04/09/2009
ce sont mes mains qui ont travaillé
Loué soit Dieu, Dieu est Bach, et Glenn Gould est son prophète.
http://www.youtube.com/watch?v=wyOf_L4cNHc&NR=1
Bonheur ! et comment ne pas se réjouir d’avoir deux oreilles et un petit plus entre les deux !
Allez, je ne peux résister , fermez les yeux, battez la mesure (pas votre chat !), dansez tendrement et redemandez-en !
http://www.youtube.com/watch?v=buq-p8vSCLQ&feature=re...
« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul
Madame Gargantua, [le 11 septembre il expliquera à Mme Denis : «… pour qu’elle eût le premier bas de soie qu’on ait fait dans le pays de Gex, et pour que son mari qui fait bientôt bâtir sa ville de Versoix vît qu’on peut établir des manufacturiers dans sa colonie… j’avais demandé à Mme de Choiseul, qu’on dit posséder le plus joli et le plus petit pied du monde, un de ses souliers pour prendre juste ma mesure. Elle m’a envoyé un soulier de treize pieds de long. Je l’ai appelée Mme Gargantua ( et je lui ai envoyé des bas pour les enfants de Mme Gigogne.) »]
Pardon de la liberté grande, mais comme j’ai appris que monseigneur votre époux forme une colonie dans les neiges de mon voisinage [Versoix], j’ai cru devoir vous monter à tous deux ce que notre climat qui passe pour celui de la Sibérie sept mois de l’année peut produire d’utile.
Ce sont mes vers à soie qui m’ont donné de quoi faire ces bas, ce sont mes mains qui ont travaillé à les fabriquer chez moi avec les fils de Calas ; ce sont les premiers bas qu’on ait faits dans le pays.
Daignez les mettre, Madame, une seule fois, montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez, et si on n’avoue pas que ma soie est plus forte et plus belle que celle de Provence et d’Italie, je renonce au métier. Donnez-les ensuite à une de vos femmes, ils lui dureront un an.
Il faut donc que monseigneur votre époux soit bien persuadé qu’il n’y a point de pays si disgracié de la nature qu’on ne puisse en tirer parti.
Je me mets à vos pieds, j’ai sur eux des desseins ;
Je les prie humblement de m’accorder la joie
De les avoir logés dans ces mailles de soie
Qu’au milieu des frimas, je formai de mes mains.
Si La Fontaine a dit : Déchaussons ce que j’aime [dans La Courtisane amoureuse],
J’ose prendre un plus noble soin ;
Mais il vaudrait bien mieux, j’en juge par moi-même,
Vous contempler de près que vous chausser de loin.
Vous verrez, Madame Gargantua, que j’ai pris tout juste la mesure de votre soulier. Je ne suis fait pour contempler ni vos yeux ni vos pieds mais je suis tout fier de vous présenter de la soie de mon cru.
Si jamais il arrive un temps de disette, je vous enverrai dans un cornet de papier du blé que je sème et vous verrez si je ne suis pas un bon agriculteur digne de votre protection.
On dit que vous avez reçu parfaitement un petit médecin de notre colonie [Coste, que V* avait envoyé à Choiseul en avril fut très bien accueilli : on l’invita et on lui fit donner de gros appointements.], mais un laboureur est bien plus utile qu’un médecin. Je ne suis plus typographe [il se disait le typographe Guillemet dans ses lettres antérieures], je me donne entièrement à l’agriculture depuis le poème des Saisons de M. de Saint Lambert. Cependant s’il restait quelque chose de bien philosophique qui puisse vous amuser, je serai toujours à vos ordres.
Agréez, Madame, le profond respect de votre ancien colporteur, laboureur et manufacturier
Guillemet.
Ferney, 4 septembre 1769. »
Gigogne : ref : http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definitio...
Et comme je viens d'avoir de bonnes nouvelles de Mamzelle Wagnière , j'ai une joie à faire partager : http://www.youtube.com/watch?v=BywaOxQna6E&feature=fvw
21:12 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : voltaire, choiseul, gex, versoix, calas, bas, blé
24/06/2009
J’ose espérer qu’on ne me lapidera pas avec de petits cailloux
"Comme, Dieu merci, je n’ai jamais fait aucun ouvrage que le clergé puisse me reprocher" , ni les laïcs ajouterais-je pour mon compte, je ne peux être en aucun cas taxé de calomnie ...
Dieu merci !
-"Il n'y a pas de quoi, James !
-"Mais, doux Jésus, je suis votre humble serviteur.
-"Relève toi, James, tu vas me faire rougir.
-"Je voudrais bien voir ça !
-"Va tranquille, James, la France, fille aînée de ma fille l'EGLISE catholique apostolique et romaine est menée par un homme clairvoyant qui sait changer les couches ministres incompétents déplaisants .
-"Oui, toi, Seigneur, tu as changé l'eau en vin, mais je crains bien que ce remaniement ne soit fait en vain .
-"Plus d'allusion à ce mariage où m'a trainé ma mère - que moi-même la bénisse!- ! Je n'ai même pas été invité à celui du petit grand avec sa muse préférée.
-"Toujours est-il qu'il a pistonné un homme cultivé pour diriger le ministère de la culture . Est-ce bien raisonnable ?
-"Oui, James ! Fais toi à cette idée qu'il y a parfois du bon à remplacer une femme par un homme .
-"Euh ! mon Jésus unique et préféré, je te signale que je suis croyant jusqu'à un certain point mais non pratiquant !! Est-ce qu'un PACS peut suffire ?
-"Malgré ma science infuse, je ne vois pas ce que tu veux dire, James mon fils indigne !
-"Ah ! oui , PACS : Petite Action Solidaire , tu vois ce que je veux dire, comme dit mon collègue Hammou !
-"Oui, maintenant que tu me le rappelles, chacun doit égoïstement se faire du bien en faisant la même chose pour son semblable ; c'est ce que j'avais dit il y a déjà un bon moment.
-"Oui, environ deux mille ans mais tu as laissé la direction des travaux à des fonctionnaires mitrés.
-"J'aurais mieux fait de me casser une patte ce jour là ! La croix ce n'est plus de mon âge .
-"Un petit coup d'éternité et il n'y paraitra plus.
-"Va, James et blogge pour tes frères humains !
-"OK ! JC , I must go !
« A Marie-Louise Denis
Le Nekre [professeur Louis Necker, amant de « la femme de Vernes le marchand, frère de Vernes le prédicant ; Vernes le marchand lui avait « sanglé un coup de pistolet » en 1760], non pas le mari de la belle Nekre [Jacques Necker, financier, mari de Suzanne Curchod], mais l’ancien amant d’un cul pourri, mais l’assassiné, le banni, qui est actuellement un bon négociant de Marseille et qui a passé par son ancienne patrie, vous rendra cette lettre, ma chère nièce. Il faut que vous sachiez que tout le clergé est déchainé. Il s’imagine que c’est moi qui ai soulevé tous les esprits, et si on s’est saisi d’Avignon [qui appartenait au pape], s’il y a une guerre entre les catholiques et les dissidents en Pologne, j’en suis la cause. Damilaville vous aura peut-être dit que le cardinal de Choiseul, archevêque de Besançon, a oublié son nom pour se souvenir seulement qu’il est cardinal et que c’est lui qui a persécuté Fantet [libraire], l’avocat général de la chambre des comptes, et Leriche [qui a écrit un mémoire en faveur de Fantet en 1766]. Il a même, le croiriez-vous ? écrit aux fermiers généraux pour faire révoquer Leriche qui est inspecteur des domaines en Franche-Comté. Il leur a mandé qu’il remplissait la Franche-Comté de mes livres prétendus. Comme, Dieu merci, je n’ai jamais fait aucun ouvrage que le clergé puisse me reprocher, je n’ai pas voulu être la victime de la calomnie. J’ai demandé en général une lettre de recommandation à M. le duc et à Mme la duchesse de Choiseul [lettre du 27 mai à la duchesse] auprès du cardinal sans leur dire de quoi il s’agissait. Je l’ai obtenue. J’ai écrit au cardinal une lettre flatteuse et mesurée dans laquelle je me suis bien gardé d’entrer dans aucun détail, et dont il ne pourra jamais abuser, quand même il aurait la malhonnêteté de ne point répondre.
Le maçon qui fût repris de justice à Paris dans le temps qu’il y était porte-Dieu [évêque J.-P. Biord, qui fût vicaire de la Sainte Chapelle basse et ayant refusé d’être entendu pour une affaire de billets de confession, il fut « décrété de prise de corps » ; V* demandera à son neveu d’Hornoy d se renseigner à ce sujet], et qui est à présent à ce qu’il dit évêque et prince de Genève, a voulu remuer aussi. Je lui ai fermé la bouche par une conduite sage et nécessaire très approuvée par les Italiens adroits et blâmée à Paris par des gens de lettres qui riraient si j’étais sacrifié pour eux.
Si je ne peux échapper à la calomnie, j’échappe du moins à la persécution. Si Damilaville s’en tire avec six mille livres de pension, c’est un sort très heureux. Mme de Sauvigny qui avait mis dans sa tête de frustrer Damilaville de la place à lui promise [place de directeur du vingtième où il était premier commis depuis longtemps], m’avait assuré qu’elle lui ferait donner une forte pension. Je suppose qu’elle a tenu parole. Il est heureux, le voilà récompensé, et peu soupçonné. Je suis dans un cas tout différent. Mais je laisse gronder les orages uniquement occupé du Siècle de Louis XIV et de Louis XV. J’aurai bientôt achevé ce monument que j’érige à l’honneur de ma patrie sans flatterie et sans médisance. J’ose espérer qu’on ne me lapidera pas avec de petits cailloux tandis que je bâtis ce grand édifice.
J’ai lu par un grand hasard les Conseils raisonnables, la Profession de foi des théistes [les Conseils raisonnables à M. Bergier pour la défense du christianisme, 1768 ; les deux autres brochures sont aussi de V*], l’Épitre aux Romains, et quelques autres drogues. Je me flatte qu’on ne m’imputera pas ces bagatelles tandis que je me consume jour et nuit sur une histoire qui contient cent trente années.
Pour l’histoire de notre petit pays de Gex, elle sera bien courte. On n’a encore tracé ni le port ni la ville de Versoix. On n’a rien fait mais on va commencer. Si M. le duc de Virtemberg ne m’avais pas remis à deux ans pour me payer les soixante-dix mille livres qu’il me doit, je bâtirais à Versoix une maison pour faire ma cour à M. le duc de Choiseul et je crois que ce serait un assez bon effet pour vous. On y établira la poste dans huit jours. C’est Fabry qui l’a, car il a tout englouti. On donne à Racle l’entreprise du port. Racle au moins pourra se dédommager de la perte qu’il a faite en construisant sa ridicule maison, mais j’aurai toujours perdu ce que je lui ai prêté. Vous vous en tirerez un jour, à ce que j’espère.
Je fus bien surpris il y a six jours quand je vis arriver chez moi M. et Mme de Vaux [sœur et beau-frère de Dupuits époux de Marie-Françoise Corneille ; Mme de Vaux est surnommée « Pâté » par V* ; Mme Denis s’inquiète de leur présence], et une grande bâtarde de M. de Vaux et le petit Vau qui est très joli et la mie du petit Vau. . Les voilà établis ici. Je m’enferme dans ma chambre avec mes deux Siècles. Je parais seulement à la fin du diner et du souper, et cependant ils restent. Leur amusement est d’aller chez Mallet et chez Racle. On ne peut quitter un pays qui fournit des plaisirs si séduisants. Il est vrai que la moisson paraît belle, c’est-à-dire qu’on pourra bien avoir quatre pour un avec la paille. Voilà notre terre de promission. Elle est admirable pour quiconque a des yeux et des jambes. Mais ceux à qui ces organes manquent doivent y périr. Nous avons manqué un marché de deux cents mille livres. Vous n’en aurez jamais cinquante mille écus. Pour moi je la quitterais demain si je n’étais retenu par mes deux Siècles.
On prend, comme vous savez, le train de m’envoyer garnison. Il faut soulager le paysan, fournir des lits, des draps et des meubles à quatorze officiers et à deux cents soldats. Cela ruine et personne n’en sait le moindre gré. Il a fallu que j’achetasse du linge pour eux. Il est vrai qu’heureusement ma porte est toujours fermée, et que je suis en prison chez moi.
Voilà, ma chère nièce, un compte exact de la manière dont j’achève une vie que je vous ai consacrée. Je vous embrasse tendrement.
V.
De Ferney 24 juin 1768. »
Projet Versoix par choiseul et Volti : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.athenaeu...
17:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, denis, necker, versoix, gex
10/04/2009
Je me jette à vos gros et grands pieds
Aujourd'hui, vendredi dit saint, je me permets de vous présenter quelques figures remarquables du clergé catholique au XVIIIème siècle, allant des modestes capucins au pape, en passant par un abbé aux fonctions peu courantes !... Dieu reconnaitra les siens ...
Volti, représentant de luxe en bas de soie et montres, n'imaginait pas qu'un jour les frontaliers proches de Genève seraient le réservoir de main-d'oeuvre pour ce commerce de Genève qu'il ambitionnait de ruiner au profit de Ferney. Sic transit gloria mundi ...
«A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul
Madame,
En attendant que vous veniez faire votre entrée dans votre nouvelle ville qu’il est si difficile de fonder [Versoix] ; avant que je vous harangue à la tête des capucins [de Gex ; il en est le père temporel]; avant que je vous présente le vin de ville, le plus détestable vin qu’on ait jamais bu ; avant que je vous affuble du cordon de saint François que je vous dois [V* a fait accorder 600 livres aux capucins de Gex]; avant que je mette mon vieux cœur à vos pieds, pendant que les tracasseries sifflent à vos oreilles ; pendant que des polissons sont sous les armes dans le trou de Genève [violences du 16 février et 7 mars 1770]; pendant que tout le monde fait son jubilé chez les catholiques apostoliques romains [avènement du pape Clément XIV]; pendant que votre ami Moustapha tremble d’être détrôné par une femme [Catherine II], je chante en secret ma bienfaitrice dans le fond de mes déserts et comme on ne peut vous écrire que pour vous louer et vous remercier, je vous remercie de ce que vous avez bien voulu faire pour mon gendre Dupuits Corneille [recommandation à son officier supérieur, Bourcet].
J’ai eu l’insolence d’envoyer à vos pieds et à vos jambes les premiers bas de soie qu’on ait jamais faits dans l’horrible abîme de glaces et de neiges où j’ai eu la sottise de me confiner . J’ai aujourd’hui une insolence beaucoup plus forte. A peine Mgr Atticus Corsicus Pollion [Choiseul, nommé selon la coutume romaine de trois noms] a dit en passant dans son cabinet : « Je consens qu’on reçoive des émigrants », que sur le champ j’ai fait venir des émigrants dans mes chaumières [les Natifs de Genève, pourchassés par les « Bourgeois qui se disent nobles et seigneurs » et qui « assassinèrent quelques Genevois qui ne sont que Natifs. Les confrères des assassinés ne pouvant se réfugier dans la ville [Versoix]…, choisirent mon village de Ferney pour lieu de leur transmigration ; ils se sont répandus aussi dans les villages d’alentour… Ce sont tous d’excellents horlogers… Notre dessein est de ruiner maintenant le commerce de Genève et d’établir celui de Ferney. »], à peine y ont-ils travaillé qu’ils ont fait assez de montres pour en envoyer une petite caisse en Espagne. C’est le commencement d’un très grand commerce (ce qui ne devrait pas déplaire à M. l’abbé Terray) [contrôleur général des finances]. J’envoie la caisse à monseigneur le duc par ce courrier afin qu’il voie combien il est aisé de fonder une colonie quand on le veut bien. Nous aurons dans trois mois de quoi remplir sept ou huit autres caisses, nous aurons des montres dignes d’être à votre ceinture, et Homère ne sera pas le seul qui aura parlé de cette ceinture [ceinture de Vénus].
Je me jette à vos gros et grands pieds [à la demande de V* qui voulait une chaussure pour les mesures de bas de soie, la duchesse avait envoyé un soulier démesuré] pour vous conjurer de favoriser cet envoi, pour que cette petite caisse parte sans délai pour Cadix, soit par l’air soit par la mer, pour que notre protecteur, notre fondateur daigne donner les ordres les plus précis. J’écris passionnément à M. de La Ponce [secrétaire de Choiseul] pour cette affaire, dont dépend absolument un commerce de plus de cent mille écus par an. Je glisse même dans mon paquet un placet pour le roi. J’en présenterais un à Dieu, au diable, s’il y avait un diable, mais j’aime mieux présenter celui-ci aux Grâces.
O Grâces, protégez-nous !
C’est à vous qu’il faut s’adresser en vers et en prose.
Agréez, Madame, le profond respect, la reconnaissance, le zèle, l’impatience, les sentiments excessifs de votre très, humble et très obligé serviteur
Frère François
capucin plus indigne que jamais V…
9 avril 1770 à Ferney. »
18:23 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, choiseul, natifs, cadix, gex, versoix, horlogers