue. J’ai écrit au cardinal une lettre flatteuse et mesurée dans laquelle je me suis bien gardé d’entrer dans aucun détail, et dont il ne pourra jamais abuser, quand même il aurait la malhonnêteté de ne point répondre.
Le maçon qui fût repris de justice à Paris dans le temps qu’il y était porte-Dieu [évêque J.-P. Biord, qui fût vicaire de la Sainte Chapelle basse et ayant refusé d’être entendu pour une affaire de billets de confession, il fut « décrété de prise de corps » ; V* demandera à son neveu d’Hornoy d se renseigner à ce sujet], et qui est à présent à ce qu’il dit évêque et prince de Genève, a voulu remuer aussi. Je lui ai fermé la bouche par une conduite sage et nécessaire très approuvée par les Italiens adroits et blâmée à Paris par des gens de lettres qui riraient si j’étais sacrifié pour eux.
Si je ne peux échapper à la calomnie, j’échappe du moins à la persécution. Si Damilaville s’en tire avec six mille livres de pension, c’est un sort très heureux. Mme de Sauvigny qui avait mis dans sa tête de frustrer Damilaville de la place à lui promise [place de directeur du vingtième où il était premier commis depuis longtemps], m’avait assuré qu’elle lui ferait donner une forte pension. Je suppose qu’elle a tenu parole. Il est heureux, le voilà récompensé, et peu soupçonné. Je suis dans un cas tout différent. Mais je laisse gronder les orages uniquement occupé du Siècle de Louis XIV et de Louis XV. J’aurai bientôt achevé ce monument que j’érige à l’honneur de ma patrie sans flatterie et sans médisance. J’ose espérer qu’on ne me lapidera pas avec de petits cailloux tandis que je bâtis ce grand édifice.
J’ai lu par un grand hasard les Conseils raisonnables, la Profession de foi des théistes [les Conseils raisonnables à M. Bergier pour la défense du christianisme, 1768 ; les deux autres brochures sont aussi de V*], l’Épitre aux Romains, et quelques autres drogues. Je me flatte qu’on ne m’imputera pas ces bagatelles tandis que je me consume jour et nuit sur une histoire qui contient cent trente années.
Pour l’histoire de notre petit pays de Gex, elle sera bien courte. On n’a encore tracé ni le port ni la ville de Versoix. On n’a rien fait mais on va commencer. Si M. le duc de Virtemberg ne m’avais pas remis à deux ans pour me payer les soixante-dix mille livres qu’il me doit, je bâtirais à Versoix une maison pour faire ma cour à M. le duc de Choiseul et je crois que ce serait un assez bon effet pour vous. On y établira la poste dans huit jours. C’est Fabry qui l’a, car il a tout englouti. On donne à Racle l’entreprise du port. Racle au moins pourra se dédommager de la perte qu’il a faite en construisant sa ridicule maison, mais j’aurai toujours perdu ce que je lui ai prêté. Vous vous en tirerez un jour, à ce que j’espère.
Je fus bien surpris il y a six jours quand je vis arriver chez moi M. et Mme de Vaux [sœur et beau-frère de Dupuits époux de Marie-Françoise Corneille ; Mme de Vaux est surnommée « Pâté » par V* ; Mme Denis s’inquiète de leur présence], et une grande bâtarde de M. de Vaux et le petit Vau qui est très joli et la mie du petit Vau. . Les voilà établis ici. Je m’enferme dans ma chambre avec mes deux Siècles. Je parais seulement à la fin du diner et du souper, et cependant ils restent. Leur amusement est d’aller chez Mallet et chez Racle. On ne peut quitter un pays qui fournit des plaisirs si séduisants. Il est vrai que la moisson paraît belle, c’est-à-dire qu’on pourra bien avoir quatre pour un avec la paille. Voilà notre terre de promission. Elle est admirable pour quiconque a des yeux et des jambes. Mais ceux à qui ces organes manquent doivent y périr. Nous avons manqué un marché de deux cents mille livres. Vous n’en aurez jamais cinquante mille écus. Pour moi je la quitterais demain si je n’étais retenu par mes deux Siècles.
On prend, comme vous savez, le train de m’envoyer garnison. Il faut soulager le paysan, fournir des lits, des draps et des meubles à quatorze officiers et à deux cents soldats. Cela ruine et personne n’en sait le moindre gré. Il a fallu que j’achetasse du linge pour eux. Il est vrai qu’heureusement ma porte est toujours fermée, et que je suis en prison chez moi.
Voilà, ma chère nièce, un compte exact de la manière dont j’achève une vie que je vous ai consacrée. Je vous embrasse tendrement.
V.
De Ferney 24 juin 1768. »
Projet Versoix par choiseul et Volti : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.athenaeu...
17:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, denis, necker, versoix, gex
22/06/2009
j’ai jeté par terre toute l’église pour répondre aux plaintes d’en avoir abattu la moitié
J'ai beau être d'un naturel pacifique (si! je vous l'assure) , hier, pour les beaux reflets d'une médaille, j'ai, les armes à la main accepté deux duels. Comme nous n'allons pas jusqu'à la mort du concurrent au tir à l'arc, je n'ai été que blessé au premier duel et pour compenser j'ai occis ( d'un point durement gagné) mon deuxième adversaire; je dois avouer que celui-ci, je l'ai dans mon colimateur depuis quelque temps .
Autosatisfaction ? oui ! Et pourquoi pas ? Petit plaisir égoïste ? yes !
C'est la petite récompense de milliers de flèches décochées à l'entrainement et la compensation de cette éternelle insatisfaction d'être imparfait -je ne parle ici que de mon imperfection en temps qu'archer, car pour le reste, vous n'en doutez pas, j'espère, ma perfection est inaltérable ! (N'importe quoi !! ce James, direz-vous, ne va plus pouvoir mettre ni chaussures ni chapeau ? Eclair de lucidité, sauvé,il me reste des godasses de clown et un grand bonnet de nuit ... )
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
Mes divins anges, lisez mes remontrances avec attention et bénignité.
Considérez d’abord que le plan d’un cerveau n’a pas six pouces de large, et que j’ai pour cent toises au moins de tribulations. Le loisir fut certainement le père des muses ; les affaires en sont les ennemies, et l’embarras les tue. On peut bien, à la vérité, faire une tragédie, une comédie, ou deux ou trois chants d’un poème, dans une semaine d’hiver ; mais vous m’avouerez que cela est impossible dans le temps de la fenaison et de la moisson, des défrichements, et des dessèchements [dont un marais près du château de Ferney], et quand à ces travaux de campagne il se joint des procès, le tripot de Thémis l’emporte sur celui de Melpomène.Je vous ai caché une partie de mes douleurs ; mais enfin, il faut que vous sachiez que j’ai la guerre contre le clergé. Je bâtis une église assez jolie, dont le frontispice est d’une pierre aussi chère que le marbre. Je fonde une école, et pour prix de mes bienfaits, un curé d’un village voisin [le curé d’Ornex, promoteur de l’évêque d’Annecy, équivalant à un procureur du roi dans les cours ecclésiastiques]qui se dit promoteur, et un autre curé qui se dit official [le curé de Gex, official = juge ecclésiastique nommé par l’évêque ; V* ne reconnaissant pas ces droits, son avocat J.-M. Arnoult l’en détrompa le 15 juin], m’ont intenté un procès criminel pour un pied et demi de cimetière, et pour deux côtelettes de mouton qu’on a prises pour des os des morts déterrés.
On m’a voulu excommunier pour avoir voulu déranger une croix de bois [placée vis-à-vis le portail de l’église qu’il fait bâtir et qui « en déroberait aux yeux toute l’architecture » ; V* est accusé de l’avoir qualifiée de « potence » terme qu’il dit être utilisé par les charpentiers, donc il se serait exprimé en « bon architecte »] , et pour avoir abattu insolemment une partie d’une grange qu’on appelait paroisse.
Comme j’aime passionnément à être le maître, j’ai jeté par terre toute l’église pour répondre aux plaintes d’en avoir abattu la moitié. J’ai pris les cloches, l’autel, les confessionnaux, les fonts baptismaux ; j’ai envoyé mes paroissiens entendre la messe à une lieue.
Le lieutenant criminel, le procureur du roi sont venus instrumenter, j’ai envoyé promener tout le monde. Je leur ai signifié qu’ils étaient des ânes, comme de fait ils le sont ; j’avais pris mes mesures de façon que M. le procureur général du parlement de Dijon [Louis Quarré de Quintin] leur a confirmé cette vérité. Je suis à présent sur le point d’avoir l’honneur d’appeler comme d’abus, et ce ne sera pas maître Le Dains [auteur du réquisitoire contre le livre de Huerne qui protestait contre l’excommunication de comédiens] qui sera mon avocat. Je crois que je ferai mourir de douleur mon évêque [Deschamps de Chaumont] s’il ne meurt pas auparavant de gras fondu.
Vous noterez, s’il vous plait, qu’en même temps je m’adresse au pape en droiture [Clément XIII], ma destinée est de bafouer Rome, et de la faire servir à mes petites volontés. L’aventure de Mahomet [dédié à Benoit XIV en 1742, qui en fera la louange] m’encourage ; je fais donc une belle requête au Saint-Père, je demande des reliques pour mon église , un domaine absolu sur mon cimetière, une indulgence in articulo mortis, et pendant ma vie une belle bulle pour moi tout seul, portant permission de cultiver la terre les jours de fêtes sans être damné [« après la sainte messe » écrit-il ; « dans ce climat un jour de travail perdu détruit souvent toute l’espérance d’une année » et les paysans qui ne travaillent pas « passent le temps dans la débauche et dans les rixes »]. Mon évêque est un sot qui n’a pas voulu donner au malheureux petit pays de Gex la permission que je demande, et cette abominable coutume de s’enivrer en l’honneur de saints, au lieu de labourer, subsiste encore dans bien des diocèses ; le roi devrait, je ne dis pas permettre les travaux champêtres ces jours là, mais les ordonner. C’est un reste de notre ancienne barbarie, de laisser cette grande partie de l’économie de l’État entre les mains des prêtres.
M. de Courteilles vient de faire une belle action, en faisant rendre un arrêt du conseil pour les dessèchements des marais. Il devrait bien en rendre un qui ordonnât aux sujets du roi de faire croître du blé le jour de saint Simon et de saint Jude, tout comme un autre jour. Nous sommes la fable et la risée des nations étrangères, sur terre et sur mer, les paysans des cantons de Berne, mes voisins, se moquent de moi qui ne puis labourer mon champ que trois fois, tandis qu’ils le labourent quatre ; je rougis de m’adresser à l’évêque de Rome et non pas à un ministre de France, pour faire le bien de l’État.
Si ma supplique au pape, et ma lettre au cardinal Passionnei sont prêtes au départ de la poste, je les mettrai sous les ailes de mes anges qui auraient la bonté de faire passer mon paquet à M. le duc de Choiseul ; car je veux qu’il en rie et qu’il m’appuie. Cette négociation sera plus aisée à terminer honorablement que celle de la paix [Choiseul depuis la fin 1760 fait mener des négociations secrètes de paix entre Angleterre et France avec l’aide de l’Espagne].
Je passe du tripot de l’Église à celui de la comédie. Je croyais que frère Damilaville et frère Thiriot s’étaient adressés à mes anges, pour cette pièce qu’on prétend être d’après Jodelle [Le Droit du Seigneur], et qui est certainement d’un académicien de Dijon [V* est académicien de Dijon]; ils ont été si discrets qu’ils n’ont pas jusqu’à présent osé vous en parler. Il faudra pourtant qu’ils s’adressent à vous et que vous les protégiez très discrètement sous main, sans vous cacher visiblement.
Je ne saurais finir de dicter cette longue lettre sans vous dire à quel point je suis révolté de l’insolence absurde et avilissante avec laquelle on affecte encore de ne plus distinguer le théâtre de la Foire, du théâtre de Corneille, et Gilles, de Baron. Cela jette un opprobre odieux sur le seul art qui puisse mettre la France au dessus des autres nations, sur un art que j’ai cultivé toute ma vie aux dépens de ma fortune et de mon avancement. Cela doit redoubler l’horreur de tout homme pour la superstition et la pédanterie ; j’aimerais mieux voir les Français imbéciles et barbares comme ils l’ont été douze cents ans, que de les voir à demi éclairés. Mon aversion pour Paris est un peu fondée sur ce dégoût. Je me souviens avec horreur qu’il n’y a pas une de mes tragédies qui ne m’ait suscité les plus violents chagrins ; il fallait tout l’empire que vous avez sur moi, pour me faire rentrer dans cette détestable carrière. Je n’ai jamais mis mon nom à rien, parce que mettre son nom à la tête d’un ouvrage est ridicule, et on s’obstine à mettre mon nom à tout, c’est encore une de mes peines.
J’ajouterai que je hais si furieusement maître Omer [Omer Joly de Fleury qui a fait suspendre l’Encyclopédie, condamner le Poême sur la Loi naturelle par le parlement,…]que je ne veux pas me trouver dans la même ville où ce crapaud noir croasse. Voilà mon cœur ouvert à mes anges ; il est peut-être un peu rongé de quelques gouttes de fiel, mais vos bontés y versent mille douceurs.
Encore un mot ; cela ne finira pas de si tôt. Permettez que je vous adresse ma réponse à une lettre de M. de Nivernais [qui a souscrit à l’édition de la critique de V* sur Corneille]. L’embarras d’avoir les noms des souscripteurs pour les œuvres de l’excommunié et infâme Pierre Corneille [encore allusion au réquisitoire du batonnier Daims], ne sera pas une de nos moindres difficultés ; il y en a à tout. Ce monde-ci n’est qu’un fagot d’épines.
Vous n’aurez pas aujourd’hui ma lettre au pape, mes divins anges. On ne peut pas tout faire.
Je vous conjure d’accabler de louanges M. de Courteilles pour la bonne action qu’il a faite de me rendre un arrêt qui desséchera nos vilains marais.
Voilà une lettre qui doit terriblement vous ennuyer. Mais j’ai voulu vous dire tout.
Mme Denis et la pupille [Marie-Françoise Corneille] se joignent à moi.
V.
21 juin 1761. »
Petit lien sur "stance sur le retanchement des festes en 1666" : http://www.textesrares.com/poesie/b6_245.htm
16/06/2009
empêchez, si vous pouvez, les araignées de se manger
Donneurs de sang bénévoles de Gex : vous êtes formidables. Vous avez été 168 à répondre favorablement et vous présenter à la collecte de Gex (01170), dont 10 nouveaux.
Vous avez sans doute été sensibilisés, en plus des efforts locaux, par la campagne du dimanche 14 qui était à l’honneur des donneurs de sang du monde entier.
Hier soir, l’équipe de collecte de l’EFS (Établissement Français du Sang) était K.O debout et celle de l’amicale des donneurs de Gex qui assure l’intendance fatiguée et heureuse.
Donneurs nouveaux, donneurs anciens, soyez fidèles au don, au moins deux fois par an.
Passez d’excellentes vacances, et revenez en pleine forme pour les collectes futures, dont celle du 14 septembre à Gex.
http://www.rhonealpes.dondusang.net/donami/sang.php
Volti, lui ne connut que la saignée qui ne profite à personne, pas même raisonnablement à lui ! En revanche il fût un remarquable donneur d'espoir pour beaucoup...
« A René-Louis de Voyer de PAULMY, marquis d’Argenson
Eh ! bien, Monseigneur, vous aurai-je bientôt assez importuné, assez assommé de mes paquets [dont la cinquième édition du poême sur La Bataille de Fontenoy] pour les princesses du Nord ? Que direz-vous de mon influence ? Tantôt, c’est pour la princesse de Suède [Ulrique, sœur de Frédérique, qui avait épousé le prince héritier de Suède et venait d’inviter Voltaire], tantôt c’est pour la csarine. Vous êtes bien heureux que je vous sauve le roi de Prusse cette fois- ci. Vous auriez vraiment un paquet pour le pape si vous étiez à Paris. Je suis comme l’Arétin, en commerce avec toutes les têtes couronnées, mais il s’en faisait payer pour les amadouer. Recevez mes très humbles excuses pour cet énorme paquet que vous pourrez faire partir par la première flotte que vous enverrez à la pêche à la baleine.
Vous verrez par la lettre ci-jointe à cachet volant que j’adresse à M. d’Alion [Jean-louis d’Usson de Bonac, ambassadeur de France en Russie, par qui il fait parvenir ses œuvres à Catherine II et demande à être admis à l’Académie de Pétersbourg, étant déjà de celles de Londres, d’Edimbourg et Berlin], de quoi il s’agit, vous verrez que je veux des protections depuis Rome jusqu’à Pétersbourg, mais que surtout il me faut la vôtre. Ayez donc la bonté de me recommander à M. d’Alion comme le plus vieux serviteur que vous ayez.
Je n’ai pas encore entendu parler de M. l’abbé de Tolignan, quoiqu’il ait les portraits du saint Père encore dans sa poche [V* recevra le portrait de Benoit XIV, à qui il disait qu’il lisait ses œuvres ; les médailles reçues en août, il dédiera Mahomet au pape]. J’ai peur qu’il soit un peu fâché, car chacun est jaloux, à ce que je vois, de sa petite négociation [pour lui procurer les médailles ; Tolignan était un ami de Mlle du Thil amie de Mme du Châtelet ; le cardinal Acquaviva et l’abbé de Canillac s’étaient aussi entremis].
Je vous prépare une fête [Le Temple de la Gloire] pour votre retour. J’y couronnerai le roi de lauriers. En attendant vous recevrez une septième édition de Lille, et voici la sixième faite à Paris, de ce petit monument que j’ai élevé à la gloire de notre monarque. Dîtes-lui-en un peu de bien et empêchez, si vous pouvez, les araignées de se manger [expression qui revient quand il est question de faire la paix en Europe].
Eh ! bien, il pleut donc des victoires ! Le roi de Prusse bat nos ennemis [bataille de Friedberg 8 juin 1745], et fait des épigrammes contre eux. Oh ! la belle et glorieuse paix que vous ferez !
Voltaire
16 juin 1745 au soir. »
Pour les amateurs de BD, avec un relent historique pourquoi pas !Benoit xiv et ses contemporains dans de "folles" (comme les herbes sauvages, indisciplinées ) aventures.Je l'ai pas encore lue, qu'en dites-vous, si vous connaissez ?
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://ombres.stryg...
16:04 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voltaire, argenson, benoit, frederique, paix, suède, gex, sang
10/04/2009
Je me jette à vos gros et grands pieds
Aujourd'hui, vendredi dit saint, je me permets de vous présenter quelques figures remarquables du clergé catholique au XVIIIème siècle, allant des modestes capucins au pape, en passant par un abbé aux fonctions peu courantes !... Dieu reconnaitra les siens ...
Volti, représentant de luxe en bas de soie et montres, n'imaginait pas qu'un jour les frontaliers proches de Genève seraient le réservoir de main-d'oeuvre pour ce commerce de Genève qu'il ambitionnait de ruiner au profit de Ferney. Sic transit gloria mundi ...
«A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul
Madame,
En attendant que vous veniez faire votre entrée dans votre nouvelle ville qu’il est si difficile de fonder [Versoix] ; avant que je vous harangue à la tête des capucins [de Gex ; il en est le père temporel]; avant que je vous présente le vin de ville, le plus détestable vin qu’on ait jamais bu ; avant que je vous affuble du cordon de saint François que je vous dois [V* a fait accorder 600 livres aux capucins de Gex]; avant que je mette mon vieux cœur à vos pieds, pendant que les tracasseries sifflent à vos oreilles ; pendant que des polissons sont sous les armes dans le trou de Genève [violences du 16 février et 7 mars 1770]; pendant que tout le monde fait son jubilé chez les catholiques apostoliques romains [avènement du pape Clément XIV]; pendant que votre ami Moustapha tremble d’être détrôné par une femme [Catherine II], je chante en secret ma bienfaitrice dans le fond de mes déserts et comme on ne peut vous écrire que pour vous louer et vous remercier, je vous remercie de ce que vous avez bien voulu faire pour mon gendre Dupuits Corneille [recommandation à son officier supérieur, Bourcet].
J’ai eu l’insolence d’envoyer à vos pieds et à vos jambes les premiers bas de soie qu’on ait jamais faits dans l’horrible abîme de glaces et de neiges où j’ai eu la sottise de me confiner . J’ai aujourd’hui une insolence beaucoup plus forte. A peine Mgr Atticus Corsicus Pollion [Choiseul, nommé selon la coutume romaine de trois noms] a dit en passant dans son cabinet : « Je consens qu’on reçoive des émigrants », que sur le champ j’ai fait venir des émigrants dans mes chaumières [les Natifs de Genève, pourchassés par les « Bourgeois qui se disent nobles et seigneurs » et qui « assassinèrent quelques Genevois qui ne sont que Natifs. Les confrères des assassinés ne pouvant se réfugier dans la ville [Versoix]…, choisirent mon village de Ferney pour lieu de leur transmigration ; ils se sont répandus aussi dans les villages d’alentour… Ce sont tous d’excellents horlogers… Notre dessein est de ruiner maintenant le commerce de Genève et d’établir celui de Ferney. »], à peine y ont-ils travaillé qu’ils ont fait assez de montres pour en envoyer une petite caisse en Espagne. C’est le commencement d’un très grand commerce (ce qui ne devrait pas déplaire à M. l’abbé Terray) [contrôleur général des finances]. J’envoie la caisse à monseigneur le duc par ce courrier afin qu’il voie combien il est aisé de fonder une colonie quand on le veut bien. Nous aurons dans trois mois de quoi remplir sept ou huit autres caisses, nous aurons des montres dignes d’être à votre ceinture, et Homère ne sera pas le seul qui aura parlé de cette ceinture [ceinture de Vénus].
Je me jette à vos gros et grands pieds [à la demande de V* qui voulait une chaussure pour les mesures de bas de soie, la duchesse avait envoyé un soulier démesuré] pour vous conjurer de favoriser cet envoi, pour que cette petite caisse parte sans délai pour Cadix, soit par l’air soit par la mer, pour que notre protecteur, notre fondateur daigne donner les ordres les plus précis. J’écris passionnément à M. de La Ponce [secrétaire de Choiseul] pour cette affaire, dont dépend absolument un commerce de plus de cent mille écus par an. Je glisse même dans mon paquet un placet pour le roi. J’en présenterais un à Dieu, au diable, s’il y avait un diable, mais j’aime mieux présenter celui-ci aux Grâces.
O Grâces, protégez-nous !
C’est à vous qu’il faut s’adresser en vers et en prose.
Agréez, Madame, le profond respect, la reconnaissance, le zèle, l’impatience, les sentiments excessifs de votre très, humble et très obligé serviteur
Frère François
capucin plus indigne que jamais V…
9 avril 1770 à Ferney. »
18:23 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, choiseul, natifs, cadix, gex, versoix, horlogers